Le Grand Jeu

Plan de Terra => Ville-Etat de Nexus => Le palais d'ivoire => Discussion démarrée par: Scydia le dimanche 27 avril 2014, 00:36:19

Titre: Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le dimanche 27 avril 2014, 00:36:19
L'odorat se manifesta en premier, son nez légèrement retroussé se fronçant faiblement alors que les pointes acides de la forte odeur de moissisure venaient agresser ses narines. Son esprit encore endormi ne parvint pas à analyser réellement les relents désagréables qui envahissaient sa cavité nasale, mais les effluves se montrèrent peu-à-peu assez persistantes pour activer son cerveau. Comme si l'information de l'odeur enflammait les bûches représentant sa conscience, de petites étincelles commencèrent à embraser son esprit par petites touches. Au fil des secondes qui s'égrénaient toujours un peu plus vite, son cerveau se réactiva. Le magma de ses connexions nerveuses s'insinua partout, réactivant les autres sens au coup par coup.

Le toucher fit suite. Elle ne comprit pas sur quoi elle reposait mais sut que c'était plat, froid et extrêmement dur. La sensation était désagréable, brutale. La matière était aisément reconnaissable mais son cerveau lui refusa l'information, ses capacités de reflexion étant encore très limitées. Son esprit ressemblait toujours à une épaisse mélasse pâteuse dont elle peinait à s'extraire, donc encore incapable de lui être d'un réel secours. Elle ne pensait d'ailleurs pas vraiment et s'éveillait de son long sommeil avec difficulté, son corps remuant péniblement sur la surface ou il était étendu. Ses nerfs fonctionnaient de mieux en mieux : elle sentit s'être fait mal, probablement en se râclant la peau du genou quelque part. Ce ressenti un peu plus pointu que les autres se mêla à la puissance désagréable de l'odeur qui avait amorcé son réveil et ses autres capteurs naturels firent un bond de compétence dans la foulée.

Sa langue était pâteuse, comme lui soufflèrent ses papilles qui suivaient le chemin de sa peau et de son nez. Elle était lourde et lui semblait prendre trop de place dans sa bouche menue, lui donnant l'impression de mâcher un morceau de parchemin. Elle tenta bien d'avaler pour faire passer cette sensation mais n'avait guère encore de salive, ce qui induisit un ressenti qui dépendait du besoin. La soif la tiraillait terriblement et son corps dut bien réagir pour pouvoir combler rapidement la déshydratation. Son corps bougea un peu plus et elle gémit légèrement en se ramassant sur elle-même, sa langue passant frénétiquement sur ses lèvres sèches. Comme un enfant grognon au matin, elle adopta une position presque foetale et plaça instinctivement sa tête entre ses bras.

Elle tendit l'oreille, devenue entre-temps très réactive. Mais il n'y avait rien de plus à saisir qu'un silence si profond qu'il en était inquiétant, obsédant. Nul bruit ne faisait vibrer son tympan à part ceux qui s'extirpaient péniblement d'entre ses lèvres, et des mouvements de sa peau qui frottait contre la pierre froide. Au moins n'était-elle pas sourde. La pensée -bien plus nette que toutes les autres jusque là- la frappa et elle comprit qu'elle était à présent réveillé, même si elle restait pataude. Ses idées devaient trouver un peu d'ordre, les images se mélangeant dans son esprit embrumé. Elle se concentra sur quelque chose de simple et de certain, son prénom. Scydia. Ses pensées se concentrèrent autour de ces six lettres et revenaient peu à peu à une chronologique cohérente, bien que constellées de légers oublis qui se combleraient rapidement d'eux-même. Elle se nommait donc Scydia, elle avait soif et elle devait ouvrir les yeux. Un moment, un refus net s'imposa. Ses paupières devaient rester closes. Scydia se fit violence et les légers voiles de peau se mirent à papillonner, lourdement d'abord puis à un rythme plus preste ensuite.

La luminosité de la pièce était basse, ce qui facilita son adaptation oculaire. Aucune source vive n'agressa ses yeux fragiles et elle en remercia la Déesse-Mère en se relevant lentement de sa couche improvisée, qu'elle découvrit être un très ancien autel de marbre noir. Scydia scruta la pièce, découvrant que l'endroit circulaire et finalement assez exigü ne comportait qu'une seule sortie qui lui faisait face. La lumière artificielle était donnée par ce qui semblait être une nuée de lucioles à la lueur dorée, qui permettait de découvrir les fresques gravées sur les murs. Un jour, il y avait bien longtemps, les aventures des personnages qui s'y retrouvaient représentés devaient avoir été colorisées mais le temps avait eut raison de la patience des artistes. La pièce était petite mais richement décorée, circulaire et totalement hermétique. Nulle fenêtre, aucun vitrail. Des enfonçements dans la roche lui évoquèrent des alcôves qui avaient été bouchées à la hâte. Un temple qu'on avait cherché à dissimuler ? Possible.
Scydia descendit de l'autel sans prendre la peine de le contempler davantage. Les informations religieuses qui ornaient le piédestal l'intéressaient moins que le temps de vue des lucioles qui flottaient dans la pièce. Hors de question pour elle de se retrouver dans le noir ! Sa nudité ne la perturba pas outre mesure, bien que l'absence d'arme la fit grogner. Comptant sur sa vitesse pour la sortir d'un éventuel mauvais pas, l'humaine accompli quelques mouvements pour se décrasser les muscles et comprit rapidement que son corps était loin de pouvoir fournir son maximum. Soudain, elle porta les mains à son ventre. Elle se souvint y avoir été frappé avec assez de force pour y perdre ses organes, mais tout semblait à sa place. Ne devait-elle d'ailleurs pas être... morte ? Si. Il lui semblait que si, même si ses souvenirs étaient encore très confus. Décidant de ne plus y penser, elle avança vers la sortie et se réjouit de voir que les lucioles semblaient la suivre tandis qu'elle s'enfonçait dans les ténèbres d'un couloir étroit.

Impossible de dire combien de corridors elle traversa, combien de salles plongées dans le noir elle se résolut à éviter. Certaines étaient effondrées et impraticables, d'autres ne lui inspiraient simplement aucune confiance. Elle avançait le long d'un couloir qui avait été en s'élargissant, sûrement le principal de l'endroit. Le décorum sur les murs et les restes de statues lui évoquèrent aisément ce que faisaient les Al'huïns et Scydia s'en trouva un peu réconfortée. Même si l'endroit avait souffert du temps, elle était en territoire ami. C'était la première nouvelle rassurante depuis son réveil. Que faisait-elle là, au juste ? Impossible de s'en souvenir. Ce qui s'était passé avant qu'elle ne s'endorme ? Il lui semblait qu'elle s'était battue. La soif et ses membres ankylosés l'empêchaient de se concentrer correctement et la perspective d'un bain chaud lui paraissait être la meilleure motivation au monde.
Pensive, la vagabonde improvisée se retrouva bientôt nez-à-nez avec un mur. Aucune sortie n'était apparemment possible, et Scydia manqua bien de paniquer avant que son oeil ne capte une information gravée à même la paroi rocheuse qui avait été travaillée, comme le reste de l'endroit. C'était une phrase en al'huïn, vaguement dissimulée dans un ensemble d'ornement d'or. Elle expliquait comment ouvrir ce qui était en fait une porte et Scydia s'y employa, cherchant durant quelques minutes le mécanisme dissimulé avant de finalement l'actionner.
Rien ne se passa, avant que ne s'écoulent d'interminables secondes. Un mécanisme ancien mais heureusement fonctionnel s'activa dans les murs, grinçant horriblement avant de forcer sur ses engrenages crispés par la rouille. Lentement, le mur devant lequel se trouvait Scydia se déroba sur la gauche dans un bruit puissant de pierre grattée lourdement contre le sol. Un rai de lumière qui allat en s'élargissant inonda le couloir d'un blanc immaculé qui poussa la jeune femme à s'écarter un peu le temps de s'y habituer, ce qui vint lentement. Le mécanisme rendit l'âme à mi-chemin, ce qui n'empêchait heureusement Scydia de passer. Sans hésiter -parce que de toute façon sa situation ne pouvait que difficilement empirer- elle s'engouffra dans l'ouverture.

Elle baissa le bras qu'elle avait placé devant ses yeux une fois que la luminosité fut correctement supportée par son nerf optique, pour découvrir une pièce bien différente de celle qu'elle avait quitté. De beaux meubles ornaient un grand espace, d'agréables couleurs couraient sur les murs d'un endroit qu'on devinait plein de vie et souvent fréquenté. Scydia s'en félicita et balaya la pièce du regard, satisfaite d'y découvrir un bain. Comme si la Déesse-Mère avait entendu les prières qu'elle lui avait adressée en crapahutant dans les couloirs obscurs et puant, l'eau qu'on devinait chaude aux volutes de vapeur s'en échappant lui tendait les bras. Pour elle qui était nue et sale, quel bonheur !
Son euphorie ne dura pourtant pas. En regardant mieux, Scydia découvrit que des pas humides venaient à peine de quitter l'ondée encore agitée du déplacement du corps qui y avait été plongé quelques courtes secondes auparavant. Logique... Le mur qui avait basculé pour la laisser passer avait fait assez de bruit pour alerter la personne qui se trouvait là. Vu les senteurs florales qui embaumaient agréablement la pièce (sûrement les sels de bains), c'était une femme qui se trouvait là. Et sûrement n'était elle pas loin, à moins qu'elle n'ait détalé comme un lapin.

- Hého, tenta t'elle d'abord sans grande conviction. Hého, il y a quelqu'un ?

Le temps que l'éventuelle réponse n'arrive, la guerrière lorgna sur le bain. Déesse, que c'était ardu de résister à la tentation d'y glisser son corps endolori ! Puisqu'il n'y avait personne dans les environs et qu'elle était de toute façon nue, pourquoi ne pas céder ? Elle ne demandait rien que quelques minutes d'ablutions. Même de petites secondes auraient fait son bonheur ! Se mordillant la lèvre, elle entreprit finalement de mettre au moins les pieds dans l'eau.
Elle regretterait une fois propre, dans le pire des cas.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le lundi 28 avril 2014, 02:25:50
« Vous comprenez, Majesté, on ne peut pas gouverner le royaume en se levant si tard...
 -  Mmhmmm..., protesta la jeune femme emmitouflée dans son lit.
 -  Allons, allons, Majesté, répliqua l’autre voix, partiellement ironique, ne me dites pas que je vais devoir venir vous border comme un gros bébé qui refuse de se lever... Je vous dis qu’il fait jour, dehors ! Vos gens n’attendent pas que le divin fessier de...
 -  Cha va... »

Elena consentit à se retourner, et à se relever. Ses courts cheveux étaient dans un triste état, avec des épis de partout, et elle avait des petits yeux. Adamante se tenait devant elle, un sourire amusé sur les lèvres, en voyant le triste état dans lequel se trouvait Sa Majesté. Difficile de lui trouver quelque chose de gracieux ou de noble dans la manière dont elle était, avec ses petits yeux, et les bâillements à  s’en décrocher la mâchoire qu’elle faisait. Elle se frotta ses petits yeux en essayant de se réveiller. Hier, la Reine s’était couchée plutôt tard, car elle avait encore réfléchi longuement à son idée de faire un orphelinat dans le Palais d’Ivoire. Le palais était particulièrement grand, et on lui avait dit qu’il y avait quantité de grandes chambres inoccupées. Elle avait elle-même visité quelques orphelinats de la ville, et avait remarqué que les pièces inoccupées du Palais pouvaient servir à contenir des petites âmes esseulées privés de leurs parents, ou fournir un moyen de lutter contre l’esclavage conventionnel. Cette pratique consistait à vendre ses propres enfants à des esclavagistes afin de toucher une prime, et d’avoir une bouche en moins à nourrir. Une pratique légale, mais qu’Elena trouvait aberrante, au même titre que tout l’esclavage. Cependant, cette idée se heurtait à différents problèmes pratiques, notamment pour savoir qui choisir. Quels devaient être les critères de sélection ? Ses conseillers l’avaient averti du risque que cette mesure soit perçue comme une mesure démagogique et populiste, visant juste à rassurer les masses en se donnant bonne conscience. La Reine réfléchissait donc, et elle réfléchissait tellement qu’elle en oubliait le sommeil.

Fort heureusement, Adamante veillait au grain, et pilota Elena vers son bain privé. La Reine était dans sa nuisette, peinant à reconnaître le décor, et continuait à baîller en traînant des pieds. Adamante aurait presque pu la tenir par le main, mais, quand Elena sentit le carrelage froid de sa salle de bains, elle commença à aller un peu mieux. Elle s’étira un peu, tandis qu’Adamante faisait couler l’eau. Sa baignoire était un élégant bassin construit sur une sorte de petite estrade accessible par deux marches en bois. Une Ivory ne se refusait rien, et le bain comprenait plusieurs robinets permettant de faire venir l’eau plus rapidement, ainsi qu’un système permettant de transformer son bain en jacuzzi. L’eau était plutôt chaude, conformément à ce qu’Elena aimait.

« J’aurais bien savonné votre royal don, Majesté, mais j’ai déjà eu l’occasion de prendre mon bain.
 -  Je devrais être capable de le faire toute seule, ronchonna Elena. Et n’oublie pas que je suis ta Reine, tu me dois le respect ! »

Elle la taquinait, mais Adamante n’était pas dupe, et se contenta de lui ébouriffer les cheveux, avant de l’embrasser tendrement sur le front. Elle la laissa ensuite seule, et Elena se déshabilla, puis se trempa dans l’eau, poussant un bref gémissement quand ses pieds rentrèrent en contact avec l’eau chaude. Elle s’y installa confortablement, et étira ses jambes à l’intérieur du bassin, y plongeant progressivement tout son corps, jusqu’à ce que seule sa tête n’émerge de la surface de l’eau. Elle ferma alors les yeux, et se laissa faire, flottant paisiblement dans l’eau.

Elena aurait pu rester ainsi jusqu’à ce qu’une femme n’entre par surprise, mais, au bout d’un moment, elle réalisa qu’il manquait quelque chose... Son savon n’était pas là, ce qui l’agaça paisiblement. Elle se redressa alors, sortant de l’eau. La salle de bains était attenante à une autre pièce, où se trouvaient ses affaires, ainsi que les produits d’hygiène. Elle enfila une serviette autour de ses épaules, et se dépêcha d’aller fouiller les placards de la pièce. Malheureusement, la bouteille de shampooing était introuvable, et Elena grommela.

*Saperlipopette, mais où diable se trouve ce fichu savon ?!*

Elle referma le placard. Une petite moue traversa ses lèvres, et elle se dit alors qu’Adamante avait du l’emprunter. Le savon de Nexus venait généralement de cargaisons marchandes, et ces dernières avaient quelques jours de retard. Les bouteilles de savon se faisaient donc plutôt rares, et Adamante avait du emprunter la sienne en prenant son bain. La magicienne avait sa propre salle de bains, et Elena décida d’y aller. Adamante n’était pas là, et elle se dépêcha, afin qu’un serviteur ne la surprenne pas dans sa serviette.

La Reine farfouilla dans les armoires d’Adamante, tandis que, dans sa propre salle de bains, quelqu’un venait de débarquer, et contemplait, indécise, le bain chaud ouvert juste devant elle, l’eau laissant s’échapper quelques volutes de vapeur. Un irrésistible appel, qui expliquait pourquoi Elena se hâtait. Malgré la présence confortable de la serviette, elle avait froid, et finit par le retrouver.

« Ah ! »

Soulagée, elle se redressa, et sortit des quartiers d’Adamante. Elle traversa le confortable couloir menant à sa salle de bains, ses pieds foulant l’élégante moquette chaude qui recouvrait le sol, et pénétra dans l’antichambre. Elle porta ses doigts dans l’encolure du nœud de la serviette, et, la tête basse, entra alors dans la salle de bains. Elle se retourna vers le bassin, et tira sur le nœud de la serviette, machinalement, faisant ainsi tomber cette dernière, releva la tête, et...

Et...

Ses yeux s’écarquillèrent brièvement, et elle prit alors conscience d’un courant d’air frais qui filait le long de son dos. Une tête la regardait, là où elle était il y a cinq minutes.

« HÎÎÎÎÎ !!! » hurla Elena.

Elle porta une main à son intimité, et se retourna craintivement, permettant à la femme de voir ses fesses, et nota alors qu’il y avait, dans un coin de la pièce,  une portion de mur entrouverte.

« Mais... Mais vous êtes qui ?! »

Machinalement, elle avait récupéré la serviette, et la mit autour de son corps, mais réalisa qu’elle avait oublié les seins, et la rehaussa rapidement. Ses joues étaient rouges, et son cœur bondissait dans la poitrine.

« Qu’est-ce-que-vous-fabriquez-là-hein-vous-êtes-qui ?! » répéta-t-elle, enchaînant les mots à la vitesse d’un archer vidant son carquois sur sa cible.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le vendredi 02 mai 2014, 10:28:36
Personne n'avait répondu à ses injonctions tranquilles et le Sabre Véloce n'avait pas cherché à les réitérer. Bien que la blonde n'était pas du genre à prendre ce qui ne lui appartenait pas, le bain avait eu raison des principes moraux qu'elle mettait un point d'honneur à suivre depuis que son mentor les lui avait inculqués. "Tu ne voleras point" s'apparentait à "Tu ne profiteras point de ce qui ne t'appartient pas[/i]" mais Scydia n'avait plus eu d'yeux que pour l'eau chaude et parfumée. Son corps lui faisait encore un peu mal, ses muscles noués avaient besoin qu'on s'occupe d'eux. De plus, sa peau et ses cheveux salis par la poussière méritaient bien qu'elle se débarbouille. Nue et crasseuse comme elle l'était, la guerrière se faisait l'impression d'être la petite sauvageonne qui avait vu les elfes débarquer sur la plage qu'occupait sa tribu. Seule la peau de bête grossièrement ajustée en guise de vêtement lui manquait, pour tout dire.
Une fois qu'un de ses pieds toucha l'ondée vaporeuse, il était déjà trop tard. L'eau à bonne température lui tira un soupir de plaisir qui ressemblait presque à un léger gémissement amoureux. Scydia y plongea une première jambe avant de faire suivre la seconde après avoir gravit les deux petites marches qui marquaient la surélévation du baquet au-dessus du plancher. L'eau lui arrivait à mi-cuisse et l'humaine ne tarda pas à s'asseoir, s'immergeant jusqu'à la moitié de ses seins. Le soupir se fit entendre une fois encore pendant qu'elle s'installait le dos contre une paroi, laissant sa tête blonde reposer contre l'un des bords.

Elle ignorait où elle se trouvait mais avait décidé de ne pas se poser la question. Parce que l'interrogation amènerait facilement des réponses qu'elle n'aimerait pas avoir à traiter, par exemple. Le style de décoration de la salle de bains lui était complètement inconnu, comme l'endroit dans lequel elle s'était éveillée quelques minutes plus tôt. Selon ses derniers souvenirs avant ça, Scydia savait qu'elle était sensée être morte, perforée par un sort lancé par le Fléau des Ages. En y pensant, sa main vint instinctivement caresser son ventre. La blonde n'y sentit aucune cicatrice alors qu'elle se souvenait clairement du crépitement de l'éclair qui avait liquéfié son estomac et la chaleur du bain lui indiquait qu'elle était bien vivante. Avait-elle rêvé une partie de l'affrontement sous l'excès d'adrénaline et la portée à leurs limites de ses pouvoirs ? Ce n'était pas impossible, d'après elle.
Pour chasser le temps de la baignade au moins ces questions, Scydia enfonça sa tête sous l'eau durant quelques secondes pour se frotter les cheveux. Elle ressortit doucement en plaquant sa crinière en arrière avant de se passer une main sur le visage.

Et...

- HÎÎÎÎÎ !!!

La blonde se raidit d'un coup, surprise par le cri. Rapide, elle adopta en un éclair une posture de combat du mieux qu'elle put, dardant sur l'intruse son dur regard bleu-acier. La brune s'était amenée dans la pièce quand Scydia avait la tête sous l'eau et le manque de prudence de la syrra'elheìn lui fit se mordre l'intérieur de la joue. C'était extrêmement imprudent de sa part de s'être relâchée si facilement ! Pourtant, quelque chose lui disait que l'inconnue était aussi étonnée qu'elle de la situation. Nue comme un ver, la femme s'était cachée avec une main en voyant Scydia surgir  et avait finit par se retourner pour ne plus lui présenter que son séant, que le Sabre Véloce n'eut pas l'envie d'apprécier. La situation pouvait encore déraper, même si son instinct lui disait que la jeune femme dos à elle était tout sauf une guerrière.

- Mais... Mais vous êtes qui ?!

Elle hésita. Fallait-il lui donner son nom ? Scydia savait que les armées elfes dont elle se réclamait comptaient quelques adversaires au sein même de la population qu'elles essayaient de sauver du Fléau. Certains préféraient pactiser avec l'ennemi plutôt que de l'affronter... Mais Scydia consenti à révéler son identité. Il ne sera au moins pas dit qu'après avoir été surprise d'une façon si enfantine elle avait manqué de courage !

- Je suis Scydia Cinq-Soleils. Et toi, femme, qui es tu ?

Son ton n'avait pas été hautain ni menaçant, juste un peu sec. Il fallait qu'elle prenne un minimum d'ascendant sur l'inconnue pour s'imposer dans la conversation et prendre un temps d'avance, afin d'éviter d'être elle-même prise de court. Si la jeune femme brune ne lui inspirait qu'une méfiance relative motivée par la surprise, elle pouvait toujours renverser la vapeur. La syrra'elheìn pensait qu'il fallait toujours se méfier de l'eau qui dormait, même quand celle-çi était un spectacle à elle toute seule. La brune avait trouvé une serviette et s'en était couverte, passant pivoine en voyant qu'elle avait oublié ses seins. Scydia l'observa tout en se dressant, abandonnant sa posture assise pour se mettre debout, son corps ruisselant des filets d'eau qui couraient contre ses courbes graciles et le dessin léger de ses muscles. Elle fixait l'inconnue en réprimant un sourire amusé, même si ses yeux devaient pétiller de l'amusement que lui inspirait la "petite-qui-parlait-très-vite".

- Je t'ai donné mon nom et j'attends le tien. Quant à ce que je fais ici... Et bien, comme tu le vois, je prends un bain.

A bien y réfléchir, se comporter comme étant la dérangée de l'histoire n'était pas du meilleur goût. Scydia était l'indésirable de la scène, celle qui s'était appropriée le bain et la pièce. C'était à elle de faire profil bas et de se montrer gêner, non pas l'inverse. La blonde laissa échapper un petit soupir las et lorsqu'elle parla de nouveau, sa voix se fit bien plus douce. Comme une excuse, ou presque.

- Je suis désolée, commença t'elle. J'imagine que je suis dans ta demeure et que je t'ai fais peur. Ce n'était pas mon but et je m'en excuse. Je n'ai rien à faire là.

Dignement, fièrement malgré ses aveux, Scydia quitta le bain sans s'être lavée. Ses pas étaient lents et mesurés quand elle abandonna la baignore et le surplomb sur lequel cette dernière était posée. L'eau goutait paisiblement sur son corps encore un peu sale, soulignant les jolis atouts de son corps féminin. S'approchant de la brune, elle attrapa une des serviettes qui restaient non loin d'elle et s'en couvrit les seules hanches, abandonnant sa poitrine haute et arrogante aux éventuels regards. Scydia considérait n'avoir rien à cacher, mais la décence lui imposait de garder secrète sa fleur intime.
Elle se retrouvait un peu bête, ne pouvant pas vraiment partir ainsi. Tendant l'oreille, elle attendait que quelqu'un arrive après avoir entendu les exclamations de la brune, à qui elle s'adressa de nouveau.

- Je ne te veux aucun mal, qui que tu sois. Toutefois, je te serais reconnaissante de répondre à une question.

Scydia se rendait compte que ce qu'elle allait demander allait sembler tout à fait saugrenu, mais une première réponse à ses interrogations ne serait pas malvenue.

- Où sommes nous, au juste ?
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le lundi 05 mai 2014, 01:34:58
Ultérieurement, quand Elena repenserait à cette scène, elle se demanderait pourquoi elle avait choisi de ne pas appeler la garde. Elle commencerait alors par se dire qu’elle n’avait instinctivement pas vu en quoi Scydia pouvait être une menace, alors qu’elle était nue dans son bain. Elena devrait cependant rejeter rapidement cette hypothèse, en se rappelant qu’elle avait vu une porte secrète... Elle ignorait alors qu’il y avait un passage secret permettant de mener directement dans sa salle de bains personnelle, et il était donc objectivement possible de supposer que cette mystérieuse femme ait alors été un assassin venue la tuer. Par conséquent, Elena opta pour une autre piste, et finira par se dire qu’il y avait quelque chose de plus profond, de plus mystique... Comme si elle avait instinctivement eu confiance envers cette femme, comme si elle avait instinctivement senti qu’elle ne lui voudrait pas le moindre mal.

Pour l’heure, cependant, la seule chose qu’Elena ressentait était de la gêne. Elle se crispait à sa serviette, tandis que Scydia, lentement, se redressa, s’extirpant du bain. Un autre élément qui, plus tard, viendrait dire à Elena qu’elle n’était pas venue pour la tuer, fut l’absence de vêtements dans la pièce, ainsi que les traces de noirceur dans le bain. Scydia Cinq-Soleils se présenta donc, et elle trouvait que son surnom sonnait étrangement elfique. Cependant, elle n’avait pas vraiment la tête d’une elfe, et, tout en restant dans l’eau, elle avait demandé à deux reprises son nom à Elena, qui finit par tilter, et par cligner des yeux, répondant d’une petite voix, marquée par la surprise :

« E... Elena... »

Que cette femme ne la connaisse pas n’était pas aussi surprenant que ça. Nexus comprenait des millions d’âmes, et, si on connaissait la Reine de nom, tous ne l’avaient pas vu. Dans certains villages très reculés, on croyait même encore qu’elle était un bébé se trouvant au monastère, et que le Lion dirigeait toujours Nexus. On avait toujours des surprises quand on s’enfonçait dans les hameaux de la campagne profonde. Scydia finit donc par sortir de l’eau, et Elena rougit en la voyant s’avancer vers elle. Elle marqua un petit pas en arrière, sentant son cœur s’emballer. Cette femme était belle et digne, mais il y avait autre chose... Elle n’allait quand même pas l’embrasser ?!

*Pourquoi je pense ça, moi ?!* s’étonna Elena.

Bien qu’elle soit toujours vierge, Elena n’en était pas pour autant ignare des choses de l’amour. Ce n’était clairement pas au monastère qu’elle avait pu apprendre ça, mais Jamiël lui avait parlé des règles, des floraisons, ainsi que du sexe. Un jour, Elena devrait en effet enfanter, et il avait semblé naturel à Jamiël de devoir lui en parler. Elena n’ayant pas de mère, il fallait bien que quelqu’un le fasse. Elena n’avait pas encore saisi toutes les subtilités du désir sexuel, mais c’était bien parce qu’elle en était ignare. Elle savait que le sexe permettait de procréer, et qu’une dynastie royale avait besoin d’héritiers. De fait, le sexe déclenchait en elle une certaine peur refoulée, car, à l’idée de s’imaginer l’un de ces machins plantés en elle... Au moins, ça ne risquait pas d’arriver Scydia, puisqu’elle n’avait pas ce machin entre ses cuisses. Elena observa en effet son corps, avant qu’elle s’enroule dans une serviette, en se disant qu’elle avait des hanches fermes, et un corps qui faisait plutôt penser à celui d’une guerrière qu’à une courtisane. Que faisait-elle donc ici ? L’incongruité de la scène se disputait avec l’étonnement sincère de la jeune Reine.

Scydia s’emmitoufla dans une serviette, et essaya de la rassurer sur ses intentions, en lui disant qu’elle ne voulait pas de mal, et qu’elle comptait lui poser une autre question. Elena hocha lentement la tête de haut en bas, confirmant ça, et Scydia lui posa alors sa question :

« Où sommes-nous, au juste ? »

La Reine laissa planer quelques secondes, avant de lui répondre :

« Nous sommes... À Nexus... Dans le Palais d’Ivoire. Et vous êtes dans la salle de bains de la Reine de Nexus. »

Elle reprenait peu à peu de sa superbe. Scydia comprendrait-elle qui était en face d’elle, maintenant ? La Reine regarda ensuite le passage par lequel cette femme était probablement entrée, et ne put s’empêcher de poser, à son tour, une question :

« Comment avez-vous fait pour atterrir chez moi ? D’où est-ce que vous venez, Scydia Cinq-Soleils ? »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le lundi 05 mai 2014, 02:56:11
A aucun moment Elena ne sembla être dangereuse pour Scydia. La guerrière avait affronté bien des périls, rencontré de bien singuliers personnages parfois hauts en couleurs. Des femmes qui sortaient de l'ordinaire, la sauvageonne en avait croisé nombre. Des combattantes, de simples mères de familles, des catins qui vendaient leurs charmes contre un peu de pain et d'eau, des voleuses, des sauvages restées à l'état primitif, des assassins... Scydia Cinq-Soleils avait risqué sa vie en face de la plupart et avait apprit à reconnaître le Mal du Bien. C'était quasi-instinctif chez elle et l'expérience avait fait en sorte qu'il était très difficile de cacher sa nature à l'humaine. Ainsi, le Sabre Véloce pouvait certifier que la brune timide qui lui faisait face ne pouvait (ni ne voulait, du reste) lui porter un quelconque préjudice. Bien entendu, Elena était sur la défensive. Scydia le comprenait parfaitement. Mais elle ne se constituait pas en danger ni même en obstacle et lui semblait somme toute assez sympathique. Sa garde ne se baissa toutefois pas : la beauté du Fléau avait eu des traits presques angéliques, mais les maléfices de ses actions avaient marqués Terra pour plusieurs centaines d'années. Un minois, aussi innocent fut-il, n'était pas un gage de la couleur de l'âme de la personne qui s'en paraît.

- Elena, répéta t'elle à voix basse. Elena, bien.

