PARTIE 3
GUERRE SECRÈTE
MISSION #072 – BONS BAISERS DE RUSSIE2014.
Avec l’arrivée de la Bactérie-Z, Orloff eut le vent en poupe. Voronov aussi. Pour le docteur, c’était l’occasion d’accomplir son vieux rêve, sa vieille utopie. Poutine n’était pas le seul à voir en la chute de l’URSS la plus grande catastrophe du 20ème siècle. Voronov le rejoignait totalement, et allait encore plus loin : pour lui, l’URSS avait perdu la Guerre froide le jour où Staline était mort. Tous ceux qui avaient suivi, par la suite, s’étaient révélés être des minables, des faibles, comme Brejnev, ou encore Gorbatchev. Quand l’Armée rouge avait décidé d’envahir l’Afghanistan, au lieu de consolider ses positions en Europe de l’Est, et d’empêcher le bloc de l’Est de se fracturer, Voronov avait avalé sa chemise. Pour lui, l’Armée rouge aurait du aller en Pologne, consolider ses positions, éradiquer les velléités indépendantistes, comme ce stupide mouvement polonais, Solidarność. Voronov était partisan d’une Russie forte, et rejetait en bloc le concept de démocratie bourgeoise à l’occidentale. Il avait de grands projets, non seulement pour la Russie, mais aussi pour le monde entier, et la Bactérie-Z allait l’y aider.
Malheureusement, il y a toujours un ver dans le fruit. Orloff apprit, de la part de Voronov, que l’une de ses assistantes, à Baïkonour, travaillait secrètement comme agente secrète pour le compte des Américains, et avait réussi à subtiliser un échantillon de la Bactérie-Z. La CIA savait que Voronov préparait quelque chose, et on ne pouvait pas laisser les Occidentaux mettre la main sur les échantillons. L’échange devait avoir lieu à Sotchi. Des agents infiltrés tenteraient de remettre aux Américains un échantillon de la Bactérie-Z. La CIA profitait de l’organisation des Jeux Olympiques pour envoyer ses propres agents, mais le FSB avait toujours son réseau, qu’Orloff utilisa, pour envoyer ses propres agents... Et, parmi ceux-là, il y eut naturellement Black Widow.
Widow se rendit donc à Sotchi, afin de retrouver l’échantillon de la Bactérie-Z. En aucun cas, les Occidentaux ne devaient être mis au courant de l’existence de la Bactérie-Z, car le Plan était déjà lancé. La jeune femme réussit à infiltrer le complexe sportif, grâce à l’aide des documents fournis par Orloff, qui faisait d’elle une sportive, et réussit à empêcher l’échange. Il se déroula pendant la nuit, le long d’une piste de ski, dans un terrain dégagé. Elle aurait pu utiliser un fusil à lunettes, mais les ordres étaient de récupérer l’échantillon en personne, et de ne surtout pas le briser. Elle préféra donc s’y rendre en personne. L’opération était plus risquée, mais Widow avait appris à obéir. Elle devait aussi éviter, à tout prix, un scandale médiatique. Les caméras du monde entier étaient braqués sur Sotchi, et, à choisir entre la perte de l’échantillon de la bactérie, ou à ce que les médias apprennent qu’un remake douteux de la Guerre Froide se déroulait sous leurs nez, Orloff ne savait pas quoi choisir. L’opération fut un succès partiel. L’échange fut annulée, les traîtres russes furent abattus, mais les Américains réussirent à s’échapper. Malheureusement, l’échantillon de la Bactérie-Z n’était pas là.MISSION #073 – LA GRANDE ÉVASION2014.
Que Voronov ait choisi d’accepter Natalya Vardinska dans son équipe, voilà qui sidéra Orloff quand il apprit le profil de cette jeune femme. Une brillante scientifique, qui avait suivi ses études à Oxford, mais qui était originaire de Grozny. Autant dire qu’elle n’avait guère coûté les manœuvres russes menées contre la Tchétchénie au début du nouveau millénaire, et qui avaient durablement meurtri cette région. Pour Orloff, il était évident que c’était à Oxford que Natalya avait choisi de trahir la Russie en rejoignant les Occidentaux. Une jeune femme belle, idéaliste... Le pire profil pour une Russe. L’idéalisme, voilà bien une flagornerie occidentale. Les Russes avaient toujours été réalistes et pragmatiques, et c’était comme ça qu’ils avaient vaincu le diable nazi. Orloff obtint de Voronov que Vardinska soit transférée à la place Loubianka, dans les locaux du FSB, où elle fut enregistrée comme une terroriste tchétchène. L’objectif d’Orloff était surtout de la torturer pour qu’elle dise où elle avait envoyé l’échantillon de la Bactérie-Z. Orloff, cependant, savait que Vardinska ne parlerait jamais, et avait donc pris ses dispositions. La CIA tenterait assurément de la secourir, et il opéra un transfert de Vardinska dans une prison... Ne manquant pas d’humour, il choisit justement celle où avaient été envoyées les salopes chanteuses lesbiennes, les Pussy Riot. Là encore, que Poutine ait choisi de la libérer avait fait fulminer Orloff. Si ça n’avait tenu qu’à lui, elles auraient fini dans les profondeurs de la Sibérie, à se congeler le cul.
Widow fut chargée de suivre le convoi, et de ne surtout pas intervenir. Le convoi devait aller à une prison située en-dehors de Moscou, afin d’éviter que les médias ne s’en mêlent, et que personne ne cherche à ébruiter cette histoire. Comme Orloff s’y attendait, les Américains menèrent un assaut dans une route de campagne, et Black Widow se chargea de les suivre.
