Comme elle s’y attendait, Scydia fila le long de la galerie, et Elena la laissa faire. Elle la regardait faire, bras croisés, n’étant guère surprise. Cette galerie était très impressionnante, et les différents experts qui l’avaient analysé avaient déterminé qu’il y avait ici une véritable fortune. Certaines pièces, comme l’armure blanche que Scydia regarda, valaient plusieurs milliers de pièces d’or. Elle lui expliqua qu’elle avait porté une armure semblable, ce qui ne surprit pas beaucoup Elena. Les elfes avaient toujours su faire de belles armures, élégantes et compactes. Au niveau de leur performance, elles n’égalaient pas les armures naines, qui étaient résistantes, forgées dans le feu des volcans, mais elles présentaient un meilleur design, et étaient plus légères. Elena connaissait les différences. Comme tant d’autres choses, elle avait du se renseigner sur les armes et les armures en revenant à Nexus. La cité-État était en guerre, et la souveraine de la cité ne pouvait se permettre d’être une totale ignorante là-dedans. Elle se rappelait des soirées entières à passer dans son bureau, en lisant des manuscrits et des manuels proscrits par Sire Langley sur les armes.
Suivant Scydia, Elena la vit ensuite montrer une rapière, désirant la prendre. Hochant la tête, Elena s’avança, et ouvrit la vitrine avec sa clef. Elle lui indiqua de la prendre, et s’écarta prudemment. Elena s’attendait à la voir faire quelques moulinets, mais, au lieu de ça, elle sentit une lueur traverser son regard, et fronça les sourcils. Que lui préparait-elle ? Elle eut très rapidement la réponse à cette question quand elle traversa la pièce, désignant une autre rapière. Elena comprit où elle voulait en venir, et Scydia lui annonça donc qu’elle désirait l’entraîner.
«
Oh... Messire Langley s’étranglerait s’il avait entendu cette proposition », sourit légèrement Elena.
Elle s’avança alors, et déverrouilla la vitre, puis attrapa délicatement la rapière. C’était une arme légère, ce qui lui convenait très bien. La Reine n’avait pas de gros muscles, et était incapable de porter de lourdes épées, comme les claymores. La rapière était plus souple, et elle s’écarta un peu de Scydia, afin de ne pas la blesser malencontreusement, et s’exerça, faisant quelques moulinets, coupant l’air en deux avec sa lame. Elle regarda Scydia, lame brandie vers le haut, en souriant.
«
Messire Langley m’entraîne parfois… Quand nous avons un peu de temps. Malheureusement, nous n’avons pas de tenues pour nous battre. »
La Reine aurait pu s’en arrêter là, mais l’idée la tentait plutôt bien. Elle savait que ceci ferait aussi plaisir à Scydia, mais elle ne pouvait tout de même pas s’entraîner dans sa robe ! Fort heureusement, la jeune femme avait une idée.
«
Voyez au fond de cette pièce... Il y a une porte qui file sur la gauche, et mène à une pièce qui est plus indiquée pour ce genre d’exercices.. Vous n’avez qu’à enfiler cette armure elfique, et j’enfilerais la mienne... »
Scydia pouvait se battre ainsi, mais Elena voulait lui faire ce cadeau... Lui rappeler qu’une pièce de musée n’était pas condamnée à rester derrière une vitrine. Comme elle l’avait dit, ces armes étaient entretenues, rafistolées, réparées, et nettoyées. Elena ne pourrait jamais enfiler une telle armure. Il lui faudrait prendre du muscle pour ça. Elle s’écroulerait sous le port d’une armure intégrale, mais elle avait sa propre armure... Plus fine, plus légère.
«
Je vous retrouve là-bas... »
Scydia prendrait plus de temps qu’elle à enfiler l’armure elfique. Elena s’avança alors, sortant de son champ de vision, et passa par la porte. Elle donnait sur une salle d’escrime, avec des fenêtres dans un coin, donnant sur une cour intérieure. Elle posa la rapière sur une table, puis se défit de sa robe et de son corset, les entreposant dans un placard prévu à cet effet, et enfila ensuite son
armure. Elle comprenait des gants blancs en cuir renforcés, une pièce de métal recouvrant son torse, des jambières, une épaulière... La première fois, il lui avait fallu un temps fou pour réussir à l’enfiler. Elle se fixa silencieusement dans un miroir.
«
Hum... Ça me va plutôt bien... »
Elle avait aussi un casque, mais, dans l’absolu, elle préférait ne pas le mettre. Elle s’était déjà écorchée les oreilles, et, de fait, elle crevait de chaud sous ce scaphandre. Débarrassée de sa robe (ainsi que de son corset), elle se sentait un peu plus libre, différente. L’armure la collait, mais elle était légère. Elle récupéra la rapière, la contemplant, et s’entraîna à nouveau, tout en se rappelant les instructions de Langley. Il fallait faire attention à la position de ses jambes. Elena était loin d’être une guerrière aguerrie, et Ronald l’avait toujours battu sans jamais se forcer... Mais elle savait par quel bout tenir une épée. Elle savait parer, reculer, et attaquer... En somme, elle connaissait les grandes bases.
Son cœur était rempli d’allégresse. Pourquoi se sentait-elle si bien avec Scydia ? Encore une fois, cette question revenait la hanter. Il y avait définitivement quelque chose d’anormal là-dessous... Mais son petit doigt lui disait qu’Adamante et Nyzaël en savaient plus qu’elles n’osaient le dire. C’était des magiciennes, après tout, et si Nyzaël s’était sautée sur cette histoire sans attendre, c’est qu’elle devait avoir des pressentiments. En tout état de cause, Elena préférait laisser les spécialistes parler entre elles, et avoir leur rapport ensuite.
Elle, elle avait du pain sur la planche.