Les oeillades de la jeune femme sur son corps nu ne dérangèrent pas Scydia. Trop peu portée sur le sexe pour trouver dans les coups d'oeil d'Elena une connotation sapphique qui n'existait toutefois pas, la guerrière ne se formalisa pas de sa curiosité. De plus, si Scydia ne cherchait nullement à séduire, elle devait se reconnaître une certaine fierté : son allure était plaisante et les années d'entraînement intensif ainsi que les rudes batailles qu'elle avait put mené lui avait conféré une ligne certes sèche et quelque peu musculeuse mais toujours féminine et agréable. Qu'on la regarde était une flatterie qu'elle prenait comme légère sans trop y prêter d'attention. Elle-même profita des traits charmants d'Elena, qui avaient une candeur juvénile qu'elle n'avait pas connue depuis... oh... des lustres. La guerre enlaidissait les femmes et durcissaient leurs traits, faisant vieillir prématurément les enfants.
La réponse à sa question vint tandis qu'elle rêvassait un peu, regardant le visage fin de son vis-à-vis. Ses paupières clignèrent légèrement et la blonde revint poser le pied sur la terre.

- Nexus ? Où est-ce, ça, Nexus ? Scydia fronça légèrement les sourcils. Ça serait bien le nom d'une cité de l'ouest, ça... Ah, n'est-ce pas cette cité assise sur un des bras de la Jovanie ?

Non, ça ne l'était pas. La Jovanie, comme Scydia ne pouvait que l'ignorer, était une rivière asséchée depuis des siècles. Située dans les lointains territoires du couchant, la Jovanie (du moins l'endroit de son lit, effacé par le temps depuis des éons) était bien loin de l'emplacement géographique réel de Nexus. Et si il y avait bien eu une ville dressée sur l'un de ses bras, elle était partie en poussière avant que la construction du palais d'ivoire même ne s'achève. Ce que Scydia retint vraiment, c'était qu'elle se trouvait dans les appartements d'une souveraine. Son apparition impromptue pourrait donc bien lui coûter très cher, d'autant qu'elle aurait toutes les peines du monde à se justifier quand à la façon par laquelle elle avait débarqué, pour la bonne et simple raison qu'elle ne le savait pas. Bien entendu, la guerrière pourrait parler du vieux temple qui avait accueillit son réveil, mais pour ce que Scydia en savait il n'y avait aucun autre accès que le passage qui balafrait l'un des murs de la salle de bain. Voilà qui n'aiderait pas, assurément.
Toutefois, d'après l'humaine, si reine il y avait bien en ces murs, elle n'était pas encore arrivée. Pour le Sabre Véloce, Elena n'avait rien d'une souveraine. De plus, quelle tête couronnée n'aurait pas prévenu la garde de l'intrusion d'une inconnue dans ses appartements ?

Minute. Ne venait-elle pas de lui demander ce qu'elle fichait "chez elle" ? Cela sous-entendait qu'Elena était celle qui vivait dans ces lieux, ce que Scydia ne concevait pas. Ce qu'elle prit pour une tentative de protection envers la véritable reine l'amusa. Une servante qui se faisait passer pour sa maîtresse pour lui éviter un sort funeste des mains d'un individus douteux... C'était là un bien bel esprit, qui mérita un sourire respectueux que Scydia accorda bien volontiers avant de répondre.

- Je viens de là , dit-elle en désignant le passage. Que tu le saches ou pas, il y a un petit temple qui repose derrière ce mur. Le palais a probablement été construit par-dessus, car c'est un endroit des plus anciens, et...

Dans son esprit, un déclic se fit jour. Scydia se figea au milieu de sa phrase, ses yeux se posant sur Elena sans qu'elle ne semble la voir. Oui, le temple était vieux. Durant sa recherche d'une sortie, la guerrière avait constaté un état de délabrement évident qui n'était ni plus ni moins que l'effet d'un cycle de saisons maintes et maintes fois répété. Le temps avait fait son oeuvre sans qu'aucune main ne vienne souiller les lieux. C'était bien cela qui avait fait tilter Scydia. L'inscription sur la porte, celle qui lui avait permit de l'ouvrir, était en Al'huïn. Or, les seuls vestiges elfiques assez vieux pour correspondre étaient situés sur l'île où s'était réfugié le Fléau lors de la guerre et il était impensable qu'une autorité humaine ait put s'installer là alors que les Al'huïn peinaient seulement à garder leurs campements de fortune.
Quelque chose ne collait pas.
Lentement, comme un poison vicieux, une angoisse saisit Scydia. Elle n'en comprenait pas la cause et ne parvenait pas à agencer correctement les morceaux épars qu'elle venait de récupérer mais son instinct pourtant lui soufflait que quelque chose n'allait pas.

Elle revint à Elena en dardant dans ses prunelles un regard acéré, presque menaçant. Scydia ne cherchait pas à effrayer Elena mais comme souvent son corps traduisait très lisiblement les sentiments forts qui l'animait et qu'elle n'avait jamais su contrôler.

- Ta ville, cette Nexus, à quel endroit de Terra se trouve t'elle ?

Sa langue humecta ses lèvres quand elle eut la sensation que la question qu'elle venait de poser n'était en fait pas la bonne. Ce n'était pas la localisation géographique qui importait pour commencer à saisir l'ampleur réelle de sa situation depuis son réveil. Scydia savait ce qu'il fallait demander, sans parvenir à s'y résigner. La réponse l'effrayait alors même que son esprit n'était pas capable d'en imaginer le contenu. Aussi hésita t'elle quand sa bouche laissa filer, un peu moins assurément que les autres propos qu'elle avait eut jusque là, les mots qui la tiraillaient.

- ...Q-quand sommes nous, Elena ?
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le mardi 06 mai 2014, 01:37:43
Nexus n’évoquait rien à cette femme, qui lui annonça, par ailleurs, venir d’un temple profondément enfoui dans le Palais d’Ivoire. Cette seconde information était étonnante, car Elena ignorait qu’il y avait un temple, mais pas surprenante. Nexus était une très vieille ville, et le Palais d’Ivoire traduisait cette ancienneté. Il avait été bâti par les elfes quand ces derniers étaient arrivés à Nexus, et les Ivory, en prenant le contrôle de la ville, avaient repris le Palais d’Ivoire. Il ne portait alors pas ce nom, et n’était rien de plus qu’un manoir en hauteur de la falaise, bâti ici pour des raisons stratégiques. Face aux envahisseurs, ce manoir fortifié constituait une très bonne protection. Les envahisseurs devaient grimper le long de la pente, et l’endroit était suffisamment grand pour contenir des cultures, ou des animaux d’élevage. Peu à peu, le manoir fortifié était devenu un fort, qui avait connu moult évolutions. On avait repéré des grottes souterraines sous le Palais d’ivoire, et, jadis, un Ivory avait entrepris des fouilles archéologiques importantes. On ignorait s’il voulait juste espérer trouver des gisements de pierres précieuses, creuser une sortie discrète, ou retrouver le vieux sanctuaire elfique qui avait été bâti sous terre parles elfes, durant la Guerre contre les Vodyanoi.

Elena pensait que Scydia devait venir de ce temple, ce qui revenait à dire que la légende était vraie. Les Vodyanoi étaient un peuple aquatique, un ancien peuple dont il ne restait aujourd’hui plus que des vestiges et quelques survivants dispersés dans des endroits reculés. Jadis, ils avaient néanmoins été sur tous les continents, et étaient entrés en guerre contre les puissances terrestres, comme les elfes, mais aussi les dragons. Les Vodyanoi avaient été aidés par d’autres puissances continentales, et la victoire des elfes avait illustré le glissement du monde, basculant de la mer à la terre. On disait qu’un sanctuaire elfique avait été construit ici par les elfes qui avaient défendu cette côte contre de redoutables Vodyanoi vénérant l’un des Grands Anciens, Dagon. Une légende qui n’était attestée dans aucun écrit historique, du fait de l’ancienneté de cette légende. Seulement, si Scydia venait vraiment d’un temple, alors c’est que la légende était vraie. Autrement dit, Elena allait sûrement devoir organiser des expéditions pour trouver ce temple, et y chercher des vestiges.

Cependant, ce temple n’était pas le seul mystère. Qu’est-ce que cette femme fabriquait ici ? Comment s’était-elle retrouvée dans ce temple ? Elena crut initialement qu’elle était juste une amnésique, une pauvre Nexusienne devenue folle à force d’errer dans les profondeurs de la ville, et qui avait fini par se retrouver ici, mais... D’une part, elle n’avait pas la tête d’une cinglée, et, d’autre part, elle parla de la « Jovanie ». Ce terme résonna dans l’esprit de la Reine, et, pendant que Scydia commençait peu à peu à dénouer les fils, et à percevoir sa situation, Elena, elle, filait dans les profondeurs de sa mémoire pour se rappeler la Jovanie. Fort heureusement, la Reine avait la même mémoire que sa défunte mère, dont on disait qu’elle avait la tête suffisamment large pour se rappeler des 155 places qui avaient été allouées lors du banquet organisé à l’occasion de son mariage avec Liam Ivory. La Jovanie, donc... Elena en avait entendu parler dans ces cours de géographie au monastère... Des cours qui avaient été assez exigeants et pointus, car une Reine se devait de connaître parfaitement le monde, que ce soit les États, ou les fleuves, les zones stratégiques d’importance, etc... En fait, Elena ne se rappelait quasiment plus de ce qu’elle avait appris sur la Jovanie, juste que, pour elle, ça évoquait les elfes... Ce que le surnom de Scydia confirmait aussi, ainsi que le fait qu’elle prétende venir d’un temple elfique... Or, elle n’avait aucun attribut elfique visible.

*Peut-être une métis ? Ce n’est pas impossible...*

Prise d’un doute, Scydia lui demanda alors où se trouvait Nexus. Elena ne répondit pas sur le coup, car elle sentit que Scydia avait une autre question à poser, ce que cette dernière ne tarda pas à faire, en poursuivant, d’une voix hésitante, presque comme si elle se doutait de la réponse :

« ...Q-quand sommes nous, Elena ? »

La Reine aurait pu lui donner l’année précise, mais elle sentait que ça ne parlerait pas beaucoup à Scydia, surtout si elle n’avait jamais entendu parler de Nexus. Elena aussi commençait à entrevoir la vérité... Scydia ne pouvait pas être amnésique, car, non seulement elle connaissait son nom, mais elle lui avait parlé d’une position géographique précise et identifiable sur certaines cartes. Elena laissa donc planer quelques secondes.

« Je... Je crois qu’il vaut mieux que je te le montre. Suis-moi... »

Si une servante passait par là, elle serait probablement surprise de voir la Reine se déplacer en serviette de bain avec une parfaite inconnue, un spectacle qui était généralement réservé à d’autres dignitaires venant de loin, et soucieux de voir si les Nexusiennes avaient les reins aussi solides que ce que la légende disait. Elena sortit de la salle de bains, traversa le couloir, et ouvrit une porte. C’était un petit bureau, et elle conseilla à Scydia de s’asseoir sur une chaise. Elena avait proprement noué sa serviette, ne voulant pas qu’on la surprenne à nouveau nue. Elle s’approcha d’une bibliothèque comprenant toute une série de livres et de parchemins.

Si Scydia observait la pièce, elle verrait un bureau en face d’elle, avec une mappemonde qui pouvait, en soi, fournir un début d’explication. Dans le fond de la pièce, une vitre permettait d’éclairer la pièce. Elena finit par tirer sur un manuscrit, comprenant un atlas, et le déposa sur le bureau.

« Voilà... On est là... »

Une double page montrait le monde, et Elena désigna un point à l’ouest d’un grand continent central, le long de la mer. La légende sur la carte parlait d’elle-même : « NEXUS ». Elena s’écarta ensuite.

« Quant à la date... Où est-il ? Ah, voilà ! »

Elena attrapa un manuscrit plus petit, qui comprenait la date de cette année et des neuf années à venir, en tenant compte des différents calendriers. Les elfes avaient leur propre calendrier, les humains aussi, ainsi que les nains... Nexus étant au carrefour du monde, il était normal d’avoir ce genre d’instruments. Le calendrier elfique étant resté le même depuis des millénaires, Scydia ne devrait avoir aucun mal à voir la différence d’année.

Presque dix mille ans s’étaient écoulés entre son combat contre le Fléau et son réveil dans les profondeurs du Palais d’Ivoire.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le vendredi 16 mai 2014, 14:08:18
Lui montrer ? Que voulait-elle lui montrer, exactement ? Qu'est-ce qui valait la peine d'être montré ? Sous l'agitation qui commençait à la saisir, Scydia sentait la bile de mauvaise foi remonter jusque sur ses papilles. Sa mauvaise humeur et son inquiétude voulaient se muer en une expression orale quelque peu ordurière pour lui faire exorciser les mauvais pressentiments qui lui étreignaient le coeur d'une poigne de fer, qui ne manquait pas de l'autre main de lui tordre l'estomac. Pour ne pas se montrer insultante envers Elena, la guerrière se contenta d'hocher rapidement la tête tout en se mordant l'intérieur de la joue. La combattante emboîta silencieusement le pas de la dirigeante et ne prit même pas la peine de détailler les couloirs tranquilles qui abritaient leurs pas discrets. Les femmes arrivèrent à un bureau, sorte de petit cabinet d'étude qui déplut à Scydia. Cela lui rappelait trop le temps durant lequel son mentor l'avait initiée à des arts plus subtils que ceux du combat : dans un local sensiblement identique à celui dans lequel Elena lui proposait de s'installer, la farouche blondinette avait apprit la lecture, l'écriture, le calcul, la géographie et avait versé dans quelques autres domaines dont les connaissances étaient devenues depuis des siècles déjà complètement obsolètes.

Ses yeux s'intéréssèrent à la mappemonde sans chercher à trop la détailler, ne voulant pas s'emplir la tête de spéculation et de doutes. De ce que les cartogrpahes de son époque avaient déjà rapporté ne semblait subsister que des bases aujourd'hui incroyablement plus affinées qui, de loin et sans attention particulière, lui semblèrent abominablement abstraites. Scydia préféra observer Elena qui, moulée dans sa serviette, parcourait les étagères alourdies par le poids d'impressionnants ouvrages qui y reposaient. La reine ne l'attirait pas. Son esprit était certes trop accaparé par d'effrayantes spéculations pour s'intéresser à des choses plus triviales, mais Scydia n'avait jamais vraiment sût dire si une personne, pour une simple question physique, avait ses faveurs.
Quand la reine de Nexus déposa devant l'intruse un atlas, Scydia se pencha depuis la chaise vers laquelle elle s'était installée vers les pages jaunies qui délivraient une carte du monde. Suivant le doigt fin de la brunette, la bretteuse découvrit la cité côtière schématisée par une plume des plus savantes. L'inscription, en revanche, ne lui parlait absolument pas.

- Je ne sais pas lire cette langue, dit-elle sans laisser paraître une légère pointe de gêne. Je ne sais lire que l'Ald'huïn et un peu le Kekch.

En somme, la langue des premiers elfes et celles des races plus frustres comme les orcs et autres gobelins. Dans le monde qu'elle avait quitté, les humains n'avaient pas encore établi un réel langage écrit et celui qui viendrait à être adopté communément sur Terra n'aurait que très peu des bases elfiques sur lesquelles il aura été construit. Elle supposa très logiquement qu'Elena lui montrait la fameuse cité de Nexus dont elle prétendait être la souveraine et estima du bout des doigts l'échelle de la cité d'or sur la portion de terre qui la portait.

- Ta cité est gigantesque, Elena. Elle suivit un instant le tracé des côtes. J'ai l'impression de connaître ça.

Scydia ne put s'attarder sur la géographie qui se dévoilait devant elle, puisque la souveraine lui présenta un manuscrit qu'elle porta à son attention. Ce document, à la différence de l'atlas, était parfaitement compréhensible pour la blonde. Elle jeta un oeil un peu inquiet à Elena avant d'enfin accepter de se concentrer sur les chiffres qui dansaient devant ses yeux. La guerrière se référa à la date indiquée par sa compagne de discussion, avant que ses paupières ne clignent. Ces nombres étaient impossibles ! Bien trop élevés ! Comme prise d'une légère panique, elle repoussa sèchement la main d'Elena et consulta plus attentivement le papier en s'humectant nerveusement les lèvres, son doigt témoignant du retour chronologique qu'elle effectuait par rapport à la datation affirmée par la brune. Elle se mordilla nerveusement la lèvre inférieure avant de se mettre à compter sur ses doigts, comme une enfant.
En un éclair, son poing fermé s'abattit violemment sur le bois du bureau qui grinça légèrement sous le choc, tandis que ses beaux yeux bleus fusillaient la souveraine d'un regard des plus meurtriers.

- TU MENS ! TU MENS, C'EST IMPOSSIBLE ! Se levant d'un bond de son fauteuil qui tomba à la renverse, elle agrippa le velin d'une poigne crispée et l'agita viruleusement sous le nez de l'Ivory. CELA FERAIT PRES DE DIX MILLE ANS ! FOUTAISES ! DOIS-JE TE BRISER LES OS DE CHAQUE MAIN POUR QUE TU CESSES CETTE COMEDIE, ENFANT ? ES TU SATISFAITE DE TON MISERABLE MENS-

Alors qu'elle semblait véritablement prête à se jeter sur Elena, Scydia s'arrêta d'un coup tandis qu'un déclic se fit jour dans son esprit. Sans se calmer, elle reporta d'un coup toute son attention sur l'atlas et revint suivre d'un doigt rendu fébrile par la colère le tracé des côtes qui bordaient Nexus. Si les hommes et les constructions changeaient, la terre elle ne perdait rien de son dessin. Et cette même terre qui apparaissait comme étant le royaume de l'enfant Ivory, Scydia en connaissait parfaitement le dessin. Elle l'avait étudié avec son maître des heures durant, quand il lui avait enseigné la géographique. Parce que voir "depuis le ciel" l'endroit où elle vivait lui semblait être une incroyable magie, Scydia avait passé de longs moments à imprimer dans son esprit le dessin des côtes bleues, son chez-elle.
A présent devenu, après maintes et maintes décénnies, le tertre de la plus grande cité de tout Terra.

Comme si les paroles et les preuves devenaient une évidence claire comme un rayon de soleil, la vérité explosa dans le coeur et l'esprit de Scydia. La fière guerrière baissa la tête et le rideau humide de ses courts cheveux blonds retomba comme un voila pudique sur son visage dont les traits se déformaient de plus en plus à mesure que la tristesse la plus poignante lui serrait le coeur et l'âme. Ses épaules se mirent doucement à trembler et son poing refermé sur le manuscrit chronologique s'ouvrit pour le laisse tomber sur le sol tandis que, doucement, des larmes vinrent s'écraser sur la carte du monde.
Finalement, comme si le poids de l'évidence était devenu un fardeau bien trop lourd pour elle, Scydia tomba à genoux sans que ses pleurs ne cessent, ses larmes roulant de ses joues sur son buste nu.

- Tu n'avais pas le droit de me voler ma mort... Tu n'avais pas le droit, psalmodia t'elle entre deux sanglots.

Le Fléau, si il avait été là à cet instant, aurait put se vanter d'avoir brisé la plus fière de tous ses ennemis. Près de dix mille ans ans après la bataille, cet esprit malin savourait-il sa victoire ?
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le samedi 17 mai 2014, 01:57:44
Elena ne s’attendait pas à une telle crise de colère, et la relative forme de sympathie, ou, plutôt, de compréhension, qu’elle avait à l’égard de cette femme s’atténua devant un sentiment de peur quand elle se mit à lui hurler dessus, en brandissant le parchemin. Elena ne dit rien, mais choisit de lutter contre son instinct, cet instinct qui, pour une inexplicable raison, soufflait à la Reine de lui faire confiance. Scydia mentionna près de dix millénaires, mais Elena retint surtout le « briser les os » et le « gamine », deux éléments qui l’incitèrent à utiliser discrètement son alarme. Elle n’avait pas de petit bouton rouge sous le bureau, mais un dispositif similaire : une bague magique... Du moins, une bague abritant un orbe magique, un orbe relié à un autre orbe. Quand elle appuyait dessus, l’orbe émettait un signal magique, provoquant comme une vibration... Elle appuya donc discrètement dessus, tout en incitant la femme à calmer :

« Je... Mais que vous arrive-t-il, Scydia ?! »

La femme se mit à genoux, et l’intervention de la cavalerie ne fut pas longue. Adamante reçut le signal rapidement, et se téléporta instantanément, arrivant près de son miroir magique, dans les appartements de la Reine. Elle savait qu’Elena n’appuierait pas sur la bague sans raison, et c’était une sécurité indispensable, voulue par Ronald Langley. La femme était à genoux, en train de pleurer, visiblement, et, alors qu’Elena se releva, Adamante arriva derrière.

« At... » entama Elena.

Trop tard. La décharge magique jaillit de la main d’Adamante, et heurta Scydia à la nuque. La mystérieuse femme qui avait surgi à l’improviste dans sa salle de bains s’affala sur le sol. La décharge l’avait simplement plongé dans l’inconscience. Une attaque que Scydia aurait sans aucun doute pu esquiver en temps normal. Adamante ne s’était pas posée plus de questions : elle n’avait jamais vu cette femme, la Reine ne l’avait pas annoncé, et la magicienne avait préféré prévenir que guérir.



« Il n’y a aucune référence à une quelconque Scydia dans nos archives...
 -  Elle est née il y a dix mille ans, nos archives ne remontent pas à aussi loin ! »

Le regard acéré de Ronald « Scar » Langley (http://justanor.deviantart.com/art/Joffrey-de-Peyrac-369836329?q=gallery%3AJustAnoR%2F25751594&qo=68) exprimait tout le doute qu’il éprouvait pour cette assertion. Outre siéger au Conseil royal, où il représentait officiellement l’Ordre du Griffon, l’ancien camarade d’armes de Liam Ivory, au visage marqué par une hideuse balafre, était aussi le chambellan du Palais, et le responsable de la Garde royale. Quand on lui avait annoncé qu’une femme avait débarqué dans la salle de bains de la Reine, au nez et à la barbe de tout son dispositif de sécurité, Langley avait cru s’étrangler sur place. Il savait que le Palais d’Ivoire était vieux de plusieurs millénaires, et avait subi moult reconstructions. Ce faisant, il existait une infinité de passages secrets, et il savait donc qu’il était théoriquement possible de rejoindre les appartements de la Reine par ce biais. Théoriquement, bien sûr... En pratique, beaucoup de ces passages étaient secrets, protégés par des runes, et il y avait aussi des rondes.

Scydia était avec eux, dans l’une des pièces du château. Ronald avait voulu la transférer dans les prisons du château, mais Elena avait refusé, arguant qu’elle préférait plutôt la mettre dans un salon. Scydia était ainsi assise sur un fauteuil, mais ses bras étaient reliés aux accoudoirs par des espèces de bracelets magiques, agissant comme des ventouses. C’était plus confortable que des liens, et, encore une fois, c’était Elena qui avait demandé à Adamante de faire ça. Ronald en était presque à se demander si elle n’avait pas été droguée, car, tout ça... Ça ne ressemblait pas à la fille de Liam. Un tel manque de prudence... Elle aurait du appeler immédiatement la garde, au lieu de s’entretenir avec une menace potentielle. Le pire, c’est qu’Elena le savait... Tout comme elle savait que la procédure normale n’était pas de s’entretenir personnellement avec Scydia, mais de la laisser être interrogée par les hommes de Ronald, dans les cachots. Seulement... Elena savait que la torture était un mode d’interrogatoire utilisé à Nexus. Ce mode avait été restreint par plusieurs ordonnances royales successives, mais, dans ce scénario, les agents royaux avaient le droit d’y recourir, le crime concernant la personne royale.

« Les hommes ont-ils trouvé quelque chose dans le passage par où elle est venue ? » demanda alors Adamante, essayant d’éviter que le conflit larvé entre Elena et Ronald n’éclate.

Ronald la regarda, et hocha lentement la tête.

« Un genre de temple... Ils ont du descendre profondément, dans les profondeurs de la falaise, mais ont vu ce qui, manifestement, ressemblait à un sanctuaire elfique... Mais ce ne sont pas des spécialistes. J’ai demandé à l’université de nous envoyer un expert sur la question.
 -  Aucune idée sur la manière dont elle aurait pu entrer ?
 -  Nous avons pu remonter jusqu’à ce sanctuaire, mais, à partir de là, les agents n’ont pas pu trouver un autre chemin. »

Tout ça ne prouvait rien, Elena le savait, car il pouvait tout à fait exister encore d’autres passages. Ce qu’elle pensait concernant Scydia n’était tout simplement pas rationnelle, elle le savait.

« On ne peut pas simplement se contenter des archives... Il faut aller chercher dans les bibliothèques... Si elle date vraiment de cette époque, on aura plus de chance en cherchant du côté des contes ou des légendes... »

Il y a dix millénaires, Nexus n’existait pas. Elle n’en était qu’à ses prémices, et les seuls documents historiques que les archives avaient étaient des manifestes de navires elfiques, attestant de la construction d’un petit avant-poste sur une terre étrangère. Des informations que les Nexusiens avaient pu recouper avec celles données par le Bosquet des Hauts-Elfes. Il n’y avait aucune trace d’une quelconque Scydia, et Elena avait aussi demandé à ce qu’on interroge les Hauts-Elfes. Pour l’heure, Ronald était plus que circonspect devant cette histoire, mais, malgré sa paranoïa, il était aussi un homme intelligent. Pourquoi inventer une telle histoire abracadabrante ? Pourquoi avoir débarqué devant la Reine en étant nue ? Il y avait des éléments qui ne collaient pas avec un assassinat.

« Elle est en train d’émerger... »

Ronald hocha lentement la tête, et fit signe à Elena de se taire. Cette dernière se mordilla les lèvres. Elena en avait profité pour s’habiller à son tour, portant une confortable robe. Ronald s’assit en face de Scydia, et attendit que cette dernière émerge pour se présenter.

« Votre bouche doit être pâteuse... Détendez-vous, vous pourrez parler sous peu... Mais je pense que vous devez m’entendre. Je m’appelle Ronald Langley, et je suis en charge de la sécurité de Sa Majesté la Reine Elena Ivory. Je vais vous demander une réponse simple et claire à une question qui l’est tout autant. »

Il ménagea une pause, espérant avoir capté l’attention de la femme, et reprit :

« Qui êtes-vous, et que voulez-vous ? »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le samedi 17 mai 2014, 18:13:05
Elle capta le mouvement qui s'orchestra derrière elle, quand bien même elle était en pleurs et que son attention n'était plus qu'un voile déchiré par la tristesse. Elle sut que quelqu'un était arrivé en se plaçant dans son dos, tout autant qu'elle sut à force d'entraînement qu'il lui était tout à fait possible de se déplacer. Même en utilisant une vitesse très éloignée de son potentiel maximal, Scydia aurait put ajourner la menace pourtant implacable d'Adamante. La guerrière n'esquissa néanmoins aucun geste, qu'il fut de défense ou de déplacement. Son corps était de toute façon encore trop endolori pour que ses muscles produisent l'accélération surréelle qui caractérisait le Sabre Véloce et surtout, elle ne voyait pas l'intêret de bouger. C'était peut-être stupide, peut-être qu'on allait l'abattre ici comme un chien. La blonde s'en moqua éperdument et se contenta de subir la décharge que la magicienne lui délivra derrière la tête, qui lui évoqua brèvement un coup de massue aussi soudain qu'un éclair. Dans un léger gémissement et un dernier sanglot, la fière Scydia Cinq-Soleils s'effondra sur le carrelage de marbre du petit bureau, plongée dans les profondes ténèbres de l'inconscience.

***

Son esprit reprit lentement pied, son difficile éveil accentué par des sons très étouffés aux intonations de diverses envergures. Ce n'étaient que des bruits sans sens ni raison qui caressaient ses tympans, comme si les mots étaient enrubannés dans d'innombrables couches cotonneuses. Etait-ce là vraiment des mots ? Sa tête cognait durement et Scydia se montrait bien incapable de faire le distingo entre une phrase et des tirs de cannonerie. Tout son univers sonore était perturbé, la cohérence des sons qu'elle percevait ne parvenant pas à s'ajuster concrètement. Tête baissée sur son assise, la combattante fronça péniblement les sourcils en essayant d'ouvrir les yeux, ses paupières papillonnant lourdement devant ses globes oculaires. Le sol fut d'abord flou, puis sa solidité fut enfin concrète. Elle voyait ses cuisses et ses pieds de plus en plus distinctement. Lorsqu'elle tenta de passer sa main sur son visage, la guerrière s'aperçut que ses deux bras étaient entravés. Ils bougaient très légèrement sans pouvoir réellement se mouvoir et elle maugréa un juron en elfique avant de comprendre qu'on parlait tout autour d'elle. Décidant de se laisser le temps et de ne pas forcer son esprit à comprendre et à analyser, Scydia resta quelques instants à ne rien dire en conservant tête bêche. Non pas qu'elle voulait faire profil bas -elle était trop fière pour cela- mais c'était la position qui lui sembla sur le moment la plus confortable.
Finalement, la combattante comprit que quelqu'un venait de s'installer face à elle et qu'il n'était plus question de rester passive. Elle leva le visage vers l'inconnu et n'eut pas le luxe de détailler les cicatrices qui lui dévoraient la face puisqu'elle se mobilisa sur les mots qu'on lui adressait.

Sa langue, comme pour vérifier les dires de Langley, remua pataudement dans sa bouche entr'ouverte. Elle attendit que la salive vienne envahir son palais pour prendre la parole d'une voix légèrement affaiblie mais empreinte d'une fierté que rien, décidément, n'aurait semblé pouvoir lui ôter.

- Je suis... Je suis la syrra'elheìn Scydia Cinq-Soleils, enfant des côtes bleues et pupille de Lothor Cinq-Soleils, commença t'elle. Je suis l'envoyée et la soldate du souverain Medhaar de la Vigne-d'Or et l'ennemie jurée du Fléau des Ages.

Enfin revenue sur terre, Scydia se redressa convenablement sur son assise et jeta légèrement sa tête en arrière pour chasser le rideau de cheveux blonds qui était tombé contre son visage. Aussi noble que le lion qui apparaissait parfois dans son sillage, la farouche guerrière toisait Ronald Langley sans peur ni gêne.

- Et ce que je veux, c'est apprendre l'honneur au lâche qui attaque une personne désarmée dans le dos. Libère moi donc, Ronald Langley, que je délivre ma leçon ! 