C’est ainsi qu’elle apprit que les agents que les Américains avaient rencontré à Sotchi étaient, eux aussi, des résistants venus de Tchétchénie, et qu’ils avaient dissimulé l’échantillon de la Bactérie-Z à Detsky Mir.MISSION #074 – LE MONDE DE L’ENFANCE2014.
Detsky Mir... Probablement le plus célèbre magasin de jouets de Moscou. On l’appelait « Le Monde des Enfants », et c’était d’ailleurs là la traduction de « Detsky Mir ».Retrouver l’échantillon de la Bactérie-Z dans tout ce cloaque ne serait pas facile. Mais c’était impératif. Voronov ne pensait pas que les Occidentaux puissent trouver un moyen d’empêcher son plan, mais ce n’était pas une raison pour sous-estimer son ennemi. Detsky Mir subissait une période d’affluence, en raison des JO de Sotchi. Il y avait énormément de touristes, désireux d’obtenir les célèbres poupées russes, les matriochka. L’échantillon du virus se trouvait justement dans l’une de ces matriochkas. Pour l’envoyer en passant la douane, Vardinska avait scellé la dernière poupée russe d’un ensemble, abritant ainsi le terrible produit. S’il se libérait par inadvertance dans Detsky Mir, les conséquences en seraient terribles, et c’était une autre chose à laquelle Widow devait veiller : éviter un affrontement. Elle avançait dans le magasin, similaire aux Américains.
Malheureusement, ces derniers furent plus rapides. Ils furent en effet aidés par une caissière, qui était l’amante d’un des espions tués à Sotchi. Cette dernière leur remit la bonne poupée russe, et ils purent s’enfuir avec. Ce fut le premier véritable échec de Black Widow. Elle tenta de rattraper les agents américains, mais ils réussirent à rejoindre un jet privé à Vnoukovo, et à s’envoler sous ses yeux.
Quand Orloff fit à Voronov le compte-rendu de la mission, ce dernier éprouva une certaine colère, et décida de précipiter le Plan. Les Occidentaux avaient besoin d’une bonne leçon, et il savait comment faire.
Parc Léopold, Bruxelles
Mars 2014
Cette vue le détendait. Toujours. Quoi de plus agréable, en même temps, que la vue de ce bel étang ? Bruxelles était, pour ça, une superbe ville. Une ville verte. Dwayne Ethenson s’accordait toujours une demi-heure en début de semaine pour se promener dans les allées du parc Léopold, avant de rejoindre ses bureaux, Rue de la Loi. Depuis le parc Léopold, on était très proche du siège de la Commission Européenne, et il avait pris cette habitude, en prenant ses fonctions, de se détendre un peu, avant d’aller s’occuper de cette monstrueuse machine qu’était l’Union Européenne. Force était d’admettre qu’il avait effectivement besoin de se détendre : la crise en Ukraine n’en désemplissait pas, et tout le monde s’accordait à dire que le soutien de la France allait s’effondrer dans quelques jours. Les élections municipales se rapprochaient, et, au vu des différents sondages, il y avait fort à parier que le parti majoritaire allait s’en prendre plein la figure. En soi, de simples élections locales n’influaient pas vraiment sur le déroulement des affaires au sein de l’UE, mais, quand il s’agissait d’un pays comme la France, l’un des six États-fondateurs... Ethenson ne se faisait pas d’illusions : l’UE ne valait rien sans l’influence diplomatique de l’Allemagne et de la France, surtout contre un mastodonte comme la Russie.
Ethenson était proche du commissaire anglais, et était favorable à une ligne durcie à l’encontre de la Russie. Il voyait d’un mauvais œil les atteintes agressives à la souveraineté, et pouvait volontiers se définir comme un eurosceptique. Il n’aimait pas non plus les atteintes souverainistes de l’Union Européenne : l’effondrement des frontières, l’instauration d’une monnaie unique, avec tous les problèmes que l’euro avait engendré, et, dans un registre plus anglais, la pression européenne pour que ces derniers acceptent de faire voter des prisonniers politiques... Certes, ce n’était pas Bruxelles qui était derrière ça, mais Strasbourg, mais, pour Ethenson, c’était un peu du pareil au même. Le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne étaient aussi proches que deux frères vivant dans la même maison, et se rencontrant le soir en privé pour discuter de leurs journées. En fier élève de Churchill, Ethenson, qui avait d’ailleurs consacré sa thèse à l’héritage churchillien dans l’Angleterre, ne pouvait accepter de voir les velléités russes restées impunies.
Il se détendait donc le long du parc Léopold, et reprit sa route le long de ce dernier. Il quitta le parc, et s’engagea sur Belliard straat, afin de rejoindre Froissart straat, remonter la rue, et être ainsi devant les locaux. En chemin le long de la rue, Ethenson choisit néanmoins de s’arrêter à une boulangerie PAUL, afin d’y commander une viennoiserie, comme un délicieux pain aux raisins. Il ne comptait pas affronter l’Europe l’estomac vide. Il en profita pour observer l’avancement des travaux de façade le long de la rue, et entra à l’intérieur de la boulangerie, saluant le boulanger, Martin.
« Un pain au chocolat, Monsieur le commissaire ? demanda le boulanger avec un sourire.
- Ah, j’ai bien peur que ce titre soit encore un peu trop présomptueux, mon ami... Non, non, servez-moi plutôt l’un de vos délicieux pains aux raisins.
- Tout de suite, Monsieur. »
Le caissier se dirigea vers le produit demandé, tandis que le regard d’Ethenson s’attarda sur une jeune fille qui le regardait silencieusement, nerveusement.
« C’est votre fille ?
- Hum ? Oui, Monsieur. Elle n’avait pas école aujourd’hui : une professeur malade, je crois… »
Dwayne hocha lentement la tête, et paya le caissier, puis commença à croquer dans le pain aux raisins, tout en discutant un peu avec la fille de Martin. Cette dernière était timide, mais elle lui dit que, selon son papa, Dwayne était un « monsieur important », et qu’il travaillait « avec plein de gens importants ».
« Ah, elle est trop mignonne, cette petite ! Vous féliciterez votre épouse, Martin !
- Je n’y manquerais pas, Monsieur. »
Dwayne laissa la jeune fille lui faire un bécot, puis quitta la boulangerie, et, sur une démarche guillerette, s’en alla vers les bureaux de la Commission Européenne. En chemin, il se surprit à avoir envie de siffloter, tel Gene Kelly. C’était curieux à dire, mais il préférait largement ce genre d’entretiens, avec les gens du commun, plutôt que de s’enfermer des heures dans les locaux élégants de la Commission.
En rejoignant le rond-point Robert Schuman, face au massif bâtiment de la Commission, Dwayne éternua.
MISSION #075 – UN SÉJOUR À PARIS2014. | Récupérer l’échantillon de la Bactérie-Z était nécessaire. Voronov ne voulait pas que les Occidentaux puissent réfléchir sur la bactérie, et trouver un moyen de contrer son virus. Le docteur avait une solide influence, de même qu’Orloff, et il apprit ainsi que l’échantillon avait été envoyé dans les locaux du CNRS, afin d’être étudié par les scientifiques. Orloff choisit d’envoyer Widow pour récupérer l’échantillon, tout en se débrouillant pour que les Occidentaux pensent que le FSB était derrière ce forfait.
Le siège du CNRS était à Paris, rue Michel-Ange, à la sortie de la station de métro Michel-Ange – Auteuil, à l’entrée de la ville. Le CNRS était accessible depuis la rue Boileau, où se trouvait la clinique médicale et pédagogique Édouard Rist. Widow emménagea à Paris. Elle savait que le temps était compté, car l’échantillon serait très certainement rapidement déplacé. Après un repérage des lieux, elle attaqua pendant la nuit, en pensant par la clinique, moins surveillée que les locaux du CNRS. S’infiltrer fut extrêmement facile, car il s’agissait d’un établissement civil.
Elle atteignit les toits du lycée Jean-Baptiste Say, et, de là, réussit à atteindre la clinique, en tendant un câble. Sur le toit de la clinique, elle rejoignit celui du CNRS, et s’infiltra dans les locaux. Grâce à des agents travaillant pour Voronov, Widow savait précisément où se rendre, et évita de se faire repérer. Elle ignorait comment accuser le FSB à sa place, mais en trouva l’occasion lors d’une altercation avec un agent du SHIELD, qui avait été placé là pour protéger l’échantillon de la bactérie. Widow et lui combattirent, et leur lutte déclencha un incendie. Black Widow neutralisa l’adversaire, récupéra l’échantillon, et laissa sur place un bout de tissu, afin d’accuser le FSB.
Satisfaite, elle quitta ensuite Paris, sans même avoir eu le temps de grimper sur la Tour Eiffel. |
RAPPORT #006 (extraits)
- Date de remise du rapport : 08/04/2014
- Identité de l’auteur : Clint Barton
L’Agent X... est étonnant. Tout simplement. Je ne ferais pas la même analyse, très scientifique, qui a été faite par le docteur Trevor, car ce n’est pas ce qu’on m’a demandé. Je me suis rapproché de X..., et nous avons pu discuter de choses et d’autres. Elle passe l’essentiel de son temps à lire, et à se renseigner sur notre société. Elle a une capacité de lecture qui est tout simplement phénoménale, sans parler, évidemment, de sa capacité à réfléchir, à interpréter, et à analyser notre décor. Et elle a un de ces culs ! On a beau la surveiller, je pense que, si elle voulait vraiment s’évader du complexe, elle le ferait sans aucune difficulté. Elle est avec nous parce qu’elle se sent perdue, tout simplement, et qu’elle n’a plus ses repères. Elle ignore qui elle est, et je suis bien en peine de lui donner une réponse. Néanmoins, j’aime bien son contact, et ce même si elle m’a pété le bras. Je la traîne parfois hors de la bibliothèque pour l’emmener en salle d’entraînement. Elle se débrouille très bien, même si elle ignore comment elle réalise certains mouvements. Je pense qu’elle a effectivement été conditionnée pour être une tueuse d’élite, et, si son cerveau a perdu la mémoire, son corps, elle, continue à réagir. Elle est bien moins dangereuse que ce qu’elle était en venant ici, mais je pense qu’il ne lui faudra pas trop de temps pour redevenir cette femme qui a su mettre à genoux tout notre système de sécurité.
Elle et moi avons surtout parlé de la Russie et des Etats-Unis. Elle a été conditionnée pour voir en l’Occident le « Grand Satan » du monde, et m’a parlé de la guerre en Irak, des interventions de notre pays auprès des dictatures sud-américaines, de notre participation active au trafic d’armes, de la pollution atmosphérique, de nos entreprises irrespectueuses des valeurs humaines, de la marche forcée du monde... Elle m’a cité des auteurs occidentaux pour remettre en cause notre vision de la démocratie libérale comme un paradigme sociétal, Lampedusa en tête, ou encore les regrets de Tocqueville suite au suffrage universel en 1848 en France. Honnêtement, je crois qu’elle a plus de culture que moi là-dessus. Son cerveau est une ruche en ébullition, mais elle n’est pas obtuse.