La jeune femme ignorait l'identité de son agresseur et ne s'adressait en fait pas spécialement à Langley, bien qu'elle le fixait dans les yeux. C'était plus qu'une provocation, c'était la promesse d'une leçon qu'elle estimait avoir le droit d'inculquer à celui (ou celle) qui ne connaissait pas les règles les plus élémentaires du duel. L'honneur était une des choses les plus sacrées pour Scydia et, comme l'anachronisme qu'elle était, elle n'imaginait pas qu'un serviteur royal puisse en être dépourvu. La blonde n'était pas assez bête pour ne pas comprendre pourquoi on l'avait assommée, si cette Elena était effectivement une souveraine. Mais le faire de face en la sommant préalablement de se rendre lui semblait plus digne, plus logique. Plus noble.
Apercevant la souveraine derrière Langley, la guerrière se désintéressa de ce dernier pour planter ses yeux bleus dans les seuls autres qui lui semblèrent un tant soit peu amicaux.

- Je te dois des excuses, Elena. J'étais l'intruse en ta demeure et il était indigne que je te menace alors que tu avais accepté ma présence.

Respectueusement, Scydia inclina la tête. Elena n'était pas son ennemie et maintenant qu'elle était plus calme, la combattante admettait s'être laissée emporter. Ce n'était pas digne d'elle, ni même très correct envers celle qui lui avait quelque peu accordé sa confiance. Quelle soit reine ou paysanne, la brunette lui avait plus d'une fois tourné le dos et était restée face à elle, parfaite inconnue et menace potentielle, toujours désarmée. Que cela fut acte de bonté naïve ou de confiance presque innée ne changeait rien à l'affaire et au déshonneur qu'avait été son comportement une fois qu'elle avait eu sous le nez la concordance des dates.

- Si le calendrier ne mentait pas, il n'est rien que je puisse faire pour t'assurer de mon identité et du fait que je ne te voulais aucun mal. Elle revint à Langley, son oeil scintillant d'un éclat prédateur. A part peut-être assurer que si j'avais voulu prendre ta vie, tu serais morte avant même que tu ne puisse réaliser que je ne t'avais tranché la gorge.

Elle aurait put ajouter qu'elle aurait été très loin avant même que le corps d'Elena ne soit découvert et que la garde ne réalise son impuissance, sa vitesse aidant. Scydia n'en fit rien, ne cherchant pas vraiment à défier Scar. Pour le moment, l'homme ne faisait sûrement jamais qu'accomplir son devoir et le Sabre Véloce ne pouvait pas le considérer comme un réel adversaire. Toutefois, elle se devait d'établir sa défense. Si elle avait voulu s'en prendre à Elena, aurait-elle risquer de se faire surprendre en sa compagnie avant d'accomplir son forfait ? Les deux femmes avaient passé presque trente minutes ensemble, soit bien plus de temps qu'il n'en fallait à une combattante chevronnée pour occir une faible demoiselle, toute reine fut-elle.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le mardi 20 mai 2014, 02:05:49
Scydia, une Syrra'elheìn... Ce nom sonnait clairement elfique, et il ne pouvait pas être inventé, mais il ne disait pas grand-chose à la Reine. Elle avait vaguement l’impression de l’avoir entendu il y a longtemps, mais il était impossible pour sa mémoire tortueuse de s’en souvenir plus. Les elfes étaient un peuple tellement compliqué, une civilisation si vieille, si âgée, qu’il était très difficile d’avoir sur cette dernière un point de vue complet... Surtout pour des éléments remontant à une dizaine de millénaires. Encore une fois, la Reine avait l’intime conviction que Scydia lui disait la vérité... Et, encore une fois, il n’y avait, dans cet avis, rien de rationnel, simplement sa profonde conviction. Scydia semblait outrée qu’on ait pu l’attaquer dans le dos, et Adamante ne releva pas l’accusation. Elle n’avait pas agi ainsi dans le but d’un duel, simplement pour protéger la Reine d’une possible agression. C’est ce qui amena Scydia à relever que, si elle avait voulu du mal à la Reine, elle l’aurait attaqué bien avant, et se serait débrouillée pour fuir avant que la Garde ne puisse la retrouver. Langley ne releva pas, de son côté, cette prétention. Il ne pouvait pas nier l’évidence : une inconnue s’était retrouvée en contact avec la Reine, au sein du Palais d’Ivoire, et, pire encore, dans la propre salle de bains de la Reine. C’était une faille de sécurité, et il aurait été inutile, pour lui, d’essayer de soutenir que le système de sécurité était très au point.

C’est donc sur un autre terrain qu’il répondit :

« Le Palais d’Ivoire est une très vieille fortification, qui a subi moult ravages au cours de son Histoire, ayant entraîné des destructions, des reconstructions, et ainsi de suite... Nos hommes ont trouvé dans le passage secret une grotte avec ce qui semble être un ancien sanctuaire elfique, mais, faute d’avoir sous les mains un spécialiste de la...
 -  Vous en avez une », le coupa alors une voix forte venant de la porte d’entrée.

Elena, Adamante, et Ronald tournèrent la tête vers l’arrivante. Nyzaël (http://nsa34.casimages.com/img/2013/12/12/131212030851620363.jpg) venait de faire son entrée, et elle était, effectivement, une elfe. Elle appartenait même aux Hauts-Elfes, mais, il y a encore dix mille ans, les elfes ne devaient pas avoir établi cette distinction. Ronald ne dit rien. Il ne voulait pas provoquer une dispute sous les yeux de cette Scydia, mais, s’il avait choisi de ne pas faire appel à Nyzaël, c’était parce qu’il n’avait pas confiance en elle. Elle venait du Bosquet, et Ronald se méfiait de cette manie que les elfes avaient de toujours voir les humains comme de jeunes enfants. Les Hauts-Elfes avaient cette fâcheuse et persistante tendance de considérer Nexus comme étant à eux.

Nyzaël tourna sa tête vers Scydia, et entreprit de se présenter :

« Je m’appelle Nyzaël. Je suis la sœur du Roi Thamir, qui a sous sa juridiction le Grand-Arbre, le Bosquet des Hauts-Elfes de Nexus... Et je connais la légende de la Syrra’elhein Scydia Cinq-Soleils, qui donna sa vie en mettant à mort un cauchemar des temps anciens : le Fléau des Âges. La Guerre des Âges est une légende qu’on conte dans mon peuple...
 -  Une légende dont nous n’avons jamais entendu parler, crut bon de souligner Ronald.
 -  Il n’y a rien d’étonnant là-dedans : les légendes humaines sont axées autour du sexe et de la boisson. Les nôtres sont des contes historiques ayant conservé une certaine forme d’authenticité, là où vos propres récits, du fait de votre éphémère existence, ont fini par se perdre dans la vague informe des fantasmes collectifs. »

Ronald soupira légèrement, mais, alors qu’il cherchait quoi dire, ce fut Elena qui intervint :

« Vous avez inspecté ce sanctuaire ? » demanda-t-elle.

Nyzaël hocha lentement la tête. Son regard oscillait entre celui de Scydia et celui d’Elena.

« J’y ai été, et j’ai vu. L’alphabet qui orne les murs de ce sanctuaire est très ancienne, et effacée en partie par l’érosion et l’écoulement naturel du temps. Ce sanctuaire était un mausolée, conçu en l’honneur de celle qui avait réussi à vaincre le Fléau. »

Elena ne doutait pas un seul instant de la justesse des paroles de Nyzaël, mais il y avait quelque chose qui gênait Ronald.

« Navré d’interrompre, mais... Scydia n’a pas d’oreilles pointues... En fait, elle m’a tout à fait l’air d’être...
 -  Scydia est connue dans nos légendes pour avoir une mère humaine et un père elfe, l’interrompit alors Nyzaël. Lothor Cinq-Soleils, dont nos conteurs chantent encore le nom. Lui et ses colons ont exploré le continent, et ont posé les premières fondations de ce palais. On les appelait alors Al’huïn, même si ce mot est passé de mode, maintenant... »

Nyzaël croisa les bras. Elle semblait sûre de son fait, et leur expliqua aussi que, selon certaines variantes plus modernes de la légende, Scydia était celle qui avait unifié humains et elfes, et que son sacrifice avait permis aux elfes de voir les humains comme autre chose que de simples sauvageons incultes et violents, mais comme des guerriers pouvant faire preuve d’une noblesse et d’un héroïsme sans précédent. Ronald, cependant, n’en démordait pas. Dans cette espèce de simulacre de procès qui était en train de s’instaurer, il posa la question meurtrière :

« Soit... Admettons que cette femme soit vraiment votre Scydia Cinq-Soleils... Admettons ça... Comment expliquez-vous, alors, qu’elle se tienne devant nous, en pleine santé, dix mille ans après sa mort ? Oh, je veux bien croire que vous, les elfes, ayez un niveau magique plus élevé que le nôtre, mais, que je sache, il n’existe aucun sort capable de conserver un corps mort pendant dix millénaires. »

Nyzaël se tut, en se pinçant les lèvres. Le retour de Scydia était annoncé dans certaines versions de la légende, mais c’était une ritournelle classique dans les contes : le héros mort devait toujours revenir, un jour ou l’autre. La vérité était que Nyzaël n’avait pas la réponse à cette question.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le mardi 20 mai 2014, 08:21:57
C'était un dialogue de sourds, une guerre froide larvée qui semblait vouée à prendre place entre Ronald Langley et Scydia. Son argument, plutôt que de faire mouche, avait été écarté d'un revers de la main par son interlocuteur. Lui n'était visiblement préoccupé que par la facilité de la syrra'elheìn à entrer dans les appartements d'Elena, exploit dont Scydia ce serait très bien passé. Son but n'avait nullement été de s'en prendre à la souveraine (dont elle ne connaissait bien évidemment même pas le nom) mais simplement de sortir du petit temple qui avait été le théâtre de ce qui avait été selon toute vraisemblance sa réssurection. Et voilà qu'elle se retrouvait à devoir prouver son honnêteté et un très malheureux concours de circonstances à un homme tout au moins aussi borné qu'elle. Aussi entreprit-elle de répliquer dans l'instant, ne voulant laisser passer aucune faille à celui qui, décidément, était pressé de faire d'elle son ennemie.

- Tu es plus inquiet pour l'état de tes stratégies de défense que pour le sort de ta souveraine, Ronald Lang-

Comme les trois autres protagonistes, Scydia tourna la tête vers l'origine de la voix qui avait coupé sa tirade et celle de son vis-à-vis. Dans l'encadrement de la porte se tenait une elfe que le Sabre Véloce reconnut tout de suite comme étant de noble lignage. Respectueusement -elle l'avait toujours été envers les Al'huïns et les races assimilées- elle inclina la tête en guise de salut, adressant à la nouvelle venue une formule de politesse dans un Al'huïn des plus parfaits. La guerrière ne releva les yeux vers l'arrivante que lorsque celle-çi se présenta et Scydia regretta que les références dont Nyzaël fit état ne soient pour elle qu'assez obscures. Elle fut reconnaissante toutefois que l'elfe évoque son nom et celui de Lothor, ainsi que son combat contre le Fléau. Langley, en bon partisan du doute très caractéristique de l'espèce humaine, remit en cause les propos de Nyzaël et Scydia le fusilla du regard. Comment pouvait-il douter de la parole d'un elfe ? Qui était-il pour se permettre de remettre en doute une représentante de la race la plus sage de tout Terra ? Nyzaël sut toutefois laisser filer une répartie cinglante et l'humaine s'en trouva soulagée.
Quand Elena intervint quant à la nature du temple dans lequel Scydia s'était éveillée, cette dernière reporta le regard sur l'elfe, dont la réponse ne lui apporta qu'une mince satisfaction.

- Je ne l'ai pas vaincu seule. Mes amis ont lutté avec autant de fureur que moi et j'espère que les murs content également leur bravoure.

L'émotion lui étreignit la gorge alors que des images successives se mirent à défiler devant ses yeux. Les visages de ses compagnons alors que le Fléau les fauchait impitoyablement, la laissant seule face à l'apocalypse sous sa forme la plus humanisée. Réprimant ses larmes, la guerrière ne prêta que vaguement l'oreille à la rapide discussion qui suivit entre Langley et Nyzaël, n'en retenant qu'une chose : Nexus était effectivement bâtie sur la côte bleue et s'avérait être ce petit village presque utopiste qu'elle avait quitté pour entreprendre sa quête. Le soleil avait connu depuis un nombre incalculable de couchers pour transformer ce petit hameau en une cité aussi étendue que la carte le montrait.
Quand vint la question de Langley, Scydia prit le temps d'une petite reflexion. Ce n'était pas une question à laquelle elle avait réellement la réponse, mais les derniers mots du Fléau lui revinrent alors en mémoire.

- Les elfes ne sont pas à l'origine de mon retour, commença t'elle. Je suis morte face au Fléau, qui m'a pulvérisé les entrailles de l'un de ses sorts. Il était impossible que je puisse survivre à mes blessures, quand bien même la Déesse m'aurait apporté son aide. De cela, je suis absolument certaine.

La syrra'elheìn se passa la langue sur les lèvres, comme si cela pouvait l'aider à se concentrer. Puis elle allât à la rencontre du regard de la fille de Thamir, considérant qu'elle était la seule qui accepterait de l'entendre et possiblement la seule qui saisirait le sens des mots du Fléau des Ages.

- Elle m'a dit que je reviendrais pour la Nouvelle Aube afin de pouvoir contempler le monde que j'avais contribué à forger en l'emportant sur elle. Car si tu te peux aujourd'hui te targuer d'exister et te permettre de me juger, Ronald Langley, dit elle en revenant vers l'homme, c'est parce que mes amis et moi avons payé de nos vies pour empêcher ce monde d'être balayé par une force plus noire que la nuit !

Elle bouillait de rage, de frustration, de tristesse. Scydia avait payé de son sang pour que Nexus puisse voir le jour, pour que les pères des pères puissent survivre à la menace d'extermination que le Fléau faisait peser sur le monde. Elle n'avait jamais demandé à survivre à son combat : sa part était faite et la perte de ses amis n'aurait sût être comblée par une poignée d'années de vie supplémentaires. La mort lui semblait bien plus douce que la survie, bien plus honorable aussi. C'était le couronnement d'une existence digne, d'une vie de guerrière. Et le Fléau lui avait volé. Que ce soit une simple vengeance ou l'engrenage d'un plan plus global ne changeait pour la syrra'elheìn rien à l'affaire.

- Je préfère être exécutée plutôt que de rester ici à attendre qu'on statue sur mon sort durant des heures, conclut-elle, amère.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le mercredi 21 mai 2014, 02:16:50
Les Hauts-Elfes avaient appris à masquer leurs émotions face aux humains. Ils pouvaient être aussi imperturbables que du granit, et faisaient preuve d’un sang-froid qui semblait presque surréaliste. On les voyait rarement s’énerver ou paniquer, même quand ils n’étaient plus qu’une dizaine devant faire face à des milliers d’Orcs déchaînés. Ils étaient impressionnants sur le champ de bataille, et Elena pensait sincèrement que, s’ils n’avaient pas autant de mal que les humains à se reproduire entre eux, les elfes continueraient encore à dominer ce monde. On pouvait leur reprocher bien des choses, mais la Reine ne pouvait qu’être admirative devant leur savoir, leur connaissance, et leur sens de la diplomatie... S’entendre avec les humains était loin d’être facile. Ils pouvaient faire preuve de sagesse, mais aussi d’égoïsme, quand ils n’étaient pas retors et manipulateurs. De plus, ils avaient bien du mal à masquer leurs émotions. Langley peinait à montrer l’inquiétude derrière sa colère et son impatience. Elena savait très bien ce qui le tracassait : le serment fait à son père de défendre sa fille, de la protéger jusqu’à la mort. En un sens, Scydia avait raison : il était plus tracassé par le fait que la défense du Palais d’Ivoire soit imparfaite, que par le fait de savoir la Reine en sûreté. La réalité était que les deux étaient liés, et que Langley ne se pardonnerait jamais qu’il arrive du mal à la survivante des Ivory... Non seulement parce que le royaume sombrerait alors, mais aussi, et surtout, parce qu’il l’avait tout simplement promis à son ancien camarade de guerre. L’honneur, cette vieille notion désuète et moribonde, palpait encore dans le cœur de Ronald Langley.

Pour autant, ce qui surprit Elena fut de voir les yeux de Nyzaël s’écarquiller quand Scydia parla de « Nouvelle Aube ». Nyzaël montra sa surprise. Le visage de marbre se brisa, et, même si cette expression faciale ne dura, au surplus, que quelques secondes, elle fut suffisante pour que la Reine la note. Langley, lui, avait été occupé à regarder Scydia. Elena avait noté que cette femme était éprouvée, mais elle était convaincue qu’elle disait la vérité. Elle ne pouvait pas l’expliquer : elle le savait. Scydia s’adressa à nouveau à Ronald, pour souligner son ingratitude, et finit par conclure ensuite :

« Je préfère être exécutée plutôt que de rester ici à attendre qu'on statue sur mon sort durant des heures ».

Nyzaël secoua lentement la tête.

« Il n’y a pas de doute possible. Cette femme est bien la Syrra'elheìn qui a donné sa vie, avec ses compagnons, précisa-t-elle. Et l’une de vos ancêtres. »

Ronald la regarda en fronçant les sourcils. Le pauvre ne savait plus où donner de la tête, entre cette étrangère qui le défiait par son insolence, cette elfe qui faisait preuve de l’arrogance traditionnelle des elfes, et la Reine qui avait l’air d’être à côté de ses pompes ce matin. Toutes les incohérences de cette situation, comme ce sanctuaire, se bousculaient dans la tête de Ronald, qui se devait de faire appel à sa discipline militaire pour démêler le vrai du faux, et ne pas se laisser embarquer par cette histoire.

« Une ancêtre ? répéta-t-il.
 -  Ce sont des Al’huïns comme Lothor qui ont fondé Nexus, en compagnie des tribus d’humains qui y vivaient. La famille humaine de Scydia faisait partie de ces peuplades. »

Ronald ne dit rien, et Elena intervint alors :

« Détachez-là, Sire Langley. »

Le paladin se retourna, dévisageant la femme.

« Avec tout le respect que je vous dois, Majesté...
 -  Je vous ai dit de la libérer. Suis-je la Reine, ici, ou non ?! »

Un léger silence vint à s’instaurer dans la pièce. Ronald et Elena se dévisageaient silencieusement, sans que Nyzaël ou Adamante n’osent parler. Elena était certes la Reine, mais Ronald était le chef de la sécurité, responsable de la protection du Palais d’Ivoire, et notamment de la personne de la Reine.

« À vos ordres, Majesté. »

Ronald se déplaça, et retira les liens qui entravaient les poignets de la femme. Il se redressa ensuite, s’écartant d’elle, et Elena poursuivit :

« Veuillez nous laisser, Sire Langley.
 -  Pardon ?! répliqua ce dernier, surpris.
 -  Votre présence perturbe notre invitée, et je ne pense pas qu’elle soit hostile. Aussi vous demanderais-je de nous laisser, et de poursuivre votre enquête sur ce sanctuaire. Je lirais votre rapport avec attention. »

Le chambellan hocha lentement la tête. La discussion était terminée, et il sortit rapidement, fermant la porte derrière lui, en se disant que, de toute manière, avec Adamante et Nyzaël, la Reine serait protégée. Néanmoins, dans le couloir, il encouragea deux de ses hommes à surveiller la porte, afin d’intervenir au moindre problème. À l’intérieur de la pièce, Elena se rapprocha un peu de Scydia.

« Je suis désolée pour le comportement de Messire Langley, Madame Scydia. Il est chargé de ma sécurité, et il faut bien quelqu’un qui soit paranoïaque ici... Il a juré de protéger la dernière des Ivory, et... Disons qu’il ne faut pas juger trop hâtivement ses craintes. En dix mille ans, le monde a eu l’occasion de changer énormément, vous savez... Même si certaines choses ont su perdurer, comme la guerre et la souffrance. »

Il y avait tant de choses à dire et à poser... Elena croyait qu’elle était là il y a dix millénaires. Elle était curieuse de savoir à quoi ressemblait Nexus à cette époque, elle était curieuse de savoir ce que Nyzaël savait sur la Nouvelle Aube, sur cette femme, et pourquoi elle avait été tant surprise... Mais, pour l’heure, Elena voulait montrer à Scydia à quel point le monde avait changé.

« Suivez-moi, Scydia, je vous prie, j’aimerais vous montrer quelque chose. »

Elena s’avança, et grimpa l’escalier menant à une mezzanine de la pièce. Il y avait un piano dans un coin, une bibliothèque, et aussi une double porte vitrée menant à une grande terrasse en forme de demi-cercle. Elena l’ouvrit, et une bouffée d’air frais rentra dans la pièce, faisant remuer les rideaux de la pièce. Elena l’invita à passer par cette porte.

Depuis la terrasse, on pouvait voir l’immensité de la cité-État, une ville dont les bâtiments et les tours s’étendaient jusqu’aux confins de la vision. On pouvait voir, au loin, très au loin, les sommets de plusieurs massifs montagneux. Des goélands volaient dehors, et les bruits de la ville remontaient jusqu’au Palais d’Ivoire, passant au-dessus des remparts du fort. Outre les bruits des goélands, on pouvait parfois entendre les cloches et les sonneries des navires. Elena laissa à Scydia quelques secondes le temps d’observer cette ville, puis se rapprocha lentement d’elle, lui parlant dans son dos.

« Impressionnant, non ? »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le mercredi 21 mai 2014, 09:47:17
Cette histoire s'éternisait et Scydia n'avait même plus la volonté de s'en montrer agacée. Le bélier qu'avaient été les dernières révélations et ses propres paroles quant à ses quatre compagnons avait enfoncé ce qui restait de sa détermination et elle ne désirait plus qu'une chose : qu'on la laisse tranquille. L'emprisonnement lui-même lui aurait semblé une alternative réjouissante. Plus de Langley pour la remettre perpétuellement en doute, plus de gens qui s'estimaient en droit de la juger. Scydia ne mentait pas; elle ne mentait par ailleurs jamais. Eux ne pouvaient le savoir, mais il lui semblait que la confiance était une donnée que cette humanité là, celle qui suivait la sienne après bien des années, ne savait plus faire confiance. La syrra'elhein avait sauvé les ancêtres de leurs ancêtres, ne pouvait-on pas au moins lui donner la simple paix qu'elle réclamait ? Quelques heures au calme auraient amplement suffit. Comme un baume léger sur de lourdes plaies, les interventions de Nyzaël la soulageaient un peu. Elle entendit l'elfe assurer la vérité de son histoire et lui accorda un regard des plus reconnaissants, avant d'écouter la suite.

Oui, ces êtres humains étaient les descendants des sauvages dont elle avait fait partie. Si leur lignée remontait aux origines de cette Nexus, alors Scydia avait très probablement cotoyé un jour les hommes et les femmes qui fondèrent leurs familles. Elle-même n'avait laissé derrière elle aucun héritage, mais elle croyait savoir que quelques uns de ses amis des côtes bleues avaient eu des enfants pendant la guerre. La guerrière hocha légèrement la tête en guise d'assertion.
L'intervention d'Elena la surprit un peu, sans pour autant vraiment l'étonner. La jeune reine ordonna qu'on la libère et Langley finit par obtempérer, non sans mal. Scydia se retrouva ainsi enfin libre de ses mouvements, regardant le chef de la sécurité qui venait d'être aimablement -mais autoritairement- congédié. Avant qu'il ne parte et par respect pour la dévotion dont il faisait preuve (une chose importante pour la syrra'elheìn), Scydia lui adressa quelques mots.

- Sois rassuré, Ronald Langley. Ta souveraine est en sécurité avec moi. Je ne suis l'ennemie de personne en Nexus, et surtout pas de la femme qui m'accorde sa confiance.

Polie, la guerrière lui adressa un léger hochement de tête en guise de salut avant de se retourner vers la reine et se mit à sourire légèrement en se massant un peu les poignets.

- Je ne le blâmerais pas d'être fidèle, Elena. Dans les heures sombres, tu seras heureuse de pouvoir compter sur sa fidélité et son soutien.

Qu'elle fut, comme elle le disait, la dernière des Ivory, n'affecta pas vraiment Scydia. La lignée royale nexusienne ne représentait rien pour la guerrière, qui ne prit ainsi pas la peine de relever cette partie de l'exposé. Quant à la guerre, la blonde avait comprit depuis bien longtemps déjà que la paix était une douce illusion. Une simple période qui s'achevait toujours dans le sang et les larmes, parce que les vivants n'aimaient rien de plus que l'affrontement. La soldate savait pertinemment que le monde n'était sûrement pas resté en paix bien longtemps après sa victoire sur le Fléau. D'autres fronts s'étaient ouverts ailleurs et sûrement que celui qu'elle avait connu avait laissé béantes d'autres plaies qu'il avait fallu cautériser dans la violence. Pour autant, la combattante estimait avoir accompli sa part et n'espérait qu'une chose : que le monde ait profité de la période paisible qu'elle et ses compagnons avaient sut offrir.

Elle emboîta le pas d'Elena après avoir aimablement salué Adamante et Nyzaël d'un mouvement de tête. Toujours vêtue de la simple serviette qui reposait sur ses hanches, la guerrière suivit la reine dans la mezzanine qui s'ouvrait vers l'extérieur depuis une porte vitrée. Elena la fit jouer et Scydia l'observa en silence, curieuse. Elle passa le seuil pour se retrouver sur un balconnet qui dominait une partie de Nexus, offrant sur la ville un panorama imprenable.
La blonde s'approcha du bord et posa ses mains sur le fer forgé en contemplant le spectacle le plus incroyable qu'elle n'avait jamais vu jusque là. Sous ses pieds et à perte de vue s'étalaient les quartiers d'une cité grouillante de vie et d'activité, dont le port et ses innombrables navires la narguaient au loin. De hautes tours et de plus modestes habitations semblaient s'empiler à travers un réseau de rues tentaculair si nombreuses qu'elle ne pouvait les compter. En tournant la tête, Scydia pouvait apercevoir une partie du flanc du château et ses remparts, mais le spectacle de la très vivante Nexus la laissa pantoise et elle resta émerveillée durant de longues minutes, son visage adoucit dans une expression presque enfantine.

- Déesse...

Ce fut le seul mot qu'elle se sentit capable d'articuler avant qu'Elena n'intervienne doucement. Pour toute réponse, le Sabre Véloce hocha la tête. Oh oui, c'était impressionnant. Pour elle qui avait voyagé dans un monde bien plus sauvage que celui de cette ère, Nexus s'apparentait à une vision fantasque qui lui interdisait presque de cligner des yeux de peur que la belle illusion ne s'évanouisse sous ses paupières.

- Lorsque je suis partie de chez moi, cette côte était encore sauvage, tu sais ? Elle tendit le bras vers la partie ouest de la cité, la désignant d'un mouvement large. Dans cette direction se trouvaient nos champs, qui s'étalaient à perte de vue. Non loin, nous faisions paitre les troupeaux alors que les Al'huïns construisaient les toutes premières granges et apprenaient à nos cultivateurs à mieux entretenir leurs terres.

Elle regarda Elena et, comme une enfant, lui désigna le port d'un geste presque impatient en lui faisant signe de s'approcher pour regarder avec elle.

- Les Al'huïns avaient eu à coeur de construire en tout premier un port et des quais. Ma tribu et moi habitions sur la côte et c'était d'après eux un bon moyen de commencer à lier nos civilisations. Une partie d'entre nous allat habiter dans les navires, échangeant sa place avec une partie des elfes qui vinrent vivre dans nos huttes. Tu aurais vu ça, Elena ! Ces vaisseaux étaient gigantesques ! J'ai passé des heures à m'y faufiler à la recherche de trésors et de secrets. Nous, nous vivions dans de petites huttes en torchis et en paille et quand nous avions peur, nous nous réfugiions dans les cavernes qui couraient dans la falaise. Puis rapidement s'entama la construction d'un village, d'un vrai. A cette pensée, la combattante soupira légèrement. J'aurais tellement voulu y participer... Quand je suis partie, Père m'a assuré que je trouverais à mon retour une très jolie petite ville. Et me voilà revenue. Père est sûrement retourné à la Déesse depuis plusieurs décades à présent et je me trouve face à une cité si grande qu'elle semble pouvoir avaler le monde tout entier.

Ses doigts se crispèrent sur le métal de la rembarde qui la tenait écartée du vide et elle ferma les yeux un instant, pour ravaler les larmes qui lui montaient une fois de plus aux yeux. Le contraste entre son passé et le présent était trop saisissant, trop chargé d'évidences douloureuses. Son mentor et Père adoptif Lothor mort depuis longtemps, son combat oublié de mémoire d'homme, le monde qui avait accompli de nombreuses révolutions sans elle... C'était dur pour elle, qui était bien plus fragile qu'elle n'aimait à le laisser penser.

- Je n'ai plus d'histoire, ni de cause à servir. Je suis désarmée et je suis une étrangère dans ce monde qui n'est plus le mien. J'ai "survécu"... La belle affaire. Je suis une héroïne de récit qu'on réintroduit dans le passage d'un conte qui n'est pas le sien.

Elle se retourna après un instant, regardant Elena tandis que le vent léger venu du large faisait bouger leurs cheveux.

- Pourquoi m'accorder ta confiance ? Je suis une étrangère et les craintes de Ronald Langley pourraient être tout à fait fondées. Pourtant, tu ne sembles pas me craindre ou seulement mettre en doute mes mots. Sache que je t'en remercie sincèrement, même si cela attise ma curiosité.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le jeudi 22 mai 2014, 01:34:01
En un sens, Elena pouvait comprendre l’étonnement de Scydia. Elle avait grandi dans un petit monastère étriqué, où elle y avait passé les dix premières années de son existence. Certes, elle savait qu’elle était Reine, qu’elle était appelée, un jour, à diriger. Pendant ces dix premières années, on lui avait expliqué toute l’importance qu’il y aurait à diriger. Concrètement, elle n’avait jamais vraiment compris ce qu’on voulait lui apprendre, ou toute l’importance qu’il y avait à être une future Reine. Elle n’avait pas été une gamine très portée sur les plaisanteries ou les excès, toujours renfermée sur elle-même, terrorisée par ce qu’on attendait d’elle, persuadée qu’elle allait échouer. Une fillette en avance pour son âge, plus intelligente que ce qu’on aurait pu penser. Elle avait compris toute l’ampleur de sa tâche quand elle s’était tenue sur un balcon... Le même que celui où Scydia se trouvait, en fait. Elle était alors plus petite, sa tête dépassant à peine de la rambarde, et elle avait vu cette ville immense. Elle n’en avait pas cru ses yeux quand on lui avait dit que, un jour, elle devrait diriger ça. Tout ça ! Aucun homme ne pouvait diriger seul une cité d’une telle importance, et il n’y avait pas eu besoin de l’expliquer longtemps à Elena pour qu’elle le comprenne. Elle l’avait su dès le premier jour. Nexus était tout simplement trop grande, trop vaste, et, si elle était à la tête du royaume, elle savait qu’il était nécessaire qu’elle bénéficie de conseillers, de seconds, de gens de confiance qui rendraient le pouvoir en son nom, et pourraient se substituer à elle. Elle comprenait donc la surprise de Scydia, et c’est pour ça qu’elle lui laissa un certain temps, afin de bien voir cette ville, avant de se rapprocher d’elle.

Scydia lui avoua être surprise, superposant ses souvenirs avec ceux d’aujourd’hui. Elena l’écouta silencieusement, amusée malgré elle par l’exactitude des informations divulguées par Scydia. Pouvait-on encore croire qu’elle simulait tout ça ? Que c’était un mensonge ? La magie permettait de faire bien des choses... Comme créer un cyclone là où il n’y avait qu’une mer calme et tranquille. De plus, Elena savait que la réincarnation existait, car Adamante lui en avait déjà parlé. Quand quelqu’un mourrait, son âme se détachait de son corps, et, parfois, cette âme se réincarnait dans un autre corps. Rien ne se créé, rien ne se perd, tout se transforme. Ce célèbre principe de chimie avait aussi vocation à s’appliquer en magie. L’âme évoluait, mais restait toujours là. Elle se déplaçait juste. Partant de ce principe, Elena voulait bien croire que Scydia était une réincarnation d’une femme ayant existé dix millénaires auparavant. Ce n’était pas invraisemblable, juste... Exceptionnel. Elle se refusait à croire que cette femme, qui semblait avoir le cœur sur la main, puisse être mauvaise. Non, elle ne pouvait tout simplement pas y croire. Imaginer Scydia mauvaise, c’était comme essayer de suivre un concert donné par un pianiste qui donnerait des mauvaises notes. Impossible d’accrocher, impossible de se laisser aller, on sentait les erreurs, et elles noircissaient tout l’ensemble.

D’après Scydia, la première volonté des elfes en venant ici avait été de fonder un port. En ce sens, ils avaient construit quelque chose qui avait duré dans le temps. Elena se laissait bercer par le discours de Scydia, imaginant très bien le passé qu’elle décrivait... Des plaines fertiles, pleines de promesses... Sa vie lui avait été arrachée, et repenser au passé amena Scydia à devenir nostalgique. Elle n’était pas de cette période, elle se retrouvait dans un monde dont elle ignorait tout, un monde où elle était perdue, sans aucun point de repaire.

Elle était anachronique.

« Je n'ai plus d'histoire, ni de cause à servir. Je suis désarmée et je suis une étrangère dans ce monde qui n'est plus le mien. J'ai "survécu"... La belle affaire. Je suis une héroïne de récit qu'on réintroduit dans le passage d'un conte qui n'est pas le sien. »

Les deux femmes se regardèrent silencieusement suite à cet aveu de faiblesse. Ce n’était pas totalement exact, mais, avant qu’Elena ne puisse donner son point de vue, la belle femme poursuivit, en lui demandant pourquoi Elena lui accordait aussi facilement sa confiance. Les lèvres de la Reine s’entrouvrirent sous l’effet de la surprise, mais, comme elle ne savait pas quoi dire, elle les referma, s’accordant le temps de la réflexion. Pourquoi ? Ça, c’était la véritable question ! Une question presque aussi difficile à répondre que celle justifiant le retour de cette femme parmi les vivants. Elena regarda autour d’elle, et finit par porter son regard sur la mer, sur les navires... Depuis un angle du balcon, on pouvait voir une partie du port, avec des quais s’étalant à perte de vue, et une multitude de bateaux.

« Pour être honnête avec toi, Scydia, je n’ai aucune réponse satisfaisante à t’offrir. Sire Langley est extrêmement suspect, mais je ne peux que le comprendre... Je t’ai dit que j’étais la dernière des Ivory. Cette mer... La mer est tout à Nexus. Sans son port, cet État ne serait rien. La mer nous a offert tout, mais elle peut aussi tout reprendre. Elle est indomptable, et est aussi paisible que cruelle. »

La jeune monarque s’exprimait par énigmes, mais c’était comme ça qu’elle faisait de l’ordre dans sa tête. Elle laissa planer plusieurs secondes de silence, tournant le dos à Scydia, ses mains crispées sur la rambarde. Elena se retourna ensuite vers elle, et on put lire, dans ses yeux, une sorte de détresse, comme une souffrance qui serait profondément enfouie en elle.

« Mes parents ont eu du mal à avoir un bébé... Quand je suis venue au monde, ils ont célébré ma naissance par un voyage... Un voyage sur la mer, qui s’est terminé par la mort de toute ma famille. Sauf que ce n’était pas un incident. Ils ont été assassinés par des traîtres, des individus qui avaient empoisonné ma mère pour que je ne vienne pas au monde... Des individus qui nous étaient très proches. Alors, je comprends la méfiance de Sire Langley. Des gens puissants veulent supprimer les Ivory, pour des raisons qui m’échappent. Le Conseil royal n’est plus qu’une fragile institution, et moi... Moi, je suis le rempart devant le chaos et l’anarchie. Si je meurs, il n’y aura plus d’Ivory, et cet État millénaire, que vous avez contribué à forger, s’écroulera dans des guerres intestines. »

Elle en disait beaucoup, ce qui la surprit. Pourquoi se confiait-elle donc autant ? C’était plus fort qu’elle... Sans pouvoir se l’expliquer, elle se sentait proche de cette femme, aussi proche que... Une légère lueur traversa les yeux d’Elena quand elle réalisa que, dans une certaine mesure, Scydia lui évoquait Adamante.

*Pourquoi ?*

Pourquoi se faisait-elle mentalement ce lien ? Pourquoi est-ce qu’Adamante lui venait tout d’un coup à l’esprit ? Comme si y penser venait de l’amener, Adamante apparut sur le balcon. Elle venait de poliment se racler la gorge, attirant l’attention des deux femmes.

« Majesté, pardonnez-moi de vous interrompre, mais je pense que votre invitée aimerait sans doute recevoir des vêtements plus appropriés... Surtout si vous avez décidé de lui montrer notre cité. Il serait fâcheux que vous attrapiez un rhume. »

Adamante sourit légèrement, et poursuivit rapidement :

« J’ai fait mander des vêtements, et un page vient de les apporter. Je ne suis pas une très grande physionomiste, mais je pense qu’ils devraient être à votre taille. »

Elena hocha la tête, et un petit sourire traversa alors son visage. Sans prévenir, elle attrapa alors l’une des mains de Scydia entre les siennes, la serrant chaudement.

« C’est vrai... Pardonnez mon empressement, Scydia. Nous avons encore beaucoup de choses à nous dire, et je ne veux pas tenter le Diable. »

La Reine rentra donc. Les vêtements avaient été déposés sur la mezzanine, sur une table basse. Il y avait, dans un coin de la pièce, un paravent. L’endroit idéal pour se changer, à l’abri des regards indiscrets.

Elena, elle, était encore plus troublée qu’auparavant par cette femme, et par la facilité naturelle avec laquelle elle avait tendance à lui faire confiance. Comment l’expliquer ? Elle n’arrivait pas à le comprendre, et, en un sens, cette situation l’embarrassait. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Son comportement avait beau ne pas être rationnel, elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle ne faisait rien de mal, convaincue, au fin fond d’elle-même, que Scydia n’était pas dangereuse, car...

*Car elle est comme Adamante...* acheva, dans sa tête, une voix observatrice.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le jeudi 22 mai 2014, 09:57:26
La jeune reine ne pensait pas si bien dire en parlant de l'importance de la mer pour Nexus. Scydia avait été là lorsque le premier navire elfique était arrivé pour mouiller au large, envoyant ses éclaireurs dans des barques à la recherche de toute personne un tant soit peu pensante. La mer avait charrié la première civilisation et avait permit l'édification de la plus grande cité terrane. Et, comme Scydia le savait pour avoir un peu navigué, la mer pouvait reprendre ses bienfaits lors de ses terribles colères. Elle se souvenait d'un marin qui lui avait dit, lorsqu'elle était encore une enfant, que les flots reprenaient parfois une petite part des cadeaux qu'ils accordaient à la terre. La syrra'elheìn avait dès ce jour comprit que l'océan était une force à part entière, qu'il fallait remercier pour ses dons et respecter lorsqu'elle se mettait en colère. D'une certaine façon, Scydia se sentait nexusienne. En ce sens, elle comprenait ce qu'Elena disait à propos de la mer. Le côté mélancolique et mâture de l'enfant la surprit, mais son étonnement ne s'afficha que par le dessin d'un simple sourire doux.

La suite confirma à Scydia qu'Elena était en fait bien moins légère que son petit côté innocent ne le laissait paraître au premier abord. La souveraine lui conta sa malheureuse histoire et la guerrière n'eut pas de mal à déceler les failles douloureuses qui fragilisaient le coeur de celle qu'elle ne pouvait s'empêcher de voir comme une enfant. La jeune femme supportait le poids d'une nation au lourd passé et à l'important héritage. La brunette se définissait comme étant le "dernier rempart"... Un sentiment qui ne pouvait trouver plus de sens que dans la tête de Scydia. Elle savait parfaitement ce que pouvait éprouver Elena, si elle se dressait seule face au Mal. Leur combat était différent dans la forme, mais le fond était si similaire que cela s'en trouvait troublant. La guerrière savait qu'Elena n'en rajoutait pas à sa peine pour tenter de se faire plaindre : la confiance presque candide que la souveraine lui accordait était amplement réciproque. Sans qu'elle ne comprenne trop pourquoi, Scydia se sentit envers l'Ivory un puissant élan protecteur. C'était si naturel...
Elle approcha de la nexusienne et posa ses mains sur les frêles épaules et se sentit comme une soeur aînée couvant sa cadette. Etrange sentiment. Pas désagréable du tout, au demeurant.

- Tu es un bien maigre rempart, Elena Ivory. D'une certaine façon, tu as hérité de mon combat. C'est un autre front, un autre ennemi, mais c'est toujours la même bataille. Alors puisque tu veilles sur mon héritage, moi je veillerais sur toi.

Le bruit de gorge lui fit tourner la tête et elle accorda un sourire poli à Adamante qui venait d'arriver pour s'adresser à Elena. Scydia se regarda, se souvenant qu'elle était presque entièrement nue et que seule une pauvre serviette préservait son intimité des regards les plus concupiscents. Ce n'était pas vraiment une tenue à adopter en présence d'un personnage aussi important qu'une reine ! Elle fit une légère moue boudeuse avant d'hocher la tête à l'intention de la magicienne.

- Je vous remercie de votre prévenance.

Lorsque Elena lui saisit les mains, Scydia haussa un sourcil, surprise. Voilà qu'elle passait du doute et de la peine à une sorte de joie adolescente qui, finalement, amusa la guerrière qui afficha un plus large sourire, presque attendri.

- Il n'y a rien à pardonner, Elena. Et sois assurée que lorsque tu voudras continuer à parler, je serais là.

Elle avait tout son temps. Aucune contrainte ou responsabilité ne la bridait, contrairement à la souveraine qui devait certainement avoir bien des tâches à assumer. Scydia n'avait absolument rien ni personne qui la retenait et le moins qu'elle pouvait faire restait tout de même de se tenir à la disposition de la jeune reine. Elle la suivit à l'intérieur et s'approcha des vêtements posés à plat et bien pliés qu'elle emporta avec elle derrière le p   aravent. La syrra'elheìn ne tarda pas à se changer, appréciant l'oeil qu'avait eu Adamante quant à ses mensurations et son goût pour les vêtements aussi simples que fonctionnels. Une chemise de lin blanc au larges manches portées avec un pantalon de cuir et de hautes cuissardes, le tout accordé à un corset qu'elle ne put complètement refermer au niveau de la poitrine. On put l'entendre maugréer quelque chose à propos du volume de ses seins avant qu'elle ne sorte finalement de derrière sa cachette, vêtue un peu à la garçonne (http://nsa33.casimages.com/img/2014/05/22/140522093349776962.jpg). Son décolleté, lui, était assez plongeant et généreux, ce qui ne semblait pas vraiment pour lui plaire vu qu'elle n'avait de cesse de tirer dessus pour cacher l'agréable vallon bombé de ses seins. De guerre lasse, la combattante abandonna finalement l'idée dans un soupir.

- Merci, ces vêtements sont parfaits. Ça me change de mon ancienne armure, je me sens tellement plus légère !

Le plus naturellement du monde, Scydia se mit à faire quelques petits étirements et assouplissements. Son corps revenait peu à peu à sa meilleure forme et la jeune femme commençait à se sentir l'envie de faire jouer ses muscles. C'était une femme d'action après tout, et elle venait de passer dix millénaires à ne rien faire... Enfin, d'une certaine façon. Ce qui s'était réellement passé durant cette période "de mort" était encore obscur, mais Scydia avait décidé de ne pas s'en soucier outre mesure.
Par réflexe, la blonde se tâta la taille. Rien ne battait à sa ceinture et contre sa cuisse, ce qui la dérangeait.

- J'imagine que si vous acceptiez, cela ferait frôler à Ronald Langley la crise cardiaque, mais... Pourrai-je avoir une épée ? Une guerrière se définit par son arme et j'en suis dépourvue.

Véloce, la syrra'elheìn l'était probablement toujours autant. Mais de Sabre elle n'avait pas et il lui était difficile de s'en passer. Non pas par méfiance -elle se sentait en sécurité- mais par habitude. Son épée avait été sa meilleure amie, sa confidente parfois. L'acier de sa lame avait pourfendu le Fléau après l'avoir sauvée un nombre incalculable de fois. Elle ne retrouverait jamais pareille épée, mais sentir le poids d'une arme pendue à sa ceinture achèverait certainement de lui faire accepter son inopinée résurrection.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le vendredi 23 mai 2014, 02:08:10
Tandis que Scydia était en train de s’habiller, Elena retourna au niveau inférieur de la pièce, en compagnie d’Adamante et de Nyzaël. Les deux magiciennes discutaient entre elles, et Elena apprit rapidement que Nyzaël avait placé des artefacts magiques dans ce sanctuaire.

« Seule une puissante magie peut ainsi réincarner une âme en lui redonnant exactement la même apparence qu’elle avait auparavant... Ainsi que ses souvenirs. Ce n’est pas naturel. »

Nyzaël était catégorique sur ce point. Il se passait quelque chose d’anormal, et elle n’arrivait pas à comprendre ce qui s’était passé. C’était pour ça qu’elle avait placé des artefacts magiques. Elle espérait qu’ils l’aideraient à comprendre ce qui avait eu lieu là-bas. D’autres choses la perturbaient toutefois... Comme cette confiance innée que la Reine semblait avoir en cette femme. Adamante lui avoua également être surprise. La Mélisaine ne pensait pas non plus que Scydia était une menace, mais, aller jusqu’à congédier Ronald comme ça... Ce n’était pas dans les habitudes de la Reine, ce qu’Elena savait. Malheureusement, si elle n’avait aucune information à dire à Scydia, elle n’en avait non plus aucune à fournir aux deux femmes. C’étaient elles les magiciennes, après tout, non ? C’était à elles de savoir lire dans les esprits, de découvrir ce qui n’allait pas chez elle !

La Haute-Elfe continuait à observer Elena, silencieuse, sourcils froncés, tandis qu’Adamante réfléchissait à la suite des évènements. Que faire d’une femme ayant plus de dix mille ans ? La mettre dans un musée ? L’envoyer à un hôpital ? Elle n’était pas malade, et elle était encore suffisamment valide pour savoir se battre. L’envoyer à l’académie ? Il était fort probable qu’elle trouve les amphithéâtres rébarbatifs. Adamante s’y était toujours ennuyée, même si elle avait été fastidieuse et assidue.

« Il faut organiser un voyage vers le Bosquet, trancha alors Nyzaël. Je ne suis sûre de rien, mais je pense que ce réveil doit être lié à... »

Nyzaël se tut quand Scydia se rapprocha. Les trois femmes tournèrent leurs têtes vers elle,  la voyant descendre le long de l’escalier en tirant sur son corset. Adamante hocha lentement la tête, comprenant où était le problème.

« Peut-être un peu court au niveau de la poitrine... »

Scydia se débattit avec le corset, avant de l’abandonner, restant avec une vue assez attirante sur son corset. C’était à se demander si Adamante ne l’avait pas fait exprès. Elle avait toujours été plus espiègle que la Reine, désespérément sérieuse. Scydia et elle semblaient faites pour s’entendre. En tout cas, cette tenue lui allait plutôt bien, mais Scydia avoua rapidement qu’il lui manquait quelque chose : une arme. Elle demanda alors, surprenant effectivement Adamante, une épée. Face à n’importe qui, Elena aurait refusé... Mais, si elle avait été normale, elle aurait, de base, laissé Ronald Langley mener son enquête.

Elena ne réfléchit pas trop longtemps, et hocha lentement la tête :

« Je suis malheureusement peu adroite dans l’art de porter des épées... Peut-être voudriez-vous choisir par vous-même ? Laissez-moi vous mener à la salle d’armes. »

Celle-là, même Adamante ne s’attendait pas à la voir venir.Sa bouche s’entrouvrit sous l’effet de la surprise, mais, alors qu’elle allait dire quelque chose, elle sentit quelque chose dans sa tête...Comme si des pensées intrusives venaient de s’immiscer dans sa boîte crânienne. Nyzaël lui envoyait un message télépathique.

*[MT] Laissez-là faire. [/MT]*

Adamante n’avait jamais remis en doute le jugement des Hauts-Elfes. Le peuple elfique avait toujours été extrêmement proche de la magie, et il suffisait, pour s’en convaincre, de voir, dans le tableau des honneurs de l’académie magique de Nexus, le nombre de dignitaires elfes qui avaient été félicités par l’université pour leurs apports à la magie.

« Je... Euh...
 -  Il n’est pas nécessaire de m’accompagner, Adamante. Si Scydia voulait me tuer, elle aurait pu me balancer du haut de cette terrasse, n’est-ce pas ? »

L’avait-on ensorcelé ? Adamante n’osait y croire, car elle surveillait continuellement la Reine, mais... Nyzaël hocha sèchement la tête, mettant fin à la conversation, et Adamante regarda Elena ouvrir la porte, puis inviter Scydia à la suivre. Elle laissa ainsi Adamante et Nyzaël seules, et Adamante planta alors son regard acéré dans celui de Nyzaël.

« Ne me dites pas que...
 -  Oh, vous avez compris ? Pour une espèce qui nous rabâche sans cesse sa réactivité, vous êtes plutôt lente à la détente, Adamante, la nargua Nyzaël.
 -  Épargnez-moi vos sarcasmes, c’est juste que... Tout ça est tellement incongrue.
 -  Et vous comprenez mieux maintenant pourquoi je souhaite revoir le Judicateur Althuis.
 -  Oui... Oui, effectivement. »

Il n’y avait effectivement aucune autre option possible.



Elena conduisit Scydia, non pas dans l’armurerie du fort (Scydia n’étant pas membre de la Garde Royale, elle n’aurait pas le droit de s’emparer des armes présentes), mais dans une autre pièce : la salle d’armes du Palais d’ivoire. Il s’agissait plus d’une sorte de galerie avec une collection impressionnante de pièces d’armes.

« Nexus est un peuple de marchands et de voyageurs. Ce sont mes ancêtres qui ont aidé à la diffusion de l’Ordre Immaculé sur la majorité du monde... Même si cette religion ne doit rien vous dire. Peu importe, nous aurons le temps de nous occuper de ça plus tard... Je pense que vous devriez trouver votre bonheur ici, mon père, d’après ce qu’on m’en a dit, avait personnellement répertorié cette collection, et en avait conclu qu’elle était... Grande. »

C’était une grande galerie avec un escalier à gauche et à droite, menant à des couloirs latéraux en surplomb, où on pouvait voir d’autres armes et armures. Elles étaient entreposées dans des armures, et certaines armes exposées dataient de nombreux millénaires.

« Chacune de ces pièces est restaurée intégralement. Cette collection privée vaut une petite fortune, et appartient exclusivement au patrimoine des Ivory. Cadeaux diplomatiques, achats personnels, reliques trouvées dans des forts... Nous les entreposons ici, et faisons appel aux meilleurs forgerons et enchanteurs de la ville pour les restaurer, les nettoyer, et veiller à ce que les enchantements ornant certains armes ne disparaissent pas. »

Le grand couloir était éclairé au fond par une immense fenêtre. Le couloir était haut de plafond, avec un énorme lustre à son sommet. Bien que toutes les vitrines fussent fermées, Elena disposait avec elle d’un passe permettant d’ouvrir toutes les serrures du Palais d’Ivoire... Y compris les vitres de cette galerie.

Elena espérait que Scydia trouverait quelque chose qui lui ferait plaisir, mais elle n’avait pas trop de doute là-dessus. Pour un guerrier, cet endroit devait être un véritable trésor.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le vendredi 23 mai 2014, 11:00:07
- Je suis malheureusement peu adroite dans l’art de porter des épées... Peut-être voudriez-vous choisir par vous-même ? Laissez-moi vous mener à la salle d’armes.

- Je te suis, dans ce cas.


Scydia adressa à la jeune femme un sourire aimable, avant de regarder les deux autres protagonistes. Adamante semblait toujours aussi circonspecte, tandis que Nyzaël était plus détachée, moins sur la défensive. La craignait-on encore ? La guerrière eut la sensation que faire accepter sa présence par les proches d'Elena serait compliqué, quand bien même des dizaines de sages descendants Al'huïns assureraient qu'elle était qui elle prétendait, en plus de n'être en aucun cas un danger pour Nexus et sa souveraine. Mais, si Elena était aussi menacée qu'elle le prétendait, devait-elle se vexer qu'on soit aussi attentif aux nouveaux personnages qui entraient dans la sphère sociale de la dernière des Ivory ? La syrra'elheìn conclut bien évidemment que non et décida de montrer patte blanche afin d'aider à son intégration, si légère devait-elle être.

Elena congédia un peu sèchement Adamante alors qu'elle tentait visiblement de les accompagner et Scydia s'en trouva quelque peu gênée. La magicienne était assurément une personne très proche de la reine et la guerrière eut un instant l'impression d'être échangée avec une autre, comme un nouveau jouet dont on voudrait profiter pour s'assurer de sa qualité par rapport à l'ancien. Elle mordilla légèrement sa lèvre inférieure et leva vers Adamante un regard navré, hésitant même à s'excuser. Elena ne lui en laissa pas le temps et les deux nouvelles comparses se retrouvèrent bien vite dans les couloirs du palais, la couronnée ouvrant la marche.

L'improbable duo se retrouva donc à déambuler dans les artères du palais d'Ivoire, Scydia devant se fait régulièrement violence pour ne pas s'arrêter à l'une des fenêtres ou au détour d'une des galeries traversées pour s'émerveiller et poser nombre de questions. Elle resta silencieuse et tranquille tout au long de leurs pas, mais les servants et autres gardes qui croisaient la route des femmes devait trouver une source d'amusement dans le comportement de l'inconnue qui escortait la reine, inconnue qui ne cessait de donner des coups de tête ici et là en réprimant l'émerveillement et la curiosité qui se lisaient tant dans ses yeux que sur ses traits. C'était là un palais bien différent du seul qu'elle n'ait jamais connu, celui de Medhaar de la Vigne-d'Or, mais bien plus somptueux et plus grand. Tout lui semblait incroyablement nouveau et inédit. Si un seul endroit pouvait être aussi spectaculaire après 10 000 ans, que pouvait-il en être du reste du monde ? A quoi ressemblaient les hautes-plaines de Kadarch, les montagnes des Monts Immaculés ? Qu'était devenu Gyly'aldyn, la cité marchande que ses compagnons avaient tant appréciée ?
Ses questions furent interrompues par Elena, qui ouvrit une porte au terme de leur petite traversée, dévoilant à Scydia une nouvelle salle.

- Tu sais, j'ai vu plusieurs salles d'armes elfiques très complète et il en faudra beaucoup pour me sur... oh...

Ses yeux bleus embrassèrent difficilement tout l'ensemble de l'endroit tant son regard accrochait facilement un point d'intêret, peu important là où il se posait. Ici, un bouclier de superbe facture, là une côte de maille forgée dans un métal noire. Là encore une jolie dague étincelante et ici un gantelet magique ! Il y en avait absolument partout, la très complète collection s'étalant sur les murs et autres présentoirs et râteliers que comptait la galerie, qui s'élevait sur des petites mezzanines. Comme une enfant lâchée dans une échoppe de sucreries, la blondinette abandonna purement et simplement Elena pour aller s'exclamer devant la qualité de telle épée ou de telle masse d'arme, commentant et complimentant presque plus pour elle-même que pour Elena. Après un long moment passé ainsi, coupée du monde, Scydia s'arrêta devant une vitrine bien particulière, ses doigts graciles glissant sur le verre qui la séparait de l'ensemble de métal blanc (http://nsa34.casimages.com/img/2014/04/23/140423090648260357.jpg) qui semblait dormir paisiblement.

- Je portais une armure semblable lors de ma quête et de ma mo... de mon dernier combat. Aussi solide que de l'acier, mais presque aussi légère que du cuir. C'est du pur ouvrage al'huïn, forgé et ensorcelé pour des guerriers vifs et agiles.

Elena pouvait lire sur elle une nostalgie toute sentimentale, comme si Scydia avait évoqué une amie bien charnelle. L'armure qu'elle avait porté à son époque était devenue une seconde peau, une sorte de refuge protecteur. Voir cet ouvrage de combat derrière une vitre lui faisait comprendre, bien que ce n'était plus nécéssaire, que son temps était effectivement révolu. Devait-on elle aussi la placer dans une vitrine pour que les gens puissent la contempler comme une relique ?
La guerrière se détacha de sa contemplation et abandonna l'armure pour une autre vitrine, qu'elle désigna à Elena dans un sourire.

- Pourrai-je essayer celle-çi (http://nsa34.casimages.com/img/2014/05/23/140523105103791656.jpg), s'il te plait ?

La guerre qu'elle avait livrée ne se prêtait pas à l'utilisation d'une épée à la lame aussi fine, eut égard à la violence des combats et à l'épaisseur des peaux et armures qu'il lui avait fallut traverser. Néanmoins, la légèreté des rapières était des plus adaptées à sa façon de combattre et à la sagacité de ses mouvements. Elle regarda un instant l'oeuvre meutrière puis, espiègle, elle alla vers le côté opposé de la pièce pour montrer une seconde arme (http://www.coldsteel-uk.com/store/ribbed-shell-swept-hilt-rapier-88chr-full-1.jpg) derrière sa protection de verre et de bois poli.

- Si tu voulais bien sortir également cette arme là... Si tu n'es pas armée, je ne pourrais pas t'entraîner, pas vrai ? Elle adressa un large sourire à Elena. Toute souveraine et protégée que tu puisses être, tu es à la merci de la première lame pointée vers toi. Je compte bien faire en sorte que cela change ! C'est le seul cadeau que je puisse te faire en remerciement de ta confiance envers moi.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le vendredi 23 mai 2014, 21:52:13
Comme elle s’y attendait, Scydia fila le long de la galerie, et Elena la laissa faire. Elle la regardait faire, bras croisés, n’étant guère surprise. Cette galerie était très impressionnante, et les différents experts qui l’avaient analysé avaient déterminé qu’il y avait ici une véritable fortune. Certaines pièces, comme l’armure blanche que Scydia regarda, valaient plusieurs milliers de pièces d’or. Elle lui expliqua qu’elle avait porté une armure semblable, ce qui ne surprit pas beaucoup Elena. Les elfes avaient toujours su faire de belles armures, élégantes et compactes. Au niveau de leur performance, elles n’égalaient pas les armures naines, qui étaient résistantes, forgées dans le feu des volcans, mais elles présentaient un meilleur design, et étaient plus légères. Elena connaissait les différences. Comme tant d’autres choses, elle avait du se renseigner sur les armes et les armures en revenant à Nexus. La cité-État était en guerre, et la souveraine de la cité ne pouvait se permettre d’être une totale ignorante là-dedans. Elle se rappelait des soirées entières à passer dans son bureau, en lisant des manuscrits et des manuels proscrits par Sire Langley sur les armes.

Suivant Scydia, Elena la vit ensuite montrer une rapière, désirant la prendre. Hochant la tête, Elena s’avança, et ouvrit la vitrine avec sa clef. Elle lui indiqua de la prendre, et s’écarta prudemment. Elena s’attendait à la voir faire quelques moulinets, mais, au lieu de ça, elle sentit une lueur traverser son regard, et fronça les sourcils. Que lui préparait-elle ? Elle eut très rapidement la réponse à cette question quand elle traversa la pièce, désignant une autre rapière. Elena comprit où elle voulait en venir, et Scydia lui annonça donc qu’elle désirait l’entraîner.

« Oh... Messire Langley s’étranglerait s’il avait entendu cette proposition », sourit légèrement Elena.

Elle s’avança alors, et déverrouilla la vitre, puis attrapa délicatement la rapière. C’était une arme légère, ce qui lui convenait très bien. La Reine n’avait pas de gros muscles, et était incapable de porter de lourdes épées, comme les claymores. La rapière était plus souple, et elle s’écarta un peu de Scydia, afin de ne pas la blesser malencontreusement, et s’exerça, faisant quelques moulinets, coupant l’air en deux avec sa lame. Elle regarda Scydia, lame brandie vers le haut, en souriant.

« Messire Langley m’entraîne parfois… Quand nous avons un peu de temps. Malheureusement, nous n’avons pas de tenues pour nous battre. »

La Reine aurait pu s’en arrêter là, mais l’idée la tentait plutôt bien. Elle savait que ceci ferait aussi plaisir à Scydia, mais elle ne pouvait tout de même pas s’entraîner dans sa robe ! Fort heureusement, la jeune femme avait une idée.

« Voyez au fond de cette pièce... Il y a une porte qui file sur la gauche, et mène à une pièce qui est plus indiquée pour ce genre d’exercices.. Vous n’avez qu’à enfiler cette armure elfique, et j’enfilerais la mienne... »

Scydia pouvait se battre ainsi, mais Elena voulait lui faire ce cadeau... Lui rappeler qu’une pièce de musée n’était pas condamnée à rester derrière une vitrine. Comme elle l’avait dit, ces armes étaient entretenues, rafistolées, réparées, et nettoyées. Elena ne pourrait jamais enfiler une telle armure. Il lui faudrait prendre du muscle pour ça. Elle s’écroulerait sous le port d’une armure intégrale, mais elle avait sa propre armure... Plus fine, plus légère.