J’ai essayé de lui montrer que les choses n’étaient pas aussi simples que ça, et je l’ai fait en contre-attaquant sur des sujets que je connais bien, puisque j’ai été un agent actif dans ces pays-là. Je lui ai notamment parlé de la Tchétchénie, et des offensives menées par les Russes. Je lui ai parlé de ces « détails » qu’elle ignorait, comme les filtratsionye lageri, ces fameux camps de filtration où les Russes ont entassé ceux accusés d’être des résistants, des boeivik.
Ce qui a achevé de la convaincre, ça a été cette image prise en 1996, par ce Français, Éric Bouvet. X... a admis que les choses n’étaient peut-être pas aussi simples que ce qu’on avait bien voulu lui faire croire. Je pense qu’elle est perdue, qu’elle n’a plus de points de repères, pour me répéter. C’est assez paradoxal, mais j’ai l’intime conviction que, malgré tout son potentiel, si on la libérait dans la Nature, elle ne saurait pas quoi faire. Elle a été formatée pour devenir une soldate, et je ne pense pas que c’est notre armée qui fera évoluer les choses, et dans son genre, elle est terriblement douée. | |
MISSION #076 – ÉCHEC AU ROI2014.
La situation échappait au contrôle d’Orloff. Les Américains en savaient trop, et avaient eu le temps de se renseigner sur le contenu de la Bactérie-Z. Le général était déjà en train de songer à un moyen d’éviter pour lui que tout ce merdier ne lui pète à la gueule. Il venait en effet enfin de comprendre qu’il était la cinquième roue du carrosse, et qu’il ne servait que de parachute à Voronov, et aux alliés de cet homme. Tout ça dépassait de loin un simple putsch contre le pouvoir en place. Orloff avait aidé Voronov du mieux qu’il l’avait pu, sans comprendre que le docteur s’était joué de lui. C’était Orloff qui avait fourni à Voronov des prisonniers tchétchènes durant la guerre. Ils étaient des milliers à s’entasser dans les camps de filtration, et il n’avait pas été trop difficile d’en faire disparaître un ou deux, généralement des mineurs, conformément aux prédictions de Voronov. Ce que le docteur avait fait avec les enfants, Orloff ne voulait pas le savoir. Le général avait réussi à tout bien maquiller : il avait étouffé la forêt avec un arbre. Les rumeurs sortant des camps de filtration faisaient état de sodomies forcées réalisées sur les prisonniers, une pratique héritée des goulags, l’opouskanie. Il valait mieux que les défenseurs des droits de l’homme, et tous ces connards de bobos socialos pensent que les soldats enculaient les prisonniers, plutôt que de s’intéresser sur les mystérieux camions de ravitaillement qui partaient pour les profondeurs de la Sibérie.
Orloff avait couvert Voronov pendant des années. Il l’avait couvert en se chargeant d’opprimer les autochtones d’Ouzbékistan quand ces derniers recevaient des prisonniers ayant fui le laboratoire de Voronov à Baïkonour. C’était lui qui avait envoyé des hommes pour récupérer les prisonniers, et pour faire comprendre aux locaux qu’il était dans leur intérêt de se taire, lui encore qui avait également aidé Voronov à capturer les enfants desdits locaux quand Voronov n’avait pas assez de main-d’œuvre. Orloff avait agi sans état d’âme, sans mauvaise conscience, persuadé que le sacrifice des miséreux était un mal nécessaire pour que la Russie aille mieux. C’était encore lui qui avait traqué et éliminé l’un de leurs anciens associés, Gargarov, l’oligarque russe. Orloff avait cru que Gargarov s’était réfugié au Brésil pour fuir à ses anciens coéquipiers... Mais maintenant, Orloff avait une vision d’ensemble.
Voronov avait des alliés puissants, et Baïkonour n’était pas son seul lieu d’opération. Le Brésil abritait un autre complexe, un autre laboratoire, dans les profondeurs des favelas, et les gens comme Nacimiento assuraient aux scientifiques de ne jamais manquer de fraîcheur. Quand Orloff avait envoyé Widow pour supprimer Gargarov, c’était en fait parce que la branche brésilienne de l’organisation à laquelle Voronov était alliée fonctionnait mal, et parce que Gargarov leur était plus utile mort, que vivant. D’autres bases existaient encore, comme en Syrie, et certainement aussi dans d’autres lieux. Orloff savait que l’incendie du CNRS à Paris était, pour lui, la fin de tout. Les Occidentaux avaient accusé Poutine et le FSB, et le FSB avait répliqué en menant une enquête. Orloff allait sauter, et il savait que Voronov l’avait anticipé. Orloff ne serait toutefois pas le seul à sauter. Le projet « вдова » était désormais entre les mains de Voronov, ce qu’Orloff réalisa en tentant d’envoyeur Widow neutraliser le docteur. Widow était déjà ailleurs.
Widow, en réalité, effectuait l’ultime mission. Voronov avait appris, grâce à son influence, que ces maudits Américains avaient encore une cellule-souche de la Bactérie-Z, un ultime échantillon, et qu’ils l’avaient rapatrié dans la base la plus sûre du monde : Triskelion, le QG du SHIELD. Voronov ne pouvait laisser le SHIELD explorer cette bactérie, et risquer d’y découvrir un vaccin. Il choisit d’envoyer Widow à Triskelion, avec pour mission de détruire l’échantillon de la bactérie. Les évènements se précipitaient, mais Voronov conservait la tête froide. Ce n’était qu’une vague, et, de toute manière, il avait déjà pris ses précautions. Tout comme il s’était débarrassé de Gargarov jadis, il allait maintenant se débarrasser d’Orloff.
Ensuite, plus rien ne s’opposerait au Plan.