« Je vous retrouve là-bas... »

Scydia prendrait plus de temps qu’elle à enfiler l’armure elfique. Elena s’avança alors, sortant de son champ de vision, et passa par la porte. Elle donnait sur une salle d’escrime, avec des fenêtres dans un coin, donnant sur une cour intérieure. Elle posa la rapière sur une table, puis se défit de sa robe et de son corset, les entreposant dans un placard prévu à cet effet, et enfila ensuite son armure (http://img107.xooimage.com/files/f/8/a/211277-45cb887.jpg). Elle comprenait des gants blancs en cuir renforcés, une pièce de métal recouvrant son torse, des jambières, une épaulière... La première fois, il lui avait fallu un temps fou pour réussir à l’enfiler. Elle se fixa silencieusement dans un miroir.

« Hum... Ça me va plutôt bien... »

Elle avait aussi un casque, mais, dans l’absolu, elle préférait ne pas le mettre. Elle s’était déjà écorchée les oreilles, et, de fait, elle crevait de chaud sous ce scaphandre. Débarrassée de sa robe (ainsi que de son corset), elle se sentait un peu plus libre, différente. L’armure la collait, mais elle était légère. Elle récupéra la rapière, la contemplant, et s’entraîna à nouveau, tout en se rappelant les instructions de Langley. Il fallait faire attention à la position de ses jambes. Elena était loin d’être une guerrière aguerrie, et Ronald l’avait toujours battu sans jamais se forcer... Mais elle savait par quel bout tenir une épée. Elle savait parer, reculer, et attaquer... En somme, elle connaissait les grandes bases.

Son cœur était rempli d’allégresse. Pourquoi se sentait-elle si bien avec Scydia ? Encore une fois, cette question revenait la hanter. Il y avait définitivement quelque chose d’anormal là-dessous... Mais son petit doigt lui disait qu’Adamante et Nyzaël en savaient plus qu’elles n’osaient le dire. C’était des magiciennes, après tout, et si Nyzaël s’était sautée sur cette histoire sans attendre, c’est qu’elle devait avoir des pressentiments. En tout état de cause, Elena préférait laisser les spécialistes parler entre elles, et avoir leur rapport ensuite.

Elle, elle avait du pain sur la planche.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le vendredi 23 mai 2014, 23:40:46
- Parce que tu penses que tu as toujours la possibilité de te changer avant un combat ? Peu importe ce qui te vêts : lorsque le temps est venu de défendre ta vie, rien n'a plus d'importance que la façon dont tu vas la préserver.

D'un élégant mouvement de poignet presque délicat, Scydia ponctua sa phrase en faisant jouer l'arme qu'elle commençait à peine à s'approprier. Ce simple geste témoignait d'une maîtrise presque fusionnelle avec la rapière que se main semblait avoir instinctivement épousée. Les arabesques que la pointe de l'épée décrivait dans l'air tandis que le poignet de la guerrière bougeait avec la fluidité de l'eau étaient incroyablement gracieuses, comme issues d'une danse des milliers de fois répétée. Scydia n'avait qu'un talent martial, celui de manier l'acier et de le sublimer dans son utilisation. Elle s'était affûtée au possible pour que la seule corde de son arc ne puisse jamais lui faire défaut. Et si sa technique devait un jour être surpassée, la syrra'elheìn n'en éprouverait que de la joie : elle se trouverait un nouveau cap à franchir, parfait prétexte pour s'adonner à un entraînement toujours plus draconien. Ce charmant anachronisme était une combattante dans l'âme, dont la sagesse passait par une voie martiale dont elle n'aurait jamais vraiment su dévier.

Malgré sa remarque précédente, elle acquièsa à la proposition de la souveraine et la laissa disparaître tandis qu'elle restait seule face à l'armure. Elle fit tomber ses vêtements comme un serpent l'aurait fait d'une simple mue encombrante et ne garda que le tissu nécessaire au port de l'ensemble de plaques d'acier. Avec la dextérité que l'habitude lui avait conférée, Scydia enfila l'armure elfique et se sentit enfin elle-même. Si renaissance il y avait bien, c'était en fait à l'instant où la dernière sangle fut harnachée qu'elle s'accomplit et la blonde se fit l'effet du phénix s'extirpant majestueusement de ses propres cendres. Attrapant la rapière et délaissant le casque qui complétait sa tenue de guerre, elle allat rejoindre Elena dans la salle.

Elle resta un moment silencieuse à regarder la jeune femme enchaîner les mouvements d'échauffement avant de se décider à se manifester, ses pas métalliques résonnant presque agréablement sur le bois poli. Tout en avançant vers Elena, la combattante fit elle aussi jouer l'arme qui complétait son bras et acheva lorsqu'elle se trouva à une distance raisonnable de la reine, c'est à dire à environ trois pas.
Du bout de son épée, elle pointa le ventre d'Elena.

- Ton si grand royaume manquerait-il  à ce point de métal pour que l'armure de la reine soit si découverte ? C'est très joli, c'est un fait. Mais il y a tant de failles dans cette prétendue carapace que je n'en vois pas l'utilité. De sa main libre, elle désigna sa propre plaque. La mienne comporte également des failles, comme n'importe quelle armure. Ne serait-ce qu'aux articulations. Mais elle est plus complète que la tienne et m'expose bien moins. Retiens bien cette leçon, Elena ! Même si tu ne pourras pas toujours porter une armure quand il te faudra saisir ton arme, fais en sorte que celle que tu enfileras te protégera. A la guerre, cela fera toujours la différence.

Un sourire amusé vint ponctuer la leçon de morale, tandis qu'elle adoptait une posture des plus simples. Droite comme un i, Scydia gardait ses jambes l'une contre l'autre et passa sa main libre derrière son dos. La rapière, elle, se retrouva la garde au niveau du visage de la syrra'elheìn avant de s'abaisser lentement pour se tendre en direction d'Elena.

- Je dois avouer que tu es moins novice que je ne le pensais. Ronald Langley doit être un bon précepteur ! Bien. Comme il est de coutume pour les disciples d'un Ylhim-far ald'huïn, tu vas devoir te livrer au Fala'aldore.

Il s'agissait là d'un vieux rite qu'elle avait elle-même dut passer lorsque Lothor avait choisi de lui enseigner la voie des armes. Le Fala'aldore était issu d'une croyance ald'huïn qui laissait entendre que le premier combat à l'épée d'un novice devait être le plus intense, le plus violent et le plus animal possible. Alors que la philosophie martiale ald'huïn était basée sur un self-control presque extrême qui devait permettre de garder en toutes circonstances le contrôle de soi, de la situation et du combat, le Fala'aldore était tout à l'opposé. Ce relâchement absolu du pratiquant devait lui permettre de libérer d'un coup toute sa frustration et sa colère pour la relâcher et ne plus jamais avoir à l'exprimer. C'était une libération, mais aussi un test pour le maître d'armes, l'Ylhim-far, qui devait être capable d'endurer les assauts sans fléchir.
Après avoir soupiré devant sa propre bêtise, Scydia se mit en devoir d'expliquer les mots qu'elle venait d'employer. Elle doutait qu'Elena puisse comprendre l'ald'huïn, qui était plus compliqué à maîtriser encore que le Haut-elfique dont il était la racine la plus profonde.

- Pardon... "Fala'aldore" signifie, approximativement, Abandon à la bête. Et Ylhim-far désigne le mentor, le maître-enseignant. C'est ainsi qu'un élève se présente à son professeur, si tu préfères. La chose est des plus simples, en vérité. Tu vas m'attaquer avec tout ce que tu as, absolument tout. Ta colère, ta peur, ton envie, ta frustration... Tout ce qui te pèse doit s'exprimer contre mon épée, jusqu'à ce que ton corps ne puisse plus te porter. Tu ne dois laisser t'entraver ni ta morale, ni ton respect, ni ton amour, ni même ton doute. Tu DOIS m'attaquer avec l'intention de me réduire en lambeaux. Et moi, je dois t'en empêcher. Je ne contre-attaquerais jamais, je ne ferais que me défendre jusqu'à ce que tu n'ai plus la force de lever ton épée. C'est la règle.

C'était peut-être une véritable épreuve pour Elena. Qu'allait elle penser de ce rite, des plus sacrés pour Scydia ? Dans l'esprit de l'Anachronisme, le Fala'aldore était pourtant un honneur pour elles deux. Pour Elena qui avait la possibilité de se faire former par un Ylhim-Far et pour Scydia qui voyait son talent considéré par un pair comme assez digne pour qu'il veuille qu'elle lui transmette. C'était, pour la combattante qu'elle était, un moment important. Mais ses mœurs n'étaient assurément pas celles de l'Ivory, qui semblait bien plus douce qu'elle. Alors, comme elle put, Scydia chercha à la motiver tout en la rassurant.

- Dis toi que le monde, autour de nous, ne tourne plus. Tu n'es plus reine, tu n'es qu'une petite fille aux parents assassinés et aux ennemis plus volatiles que de la brume mais plus meurtriers que la Peste. Les chaînes de la souveraineté et de la moralité ont volé en éclats. Si tu ne me fais pas face aujourd'hui, tu passeras tout le reste de ta vie à fuir. C'est ce que tu veux ?Elle pointa sa rapière entre les deux seins d'Elena, la repoussant légèrement en arrière en guise de provocation. Alors attaque moi, Elena Ivory ! Elle la poussa en arrière une nouvelle fois, un peu plus agressivement. Montre moi ce que la dernière des Ivory a dans le ventre ! Une nouvelle pulsion, encore. ATTAQUE  !
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le samedi 24 mai 2014, 12:00:50
En définitive, Elena finit par trouver un lien entre Scydia et Ronald : les deux étaient aussi rasoirs l’un que l’autre quand il s’agissait de parler d’armes. Scydia se moqua de son armure, mais ce n’était pas de sa faute. Elena savait très bien que cette armure légère avait des failles. Elle était censée protéger la plus grande partie de son corps contre des flèches ou des carreaux d’arbalètes. Sur un champ de bataille, il n’était nullement prévu qu’Elena se retrouve en première ligne. Si elle l’avait pu, elle aurait porter les lourdes armures de plates des chevaliers nexusiens, mais il lui fallait prendre de la masse musculaire. Cependant, Elena disposait également d’autres protections, qu’elle n’avait pas sorties pour l’entraînement. Elle disposait notamment d’un précieux gilet en mithril, une matière reconnue pour être l’une des plus résistantes du monde. Néanmoins, elle ne dit rien à Scydia. Elle se contentait de froncer les sourcils, tandis que cette dernière se mit à employer un jargon technique. Elena connaissait quelques rudiments de la langue elfique, mais ces mots lui étaient totalement inconnus, ce que son expression faciale dut très certainement traduire, car Scydia s’empressa de lui faire une traduction.

L’objectif de cet entraînement était de l’aider à réveiller sa colère, sa peur, son envie, sa frustration... Plus simplement, tout ce qui lui pesait sur le cœur. Elena restait silencieuse, peu convaincue du bien-fondé de cette technique. Il lui avait fallu des années pour éviter de sombrer dans une profonde dépression, mais Scydia semblait convaincue de sa méthode. Repenser à ses parents, cependant, n’était sans doute pas la meilleure chose à faire... D’autant plus qu’elle ne se souvenait pas d’eux, seulement de ce que les livres d’histoire en disaient, et de ce qu’on lui en avait dit. Scydia se mit à la repousser avec la pointe de sa rapière, avant de se mettre à l’insulter. Une « petite fille aux parents assassinés »... Dans le cœur d’Elena, il y eut comme un remous. Pas que ses parents... Son entière famille était morte. Du moins, c’est ce qu’elle aurait souhaité, car les membres survivants de sa famille ne méritaient pas de vivre. Le ton de Scydia montait, comme pour essayer de déclencher sa rage, et Elena reculait à chaque fois. Ses doigts tremblaient sur sa rapière, et les paroles de Scydia rebondirent dans l’esprit d’Elena, formant comme des échos. Adamante la serrant dans la nuit... Ronald entrechoquant son épée avec la sienne, renversant la Reine sous sa puissance... Elle s’ouvrant le genou lors d’une promenade côtière au monastère... Ses rêves, ses cauchemars, la colère dans les yeux de ses sujets, les affiches la décrivant comme une traînée de bas-étage en train de vendre l’héritage de ses parents, de le détruire, et de les trahir... Il n faisait pas bon de diriger un pays en des temps de crise. Tout vous retombait sur le dos. C’était injuste, mais c’était comme ça. Le monde aurait toujours besoin d’un bouc-émissaire pour faire porter le chapeau des échecs, une victime idéale. Elle entendait Ronald lui parler à nouveau, lui disant qu’elle était la fille de Liam Ivory, la fille du Lion de Nexus, celui qui avait réussi à repousser les Ashnardiens, celui qui avait défendu Altenberg en se tenant sur les remparts, son épée pourfendant les Ashnardiens, redonnant du baume au cœur des Nexusiens. Un homme qui n’avait jamais été là pour elle.

Sa main sur la poigne de sa rapière s’endurcit. Triste pour ses parents, une nation endeuillée par la perte de leur Roi bien-aimé, de leur Reine chérie. Un couple qui avait essayé d’abolir l’esclavage, de moderniser Nexus en supprimant les pratiques barbares qui gangrénaient la ville. Et maintenant ? Le corps de son père nourrissait les poissons et les algues, et elle ? Elle, qui s’en souciait ? Qui se souciait de la souffrance d’un bébé ayant perdu ses parents ? On ne cessait de la comparer à eux, pour que leur grandeur influe sur elle, mais, plus on lui en parlait, et plus Elena se sentait rapetissée. Qu’avait-elle fait, elle, à part des cauchemars à répétition et s’ouvrir un genou ? Aucun prêtre ne pleurait pour les survivants. Au contraire, on remerciait le Ciel qu’elle soit en vie, on louait le fait que son cœur continue à battre, que le sang continue à circuler dans ses veines. La mort de la dernière des Ivory... La dernière Survivante, l’héritière d’un trône déchu. Personne n’avait jamais été là pour elle.

*Où étaient-ils, quand j’ai eu besoin d’eux ?*

La dernière des Ivory leva sa rapière, et frappa celle de Scydia, en sentant des frissons la traverser. Toute sa vie n’avait été qu’une épreuve, une longue souffrance. Comme si un Dieu malveillant l’avait marqué de sa mauvaise étoile. Combien d’autres Elena potentiels avaient été tués avant qu’elle ne vienne au monde ? Combien de fœtus Nöly avait-elle perdu avant de finalement réussir à en avoir un qui ne soit pas empoisonnée ? La lignée des Ivory était maudite, et Elena était la dernière... À charge pour elle de reconstruire toute une dynastie, sans aucun mouchoir pour la soutenir.

*C’est INJUSTE !! Je n’ai jamais voulu ça, JAMAIS !!*

Elle frappait la lame de Scydia avec toute sa force, mais même la plus grande des rages ne pouvait augmenter la densité musculaire. Elle frappait fort, mais il n’y avait rien qui puisse ébranler Scydia. Ses joues rougissaient, ses yeux commençaient à s’imbiber. Les larmes pointaient. Au-delà de la rage, au-delà de la colère et de la frustration, Elena n’était rien de plus qu’une jeune femme qui avait perdu ses parents, qui leur en voulait de l’avoir abandonné, et qui n’était rien de plus qu’une petite fille désolée. Même Adamante... Ronald s’intéresserait-il autant à sa sécurité si elle n’était pas une Ivory ? Adamante la broderait-elle dans son lit si elle n’était pas une tête couronnée ?

La rapière glissa contre la lame de Scydia, les coups de la Reine faiblissant, perdant en intensité. Toute sa rage ne suffisait à masquer le vide béant dans son cœur, l’indicible souffrance qui la traversait, et qui affluait en elle.

« Je suis seule, marmonna-t-elle. Seule, seule, et entourée de prophéties... »

Elle tourna la tête, essayant de se retenir, mais on pouvait l’entendre sangloter. Elle secoua la tête, yeux baissés, fixant ses pieds, avant de regarder Scydia.

« Tu ignores dans quoi tu mets les pieds, Scydia... Si j’avais un tant soit peu de bon sens, j’abandonnerais cette couronne maudite, et je laisserais une âme damnée essayer de ressusciter un cadavre. Les gens comme moi et toi n’ont pas leur place dans ce monde. Seuls les individus cruels et retors remportent la partie, et je suis incapable de l’un comme de l’autre. »

Elle considéra silencieusement sa rapière.

« Pourquoi m’entraîner ? Mon père était l’un des plus grands guerriers qui soit... Et toute sa bravoure et son talent ne lui ont servis à rien... »

La Reine secoua à nouveau la tête, et pointa sa rapière vers Scydia.

« Qui voudrait de cet héritage ? Une couronne souillée par le sang et rongée par la corruption... Ce n’est pas de colère dont ce monde a besoin, Scydia, mais de cruauté... Et je suis incapable de te haïr, Scydia. Toute ma haine est déjà réservée pour ceux qui ont volé ma vie, qui ont essayé de me tuer avant même que je ne naisse. »

Elle pointait sa rapière devant la femme, et on pouvait lire une franche détermination dans son regard. Ceux qui lui avaient fait du mal, tôt ou tard, le paieraient chèrement. Au centuple.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le samedi 24 mai 2014, 19:01:14
Elle hésitait, refusant de se laisser aller. Au départ du moins. La réserve qu'elle avait sûrement l'habitude de conserver était un vernis difficile à briser mais Scydia ne doutait pas d'y parvenir en la provoquant, en cherchant à la pousser à bout. Pauvre Elena... Ses traits se déformaient au fil de ses pensées et son visage témoignait des errements de ses sentiments. Que pouvait-il bien se passer dans l'esprit de cette jeune femme ? Scydia était bien incapable de lire ses pensées et ne connaissait d'elle que ce qu'elle avait apprit depuis leur rencontre, quelques heures seulement auparavant. Toutefois, elle savait reconnaître une âme chagrinée et un esprit tourmenté. Elena n'était pas compliquée à énerver un peu, si on l'observait au fil de la discussion.
Et finalement, elle parvint à la faire s'enflammer. La souveraine délivra le premier coup, aisément paré par la guerrière qui ne la quittait pas du regard. Ainsi préparée, Scydia leva sa garde et acceuillit les assauts de son apprentie plus ou moins consentante avec facilité. Les chocs métalliques gagnaient en hargne à mesure que le visage de la reine se fermait.

Elena n'était pas vraiment redoutable. Scydia n'en fut pas étonnée, bien qu'elle ne jugea nullement la dernière des Ivory. Leurs rapières s'embrassaient sèchement et les yeux de Scydia ne pouvaient que voir le chagrin qui chargeait à chaque seconde passée le regard d'Elena. Son esprit travaillait, son corps réagissait et exprimait par le biais de son épée le fouillis des pensées qui fusaient sous la tête brune de la jolie petite couronnée. Pourtant, l'espace d'un court moment, les attaques d'Ivory se montrèrent plus insistantes et hargneuses, poussant Scydia à se montrée plus disciplinée quant à ses propres mouvements. Mais cela ne dura pas et ce pic d'agressivité perdit en intensité jusqu'à ce qu'ils ne finissent par cesser, laissant une Elena sanglotante baisser les bras devant la syrra'elheìn qui persistait dans son mutisme. Voilà qu'elle s'apitoyait sur son sort, maugréant et arguant que, grosso-modo, elle était d'ors et déjà vaincue.

Elle la laissa parler sans rien dire, l'observant de son regard d'aigle. Cette enfant était pleine de colère, à n'en pas douter. C'est un magma qui bouillonnait en elle sans jamais arriver à exploser pour de bon, se contentant parfois de couler à l'extérieur par le biais de petites failles bien vite refermées. Juste ce qui pouvait suffir à réduire la pression pour éviter le pire. Mais le pire n'aurait-il pas été en fait le mieux ? Scydia était intimement persuadée que c'était ce dont Elena avait besoin. D'après le Sabre Véloce, la souveraine était dans l'erreur et empruntait une voie qui pourrait bien la conduire à un échec des plus cuisants.

- Tu te trompes, petite fille. Ceux qui remportent la partie sont ceux qui savent endurer, résister. Encaisser. Se relever jusqu'à ce qu'enfin, ils puissent embrasser la déesse de la victoire. Je pense qu'être parvenue à passer outre la perte de ta famille est une preuve de la force de ta volonté. La mort, c'est toujours plus dur pour ceux qui restent. Tu peux me croire.

Scydia n'oubliait rien. Comme si c'était hier, elle revoyait chacun de ses compagnons tomber sous les coups du Fléau, se forçant à ne pas s'arrêter pour les pleurer ou foncer à leur chevet. Le combat et l'impérative victoire avaient dut être ses seuls points de focalisation. Ils étaient morts et quand le glas avait retenti pour elle, la syrra'elheìn n'en avait éprouvé que du soulagement. Sa résurrection récente lui avait fait aussi réaliser qu'à présent, elle avait le temps de pleurer tout ce qu'elle avait perdu, tout ce qu'elle avait raté et qui jamais ne reviendrait. La jeune femme se sentait proche d'Elena pour cette raison et croyait sincèrement que la nexusienne avait une très puissante force de caractère. Ce qu'elle avait dut vivre jusque là n'avait certainement pas été aisé à surmonter et en cela, elle respectait la souveraine.

- Pourquoi te comparer à ton père ? Tu ne dois pas avoir un modèle à imiter, Elena. Tu dois avoir un modèle à dépasser. Aussi grands qu'aient put être les rois et reines t'ayant précédée, tu te dois d'être meilleure qu'eux. Voilà ce dont ton ère à besoin, petite fille : d'une souveraine qui rayonnerait au-dessus des ténèbres. Aussi irréalisable que cela puisse te sembler, oui.

Elle lui souri avec une douceur palpable et le rayon de lumière qui caressa sa silhouette cintrée d'argent lui donna, l'espace d'un infime instant, l'apparence d'une madone. L'image s'évanouit aussi rapidement qu'elle s'était formée et sa lame de sa rapière alla rencontrer celle d'Elena, les corps métalliques glissant lentement l'un contre l'autre tandis que Scydia se rapprochait de sa partenaire jusqu'à lui faire face d'un souffle, séparées l'une de l'autre par les aciers croisés.

- Tu as raison. Je ne voudrais pas d'une telle couronne. Néanmoins, si j'étais reine, je prendrais la chose autrement. Si mon héritage était sali et usé, je m'en débarrasserai. Mais je ferais en sorte que celui que je laisserai derrière moi soit, lui, resplendissant. Ce n'est pas tant le passé que l'on doit chérir, Elena. C'est le futur qu'on doit préparer. Quand tu ne seras plus que cendres, il ne restera que ton nom et tes actes. Fais en sorte qu'ils puissent résonner dans l'éternité.

Écartant légèrement les lames, Scydia approcha la tête de celle d'Elena. D'un petit coup sec, elle cogna son front contre le sien en un signe de complicité quasi-fraternelle. Elle offrit à la nexusienne un sourire espiègle avant de s'écarter d'elle d'un pas souple.

- Et, pour ta gouverne, le plus grand des guerriers qui soit se tient devant toi ! Enfin, par respect pour ton père, disons que je suis simplement la plus rapide. D'un mouvement de menton, elle désigna l'arme d'Elena. Ne t'en fais pas pour ça, petite fille. Dès que tes ennemis se montreront, tu n'auras qu'à dégainer le Sabre Véloce.

Pourquoi pas ? Lui proposer sa lame lui semblait une chose des plus naturelles. Elena avait besoin de soutien et Scydia la trouvait assez digne pour qu'elle accepte de lui apporter le sien. Peut-être qu'Elena n'avait pas besoin d'une énième guerrière, elle qui commandait les troupes militaires de Nexus. Un conseiller aurait possiblement été un choix plus cohérent, ou quelqu'un qui aurait sut porter haut la jeune reine égarée. Toutefois, Elena pourrait compter sur la syrra'elheìn. Scydia était d'une fidélité extrême en amitié et son devoir était une chose sacrée. Jamais elle ne la trahirait, jamais elle ne la laisserait tomber. La chute, qu'elle fut symbolique ou littérale, Scydia ferait à présent tout ce qui serait en son pouvoir pour l'éviter.
Au-delà de ça, pourtant, la combattante sentait poindre une affection sincère pour la dirigeante politique. Comme si quelque chose la poussait à la protéger, à rester auprès d'elle. Ceci expliquait peut-être le fait qu'elle se sente l'envie de la soutenir, de lui prêter le bras aussi naturellement.

- Nous devrions peut-être rejoindre messire Langley ou tes deux conseillères. On va s'inquiéter pour toi... A moins que tu ne veuilles pratiquer encore un peu ?
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le dimanche 25 mai 2014, 02:14:44
Dépasser son père...Scydia se rendait-elle seulement compte de toute la difficulté qu’il y avait à faire ça ? Tous les historiens s’accordaient déjà pour dire que Liam Ivory avait été l’un des plus grands Rois dans la longue dynastie des Ivory. Un Roi guerrier, qui avait su protéger efficacement Nexus des Ashnardiens. Un Roi diplomate, qui avait su renforcer ses alliances avec les Îles Mélisi, par le biais de sa femme, Nöly, ainsi que divers alliances économiques, notamment avec Tekhos, dans le but d’isoler Ashnard de l’échiquier politique. Un Roi qui avait tenté de réformer en profondeur la société de Nexus, et qui avait contribué à accroître l’influence de la justice royale, du droit nexusien. Il avait confirmé le rôle pionnier et très avancé de Nexus dans le monde du droit, qui faisait de Nexus un arbitre fréquemment utilisé pour résoudre les litiges internationaux qui opposaient États et sociétés multinationales. L’Ordre Immaculé aurait même envisagé de le canoniser si son corps avait été retrouvé ! Et elle devait dépasser ça ?! Son héritage était trop lourd à porter pour ses maigres épaules.

Leurs lames se croisèrent à nouveau, Scydia se rapprochant à nouveau d’elle, jusqu’à ce que leurs fronts ne disent rien. Cette fois, c’était au tour d’Elena d’écouter. Si quelqu’un d’autre lui aurait fait de tels conseils, elle les aurait repoussés en vrac, en pensant avoir affaire à une personne qui, soit ne comprenait pas dans quelle situation la Reine se trouvait, soit se permettait de faire preuve de conseils de bonnes intentions, mais creux et peu pratiques. Le cœur d’Elena s’était endurci sous les critiques et les injures dont elle faisait l’objet, les quolibets et les sarcasmes de la part de ses paysans. Venant de Scydia, tout était différent. Sona vis lui importait, et, en un sens, Elena pensait s’assimiler à elle. Elles étaient deux naufragées, n’ayant pas réellement de famille. La première s’était perdue dans les couloirs du temps. La seconde était perdue dans une ville qui ne voulait pas d’elle, et la voyait comme un mal nécessaire. La révolte grondait dans la glorieuse Nexus, et les deux femmes, en cet instant, alors que leurs fronts se touchaient et que leurs regards se croisaient, restaient sur la même longueur d’onde : deux femmes perdues, conscientes qu’elles devaient agir dans un monde qu’elles ne comprenaient pas, dans un monde où les règles avaient évolué. Dans ce nouveau monde, la frontière n’était plus facilement identifiable, et l’ennemi ne se résumait plus à une entité politique bien déterminée. Il outrepassait les frontières, il était partout, et nulle part à la fois. Il était un visage protéiforme, il avait des facettes multiples, des silhouettes variées, et il était invisible. N’était-ce pas là ce qu’on disait du Diable ? Sa plus grande force, son plus grand exploit, c’était de faire croire qu’il n’existait pas. Il en allait de même pour ceux qui avaient massacré sa famille, pour ceux qui agissaient dans l’ombre. Leur plus grande force était de faire croire qu’ils n’existaient pas, mais Elena, elle, savait qu’ils existaient... Et qu’ils étaient puissants.

Scydia termina de la réconforter en lui assurant qu’elle serait désormais un bon garde du corps. Elena sourit, et réalisa alors une chose étonnante... Curieusement, elle n’avait jamais envisagé les choses sous un autre angle. Instinctivement, elle sentait que Scydia serait restée prêt d’elle. Tout simplement, elle ne la voyait pas ailleurs ! Cette perspective la frappa alors que Scydia lui annonça vouloir la servir, et les yeux d’Elena s’écarquillèrent brièvement, sous l’effet de la surprise, lorsqu’elle prit conscience de ce fait. Qui que ce soit réellement cette femme, elle faisait maintenant partie de son destin. Elena ne savait plus quoi dire, et, comme si Scydia prenait conscience du silence qui s’installait, elle proposa alors de retourner voir les autres membres du Palais. Elena hocha lentement la tête, papillonnant des yeux, en retrouvant peu à peu ses marques.

« Je... Oui, Scydia, tu... Tu as raison. »

Elena retourna dans la salle d’armes, et remit les rapières.

« Il va falloir ranger nos armures respectives... Je pourrais te donner celle que tu portes, Scydia, je pense qu’elle ira mieux sur toi que dans une pièce de musée. C’est ce que mon père voulait. Sire Langley me disait qu’il aimait à se dire que les armes et les armures rouillaient principalement quand on les entreposait ainsi. Il aurait aimé que cette armure soit portée par une femme talentueuse, et je pense qu’elle est faite pour vous. »

La Reine le pensait sincèrement, mais elle préférait éviter que les autres revoient Scydia avec une armure. En revanche, si elle rangea sa rapière, elle laissa à Scydia l’autre. Elle se souvenait qu’elles étaient venues pour ça, initialement. La Reine retourna ensuite s’habiller, défaisant son armure, remettant sa robe. Elle n’avait pas envie de voir spécialement Langley, et préféra donc retourner dans le salon où se trouvaient Adamante et Nyzaël.

En chemin, elle s’adressa à nouveau à Scydia, sur un ton légèrement humoristique.

« Sache que je prendrais ma revanche, Scydia... Si tu veux être proche de moi, il va falloir que je te renseigne sur l’actuelle Terra. En dix mille ans, le monde a tout de même évolué. »

Elles retournèrent ensuite dans le salon... Et Elena constata qu’il n’y avait plus qu’Adamante. La magicienne les salua, et nota les traces de sueur sur le visage d’Elena.

« Hum... Vous avez mis le temps pour trouver une épée. »

Son ton légèrement suspicieux s’accompagna d’une lueur amusée dans les yeux. Elena haussa les épaules.

« Où est Nyzaël ?
 -  Elle est partie se renseigner sur ce sanctuaire… Ainsi que sur l’hypothèse d’un voyage vers le Bosquet des Hauts-Elfes. »

Elena hocha lentement la tête... Dans le fond, ça ne la surprenait pas.

« Avez-vous déjà eu l’occasion de voir le Bosquet, Scydia ? L’arbre-cœur des elfes existe depuis de nombreux millénaires... Depuis la formation du monde, même, d’après ce qu’ils en disent. »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le dimanche 25 mai 2014, 18:12:04
- Je n'ai pas envie de porter d'armure. Pas pour le moment, du moins. Cette époque n'est pas en guerre, laisse moi en profiter !

Gardant la rapière en main sous l'autorisation tacite d'Elena de le faire, Scydia l'abandonna et retourna vers la galerie après un clin d'oeil affiché à la souveraine pour aller abandonner l'armure pour la reposer sur son portant pièce après pièce, ré-enfilant ses vêtements de tissu et de cuir avant de refermer la vitrine sur la peau de métal argenté, la regardant un moment avec une légère pointe de nostalgie. D'un côté, la guerrière était des plus heureuses de ne pas être une des pièces de ce petit musée, une arme qu'on serait venu briquer de temps à autre pour lui éviter la poussière tout en oubliant quelle avait put être sa vie passée. Personne -à part peut-être cette Nyzaël, et encore- ne semblait savoir qui elle était ou ce qu'elle avait fait, mais Scydia ne s'en sentait pas frustrée. Son traitement aurait été sûrement bien différent si la grande Histoire avait retenu chaque ligne de son existence alors que là, on la considérait d'une façon plus naturelle, d'une façon qui lui convenait diablement plus. Elle qui ne voyait en Elena que la jeune femme et non pas la souveraine était vue pour l'être humain qu'elle était et non pas comme la légende qu'elle aurait dût être. C'était parfait pour ce personnage simple, qui avait conscience que son nom ou ses actions ne comptaient plus pour le monde depuis de très nombreux éons.

Après être parvenue à mettre la main sur un ceinturon armé et un fourreau pour la rapière en fouillant un peu, la syrra'elheìn allat retrouver Elena qui avait elle aussi terminé de s'habiller et qui lui assura qu'elle prendrait sa revanche. Le Sabre Véloce s'en amusa d'un léger rire.

- Oh, vraiment ? Alors la prochaine fois, je n'oublierais pas de contre-attaquer, pour que tu ne remportes pas trop facilement la victoire ! Elle lui appuya sur la joue du bout du doigt. Tu me diras ce qu'il y a à savoir, je découvrirais le reste.

Leurs pas les menèrent au salon qu'elles avaient précédémment quitté et Adamante s'avéra présente. Scydia lui rendit son salut mais occulta toute réponse au sous-entendu quant au temps écoulé... Pour la bonne et simple raison qu'elle ne fut pas certaine d'en saisir le sens caché. La guerrière était toujours assez malhabile sur certaines questions et avait prit pour habitude de ne pas relever ce qui lui semblait un peu tendancieux. Tekha, seule autre femme de son groupe et accessoirement demoiselle assez libertine, avait bien entreprit de former Scydia à certains arts mais la blonde ne s'était montrée que peu réceptive. Elle n'avait cédé aux avances de Tekha qu'une seule et unique fois et n'en retirait pas vraiment une passion. Le sexe et son univers étaient obscurs pour la combattante et sa vivacité d'esprit ne couvrait pas les légèretés sensuelles et sexuelles. Qui sait si ça ne finirait pas par venir un jour ?

Elle n'intervint que lorsque Adamante s'adressa directement à elle à propos d'un Bosque déjà évoqué, que la magicienne désigna comme étant l'Arbre-Coeur. Scydia réfléchit un instant, avant de penser à traduire l'expression en al'huïn. Lorsque cela fut fait, elle hocha la tête.

- Oui, bien sûr. J'imagine que vous parlez de ce que nous appellions le Syl'himgaard ? Je n'y ai jamais été personnellement, cela devait se faire après notre hypothétique victoire durant la guerre des âges. C'était le point névralgique de la culture et la civilisation al'huïn, pour ce que j'en sais.

Lothor, quand il avait prit en main son apprentissage, lui avait souvent parlé du Bosquet. Il n'en était nullement natif mais l'avait visité quelque fois en compagnie de ses parents puis du prince auquel il était entré au service. Si le maître d'arme avait voulu y mener celle qu'il considérait comme sa fille, cela n'avait jamais été motivé que par l'envie très personnelle de lui faire découvrir un haut lieu de la culture de son peuple, que Scydia aimait tant. Mais la guerrière avait eu, à une époque, une visite un peu plus protocolaire de programmée, comme elle allait le révéler à Adamante.

- Je devais m'y rendre pour que le clergé solaire puisse statuer sur mon sort. Certains sages estimaient que je ne pouvais pas être une véritable syrra'elheìn, parce que purement humaine. Ils remettaient en cause le jugement de la prêtresse du soleil qui avait jugé que j'étais bel et bien une élue de la Déesse. Elle soupira. Mon départ pour la guerre a reporté ce voyage. De façon plus intime, l'un des rêves de mon mentor était de me faire découvrir ce qu'il considérait être le joyau elfique de Terra.

Le Clergé Solaire. Un mauvais souvenir pour Scydia, bien qu'elle n'ait jamais affaire à lui qu'indirectement. Cette assemblée religieuse était formée des personnages considérés comme étant les plus proches de l'astre du jour qui symbolisait la Déesse-mère au centre des cultes al'huïn. Très influent dans le monde d'alors, le Clergé avait décrété que la foi plus que la guerre du roi Medhaar sauverait Terra du Fléau. De ce que la guerrière avait apprit, les sages avaient fustigé Medhaar de l'avoir acceptée en tant que syrra'elheìn, tout aussi pétrie de culture elfique que Scydia pouvait l'être. Elle en vint à se demander ce qui avait été établi sur son compte après sa victoire sur le Fléau, mais se douta bien que ni Elena ni Adamante ne pourraient lui apporter un élément de réponse. Plutôt que de s’appesantir sur le sujet, la guerrière choisi un autre angle.

- Soit vous doutez encore de mon identité, soit vous avez une autre raison en rapport avec moi de vouloir partir pour Syl'himgaard. Puis-je savoir de quoi il retourne, je vous prie ?

Son ton n'avait été ni impératif ni menaçant. Elle était juste curieuse mais ne semblait pas perturbée par l'idée d'aller vers le Bosquet. Ca n'était jamais qu'un rêve d'enfant qui se réaliserait si on l'emmenait vers l'Arbre-Coeur, quand bien même cela aurait été pour la conspuer.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le lundi 26 mai 2014, 02:25:17
Syl’himgaard... Elena, maintenant qu’elle y repensait, avait peut-être du entendre Nyzaël appeler le Bosquet ainsi deux ou trois fois. Même les elfes avaient pris l’habitude de désigner leur arbre légendaire par cette appellation. On disait que le Bosquet était vieux comme le monde, un héritage des temps anciens, où on trouvait de tels arbres gigantesques. Il avait survécu à l’évolution du temps, à l’écoulement des millénaires, et se dressait fièrement, nourrissant le monde par ses branches, et étant lui-même nourri du monde par ses racines. Il était ainsi l’idéal elfique absolu, leur symbole de communion et d’harmonie avec la Nature. C’était le refuge des Hauts-Elfes depuis des millénaires. À chaque guerre que les Hauts-Elfes avaient connus, à chaque fois que els Drows les avaient affronté, en envoyant sur eux des cohortes de Trolls et d’Orcs, le Bosquet avait été tenu. Il avait été assiégé une fois par une armada de pirates, et la bataille avait fait rage sur le lac, mais le Bosquet avait tenu. On l’appelait ainsi, non pas en référence à l’immense arbre, mais à l’incroyable diversité écologique qui y régnait, tant du point de vue de sa faune ou de sa flore. C’était un endroit magique, féérique, que tout touriste venant à Nexus rêvait de voir un jour. Même Tekhos et toute sa technologie n’avaient pu égaler la beauté transcendante de l’Arbre-Cœur. Scydia en avait entendu parler, de la part de son père, ainsi que de la part du Clergé Solaire.

Les elfes, naturellement, avaient leur propre religion, et vénéraient plusieurs Dieux, le principal étant une femme, la Déesse-mère, assimilable, de ce qu’Elena en avait compris, à une sorte de Gaïa elfique. Le Judicateur lui en avait parlé, en disant qu’Elena était l’élue de cette Déesse. Si ce que Scydia était vrai, si elle était aussi l’élue de cette Déesse, alors... Non, c’était ridicule. Elena avait bien du mal à croire aux prophéties, mais, pourtant... Les Judicateurs n’étaient pas n’importe qui. Ils étaient de hauts-mages, réputés et craints dans le monde entier, en communion avec la nature. On disait que le Bosquet tenait sa puissance d’une réserve très importante de gisements magiques sous le lac, ses racines s’enfonçant directement dans ce mana cristallisé. Les Judicateurs prétendaient ainsi être en connexion avec l’esprit de la Nature, être en lien direct avec l’Harmonie et la Déesse-mère, ce qui offrait une base se voulant cohérente à certaines de leurs prédictions. Quand ils disaient que Terra pleurait, c’est qu’elle pleurait. Elle avait pleuré quand la Fourmilière s’était écrasée sur son sol, car les Formiens grignotaient Terra, se nourrissant de son énergie pour se nourrir eux-mêmes. Scydia leur avoua n’avoir jamais encore eu l’occasion de voir le Bosquet.

Quoiqu’il en soit, les deux femmes auraient grand tort de prendre Scydia pour une idiote. Le Bosquet n’était pas non plus la porte à côté. Pour le rejoindre, il fallait remonter un fleuve en amont de Nexus. C’était un voyage qui durait bien une bonne semaine, et, même s’il n’était pas dangereux, puisque les navires n’avaient pas à s’éloigner des côtes, et restaient donc sous la vigilance et la surveillance des forts maritimes, il était tout de même assez long.

« Soit vous doutez encore de mon identité, soit vous avez une autre raison en rapport avec moi de vouloir partir pour Syl'himgaard. Puis-je savoir de quoi il retourne, je vous prie ? » s’enquit Scydia.

Adamante regarda brièvement Elena, et cette dernière hocha lentement la tête.

« C’est... C’est une longue histoire, Scydia. Il y a plusieurs raisons nécessitant ce voyage. La plus simple à comprendre, c’est que Nyzaël souhaite se renseigner sur vous auprès des archives de l’Arbre, afin de savoir si votre résurrection avait été prédit ou non...
 -  L’autre raison, et qui est la corollaire de la précédente, poursuivit Elena, c’est que nous pensons que la sympathie naturelle que je semble vous porter n’est pas le fruit d’un hasard, mais pourrait signifier qu’il existe entre nous un lien. »

Elena s’était légèrement déplacée, pour se placer à côté de Scydia.

« Le terme humain que nous utilisons pour désigner vos magiciens est ‘‘Judicateur’’. Je vous ai dit, tout à l’heure, qu’on voulait me tuer avant même que je ne naisse au monde, n’est-ce pas ? Ce n’était pas une image, ou une métaphore. »

Le ton de la Reine, tout comme son regard, s’étaient légèrement durcis. Elle n’avait raconté l’intégralité de cette histoire qu’à quelques personnes, incluant Jamiël et Sire Ronald Langley, même si elle avait hésité pour le second.

« Un personnel proche de mes parents empoisonnait sciemment ma mère à chaque fois qu’elle était enceinte pour tuer les fœtus. C’était un poison efficace, et seule l’expertise des Judicateurs en la matière a permis de le déceler. Ce poison incluait de nombreux éléments alchimiques variés, mais la base du poison, son cœur, était une goutte de sang... Une goutte appartenant à une créature terrifiante, qui fut un jour Empereur d’Ashnard... Même si ce nom ne doit pas vous dire grand-chose. On l’appelle le Roi Cramoisi, et, d’après les Hauts-Elfes, cette créature serait derrière la mort de mes parents, et derrière bien d’autres choses tout aussi sinistres. Il aurait voulu me supprimer, car j’aurais le pouvoir de le supprimer pour de bon... En réunissant des personnes. C’est mon don, Scydia. Nyzaël est là pour m’entraîner, pour que je perfectionne ce don, afin de repérer des personnes qui m’aideraient dans cette quête. Il y en aurait treize, et Adamante serait la première des treize...
 -  Et nous pensons que vous en êtes une autre », acheva Adamante.

Dit comme ça, Elena avait l’impression qu’elles devaient ressembler à deux espèces d’illuminées racontant une histoire à dormir debout.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le lundi 26 mai 2014, 13:45:52
- Ma résurrection était prévue depuis ma mort. Le Fléau m'avait avertie en me tuant et je ne suis pas assez stupide au point de penser qu'il n'est pour rien là-dedans. Je suis revenue à la vie sous l'impulsion d'une force profondément maléfique.

L'aveu -l'évidence, à son sens- avait manqué de lui écorcher les lèvres et l'intérieur de la bouche en se faisant jour. Devoir son retour au Fléau des Ages était un crève-coeur pour le Sabre Véloce, qui ne voulait plus rien avoir à faire avec cette entité de cauchemar. Elena, Adamante et Nyzaël n'avaient à aucun moment évoqué l'adversaire du monde libre que Scydia avait envoyé à la tombe. Le Fléau, que la guerrière savait être immortel mais pas inarrêtable, ne semblait pas exister à cette époque. Peut-être que quelqu'un après elle avait remporté une autre victoire sur lui, définitive celle-là ? Néanmoins, le retour de la syrra'elheìn avait éveillé bien légitimement la suspicion de ceux qui l'avaient constatée. Scydia, à son grand regret, n'avait certainement pas été tirée de la mort par la Déesse-Mère mais par son adversaire et pouvait ainsi légitimement être considérée comme une menace potentielle.
Ce qu'Elena exposa à la suite la surprit, néanmoins. Un lien entre elles ? Au-delà de la seule sympathie qu'elles semblaient mutuellement s'inspirer ? Scydia observa la reine, haussant un sourcil tout en gardant le silence, l'invitant ainsi à continuer sur sa lancée.

La souveraine lui raconta tout, ou du moins tout ce qu'elle avait poliment occulté auparavant. L'empoisonnement lent et minutieux de sa mère par un poison issu du sang d'un être nommé le Roi Cramoisi, l'étrange don d'Elena qui consistait à réunir une sorte de "garde spéciale" autour d'elle afin de parvenir à ce but ultime qu'était la mort de cet énigmatique personnage dont Elena dépeignait un portrait bien sinistre. Et d'après Adamante, le Sabre Véloce pourrait être un de ces Immortels, l'affection des deux femmes se justifiant par ce statut que Scydia ne comprenait pas réellement. En silence, elle passa son regard sur Adamante et Elena.

- Empêcher ta venue au monde aurait été plus simple en tuant directement tes parents, non ? Pourquoi ce long empoisonnement alors que l'ont peut tuer un souverain d'un simple mouvement ?

Ce qui se passa ne fut nullement perceptible pour Elena ou pour Adamante. Alors que Scydia n'avait semblé se mouvoir à absolument aucun moment et qu'elle avait gardé obstinément les bras croisés tout au long du petit exposé, la pointe de sa rapière s'était retrouvée posée à l'emplacement du coeur de la brune. Comme un film dont le montage aurait été particulièrement mauvais, les images qui auraient dut concerner son changement de position, son dégainage de lame et la mise en place de celle-çi avaient tout bonnement été absentes de la scène. La vitesse de Scydia avait parlé une nouvelle fois et rien n'aurait put la trahir alors qu'elle ponctuait son questionnement de cette action menaçante. Ce fut en revanche à une vitesse parfaitement ordinaire qu'elle baissa son arme avant de la remettre au fourreau.

- Je ne comprends pas les enjeux de tout ça, confia t'elle. Hormis ta survie, bien évidemment... Qui est ce Roi Cramoisi qui, d'après toi, ne peut être battu que par une poignée de personnes bien précises ? En quoi est-il si nécessaire de le battre ? Il menace directement votre époque ?

Faisant quelques pas dans la pièce, elle se décala d'Adamante et d'Elena pour aller faire reposer ses fesses sur le bureau, croisant les jambes et les bras en regardant les deux femmes qui lui faisaient face.

- Je pense que vous faites erreur. Que l'histoire s'en souvienne ou pas, il était pratiquement impossible que je puisse survivre à mon combat contre le Fléau et je n'ai gagné de justesse qu'en y perdant la vie. Je vous l'ai dis, je pense que c'est le Fléau qui m'a ressucité aujourd'hui. Pourquoi ? Je ne sais pas trop. Mais je doute qu'il ait fait cela pour aider à compléter une quête qui n'avait à notre époque aucun lieu d'être.

Elle passa une main dans ses cheveux courts, les ramenant en arrière dans un petit soupir. Scydia se sentait un peu lasse, un peu délaissée dans l'histoire. On l'avait poussée à combattre et combattre encore, faisant de sa vie une simple quête. Et alors qu'elle était revenue à l'existence des hommes et qu'elle avait un peu caressé l'idée d'en jouir le plus simplement possible, on lui prophétisait une nouvelle destinée. Pis encore, si cela se vérifiait, sa proximité avec Elena ne s'avérerait basée que sur un lien "artificiel". Cette vexation lui étreignit le coeur, bien qu'elle s'arrangea pour ne rien en laisser paraître.

- Enfin, je n'ai rien contre le fait d'aller au Bosquet, au contraire. Nous serons ainsi toutes fixées sur la raison de mon retour et, à fortiori, de mon utilité auprès de vous. Elle se concentra sur Elena. Quel que soit le verdict, ma lame sera toujours tienne. Et mon amitié, née de ta sympathie à mon égard, ne changera en rien, Immortelle ou pas.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le mercredi 28 mai 2014, 02:03:48
Les questions de Scydia étaient censées, mais Elena n’eut pas l’occasion d’y répondre car elle vit le bout de la rapière de Scydia heurter son torse. Adamante esquissa un mouvement de recul, mais la Reine se contentait de regarder Scydia. Encore une fois, Elena fut intimement convaincue qu’il ne pouvait rien lui arriver, que Scydia suspendrait son geste, et qu’elle ne lui ferait jamais de mal. Un lien de confiance régnait entre les deux, et la Reine ne pouvait se l’expliquer. Pour autant, elle sentait bien, dans les mots de Scydia, tout ce scepticisme, cette trace d’humanité en elle, cette humanité qui l’amenait à douter des prophéties, exactement comme Elena. Le Roi Cramoisi était-il vraiment si dangereux que ça ? Cette prophétie était-elle vraiment fondée ? Elena la laissa poser ses questions, ne voulant pas l’interrompre.

Scydia lui assura, en s’asseyant sur le bureau, qu’elle continuerait à l’aider, mais Elena esquissa un léger sourire. Elle n’était pas dupe. Ce qu’elle disait ressemblait à des excuses anticipées pour un éventuel refus, une manière de lui dire que, bien qu’elle resterait fidèle à la Reine au nom de leur amitié, elle ne tenait pas à s’embarquer dans une quête folle. Ce fut Adamante qui répondit à la place d’Elena.

« On ne tue pas si facilement le Roi de Nexus... Ou la Reine. Liam Ivory avait participé à maints conflits, et survécu à maintes blessures, et sa femme était toujours étroitement surveillée. »

C’était une réponse imparfaite, il n’était même pas besoin de le dire pour que la Reine s’en rende compte. On avait dit que la Reine avait été empoisonnée, et, partant de là, il était donc tout à fait possible de se contenter de la tuer.

« J’étais la cible de ces ennemis. Moi, pas mes parents.  Vous êtes suffisamment proche des elfes, Scydia, pour savoir que ceux-ci croient fermement en la résurrection des âmes. Le Roi Cramoisi avait repéré que l’enfant de mes parents serait celui qui parviendrait à mettre fin à son existence. S’il avait tué mes parents, il aurait perdu cet avantage, car je serais née ailleurs, auprès d’autres parents. Si je n’avais pas attrapé un rhume sur le navire de croisière de mes parents, je ne serais plus de ce monde. »

Il avait fallu d’un élément totalement imprévisible, presque insignifiant, pour ébranler les projets de cet ennemi, un élément aussi imprévisible et incalculable qu’une bourrasque de vent un peu trop fort qui avait agité les sinusites d’un petit bébé qui s’émerveillait alors de voir des jongleurs cracher du feu avec leur bouche. Adamante se décolla à son tour d’Elena, et retourna s’asseoir sur un fauteuil, Elena restant ainsi la seule femme debout du trio.

Y avait-il un lien entre le Fléau des Ages et le Roi Cramoisi ? Sion partait du principe que Scydia était ressuscitée pour accompagner Elena, alors l’inverse devait sûrement être vrai aussi.

« Je partage ce scepticisme, Scydia... J’ai du mal à croire que je sois au cœur d’une prophétie ancestrale, mais les elfes en sont persuadés. Quant au Roi Cramoisi... »

La Reine soupira légèrement, avant de commencer à divulguer ses informations. Elle parla de l’Empire d’Ashnard, le décrivant comme un immense Empire territorial s’étalant sur des milliers de kilomètres. C’était un Empire qui était né d’une alliance entre des humains et des démons, les premiers ayant invoqué les seconds lors d’une cérémonie magique dans un désert lointain. Les humains ayant fondé Ashnard étaient des réfugiés venant d’autres nations, comme Nexus ou Tekhos, qui rêvaient de créer un havre de paix. C’était en tout cas ce que disait l’Histoire officielle.

« La création de cet Empire remonte à quelques millénaires, compléta Adamante, mais, d’après le Judicateur Suprême, différents mages qui faisaient partie de cette assemblée avaient pour but d’amener une créature tout à fait particulière parmi ces démons. Un être que les légendes elfiques appellent le Premier Né. »

Selon cette légende, comme l’expliqua Elena en reprenant la parole, le Premier Né aurait été la première création de la Déesse-mère des elfes. Un être parfait et absolu, ni homme, ni femme, n’appartenant à aucune race. Il aurait du être le premier d’une race qui servirait la Déesse-mère, mais cette dernière avait constaté que, en étant parfait, le Premier Né refusait son autorité, et voulait la supplanter. Il ne supportait nulle forme d’imperfection, et voulait améliorer la Nature, la transcender en corrigeant ses défauts. La Déesse-mère avait alors constaté que sa création était dangereuse, et, n’ayant pas pu se résoudre à le tuer, soit parce qu’elle ne le voulait pas, soit parce qu’elle n’en avait pas la force, elle avait banni le Premier Né, et avait ensuite divisé sa création en deux êtres de part égale : l’homme et la femme. Les forces universelles étaient devenues duales. Ce conte s’interprétait de bien des manières. Au sens métaphorique, il était une manière de dire que les deux sexes se complétaient mutuellement, et devaient être traités sur un pied d’égalité.

« Le Roi Cramoisi est une relique du Premier Né. Les mages qui l’ont invoqué lors de cette cérémonie ont profité que les lignes magiques scindant l’univers étaient alignées pour réussir un sort complexe qui devait directement libérer ce monstre.
 -  Ils ont partiellement échoué... Ou, du moins, ils auraient partiellement échoué. Dans leur calcul, ils avaient négligé l’existence d’un artefact magique, qui a absorbé une partie de ce qu’ils ont invoqué. La Tour Sombre » précisa-t-elle.

Adamante expliqua alors à Scydia que la Tour Sombre était une tour magique conçue avant même que Scydia ne soit au monde, afin de réguler l’activité magique sur Terra. Scydia en avait peut-être entendu parler dans certains contes, car on disait que la Tour Sombre abritait le plus grand des pouvoirs : le pouvoir absolu. Celui qui siégerait à son sommet pourrait en effet contrôler toute la magie dans sa main, et être libre de déclencher un cataclysme magique. La Tour Sombre avait été bâti par un mage, Maerlyn, pour éviter de nouvelles tempêtes magiques dévastatrices.

« La magie est une force naturelle universelle, plus ou moins forte selon les planètes où nous nous trouvons. Sur Terra, elle a toujours été très forte, et on trouve parfois, dans la roche, des gisements de mana et de magie cristallisées... Il existe même un État qui recherche des gisements de ce genre, mais c’est un autre débat.
 -  En ce qui nous concerne, nous pensons que, quand les mages noirs ont réalisé ce rituel, ils voulaient invoquer le Premier Né, mais que la Tour Sombre a faussé leur stratégie en exilant une partie de l’âme du Roi à l’intérieur. Depuis lors, ce dernier cherche à l’ouvrir. Il est comme fracturé en deux, et, plus il s’éloigne de la Tour, et plus son esprit se disloque. Voilà ma tâche, selon le Judicateur : l’empêcher d’ouvrir la Tour, et de conquérir le monde. »

Ayant beaucoup parlé, Elena ménagea une pause de quelques secondes. Elle n’était pas convaincue d’avoir été très claire, car, même pour elle, cette histoire était très confuse, et avait parfois tendance à ressembler à un mauvais scénario de roman fantastique nexusien.

« Toute la question, ensuite, est de savoir si on adhère ou pas à ces histoires... C’est pour ça qu’Adamante et Nyzaël veulent retourner au Bosquet, afin de voir s’il n’y pas des liens entre cet individu et ce Fléau. »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le mercredi 28 mai 2014, 16:25:11
Adamante était soit un peu trop sûre d'elle soit trop peu réaliste. Les rois comme les reines pouvaient tout à fait mourir. N'était-ce pas stupide de dire cela devant Elena, qui était orpheline de ses deux parents ? Qu'aurait pensé pouvoir faire la magicienne si Scydia, lorsqu'elle avait attaqué en guise de démonstration, avait finalement transpercé de sa rapière le coeur de la dernière des Ivory ? Avoir la foi était une chose, la pousser jusqu'à la naïveté en était une autre. Scydia arqua un sourcil désabusé et interrogateur à l'attention de la protectrice royale et ne fut empêchée de lui répondre que par l'intervention d'Elena, qui poussa la syrra'elheìn à passer à autre chose. La réponse quant à l'empoisonnement de ses parents et non pas leur massacre pur et simple parut à la guerrière des plus convaincantes. Le Roi Cramoisi avait fait preuve d'une certaine sagesse dans son raisonnement mais avait ce faisant -et bien malgré lui, probablement- offert à sa Némésis les moyens financiers et militaires qu'on pouvait prêter à une reine comme celle de Nexus. Il avait, d'une certaine façon, donné des crocs à un petit chiot. Et Scydia se doutait qu'Elena devait miser sur la puissance conférée par sa couronne pour mettre un terme au règne du Malin. En réunissant ces fameux immortels ou une armée, par exemple.

Intéressée, elle écouta le récit concernant cet empire qu'était Ashnard, dressée après un rituel absurdes aux relents de soufre et de pacte avec le démon. Scydia, dès lors, ne douta pas que cet empire là faisait d'ors et déjà partie de ses ennemis. Adamante surenchérit alors après le petit exposé d'Elena pour évoquer le Premier Né, créature des plus mythologiques qui n'était pas inconnue à Scydia, fervente croyante de la Déesse-Mère et des légendes qui gravitaient autour d'elle. Ce que la souveraine pensa lui révéler n'était que le mythe tel qu'on le racontait déjà à son époque et dont elle connaissait par ailleurs une ramification.

- Je sais ce qu'est le Premier Né. La caste des Syrra'elheìn dont je suis issue est sensée descendre directement de l'apparition de l'enfant de la Déesse, car elle fut créée comme une sorte d'alternative à la première création. Nous sommes le lien entre la Déesse et les hommes, héritant en partie du statut particulier du Premier Né et destinés à empêcher ce dernier de nuire aux créations qui le suivirent. Ce sont les enseignements du Clergé, du moins.

Tout aussi pieuse qu'elle fut, Scydia refusait un peu cet aspect de sa nature. C'était très grandiloquent, très légendaire et finalement loin de ce qu'elle estimait être. Elle ne pouvait pas nier cet aspect non plus, considérant que le Clergé Solaire avait lui-même reconnu aux élus de la déesse ce statut des plus particuliers. Elle se voyait simplement comme une humaine chanceuse, qui se devait de mettre sa force au service de ceux qui ne pouvaient y prétendre. Bien qu'elle n'accordait au Premier Né qu'un aspect onirique, Scydia se voyait mal devoir combattre un jour une entité si puissante que la Déesse n'avait sut la retourner à la terre. Les syrra'elheìn était d'après elle une caste bien plus terre-à-terre, plus "réaliste". A la suite de son petit discours, elle afficha un air dubitatif exprimant clairement qu'elle ne prenait pas ce qu'elle venait de dire au sérieux.

La Tour Sombre fut alors évoquée, dûement expliquée par Adamante. Une chose pareille pouvait elle vraiment exister ? Elena et la magicienne en parlait avec le sérieux qui caractérisait les gens absolument sûrs de leur fait. Pourquoi pas. La situation était pourtant critique : le Roi Cramoisi devait ouvrir la Tour, ce qui lui donnerait un pouvoir incommensurable. Cette histoire était familière à Scydia, ce qui lui fit plisser les yeux. Quand Elena évoqua une possible connexion entre le Roi et le Fléau, la guerrière laissa passer un temps avant de prendre la parole.

- Le Fléau avait déclenché la Guerre des Ages pour avoir le temps de lever les très puissants sortilèges qui protégeaient une partie de l'île originale des Al'huïn. Tout n'avait été qu'une course de rapidité... Nous devions réunir un artefact assez puissant pour l'abattre avant qu'il ne parvienne lui-même à abattre les barrières qui le séparaient de son but ultime.

Elle se releva, laissant les deux femmes méditer sur ses paroles. Le fond de ce qu'elle voulait leur révéler venait ensuite et Scydia gageait d'avance que cela intéresserait grandement les deux nexusiennes.

- Ce que le Fléau cherchait à atteindre était connu, à mon époque, comme étant le Point de Convergence. Soit le pivot de toutes les énergies de ce monde, l'endroit exact où elles se retrouvaient pour se fondre. Les Al'huïn en avaient eu originellement la garde... Je suppose que cette histoire vous rappelle celle que vous venez juste de me raconter, non ?