Widow rejoignit donc New York, avec pour mission d’infiltrer Triskelion. La base était une île fortifiée en forme de boomerang, avec un immense bâtiment central, au large de l’État de New York. Voronov et ses alliés avaient réussi à obtenir des agents dormants à l’intérieur du SHIELD, depuis la brève période où le SHIELD avait été entre les mains de Norman Osborn. C’est l’un de ces agents qui permit à Widow d’infiltrer la base, en passant par les voies de canalisation. La bactérie-Z se trouvait dans les étages de haute sécurité, et, pour l’atteindre, Widow dut traverser toute la base, de ses profondeurs jusqu’à son sommet, tout en évitant les gardes, les drones, les robots, les détecteurs de mouvement, les caméras de sécurité... Elle dut attendre pendant des heures, dans des conduits exiguës, le bon moment, celui où, pour des raisons de maintenance, tel ou tel laser de sécurité serait momentanément désactivé, lui permettant ainsi de passer. Elle en profita pour couvrir sa fuite, car Widow savait qu’elle se ferait détecter en volant l’échantillon. Grâce aux plans du complexe, fournis par les agents de Voronov, elle plaça des bombes dans des endroits stratégiques.
Des profondeurs de Triskelion, elle atteignit les hangars, les parkings, et les réservoirs d’essence et de propane, y installant une bombe, avant de rejoindre la Tour centrale, pour commencer la lente ascension. Elle passa sous des ascenseurs, grimpa le long des conduits, fila dans des couloirs de maintenance en évitant des jets de vapeur mortels, jusqu’à atteindre la chambre forte. Elle se dirigea vers le coffre abritant l’échantillon... Et, quand elle l’ouvrit, ce fut pour voir qu’il était vide.
« Nous savions que vous alliez venir... La partie est terminée. »
La voix résonna dans son dos, et, quand elle se retourna, Widow vit plusieurs agents de sécurité, ainsi qu’un homme, tenant un arc avec une flèche. L’agent Clint Barton, alias « Œil-de-Faucon ».
C’est à cet instant précis que Black Widow, espionne légendaire, passa du statut de légende à celui de mythe. Pendant les jours qui suivraient, pendant que Widow serait sur la table d’opération, les séquences vidéos de son parcours furent passées et repassèrent en boucle pendant des heures, devant les yeux instruits d’une centaine d’experts, afin de répondre à cette simple question : comment une telle femme avait bien pu, en étant seule, parvenir à aller si loin dans Triskelion, et à manquer détruire ce dernier ? Quelles avaient été les failles de sécurité ? Cette question obtint finalement une réponse : aucune faille de sécurité n’avait été exploitée par Widow. Elle avait tout simplement été plus forte qu’eux.
«
Nous savions que vous alliez venir... La partie est terminée. »
Elle avait identifié cette voix, et leva les mains, réagissant rapidement. Il lui fallait moins de cinq secondes pour analyser ses ennemis, leurs postures, les armes qu’ils portaient, savoir, en fonction de la position des jambes et des mains, lesquels seraient les plus réactifs. Il lui fallut moins de cinq secondes pour s’adapter totalement à la nouvelle situation, pour envisager un plan de fuite. Elle n’avait pas besoin de montre pour savoir que sa première bombe allait exploser dans moins d’une minute. Tout était dans sa tête.
*
45 secondes...*
Barton s’avançait lentement vers elle, sa flèche pointée vers le bas.
«
C’était vous à Cherbourg, n’est-ce pas ? Ainsi qu’à Sotchi ? Vous m’avez fait passer pour un vrai bleu là-bas. Mais c’est fini. Il était évident que Voronov allait essayer de récupérer l’échantillon à tout prix. »
Il était relâché, manquant d’attention. Il était dans son fort, il se pensait invincible. Tout ce dont Widow avait besoin, c’était de temps. Elle portait une cagoule recouvrant son visage, et ne disait rien. Elle n’avait rien à dire, de toute manière.
*
17 secondes...*
Barton lui ordonna de se mettre à genoux, et elle obtempéra. Un agent s’avança alors prudemment, pointant son pistolet de service sur elle, attrapant une paire de menottes. Elle ne bougeait pas... Et, quand le décompte arriva à zéro, la première bombe explosa. Une secousse parcourut Triskelion, surprenant les agents. Ce fut tout ce dont Widow avait besoin. Le temps que la secousse se termine, elle était déjà sur pieds, et son pied vint se loger dans la figure de l’agent de sécurité ayant tenté de la menotter. Un autre la visa, mais Widow balança devant elle l’agent de sécurité, avant de foncer vers le carré qu’elle avait découpé au laser pour rentrer. Elle sentit les balles la poursuivre, et bondit à l’étage en-dessous, avant de se mettre à courir à toute allure.
*
278 secondes...*
Œil-de-Faucon s’élança à sa poursuite en sautant dans le trou, se réceptionnant sur le sol à l’aide d’une roulade. Il vit la femme foncer sur la gauche.
«
Alerte maximale, alerte maximale ! hurla-t-il dans son communicateur.
Elle se fait la malle ! »
L’alarme se mit à résonner dans les couloirs, mais ce n’était pas tant à cause de l’avertissement de Barton que de l’explosion qui avait ravagé les réservoirs de propane, déclenchant un bel incendie. Widow s’élançait dans les couloirs, et vit un agent de sécurité devant elle. Elle fit un prodigieux bond, jambes pointées en avant, et atteignit l’homme au torse, le renversant. Elle glissa brièvement sur son corps, avant de faire une élégante roulade sur la droite, évitant les coups de feu lâchés depuis un autre agent, puis courut dans un couloir. Elle poussa un scientifique qui sortait, hagard, de son bureau, et vit devant elle un autre agent de sécurité débarquer. Il fit feu sur elle, mais était trop lent. Elle bondit en l’air, s’appuyant contre le mur, et envoya son pied se loger dans son crâne, envoyant ce dernier heurter lourdement le mur. L’agent s’affala lourdement sur le sol, et Widow continua à courir.