Ces similitudes étaient des plus évidentes, mais l'histoire de Scydia pourrait très certainement être démontrée comme étant juste une fois qu'elles seraient au Bosquet. Si on pouvait légitimement penser que les anciens al'huïn s'étaient bien garder d'évoquer dans les documents qu'on avait put retrouver depuis l'époque de Scydia pour ne pas susciter de nouvelles convoitises maléfiques concernant le Point, leurs descendants devaient certainement avoir de quoi corroborer ces informations. Ce qui apporterait en outre une nouvelle preuve de l'identité de Scydia : si l'existence du Point de Convergence s'avérait être un secret aussi bien gardé, comment aurait-elle put en être informée sans être contemporaine de la dernière évocation du Point ?

- Je ne suis pas experte de ces questions de magie et j'ignore ce qui a put se passer depuis ma mort, mais je doute que ces histoires se ressemblent autant juste par un fait du hasard. Et si le Point de Convergence et la Tour Sombre se confondent, je peux vous en donner la localisation.

L'emplacement de la Tour Sombre était il déjà connu ? La Tour et le Point étaient-ils seulement la même chose, comme Scydia semblait le penser à mesure qu'elle exposait ses idées ? Rien n'était sûr. La guerrière n'aurait rien put affirmer sans connaissance du monde actuel ou des événements en rapport avec le Point qui avaient put se dérouler après sa mort, bien que l'ensemble lui paraissait plausible.
Une chose la chiffonait tout de même assez pour qu'elle la partage ouvertement avec Elena et sa conseillère.

- J'espère que si ma théorie se vérifie, le Roi et le Fléau se confondront aussi. Car si votre Roi est bien issu du Premier Né, il doit être doté d'une formidable puissance et le Fléau était déjà lui-même particulièrement redoutable. Vous pouvez me croire sur parole. Si ils ne sont en fait qu'une seule et même personne, cela augmentera nos chances de succès puisque je l'ai déjà vaincu une fois. Dans le cas contraire... Je n'ose pas imaginer ce que nous aurons à affronter.

Sa voix exprimait la gravité de la situation. Ce qu'elle dépeignait était le pire tableau possible, auquel il fallait bien songer. Tout ce que souhaitais Scydia à cet instant, c'était de faire erreur.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le jeudi 29 mai 2014, 02:00:38
Répondant aux informations des deux femmes, Scydia donna les siennes. Elle leur parla du Point de Convergence, une sorte de lieu qui regrouperait toute la magie, un point de concentration. Adamante en avait déjà entendu parler à l’académie. Effectivement, le lien entre la Tour Sombre et ce Point de Convergence coulait de source, et Adamante soupçonnait que ces deux notions désignaient un seul et même endroit. Elle leur parla également du Fléau, et se demanda si le Roi Cramoisi ne serait pas une réincarnation de cette créature. Adamante manquait d’informations sur ce Fléau. L’histoire était trop vieille pour les archives. Elle leur expliqua que ce Fléau avait cherché à atteindre l’île originale des Al’huïn. Ceci rappelait à Adamante la distinction que certains elfes opéraient entre les Aen Elle et les Aen Seidhe. Le premier terme faisait référence aux elfes qui étaient restés dans leurs terres, ce qu’on appelait maintenant Hauts-Elfes, tandis que le second terme désignait les elfes qui étaient partis explorer le monde, et y avaient vécu, s’y installant, fondant des villes, des familles... Les Bas-Elfes, ou elfes tout court. Adamante savait que les elfes se revendiquaient d’une origine commune, une sorte d’île fantasmagorique, une Avalon légendaire, et bien des légendes elfiques parlaient de cette terre comme un sanctuaire suprême, le lieu où ils reviendraient. Pour vaincre le Fléau, Scydia avait du réunir un puissant artefact magique.

Les deux femmes, silencieusement, écoutaient. Le plan du Fléau avait été d’atteindre ce Point de Convergence afin, visiblement, d’acquérir la puissance nécessaire pour détruire les barrières magiques protégeant l’île des elfes. Scydia connaissait l’emplacement du Point de Convergence, mais, pour le coup, elle avait un train de retard.

« Hum... Le fait est que nous savons où se trouve la Tour Sombre.Y accéder, en revanche, c’est une autre paire de manches. »

Le mieux était de le montrer sur une carte, et il n’y en avait pas dans cette pièce. Elena demanda donc à Scydia de la suivre, et elles filèrent dans un bureau, jusqu’à trouver une grande carte murale de Terra. On voyait, sur le principal continent, immense, Nexus à gauche. Elena désigna ensuite un immense territoire, sur la droite. L’Empire d’Ashnard.

« D’après ce que nous savons, le Roi Cramoisi était autrefois un puissant seigneur ashnardien, qui avait ses terres ici, aux limites orientales de l’Empire. Il s’agit de toute cette zone... Ici. »

Du doigt, Elena dessina un cercle approximatif à côté de l’Empire, près d’un épais massif montagneux.

« Un peu plus au sud de ce point, il y a le Mont Olympe. C’est l’un des endroits lesplus dangereux du monde, et, fréquemment, des paladins et des aventuriers remontent cette route... La Route de l’Olympe. Elle commence à Nexus, traverse le cœur du continent – qu’on appelle Contrées du Chaos, puis passe par Ashnard, et rejoint ensuite la chaîne de montagne entourant l’Olympe. Je te le dis pour information, bien sûr. L’Olympe, c’est le Palais des Dieux. Un peu plus au nord de l’Olympe, donc, il y a les terres du Roi Cramoisi... On les appelle les Malterres de la Discorde. »

L’endroit n’était pas désigné sur la carte, car c’était une région petite, et peu connue. Adamante résuma alors sommairement à Scydia la Guerre Civile qui avait déchiré l’Empire il y a quelques siècles. Elle lui expliqua que, à cette période, le Roi Cramoisi était devenu l’Empereur d’Ashnard, et que, sous son règne, l’Empire avait sombré dans une profonde démence. La capitale ashnardienne était devenue un immense mouroir jonché de milliers de cadavres. Certains Ashnardiens, en voyant que leur Empire était en train de s’écrouler sous la démence de l’Empereur, s’étaient révoltés, et avaient réussi à chasser le Roi. Il était retourné dans ses terres, et ces dernières avaient ensuite été coupées de l’Empire.

« Les Ashnardiens ont essayé d’aller tuer cet ennemi, mais on dit que les troupes qui ont essayé de l’envahir n’en sont jamais revenues.
 -  On dit aussi que, derrière l’Olympe et le massif montagneux, il y aurait une sorte d’endroit paradisiaque... Peut-être cette île elfique que vous mentionnez tantôt, Scydia. Ce dont je suis sûre, c’est que la Tour Sombre est là. Elle est proche de l’Olympe, mais, comme vous le voyez, y accéder n’est pas simple... D’autant plus que nos deux nations sont en guerre depuis plus d’un siècle, maintenant. »

Un léger soupir s’échappa des lèvres d’Elena, qui secoua la tête. Elle reprit ensuite, tout en se détachant de la carte, croisant les bras.

« J’ignore si ce Fléau est une ancienne incarnation du Roi Cramoisi... Ce n’est pas impossible. Ce que vous me dites me laisse penser qu’ils doivent certainement, d’une manière ou d’une autre, être liés... Et je pense que votre résurrection doit également avoir un lien avec ça. »

Adamante reprit alors, en revenant sur d’autres éléments du récit de Scydia :

« Quel était cet artefact, exactement ? Celui que vous avez utilisé contre le Fléau ? Est-ce qu’il a marché ? Et... Pardonnez-moi de ma naïveté, mais... Vu que le Fléau vous a... Euh... Tué... Est-ce que cet artefact a été efficace ? »

Il y avait encore, pour Adamante, des zones d’ombre dans le récit de Scydia, et elle cherchait à les démêler. S’il existait un artefact capable de vaincre le Fléau, alors peut-être que cet artefact permettrait aussi de vaincre le Roi Cramoisi.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le jeudi 29 mai 2014, 22:09:22
En y repensant, il n'était guère étonnant que l'emplacement de l'île des al'huïns soit connu d'Elena et d'Adamante. Scydia s'en étonna un court instant avant de réaliser que ce qui était mythique à son époque semblait certainement un peu désuet aux contemporains de cette ère, comme l'étaient la reine et sa conseillère. Les légendes se perdaient avec les âges qui passaient au gré du temps, quand on ne parvenait pas à établir la vérité sur elles. La localisation géographique de l'île en son temps n'était connue que d'une poignée de dignitaire, qui avaient eu bien du mal à y faire venir les troupes coalisées pour affronter l'Armée de la Nuit. Mais aujourd'hui, l'endroit ne devait plus avoir grand'chose de secret. La guerrière se résigna donc une fois encore à admettre que bien du temps avait passé entre sa mort et son retour parmi les vivants, chassant son amertume en s'intéressant de plus près à la carte qu'Elena lui commentait.

La souveraine lui parla des terres originales du Roi Cramoisi, avant d'évoquer l'Olympe et la route qui y menait directement depuis la cité d'ivoire, traversant des terres certainement tout aussi inhospitalières que leur nom le suggérait. Scydia n'en perdit pas une miette, attentive à tout l'exposé que la reine lui offrait. Elle utilisait ses propres connaissances cartographiques et géographiques pour se situer sur le plan, bien plus détaillé que ceux qu'elle avait eu la possibilité d'étudier de son temps. La topographie n'était heureusement pas très différente et le Sabre Véloce arriva de plus en plus à situer les régions et divers endroits désignés par Elena.
Scydia écouta parler les femmes avec patience. De la géographie à l'histoire, elle prêta oreille à tout ce qu'on daignait lui apprendre et hochait simplement la tête d'un air concentré quand on lui glissait une information supplémentaire. Élève studieuse, la syrra'leheìn laissa ses doigts courir sur la carte à partir de Nexus. Elle murmurait en vieil elfique au gré de ses calculs sommaires, désignant plusieurs points au fil de ses pensées.

- L’île est effectivement dans la région à laquelle tu penses, Elena, dit-elle en tapotant un point de la carte, derrière l'Olympe et les montagnes. Au moins, nous parlons du même endroit.

Au vu de la situation politique, il était effectivement impensable qu'une délégation nexusienne rejoigne l'île. Un voyage par la mer au départ de Nexus aurait été extrêmement long et dangereux : l'océan bordait davantage Ashnard à cet endroit. Très logiquement, l'empire en aurait le contrôle.
On en revint au Fléau et sa propre résurrection, Scydia hochant négligemment le menton pour signifier que la jeune reine avait probablement raison. Un lien avec le Fléau des Ages n'était pas une chose à laquelle le Sabre Véloce voulait penser. L'envisager manquait déjà de lui donner la nausée.
La question d'Adamante arriva alors, pleine de sens. Le bâton... Pour un peu, la jeune femme l'aurait oublié.

- L'artefact dont mes quatre compagnons et moi avons récupéré les morceaux était connu sous le nom de Main de Galaantyr. Le magicien de notre groupe disait de la Main que c'était l'un des plus puissants objets magiques de Terra, à tel point que ses créateurs avaient décidé de le séparer en trois parties distinctes pour éviter qu'on ne puisse en faire usage. L'emplacement des composants fut soigneusement effacé des registres et il fallut plusieurs siècles aux al'huïns pour en retrouver une trace approximative. Et une fois sur place, déterminer l'endroit exact fut presque aussi compliqué que de s'emparer de l'objet.

Scydia s'accapara la carte, remontant d'abord vers les terres qui faisaient face à Nexus par delà l'océan qui léchait les pieds de la cité tentaculaire. Elle désigna une ville restée assez importante aujoud'hui, grâce à son commerce avec le monde. Néanmoins, elle n'avait plus rien de la capitale elfique d'antan telle que la blonde l'avait connue l'avait connue. De la cité, elle remonta un peu vers le nord, vers un endroit qui n'avait lui nullement changé.

- Les marécages de Bry. Bien avant mon époque, les syrra'elheìn avaient érigé là une ville toute entière, ainsi qu'un ordre guerrier. Ils ont été trahis par un vendu à la solde du Fléau et c'est dans les ruines englouties par la boue que nous avons trouvé le sommet du bâton.

Son index glissa sur le parchemin, quittant les marais pour se diriger vers l'Est. Elle épargna le récit des détours et des assauts de brigands de grands chemins pour montrer l'emplacement des Bois des Murmures. Toujours considérés comme hantés et hautement dangereux aujourd'hui, une énorme partie de la forêt avait été emportée par un gigantesque incendie qui avait été déclenché suite à une bataille entre un avant-poste de mineurs de l'Empire de Vapeur et une légion ashnardienne qui rentrait d'un obscur conflit. Les vaporéens n'avaient pas hésité à brûler une portion des bois pour sortir victorieux.

- Nous avons récupéré la partie centrale ici, au plus profond des Bois des Murmures.

Elle ne s'attarda pas sur les nuées d'araignées géantes qu'il avait fallu affronter pour arracher la hampe au gardien, pas plus des créatures immondes qui avaient tenté de les empêcher de se rendre à leur but. Il n'y avait rien de particulièrement remarquable à cet endroit et la syrra'elheìn s'attarda plus à continuer le résumé de son périple géographique en revenant vers Nexus -bien qu'elle passa loin au large- pour traverser ce qui constituait à l'heure actuelle le plus gros des territoires de Mordret jusqu'à arriver près d'un désert qui séparait Ashnard et Tekhos. La guerrière désigna une petite chaïne montagneuse sur la carte, où apparaissait en outre la désignation d'un royaume qui n'existait nullement de son temps. Incapable de lire le nom de Sylvandell qui s'affichait sous ses yeux, elle expliqua simplement que les seules populations qui se trouvaient là étaient encore moins avancées que les sauvageons et qu'ils se confondaient énormément avec les terranides auxquels ils se mêlaient. Finalement, elle souligna le haut des montagnes.

- Le reste se trouvait là, sur un plateau rocheux et gardé par un immense dragon d'or. J'ai d'ailleurs un combat à terminer avec lui. Elle sourit pour elle-même, la saveur du défi promis titillant ses instincts guerriers. Enfin, peu importe. A ce moment là, nous avions l'artefact le plus puissant du monde en main mais aussi des problèmes de taille qu'il fallut se résoudre à contourner.

Elle leur expliqua comment Tywin le mage avait été contraint, pour les faire échapper des griffes du dragon, d'utiliser la magie de la Main de Galaantyr pour les téléporter vers l'île du Fléau après les voir protégés du feu magmatique derrière un puissant bouclier. Cela avait assuré leur survie en leur faisant gagner un temps fou mais avait eu le catastrophique effet de vider de plus de moitié la magie présente dans le bâton.
Scydia soupira, secouant la tête en se remémorant le moment où il avait fallut annoncer cela à Medhaar, qui attendait leur retour comme la venue d'un messie providentiel. Sa déception avait été grande mais sa volonté guerrière n'avait en rien été entamée. Un grand roi que Medhaar Vigne-d'Or, dont Scydia espérait qu'il ait put laisser son empreinte dans l'histoire de façon durable.

- Nous nous sommes faufilés dans la Citadelle pour livrer bataille et Tywin parvint à tirer assez d'énergie du bâton en y déversant sa propre mana, si bien qu'il en mourut. Néanmoins, l'attaque porta. Elle ne tua pas le Fléau mais l'affaiblit grandement. Nous fûmes quatre à l'affronter ensuite... Et quatre à en mourir. Soyons clairs : nous aurions été balayés sans la puissance du bâton et du sort lancé. Nos coups ne portaient que peu sur le Fléau, qui rivalisait en outre sans peine avec ma vitesse poussée à l'extrême. Et que vous puissiez y croire ou pas, je suis infiniment plus rapide que vous ne pouvez l'imaginer.

Scydia ne l'avait pas réalisé, mais le souvenir du combat lui avait fait serré si fort les poings que ses ongles s'étaient enfoncés dans sa paume, un mince filet de sang perlant d'entre ses phalanges. La force du Fléau des Ages était immense, sûrement au-delà de ce qu'on pouvait trouver sur Terra. La victoire du Sabre Véloce n'avait été possible que grâce à la chance et au sacrifice, non pas parce que les éléments en place leur avaient été stratégiquement favorables.

- Quant au bâton, il fut détruit après l'incantation. Tywin nous racontait parfois une histoire comme quoi la Main de Galaantyr s'associait à un autre objet magique tout aussi puissant, tout en précisant qu'il ne s'agissait probablement là que de fables. Elle releva les yeux vers Elena et Adamante. J'espère que les Treize seront, eux, quelque chose de plus concret.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le samedi 31 mai 2014, 01:47:18
Le cerveau d’Adamante carburait en voyant la position indiquée par Scydia. Terra était un monde fait de légendes et de contes de fées, et, tandis que le Sabre Véloce prenait la carte, et s’y familiarisait, elle-même conta une légende mélisaine. Les Îles Mélisi étaient un archipel de marins et de navigateurs, encore plus maritime que Nexus, et, depuis des siècles, les Mélisains parcouraient les mers. Ils étaient un atout indispensable dans la stratégie maritime nexusienne, notamment pour contrôler et surveiller les mers et les routes commerciales, que ce soit contre les monstres aquatiques, les Sahuagins, les pirates, ou les corsaires ashnardiens. Leurs cartes de navigation étaient extrêmement précises, et les Mélisains abritaient bon nombre de navigateurs d’exception, des gens dont les récits de leurs voyages épiques avaient traversé les siècles, défiant maelströms et cyclones tropicaux en parvenant par un miracle incroyable à survivre.

« Cette île fait l’objet de contes chez moi, où elle est décrite comme la Félicité, un lieu de profusion et de bonheur perpétuel... Pendant un temps, certains Mélisains y croyaient suffisamment pour organiser des voyages et des expéditions maritimes vers cet endroit. Malheureusement, en s’en rapprochant, lamer devient complètement folle. Des maelströms immenses, des tempêtes infernales, des récifs escarpés, sans parler des monstres marins qui brisent les navires sans difficulté. Megalodons, Krakens... La légende persiste, mais les voyages ont cessé depuis longtemps. Néanmoins, je peux vous assurer que cette partie de lamer est très dangereuse. »

Le seul moyen de rejoindre cette île était, toujours selon la légende mélisaine, de disposer d’un navigateur elfique, et de cartes nautiques très précises, que seuls les Hauts-Elfes abritaient. Adamante n’avait pas fait le rapprochement de suite, car, pour elle, ces légendes autour de cette île s’apparentaient plus à un genre de chasse aux trésors enfantin, et sans conséquence. Comme quoi, il fallait croire que chaque légende abritait une part de vérité. Scydia leur parla ensuite de son voyage, et Adamante tiqua quand elle parla de la Main de Galaantyr. Ça, elle en avait entendu parler. Ainsi donc, cette légende aussi serait vraie ? Elena, en revanche, n’avait pas entendu parler de ce bâton, mais, à travers le récit de Scydia, elle comprit vite de quoi il s’agissait. Un puissant bâton magique qui avait été fragmenté en plusieurs parties, et que Scydia et ses anciens camarades avaient cherché à reconstituer, afin de pouvoir venir à bout du Fléau.

Son voyage l’avait amené jusqu’à l’actuelle Sylvandell, où elle avait défié l’un des dragons dorés peuplant cette région. Elena hocha lentement la tête, impressionnée. Elle avait fait un impressionnant voyage, un long périple, et, même si ses informations étaient datées, notamment sur Sylvandell, elle avait une bonne mémoire. Elle leur avait aussi parlé du Bois des Murmures, mais ce nom, pas plus que cette forêt, n’évoquait rien de plus à Elena que le théâtre d’un ancien affrontement entre Ashnard et Vapeur. Les Vaporéens avaient du incendier une bonne partie de cette très ancienne forêt pour repousser les Ashnardiens, et protéger leurs mineurs de colons ashnardiens voulant s’emparer de leurs gisements miniers. Elle leur expliqua ensuite qu’elle s’était retrouvée devant la Citadelle du Fléau, face à cet ennemi, et que, sans le bâton, ils n’auraient jamais gagné. Leur mage, Tywin, avait réussi à faire fonctionner le bâton magique pour vaincre le Fléau, en parvenant à l’affaiblir... Scydia leur expliqua qu’ils avaient été comme des enfants face au Fléau, et n’avaient pu gagner que grâce à la Main de Galaantyr. Adamante hocha lentement la tête, tandis qu’Elena en frissonna. Elle ne remettait nullement en cause les capacités de combat de Scydia. Ce Fléau devait vraiment être terrible, ce qui semblait la conforter dans l’idée que lui et le Roi Cramoisi pouvaient bien n’être qu’une seule et même personne. Scydia leur parla ensuite de la possibilité que la Main puisse s’emboîter avec un autre artefact, mais semblait elle-même assez sceptique là-dessus.

Adamante choisit ce moment pour intervenir :

« La Main de Galaantyr est un artefact légendaire, expliqua-t-elle. Sa valeur est inestimable, et je sais que l’Académie de Nexus a elle-même financé, dans le passé, des expéditions archéologiques pour en retrouver les différents composants. On dit que Galaantyr était l’un des disciples de Maerlyn, l’un des premiers mages elfiques de ce monde, et qu’il concentra dans ce bâton toute sa force. D’autres versions de la légende affirment que chacun des disciples de Maerlyn avait confectionné son propre artefact, et que tous ces artefacts s’emboîtaient en un artefact suprême, qui doterait alors celui qui ‘lavait du pouvoir de Maerlyn.
 -  Nous baignons dans les légendes et les prophéties, résuma Elena. Alors, que s’est-il passé ensuite ? Vous avez perdu la vie en terrassant le Fléau ? Mais... Et vos amis ? Que... Que leur est-il arrivé ? »

Pour Elena, il était difficile d’adopter un ton de circonstance, car Scydia lui parlait d’évènements lointains... Mais, pour le Sabre Véloce, ces évènements devaient presque remonter à la veille. Pour autant, la Reine comprenait tout à fait son chagrin, car elle-même était une spécialiste des deuils.

« Par ailleurs, nota alros Adamante, c’est en partie pour savoir si cette quête des Treize Immortels est véridique ou non que nous voulons retourner au Bosquet. Si on en croit le Judicateur, je suis une Immortelle, mais, faute d’avoir un autre Immortel sous la main, il était difficile de trouver ce qui me singularisait par rapport aux autres... Pour ainsi dire. »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le lundi 02 juin 2014, 17:59:18
Donc, la légende concernant les autres éventuelles composantes d'un ensemble magique surpuissant allant de paire avec la Main de Galaantyr continuait de courir près de 10 000 années après que Scydia en ait eu vent. C'était déjà un mythe à son époque, qui restait en vigueur dans l'ère actuelle. Cela prêtait à penser que plus qu'un fantasme de magicien, ces artefacts étaient possiblement une vérité aussi tangible que puissante qui pourrait se vérifier... A condition de mettre la main sur un nouvel élément, ce dont on était légitimement en droit de penser que cela serait tout aussi ardu que de rejoindre l'ïle des Al'huin sans les connaissances indispensables des secrets de la route maritime y menant. Que ces histoires eurent une part de vérité de plus en plus évidente avait de quoi rassurer un peu les jeunes femmes, mais ne faisait finalement que jeter un trouble plus grand. Du moins était-ce le cas du Sabre Véloce, qui ne savait pas si elle devait se réjouir de constater qu'il existait -peut-être !- un équivalent du bâton de sa quête ou plutôt maurigéner à l'idée qu'elles ne pouvaient que se baser sur un faiseau de présomptions.

- Les recherches dont vous parlez, Adamante, sont sûrement assez récentes comparées à moi, non ? Si d'aventure elles étaient encore en cours, je pourrais peut-être y apporter mes lumières. J'étais contemporaine de ce que vous nommez le passé, j'ai sûrement des informations que vos livres ne vous délivreront jamais. Qui sait si je ne pourrais pas apporter un jour nouveau ?

Scydia revint à Elena, qui semblait intéressée par ce qui s'était passé dans la citadelle du Fléau lorsque le petit groupe envoyé par le souverain elfique de la Vigne-d'Or avait affronté l'ennemi de tout ce qui était libre.

- Mes amis sont morts, Elena, je te l'ai déjà dis. Pour autant que je sache, le Fléau n'a pas parlé de les faire revenir eux aussi à la vie. Ils ont eu la chance de cheminer vers la Déesse et sont morts en guerriers. Elle haussa légèrement une épaule. C'est mieux ainsi. Ils baignent dans la lumière, à présent et à jamais.

Elle adressa un sourire de circonstance à Elena, comme pour lui dire que malgré tout, tout allait bien. Scydia était persuadée que ses quatre compagnons étaient bel et bien dans les bras maternels de la Déesse-Mère et n'était pas tellement triste, au fond. C'était davantage de la jalousie qui l'étreignait quand elle pensait à Tekha, Dale, Tywin et Thralgar. Goûter à un repos bien mérité était un présent de la Déesse qu'on ne lui avait pas proposé. Avait-elle péché si durement pour qu'on la condamne à une seconde vie, si éloignée de la première ?
Ses pensées revinrent à Adamante, qui abordait de nouveau le Bosquet et les raisons que les nexusiennes avaient de s'y rendre.

- Seriez vous entrain de me dire qu'Elena doit réunir une dizaine de personnes dont elle n'est pas certaines de pouvoir les identifier pour ce qu'elles devraient être, à savoir les Immortels ? Levant les yeux au ciel, elle s'écarta du bureau. Tout cela risque d'être long. Les élus ne seront pas au complet que les portes de la Tour Sombre seront déjà grandes ouvertes !

Accomplissant les cent pas, Scydia déambula dans le petit cabinet où discutaient les femmes, tapotant du bout des doigts le pommeau de la rapière qui pendait élégamment à son ceinturon de cuir. D'après ce qu'Adamante et la reine lui disait, les choses n'étaient pas bonnes. Et voilà qu'elle brûlait d'envie de participer, ne serait-ce que pour savoir si le Fléau avait bel et bien ressuscité en même temps qu'elle. La blonde se mordilla légèrement le bout du pouce en réfléchissant, avant de se tourner vers les deux acolytes qui constituaient son auditoire.

- Partons pour le Bosquet sans plus tarder. Si je suis bel et bien une Immortelle, nous pourrons sûrement examiner un lien quelconque entre Adamante et moi. Et ça te sera utile pour retrouver les autres si tu sais enfin quoi chercher, dit-elle en regardant Elena. Ensuite, nous pourrions en profiter pour nous renseigner sur les artefacts associés à la Main de Galaantyr. D'autant que je ne serais pas étonnée que les elfes aient récupéré les morceaux du bâton après mon combat. Si c'est le cas, il y aura peut-être quelque chose à en tirer. Qu'en dites vous ?
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le mercredi 04 juin 2014, 01:18:07
« Voici l’estuaire, Scydia, fit Elena en haussant la voix, afin de couvrir le bruit de l’écume. Il nous suffira ensuite de remonter le fleuve pour rejoindre le Bosquet ! »

Les courts cheveux d’Elena voletaient sous le gré du vent, et le bateau royal longeait les côtes nexusiennes, qu’on apercevait à proximité. C’était un ensemble de longues falaises découpées parfois par de petits criques, des forts côtiers avec d’épaisses digues, et des phares plantées en hauteur, ou sur la mer, sur de petits îlots rocheux aménagés par l’homme pour résister aux vagues. Les goélands et les mouettes constituaient des accompagnateurs quotidiens et incontournables, leurs hurlements résonnant le long des falaises. Lentement, le bateau pivotait vers la droite, le capitaine faisant tourner lentement le gouvernail, tandis que les marins repliaient plusieurs voiles, afin de faciliter le virage vers l’estuaire, d’où partait un fleuve très commercial, et très prisé par les touristes. De nombreuses croisières avaient lieu entre Nexus et le Bosquet, car on voyait des forêts superbes, des villages pittoresques, et autant de coins attrayants faisant le bonheur des Tekhanes et des étrangers.

Elena n’avait eu aucune objection à aller vers le Bosquet, et, après le consentement de Scydia, les jours s’étaient écoulés rapidement. Le temps de préparer un équipage et le navire, il avait fallu attendre trois ou quatre jours, qu’Elena avait mis à disposition pour permettre à Scydia de rattraper son retard. Du Palais d’Ivoire, elle lui avait montré l’université de Nexus. Elle était proche du Palais, et elles avaient directement été dans l’impressionnante bibliothèque de Nexus. C’était l’une des plus grandes bibliothèques de Terra, abritant des centaines de kilomètres d’ouvrages et de livres en tout genre. D’énormes étagères s’étalaient sur plusieurs niveaux, et de longues rangées se dressaient au centre, offrant des tables de lecture. La priorité était, pour Scydia, de comprendre les rudiments de la langue commune. En dix millénaires, Terra avait évolué, mais toutes les espèces et toutes les nations parlaient, globalement, une langue similaire, qu’on appelait la langue commune. C’était une curiosité linguistique, qui divisait bien des spécialistes. Pour beaucoup, c‘était là l’œuvre des Dieux. Mis à part certains royaumes ou régions reculées, tous comprenaient la même langue. Elle était suffisamment souple pour s’adapter aux autres idiomes, et, parallèlement, Elena avait continué à instruire Scydia sur le monde.

Elle lui avait parlé de l’Ordre Immaculé plus en détail, décrivant cette organisation comme la religion dominante sur Terra. Elle se revendiquait d’un certain monothéisme, en considérant qu’il n’existait qu’un seul Dieu, le Dieu unique, et que tous les autres Dieux étaient, soit des imposteurs, soit une facette du Dieu unique. Elle lui avait parlé des trois grandes nations : Tekhos, Ashnard, et Nexus, les décrivant brièvement. La première était technologiquement très en avance sur le monde, capable d’inventer des machines défiant l’imagination. La seconde était un Empire guerrier et militaire ayant une visée hégémonique du monde, et la troisième, Nexus, était le poumon économique du monde, et se voulait être un modèle d’intégration et d’idéologie. Il y avait énormément de choses à dire sur Terra, et peu de temps. Elena ne voulait pas noyer Scydia sous les informations, mais elle estimait nécessaire de la tenir au courant. Ensemble, elles visitèrent Nexus, évitant de trop s’attarder des bas-fonds. Elena lui décrivit Nexus comme une cité riche, immense. Toute une vie n’était pas suffisante pour en explorer chaque recoin, mais sa ville, malheureusement, était en train de s’appauvrir... Ou, plutôt, de subir les conséquences d’un libéralisme économique et politique qui se traduisait par une aggravation des disparités économiques. Elle ne cachait rien à Scydia, faisant preuve d’une certaine forme d’honnêteté, en laissant le soin au Sabre Véloce de déterminer si ses choix étaient justes ou non. En matière de politique, il n’y avait pas vraiment de bons ou de mauvais choix, selon Elena, simplement des politiques à choisir, chacune ayant ses conséquences, qu’il fallait ensuite tenter de rééquilibrer. Nexus faisait face à une guerre centenaire, et avait du consacrer une importante part de son budget à construire des superforts, tout en faisant également face à une immigration massive résultant de la guerre. Ces deux problèmes cumulés avaient entraîné une hausse de la paupérisation des quartiers populaires, avec une hausse de la criminalité et de l’insécurité. Elle voyait un cercle vicieux se dessiner.