«
Tous les agents, remuez-vous, bordel ! Arrêtez l’espionne ! -
Elle est dans le couloir-12D. Merde, c’est une vraie panthère. -
Fermez les herses de sécurité ! »
*
203 secondes...*
Elle connaissait les lieux par cœur, probablement encore plus que les employés qui y travaillaient. Elle avait obtenu les plans de l’architecte, et, durant son voyage entre Moscou et New York, avait largement pris le temps de les mémoriser. Elle n’avait pas besoin d’un gadget pour se repérer, sa tête était amplement suffisante. Elle venait d’atteindre un embranchement, en faisant preuve de cette force et de cette rapidité terrifiante, et vit que l’un des ascenseurs approchait, abritant probablement une ribambelle de commandos de sécurité. Elle sortit de sa ceinture une petite grande ronde, et la balança vers les battants de la porte, encore fermées. Elle savait exactement combien de temps, au millième de seconde près, les battants des portes mettaient à s’ouvrir, pour l’avoir vu alors qu’elle était dans un conduit. Dès que les battants s’entrouvrirent, la petite boule fila à l’intérieur, et créa une explosion anesthésiante. Widow n’était déjà plus là pour voir son résultat, filant vers un autre couloir. Une herse était en train de s’abaisser, et elle glissa sur le sol. Sa tenue avait des propriétés adhésives qui facilitaient les glissements, et elle passa sous la herse, atterrissant devant trois gardes armés de matraques électriques. Ses pieds dansèrent en faisant chavirer un, et un autre tenta de la frapper avec son arme.
Elle bloqua son poignet avec ses deux mains, et envoya son genou se loger dans son ventre, puis le repoussa sur le sol. Le troisième essaya de l’attaquer dans le dos, et la poussa contre le mur. Widow se servit de cette brusque accélération pour poser ses jambes contre le mur, et grimpa le long de ce dernier, arrivant ainsi derrière l’homme, qu’elle neutralisa ensuite rapidement en le renversant sur le sol, en profitant pour lui tordre le poignet. Elle reprit alors sa course, et fila par un couloir à droite, qui la conduisit près d’une cage d’escaliers. Des agents venaient d’en bas, mais elle s’en moquait.
Sa cible était le toit.
*
147 secondes*
«
On a une dizaine d’agents bons pour l’infirmerie ! -
On n’arrive pas à la stopper, Monsieur ! -
Putain, mais vous branlez quoi, bordel ? hurla l’officier dans l’intercom.
Vous êtes mieux armés qu’elle, vous avez des pouvoirs surhumains. Vous êtes au moins à cent contre une ! Faites votre boulot ! STOPPEZ-LÀ ! »
Impossible d’atteindre le toit par cette cage. Widow ouvrit la porte d’un coup de pied, et courut dans le couloir. Le verrouillage de sécurité n’avait pas été encore enclenché dans cet étage, afin de ne pas retarder les secours. Plusieurs gens hurlèrent en la voyant, craignant qu’elle ne cherche à les tuer. Elle les évita royalement, et arriva au centre de cet étage, une agréable salle avec le logo du SHIELD sur le sol, des plantes vertes... Et quatre agents du SHIELD qui l’attendaient. L’un d’eux avait des arcs électriques dansant au bout de ses doigts, un autre laissait expirer de la glace en respirant. Un troisième larron pouvait se déplacer à toute allure, et le quatrième, enfin, pouvait transformer son corps en morceaux de pierre.
«
Rends-toi bien gentiment, on ne te fera pas de mal, poupée. »
Elle réfléchit un peu, comme si elle faisait mine de réfléchir à cette proposition, alors que, en réalité, elle réfléchissait juste à une stratégie. Elle était légèrement penchée sur la gauche, et répondit alors en tendant sa main, envoyant une fléchette droit vers «
Speedy ». L’agent rapide l’esquiva sans problème, et, comme elle s’y attendait, il contre-attaqua en fonçant droit sur elle. Elle fut plus rapide, car elle avait anticipé cette action, et, le temps qu’il se déplace, Widow avait tendu sa main. Tout avait été savamment calculé. L’agent allait chercher à l’attaquer sur son flanc découvert, et se reçut donc la main tendue de la femme. Son visage heurta sa paume ouverte vers l’extérieur, et elle entendit son nez se craqueler.
Immédiatement, les autres réagirent. Les arcs électriques furent lâchés sur elle, mais elle se protégea avec «
Speedy », puis se plaqua contre lui. Elle le balança sur le sol, et se servit de son torse pour y placer ses jambes, bondissant en hauteur. «
Iceberg » envoya un jet de glace pour l’arrêter en plein vol, mais Widow balança sur le jet de glace une fléchette explosive, qui perturba le jet de glace, envoyant des cônes de glace dans tous les sens. Elle atterrit sur le sol, et vit «
Onyx » fondre sur elle. Il tenta de la frapper de haut en bas, et elle bondit en arrière, évitant la charge, qui défonça le sol, faisant un trou.
«
Attends, salope ! » rugit ce dernier.
Il fondit sur elle, et elle l’esquiva en roulant entre ses jambes, en profitant pour lui planter une fléchette dans le dos. «
Onyx » tituba comme une pierre, le poison faisant rapidement effet. Il eut beau durcir son dos pour ôter la fléchette (ainsi que son costume), il était déjà trop tard. «
Electro » la visa à nouveau, et Widow n’eut alors pas d’autres solutions que de sortir ses deux pistolets, figurant dans son dos. Elle fit feu, et atteignit «
Electro » à l’épaule, et «
Iceberg » au flanc. En entendant du bruit sur sa droite, elle se retourna, et canarda d’autres agents de sécurité. Elle atteignit le premier d’entre eux à la jambe, l’envoyant se renverser dans son élan. Les autres tirèrent sur la femme, mais elle avait déjà choisi de s’échapper, courant rapidement, filant dans un nouveau couloir.
*
92 secondes*
Elle approchait d’une section comprenant bon nombre de bureaux, quand une machine apparut devant elle, une machine de sécurité synonyme d’ennuis : un robot antiémeute disposant d’une énorme gatling greffée au bras droit.
La gatling se mit à tourner, et Widow fila par une porte à droite, évitant de justesse une pluie de balles, et s’abrita le long du sol. Les balles défoncèrent le mur comme du beurre, traversant la pièce, répandant un bruit assourdissant. Elle se mit à courir rapidement, filant le long des bureaux, tandis que le robot la pistait à l’aide de capteurs thermiques lui permettant de voir à travers les murs. Il tirait sans relâche, mais la cible était rapide. Widow finit par foncer vers une porte face au monstre, et, alors qu’il se mettait à tirer, fragilisant la porte, elle bondit sur le sol, glissant dessus, et défonça le reste de la porte. Elle atterrit ainsi à côté du monstre, couchée sur le sol, et tira rageusement en visant sa tête, transformant ce qui lui faisait office de cervelle électronique en un amas de fils et de circuits imprimés.
*
71 secondes*
Elle n’avait plus le temps de jouer, et se releva rapidement, avant de courir, laissant la carcasse du robot s’écrouler sur le sol dans des grésillements électroniques. La femme était insaisissable, véritable panthère noire, et heurta à nouveau quelques membres de sécurité. Ses coups étaient précis, rapides, et puissants. Elle ne paniquait nullement, et parvenait même à contrôler son excitation, restant d’un calme olympien, se reposant sur une froide analyse de la situation, afin de trouver un moyen de sortir de là. Elle grimpa à nouveau des marches, poursuivie par une armée entière.
«
C’est bon, on va l’avoir ! On a une équipe qui vient de débarquer depuis l’ascenseur, et les autres montent depuis l’escalier ! -
Quel bordel... Comment une seule femme peut avoir foutu autant de désordre dans la base ? -
Peu importe, ce qui compte, c’est de l’appréhender. »
Widow longeait des bureaux, tandis que des herses métalliques s’abattaient sur plusieurs sorties possibles. Elle les voyait tomber rapidement, et n’avait pas le temps de les atteindre. De grandes baies vitrées, sur sa gauche, derrière les bureaux, permettaient de voir la mer, s’étalant à perte de vue, et la côte, dans un angle. Elle entendit alors des bruits de pas, et vit, devant elle, plusieurs commandos débarquer. Ils portaient des armures de protection, et des armes de pointe. D’autres venaient également dans son dos. Enthousiasmé, l’un des sergents dirigeant les escouades appela le Central, leur affirmant qu’ils la tenaient.
«
Elle ne peut pas s’échapper ! »
Black Widow s’empressa de le contredire. Elle balança sur le sol, sous ses pieds, une grenade fumigène, et profita de la fumée s’échappant de la petite boule pour filer droit vers les baies vitrées. Elle tira sur ces dernières, les explosant, tandis que les balles filaient autour d’elle.
«
Mais qu’est-ce qu’elle fait ?! Ne me dites pas que... »
Widow glissa sous un bureau, évitant ainsi une rafale de balles qui auraient pu l’arrêter sur place, et sauta par la fenêtre. Le soleil l’éblouit brièvement, avant que ses mains n’arrivent à s’agripper aux pattes d’un drone aérien qui tournait autour de Triskelion, afin de surveiller le périmètre. Un petit robot aérien avec des pattes, qui se mit à descendre inexorablement, le poids de Widow étant trop lourd. Elle l’avait vu tourner lentement autour du building alors qu’elle était en train de fuir, faisant des rondes autour de la structure centrale. Elle s’écarta ainsi du bâtiment central, tandis que, depuis les bureaux, les commandos, médusés, voyaient l’élégante silhouette s’éloigner.
*
11 secondes*
Widow regarda autour d’elle, et ne tarda pas à voir un moyen de s’échapper. Le drone continuait à descendre, et elle commença à se balancer d’avant en arrière, comme pour prendre de l’élan. Des signaux d’alarme émanaient du drone, qui commençait dangereusement à se rapprocher des structures, notamment de l’entrée principale de Triskelion, un élégant hall d’accueil avec une verrière. Widow continua à s’élancer, puis passa alors au-dessus du drone, et posa ses pieds sur sa carcasse, le faisant descendre droit vers la verrière. Elle tira alors sur cette dernière, explosant les vitres, et plaqua sur la carlingue du drone une mine adhésive, avant de bondir dans les airs.
La seconde bombe explosa alors, et, la tête retournée pendant son saut, Widow put voir toute une partie du bâtiment central de Triskelion trembler sur ses basses. Des champignons de feu jaillirent de plusieurs grilles de ventilation. Elle avait placé une autre bombe dans le système de ventilation central du complexe, près d’un mur porteur, et tout Triskelion trembla sur ses bases.
Le drone, de son côté passa à travers la verrière, et Widow lui tira dessus, visant la mine. Quand une balle l’atteignit, la machine explosa en plein vol, et elle se mit à tomber comme une pierre. Widow atterrit le long d’un mur penché, glissant le long de ce dernier, puis, en arrivant vers le bas de la pente, elle s’appuya sur ses jambes pour se catapulter en avant, et atterrit sur une mezzanine. La sortie de Triskelion était droit devant elle, et l’alarme sonnait furieusement. Des diodes rouges dansaient le long des couloirs. Widow se releva lentement, entendant des bruits de pas précipités se rapprocher. Elle enjamba la mezzanine, atterrissant sur le sol.
Dans son dos, une vingtaine d’hommes armés arrivèrent alors, d’autres arrivant également sur les côtés, fonçant à toute allure. Devant elle, les couloirs menant au port se fermaient également, des herses blindées tombant. Elle n’aurait jamais le temps de les rejoindre. Sur une terrasse en hauteur, l’un des agents du SHIELD, Clint Barton, pointait son arc vers elle. Il savait que cette femme allait réussir jusqu’à atteindre ce point, il l’avait senti dans la manière dont elle se déplaçait. Elle se retourna lentement. Sa flèche était une flèche tranquillisante, et il attendit quelques secondes, avant de la décocher. Œil-de-Faucon ne ratait jamais ses cibles, mais tout principe était assorti d’exceptions. Il avait, comme Widow, une excellente analyse de la situation, et avait vu, à la manière dont la femme se tenait, qu’elle essaierait d’esquiver sa flèche. En analysant la posture de son corps, il en avait intuitivement déduit qu’elle se déporterait à gauche. Quand il décocha son tir, Widow se déporta effectivement à gauche. La Russe avait cependant également pris le temps d’analyser l’homme, et savait qu’il décocherait un tir visant à l’affaiblir, et non à la tuer. Il viserait donc une zone non létale. Elle savait où il allait frapper, et n’eut qu’à se déplacer en conséquence. Loin de se déporter, elle se contenta tout simplement de pivoter, et la flèche frôla sa combinaison, pour se nicher dans le sol.
C’est après cet interlude que les agents supplémentaires se ruèrent sur elle.
Depuis leurs écrans de sécurité, les opérateurs virent la femme se démener comme une véritable diablesse, tapant, donnant, esquivant, frappant sans arrêt. Quand elle se faisait toucher, elle contre-attaquait immédiatement, comme si rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Triskelion allait en avoir pour des mois de réparation, mais même ces exploits semblaient alors insuffisants pour cette femme.
«
Elle est en train de foutre la misère à nos meilleurs éléments... Je n’ai jamais vu ça auparavant. »
Les autres ne pouvaient qu’acquiescer en silence.
Son pied heurta la tempe d’un homme, elle s’abaissa, et logea son coude dans le ventre de celui qui se tenait dans son dos. Infatigable, Widow était comme une tigresse refusant de se rendre devant la mêlée qui cherchait à la neutraliser. Un autre agent tenta de la ceinturer, mais elle envoya son crâne lui fracasser le nez, se retourna, l’attrapa au bras, et le poussa sur un autre agent de sécurité. Son cerveau tournoyait à vive allure, numérotant toutes les informations qu’elle recevait. C’est ainsi qu’elle vit l’homme qui la poursuivait, avec son arc, se ruer vers elle. Elle para son coup de poing, et envoya son genou se loger dans son ventre, le repoussant. Un autre homme en profita pour la frapper dans le dos avec la matraque électrique, et la douleur irradia dans son corps. Plutôt que de se retourner, et d’essayer de combattre l’électricité, elle partit en avant, et bondit en l’air, envoyant ses jambes s’enrouler autour de la nuque d’un autre adversaire, et s’en servit comme soutien pour renverser l’homme. Elle tomba avec lui, mais se servit immédiatement de son dos pour rebondir, partant en arrière, pointant ses jambes en l’air. Ses deux pieds atteignirent ainsi l’homme à la matraque électrique, et Widow se remit sur pieds.
L’homme à l’arc se rua à nouveau sur elle, et tenta de lui décocher un uppercut. Widow esquiva de justesse, et attrapa le bras de l’homme, et le brisa. L’individu poussa un hurlement, et Widow lui faucha ensuite les jambes, et envoya un coup de pied retourné sur un autre agent. Un coup de pied l’atteignit dans le bas du dos, la faisant à nouveau trébucher. Ne pouvant se redresser, elle choisit de se laisser tomber, et posa ses mains sur le sol, faisant une élégante roulade.
Elle se mit alors à courir. Impossible de sortir par l’entrée principale, maintenant qu’elle était verrouillée, mais elle préféra s’élancer sur la gauche, par un couloir de maintenance. À droite, d’autres agents de sécurité arrivaient, et firent feu sur elle. Widow savait que les couloirs de maintenance pouvaient conduire au système d’évacuation des eaux. Son objectif était de s’échapper par les grottes et les cavernes naturelles sous Triskelion, afin de rejoindre l’eau
«
Non, ne tirez pas, bordel !! » hurla l’un des agents, celui avec le bras en écharpe.
Widow fila dans un couloir abritant des conduites de gaz. Les balles la léchèrent. Aussi rapide fut-elle, elle ne put aller plus vite que les balles. Une balle l’atteignit à la cuisse, mais la main de Barton dévia le canon de l’arme, évitant ainsi un autre tir mortel. Une balle heurta plutôt une conduite de gaz, à quelques mètres de Widow.
*
BOOOOOOOOOOOOOOOOOMMMM !!!*
L’explosion souffla une partie du couloir, laissant un corps inanimé qui gisait sur le sol, sa combinaison protectrice déchirée un peu partout.