À travers cette poignée de journées, il était aisé de comprendre que la situation, en dix mille ans, s’était lourdement complexifiée. Plus d’États, des villes immenses, plus de Dieux, et bien plus de problèmes... Mais, fondamentalement, on en revenait toujours à la même chose. Le puissant de la tribu voulait s’accaparer la meilleure tente et la meilleure femme, en laissant aux autres les miettes.

Adamante se renseigna également auprès de Scydia sur la Main de Galantyyr, et ce fut, pour Scydia, l’occasion de croiser quelques magiciens influents de Nexus, et de voir que la magie attirait surtout les femmes.

« Les hommes préfèrent généralement devenir des chevaliers, lui avait expliqué Adamante. Ce n’est pas une règle impérative, mais c’est ce qu’on observe. Les magiciens sont techniquement censés être des érudits, des spécialistes. En pratique, ce sont souvent des conseillers politiques de grande importance. La plupart des magiciennes du monde sont des manipulatrices qui assurent depuis l’enfance le rôle de préceptrices et de formatrices auprès de certains nobles. Elles utilisent leur magie pour concevoir des philtres et des sorts permettant à leur corps de conserver une éternelle beauté, parfois surréaliste. Même moi, je ne fais pas exception à cette règle. Je connais Elena depuis l’enfance. »

Elena lui expliqua le fonctionnement géopolitique du monde, qui était traversé par deux grands axes : d’un côté, la guerre entre Nexus et Ashnard ; de l’autre, le conflit entre Tekhos et une race d’envahisseurs extraterrestres, les Formiens. Elle mentionna brièvement, mais sans trop s’y attarder, les puissances intermédiaires, choisissant généralement de rester neutres dans le conflit. Elle évoqua ainsi les Vaporéens et leur cité volante, Herzeleid et la démence de la Reine qui y vivait, Edoras et ses tentatives de faire évoluer les mentalités tekhanes sur le sexe masculin... Il y avait beaucoup à dire, et peu de temps.

Nyzaël, elle, se chargea de conter l’histoire du peuple elfique, là encore, dans les grandes lignes. Elle expliqua à Scydia que la civilisation elfique avait malheureusement chuté, et que la plupart de ses royaumes étaient tombés entre les mains des humains. Les elfes qui y étaient restés étaient parfois surnommés, de manière péjorative, « Bas-Elfes », tandis qu’on appelait ceux restés dans les royaumes elfiques, comme le Bosquet, « Hauts-Elfes ». Elle lui expliqua que la civilisation humaine était prédestinée à gouverner ce monde, et que certains s’y refusaient. Dans des royaumes appauvris par la guerre, le racisme faisait rage entre humains et non-humains, donnant lieu à des injustices aussi cruelles qu’absurdes. Elle lui parla avec un peu plus de scepticisme de l’Ordre Immaculé, de son fanatisme religieux, des anciens cultes que les missionnaires de l’Ordre avaient brisé, des tortures, de l’Inquisition et des bûchers menés, tout en concédant que l’Ordre, à sa manière, cherchait à lutter contre les pratiques barbares, contre les cultes païens pratiquant encore les sacrifices humains, le cannibalisme, et d’autres abominations.

Résumer dix millénaires en quelques jours était une gageure, et Adamante s’était chargée d’enseigner à Scydia les rudiments de l’algèbre et de la langue. Ronald Langley, de son côté, avait choisi de faire partie de l’expédition. Il sentait qu’il se passait quelque chose d’anormal avec la Reine, et il tenait à la surveiller. Il tuait le temps en s’entraînant avec Scydia. En dix mille ans, les manœuvres avaient évolué, les tactiques aussi, et Ronald était un bretteur doué. Pas aussi rapide que Scydia, mais suffisamment talentueux pour que leurs entraînements sur le pont du navire attirent un public de plus en plus nombreux.

« Peut-être verrons-nous des sirènes, on dit qu’elles hantent les profondeurs du lac du Bosquet, et aiment chanter les nuits de pleine lune. »

Elena se tenait sur le pont principal, et le navire avait ralenti, s’engageant le long du fleuve. Le temps de le remonter, il faudrait, là encore, compter quelques jours d’attente.

« Tout ce fleuve appartenait jadis aux elfes... Cette forêt est immense, et abrite bon nombre de sanctuaires elfiques, ainsi que des esprits de la forêt, comme des fées, des dryades, ou même des Alraunes... Ne t’attends pas à les voir facilement, elles sont farouches... Mais elles sont là. Mes ancêtres ont tenu à préserver autant que possible l’intégrité de cette forêt, en limitant les scieries et la chasse. »

On pouvait sentir, à travers les arbres qui apparaissaient tout autour du fleuve, la pureté de cette forêt. Le fleuve, lui, s’élargit assez rapidement, et, parfois, on pouvait voir d’autres bateaux passer. Alors qu’Elena continuait à observer les arbres, elle entendit du mouvement derrière elle. Ronald venait d’arriver, pointant sa lame vers le sol, se tenant au milieu du pont.

« Me ferez-vous l’honneur de cette passe, Scydia Cinq-Soleils ? »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le samedi 11 juin 2016, 01:32:56
- Si je remporte cet échange, seigneur Langley, vous laisserez la main pour six victoires contre quatre. Devrai-je vous laisser gagner pour vous éviter définitivement d'être surclassé ?

Portant une main au fourreau de sa rapière et la seconde à la poignée de l'élégante arme, Scydia fit entendre le chant de l'acier qui se glissait hors de sa gaine. Sa provocation était des plus amicales ; elle estimait grandement son partenaire d'entraînement et savait que Ronald n'en doutait point. Et puis, le fidèle d'Elena avait été le premier à tenir les comptes de victoires !
L'épée glissée hors de sa gaine, Scydia salua en portant la garde ouvragée au niveau de son visage avant que la pointe ne se dresse envers Langley. Le Sabre Véloce avança le pied pour compléter sa position et, comme à chaque fois, les badauds s'agglutinèrent alentours alors que les guerriers amorçaient leur duel.

Le tintement des lames, l'analyse des passes, les esquives promptes et les contre-attaques... Tout cela lui paraissait bien plus concret que les leçons d'Elena, même si Scydia s'était montrée patiente et intéressée. La petite reine s'était appliquée malgré ses devoirs à remettre sur les rails de l'époque l'anachronique bretteuse et la (plus si) jeune femme en avait tiré les meilleurs profits possibles. Bien sûr, ses capacités de lecture étaient encore maigres et sa connaissance des autres états très limitées (elle avait du mal à croire tout ce qu'on lui avait dit de Tekhos et se demandait encore si on ne forçait pas le trait de cette "cité aux merveilles" comme dans une propagande publicitaire) mais elle s'en sortait globalement bien.
Pourtant, ces leçons la mettaient mal à l'aise. Scydia ne disposait pas du savoir minimal, avait apprit que l'Histoire avait transformé en fables quasiment oubliées ce qui avait été son quotidien à elle. Quant à sa quête.. Ah ! Même certains érudits doutaient de ses assertions, comme elle l'avait découvert au détour d'un couloir du palais. Triste réalité.

Ronald Langley passa sa garde d'un pas de côté imprévu qui la déstabilisa une seconde. Fort heureusement, Scydia eut le réflexe de placer sa lame sur la trajectoire du métal adverse pour parvenir de peu à le dévier. Elle n'eut que le temps de bondir en arrière pour éviter la continuité de l'assaut que déjà Langley cassait la distance entre eux, la poussant à l'attaque alors qu'elle avait d'abord estimé plus sage de rester sur la défensive. Elle sourit et les lames s'entrechoquèrent brutalement, la danse habile reprenant entre les deux. Autour, quelques applaudissements saluèrent l'action menée par le vieux guerrier.

Elle pensait savoir que Ronald se méfiait encore d'elle. Cela n'en entamait pas la sympathie qu'elle éprouvait pour lui, mais rendait difficile ce qu'elle percevait déjà comme de l'isolement. Pas d'ami véritable (Elena ne se résumait pas à en simple connaissance aimable mais Scydia peinait à accepter de considérer une souveraine si influente comme une amie proche, eut égard à leurs rangs respectifs), pas d'attache ni de passé.
La lame de Langley et ses grognements d'efforts étaient le réconfort principal de ses longues journées et cela la peinait un peu. Scydia attendait beaucoup de l'épisode du Bosquet. Moins les réponses sur les Immortels que la folle idée de croiser un elfe qui lui fut contemporain, bien qu'elle se garda de le dévoiler. La guerrière se refusait à négliger les espérances de sa nouvelle reine, qui avait été si généreuse et patiente avec elle.

Ses réflexions la rendaient moins concentrée, moins répondante pour les talents aiguisés de Langley qui était bien assez exercé pour tirer un excellent parti de la moindre faille que Scydia laissait dans sa défense. Alors qu'elle réalisait que l'ascendant était de plus en plus net pour son adversaire, l'Anachronique se retrouva condamnée à suivre le rythme que Ronald lui imposait. Le combat lui échappait de plus en plus et cela l'agaça. Penser à autre chose ! En plein duel ! Un cri rauque lui échappa et, par réflexe, elle lâcha la bride de ses capacités de vitesse.
En un éclair, Scydia esquiva le coup de grâce que Ronald aurait porté sans plus de difficulté à n'importe qui d'autre. Pénétrée profondément dans l'espace de survie du chevalier nexusien sans que celui-çi n'ait pu le réaliser (ou peut-être l'avait-il fait, sans que son corps soit capable de répondre à la vitesse qu'on lui opposait), le Sabre Véloce se retrouva à pointer la glotte de Langley du bout de sa rapière. Un souffle de plus, un faux mouvement de la part de la jeune femme et elle lui perforerait la gorge.

Elle s'en rendit compte trop tard et s'en voulut. Doucement, elle se dégagea et libéra Ronald de sa menace. Révérencieusement, la guerrière le salua en s'inclinant avant de rengainer.

- Pardonnez moi, seigneur Langley. J'ai... hm. Perdu mon sang-froid, mais vous n'y êtes pour rien. Acceptez ma défaite pour cette passe.

D'un mouvement élégant, la rapière retrouva le confort de son fourreau dans un léger claquement quand la garde percuta la bordure ornementale métallique. N'oubliant pas les bonnes manières, Scydia se tourna pour saluer rapidement Elena avant de s'éclipser sans attendre que la reine ne pense à la retenir.
Elle avait besoin d'être un peu seule et le combat était perdu. Pour elle, hors de question de considérer équitable un duel dans lequel elle s'était servie de son don. Langley était un excellent adversaire qui méritait qu'on l'affronte avec une force équivalente, ce que sa vitesse surhumaine ne permettait pas. Et puis, les réflexions dans lesquelles elle s'était égarée devaient être chassées.

D'une prière silencieuse à sa Déesse, Scydia regretta amèrement de n'avoir personne à qui parler, et disparut quelque part au niveau de la poupe, pour profiter du vent frais et du paysage afin de se calmer.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le mercredi 15 juin 2016, 01:28:31
« Oh, l’âge a fait quelques ravages sur mon corps, mais ne vous avisez point de me mésestimer, Scydia, j’ai été formé à bonne école. »

Malgré la cicatrice qui barrait son visage, Ronald « Scar » Langley était un guerrier valeureux, un ancien Paladin du Griffon, ce même ordre dans lequel le père d’Elena, Liam, avait servi. Un ordre exigeant et difficile, mais qui formait d’excellents guerriers, comme Langley était là pour le montrer. Cependant, l’homme ne guerroyait plus depuis des années, assumant des fonctions autrement plus importantes… Mais, pour autant, il appréciait toujours de croiser sur le fer. Là, sur le pont, il se heurta donc à Scydia. La jeune femme était svelte, rapide, agile. Elle ferait une excellente virtuose du sabre, Langley en était convaincu. Sur ce point, il ne se faisait aucun doute. Sur sa loyauté, en revanche… Ce n’était néanmoins pas dirigé contre elle, depuis la mort de son ami et de Nöly, depuis le massacre qui avait décimé la famille Ivory, Langley était devenu paranoïaque. Il aurait eu le Grand Confesseur en personne sous son nez qu’il aurait mené des investigations.

Sous son autorité, les multiples poternes et autres passages secrets qui existaient dans le Palais d’Ivoire avaient sensiblement diminué. Or, Scydia était apparue par l’un de ces passages, directement sous le nez d’Elena, la femme qu’il avait juré, sur la tombez de son vieux frère d’armes, de protéger. Ainsi, à travers Scydia, il y avait, outre le tempérament naturel de Langley, ce sentiment d’échec. Il avait fouillé maintes et maintes fois les appartements royaux, mais n’avait pas vu ce passage. Et s’il en existait un autre ? Le fait est que le Palais d’Ivoire était une structure très ancienne, qui existait déjà à l’époque des elfes. Le fort avait été construit sur les ruines d’un ancien palais elfique, et était riche en histoire, en passages secrets, corridors étroits, et ce genre de choses. Historiquement, Elena avait eu beaucoup d’ancêtres volages, qui s’amusaient à quitter le lit conjugal pour rejoindre des maîtresses en pleine ville, et avaient donc conçu des corridors. Il existait aussi une rumeur persistante sur un Ivory faux-monnayeur et contrebandier, qui aurait utilisé les grottes souterraines dans la falaise du Palais pour rencontrer des pirates et des contrebandiers.

En soi, Langley n’avait donc rien contre Scydia, et le fait que la jeune femme soit si proche d’Elena en était le bon exemple. Cependant, la jeune Reine pouvait comprendre que ce soit difficile à réaliser. Langley, avec sa cicatrice, n’inspirait, de fait, pas forcément confiance, et, comme il partait du principe qu’on ne pouvait faire confiance à personne, on rentrait initialement dans un rapport d’hostilité avec lui. Elena en savait quelque chose, car il s’opposait toujours à ce que la jeune Reine proposait ou suggérait, si cela impliquait qu’elle sorte de l’enceinte du Palais.

Le duel entre les deux bretteurs suscitait aussi l’intérêt des matelots, qui n’avait, en réalité, pas grand-chose d’autre à regarder. Le long du voyage vers le Bosquet, beaucoup regardaient la végétation, espérant, en vain, voir des licornes, des fées, ou, pour les plus grivois d’entre eux, des Alraunes ou des dryades qui viendraient les inviter à s’épancher dans leurs langoureux bras. Dans les faits, on ne voyait que de la végétation qui poussait à perte de vue. Alors, à défaut, autant voir un combat.

Langley dirigeait l’action, et, quand les lames se heurtèrent, il usa alors de sa force, repoussant Scydia vers l’arrière, en levant son épée, cherchant à l’abattre sur elle. D’une élégante pirouette, la femme évita l’attaque, et leva sa propre épée, l’abattant sur l’homme, qui fit un pas de côté en se retournant. Scydia était rapide et nerveuse, et les lames continuèrent à se heurter, jusqu’à ce que la femme ne se déplace alors rapidement… Trop rapidement. Surpris, Langley se retrouva avec la lame sous la gorge, et haussa les sourcils, en signe de surprise.

Elena, elle, fut surtout surprise par le cri de Scydia, et le temps sembla se suspendre à sa lame… Jusqu’à ce qu’elle se retire.

« Votre défaite ? C’est moi qui aurais dû être plus vigilant. Je vais devoir admettre que je n’ai plus ce jeune âge où je pouvais défier des alpyres et des ékinoppyres sans avoir à en rougir. »

Quelque chose avait troublé Scydia, ce qui, par conséquent, perturbait aussi Elena. Que lui était-il arrivé ? Enfin, il n’était pas difficile de le savoir. Scydia était anachronique, émergeant dans un monde qui n’était pas le sien, un monde où les elfes étaient une civilisation sur le déclin.

C’est à la partie arrière du navire qu’Elena retrouva Scydia, fixant le fleuve, adossée contre le parapet. Elle sourit légèrement en se rapprochant, et, après quelques hésitations, décida de se lancer :

« En haute mer, la tradition veut toujours que plusieurs matelots regardent à l’arrière. C’est le déplacement d’un navire… Ça provoque des vibrations qui peuvent attirer des créatures souterraines, et, en regardant par l’arrière, on peut espérer les voir remonter vers la surface. Ici, enchaîna-t-elle en se rapprochant du bastingage, posant ses mains dessus, je crois que les marins font ça en espérant voir des dryades. Ils ne me le disent pas, mais je pense que c’est parce qu’ils ont envie de coucher avec elles. »

Elle glissa ça avec un ton suspicieux, comme pour montrer que c’était un grand secret, puis lui sourit plus franchement.

« Tu n’es pas seule, Scydia. Tu n’as pas à l’être. Je connais le poids de la solitude. Tu as beau vaincre n’importe quel monstre, celui-là, tu ne peux espérer le vaincre seule. C’est pour ça que les amis existent. Et moi, je peux incarner ce rôle… »

Elena se pencha alors vers Scydia, et murmura contre le creux de son oreille :

« Après tout, je n’ai rien à te cacher, tu m’as vu toute nue… »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le vendredi 17 juin 2016, 04:22:22
La syrra'elhein fut bien incapable de dire, lorsqu'elle capta la présence d'Elena, si cela la surprenait ou pas. Il lui sembla que l'indécision la troublait, avant qu'elle n'accepte de comprendre que c'était le simple fait que la reine soit venue à elle spontanément qui la laissait dans cet état. Peut-être qu'Elena n'avait à cœur que de protéger ses intérêts à travers la potentielle Immortelle qu'elle était et ne prêtait attention à Scydia qu'afin d'éviter qu'elle ne lui glisse entre les doigts mais la guerrière croyait connaître maintenant assez bien la jeune souveraine pour pouvoir dire qu'elle était bien moins calculatrice que cela. Justement, on lui reprochait son âge et son innocence qui la rendaient facilement manipulable... Et spontané lorsqu'elle était en confiance, semblait-il au Sabre Véloce.
La bretteuse prit soin de ne rien montrer de son léger émoi à Elena quand celle-çi chercha à ouvrir le dialogue et se contenta, au fil des mots de la dernière des Ivory, de contempler le miroir des eaux claires agitées par les tranquilles remous laissés dans le sillage du navire.

- Ils seraient vite dépassés, ces marins, dit-elle d'un ton plus léger qu'elle ne le pensait. Les dryades sont particulièrement endurantes. Les hommes de mon groupe en avaient fréquenté lors de notre voyage et ont passé presque trois jours à retrouver leur souffle.

Un souvenir qui l'amusait beaucoup. A son époque, les dryades étaient bien moins mythologiques et sa petite expédition avait déjà à son actif quelques succès guerrières. Les esprits des bois avaient proposé leur hospitalité dans une forêt, le camp ayant tourné rapidement à l'orgie. Scydia avait connu là ses tous premiers émois sans oser sauter encore le pas, ce qui ne devrait être fait que bien plus tard, à l'aube de la bataille finale contre le Fléau. Mais elle avait vu les corps entremêlés et les mâles malmenés par les habiles amantes des sous-bois, et se souvenait encore de la chaleur qui avait irradié son bas-ventre avant qu'elle n'y glisse les doigts, délicieusement entraînée par une compagne d'arme à la main légère et habile.

Elle secoua la tête pour en chasser les images polissonnes qui se mettaient à y fleurir, d'autant qu'Elena lui parlait à nouveau. Les joues un peu plus rouges, Scydia fit de l'ordre dans ses idées avant de répondre.... Et se retrouva prise de cours par l'étonnante conclusion de la souveraine.
Quelque part dans le creuset de sa féminité, la guerrière sentit que les papillons du désir battaient des ailes. Mais envers une souveraine et bienfaitrice, c'était particulièrement indécent. Les préceptes d'une autre époque, peut-être. Ou simplement une méconnaissance des choses de l'amour ; on apprenait ni à séduire ni à satisfaire en une seule nuit. Comme elle put, Scydia tenta d'éluder la remarque friponne pour se concentrer sur autre chose. Si son comportement général aurait pu donner le change, ses doigts qui s'agitaient nerveusement sur le bois du garde-fou de la coursive trahissaient son agitation.

- Tu as des amis que tu connais et sur qui tu peux compter les yeux fermés, Elena. Moi, je ne suis pour toi qu'une étrangère qui pourrait bien s'inventer le plus rocambolesque des passés. Elle soupira. Mais j'apprécie tes mots, ô ma reine. Je les sais sincères sur ta langue et sois sûre qu'ils trouvent écho dans mon cœur.

Se tournant enfin face à la souveraine, Scydia lui adressa un sourire tout en lui caressant la joue avec tendresse, son pouce flattant la peau douce de sa pomette. Son esprit était un peu embrumé, encore. Les pensées qui l'avaient littéralement accélérée lors de son combat contre Ronald, la prévenance d'Elena, le souvenir de son corps nu ruisselant d'eau... Tout cela la fit se mordre la lèvre inférieure sans qu'elle ne le réalise. Il fallait qu'elle dise quelque chose, qu'elle ne laisse pas la petite reine croire qu'elle n'était ni réceptive ni expérimentée. Oui, mais quoi ? Elle se souvint des quelques conseils dispensés sur l'oreiller par la belle et redoutable Tekha (http://nsa33.casimages.com/img/2014/04/23/140423104201400747.jpg) quelques millénaires avant le moment présent et tenta de les appliquer.

A son tour, elle se pencha à l'oreille d'Elena tout en retenant son souffle. Elle ne pouvait croire qu'elle se permettait une telle familiarité !

- Lorsque nous serons au Bosquet, je te reverrai nue de nouveau. De gré ou de force. La chaleur de sa respiration glissa comme une caresse sur l'oreille d'Elena, que ses lèvres frôlaient. Et je défie quiconque d'être assez rapide pour m'arrêter, une fois que je serai décidée...

Elle lui mordilla le lobe. Comme ça, sans même y penser. Scydia était une femme d'ordinaire très réservée et chaste, mais n'en était pas moins une femme qui avait découvert le plaisir sapphique et qui savait apprécier les beautés qu'elle avait sous les yeux. Incapable de le signifier finement, la guerrière avait prit pour habitude d'adopter une attitude distante face à ses envies. Là, d'un coup de sang qui la fit rougir violemment de sa propre audace, elle avait laissé parler ses désirs. La syrra'elheïn s'en voulu presqu'aussitôt et se retira délicatement, affectant de garder un masque souligné d'assurance tandis qu'elle dévorait la souveraine des yeux.
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le dimanche 19 juin 2016, 23:20:39
Elena pouvait sans trop de problèmes se faire une idée de ce que Scydia ressentait. Elle était revenue à la vie après avoir dormi pendant plusieurs millénaires, ce qui, à peu de choses près, ressemblait à tous ces contes de fées sur des princesses endormies dans des châteaux abandonnés. Scydia s’était réveillée dans une ancienne pièce, dissimulée dans les tréfonds du Palais d’Ivoire, et, maintenant, elle se tenait en compagnie d’Elena, sur une barge filant vers le Bosquet des Hauts-Elfes, afin de comprendre ce qui se passait. Il y avait donc largement de quoi être désorientée, mais, pour autant, ce fut au tour d’Elena d’être... Troublée. Elle avait rappelé à Scydia que la femme l’avait nue, mais, après avoir parlé des dryades, Elena prit conscience, à rebours, du sous-entendu sexuel, ce qui la fit poliment rougir.

La jeune Reine fut encore plus surprise de voir Scydia saisir cette perche tendue par la jeune femme, se rapprochant d’elle, lui annonçant qu’elle comptait bien la voir nue à nouveau, « de gré ou de force », avant de lui mordiller le lobe de l’oreille. Elena en rougit benoîtement, et cligna des yeux à plusieurs reprises.

« Oh, euh... Je... »

Toute confuse, la jeune Reine ne savait tout simplement plus quoi dire, et papillonna des yeux, avant de se racler la gorge, les joues toujours aussi rouges. Scydia semblait être aussi gênée qu’elle, mais, ce que quiconque pourrait noter, c’est qu’Elena, si elle était confuse, ne l’avait pas repoussée. Au lieu de ça, elle finit par se masser l’arrière des cheveux, regardant à gauche et à droite, pour se pincer ensuite les lèvres.

Elle finit finalement par lui sourire en coin, et haussa les épaules :

« Alors, je ne m’y risquerai pas, Scydia... Mais sache, reprit-elle, sur un ton plus sérieux, que tu n’es pas une inconnue à mes yeux. Je crois à ce que tu m’as dit. Si ce n’était pas le cas, nous ne serions pas là, en train de remonter le fleuve vers le Bosquet. »

Balayant rapidement sa gêne à l’idée des promesses de Scydia, qui résonnaient dans le corps d’Elena, la jeune femme se déplaça un peu, caressant brièvement le bastingage.

« Mais tu dois bien savoir une chose, Scydia... J’ai beau avoir de multiples conseillers, des servants, des suivants, mes amis, je ne les compte que sur les doigts d’une seule main. »

Sur ce point, elle était sérieuse. Ce n’est qu’au sommet du pouvoir qu’on en réalisait sa vacuité. Peu d’amis, peu de gens de confiance, uniquement, ou presque, des opportunistes, ou des individus qui voyaient surtout en Elena la Reine de Nexus, avant de s’intéresser à sa personne. Diriger un pays était une tâche gratifiante et honorable, mais, en un certain sens, assez ingrate. Elena se déplaça encore un peu, et renchérit en attrapant l’une des mains de Scydia :

« J’ai foi en toi, Scydia. Le simple fait que Ronald ne puisse pas expliquer comment tu es entrée dans le Palais est, en soi, une preuve largement suffisante pour me convaincre que tu dis la vérité. Mais, au lieu de ça... Je ne saurais comment te l’expliquer, je ne t’imagine pas me mentir. Peut-être que je suis trop naïve... »

Elle lui sourit alors tendrement, un sourire qui exprimait, non seulement sa gentillesse, mais aussi, et surtout, toute la confiance qu’elle lui portait.

« On trouvera ce qui t’est arrivée, Scydia, sois-en sûre. Et tu te trouveras une place dans ce monde. »
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Scydia le jeudi 23 juin 2016, 03:09:04
- Je ne mens jamais, dit-elle d'une voix douce. C'est une perte de temps et le meilleur moyen de perdre les amis qu'on a.

Scydia savait qu'Elena lui avait assuré sa foi en elle pour la rassurer, la réconforter et lui faire comprendre qu'elle avait une considération certaine pour la relation qu'elles tissaient patiemment. De cela, la bretteuse ne doutait étrangement pas : la souveraine de Nexus était particulièrement honnête dans sa démarche envers elle. Il ne s'agissait pas d'une méthode insidieuse pour s'approprier sa force (à vrai dire, personne à part Ronald ne s'était intéressé à ses capacités martiales jusque là) ni d'une façon perverse de lui faire avouer le vrai en prêchant le faux. La petite reine était une personne en qui Scydia croyait, mais avait du mal à le lui signifier correctement. Elle craignait d'être perçue comme une arriviste voulant se rapprocher du pouvoir, comme elle redoutait que les proches d'Elena ne perçoivent sa proximité avec cette dernière comme une menace. Ainsi l'Anachronique oeuvrait-elle à observer depuis le début -et à contre-coeur- un léger détachement envers la dirigeante de Nexus. Et parfois, comme maintenant, ce vernis qu'elle s'imposait craquelait sous l'affection et l'envie -même si la blonde assumait mal cette notion, relativement nouvelle pour elle qui était si prude.

Elle sentit qu'Elena avait besoin d'une démonstration un peu plus personnelle d'attention et que sa réponse, toujours un peu évasive, pourrait blesser son interlocutrice. La bretteuse s'accorda un instant pour chercher ses mots, espérant qu'elle arriverait à trouver un équilibre.

- Je ne cherche pas ma place dans ce monde, Elena, puisque je l'ai déjà trouvée.

Levant une main délicate en caressant le dos de celle de la souveraine qui tenait toujours la sienne, Scydia sourit et apposa doucement un doigt au niveau du vallon qui séparait les deux monts de la poitrine d'Elena, désignant son coeur. Le geste remonta comme une caresse légère, frôlant la royale mâchoire puis la joue, avant de se poser en douceur contre sa tempe.

- Ne suis-je pas ici, et là ? Ce sont deux beaux écrins pour y passer une vie, je trouve. Elle hésita, puis déposa un baiser sur son front. Je suis venue jusque ici pour toi, pour rassurer les tiens à mon sujet et en apprendre plus quant aux intentions du Fléau à qui je dois cette résurrection. Ma place, celle que tu m'a offert dès le premier jour, n'est pour moi plus un sujet de doute.

D'un pas, Scydia se recula. Elle embrassa le dos de la main d'Elena et la lui rendit avant de lui ouvrir le chemin d'un mouvement de bras. Mieux valait que la souveraine ne reste pas trop en retrait du reste du navire ; il ne fallait pas laisser jaser quiconque alors que la position de la reine était déjà pour certains très discutable. Pour ce qui était de la sécurité, Scydia estimait que ce n'était pas un problème puisqu'elle était à ses côtés et que ce bon vieux Scar avait sûrement truffé le navire de différents dispositifs de sécurité.

- Retournons nous montrer sur le pont, ô ma reine. Sinon Ronald risque de faire une syncope. Et nous allons rater le repas, alors que Jarald m'a promis une salade de fruits noyée de jus !

Jarald le cuisinier était conquis par Scydia, dont la gourmandise la poussait à réclamer de nouveaux plats chaque jour, ce qui faisait le plus grand bonheur du marmiton qui trouvait là un prétexte parfait pour aller piocher dans les belles réserves que comptaient le navire. Ces deux là s'entendaient comme des larrons en foire et Scydia ne ratait aucun repas : on ne plaisantait pas avec la gastronomie, chez les ressuscitées plusieurs fois millénaires !
Titre: Re : Anachronique | PV |
Posté par: Elena Ivory le dimanche 26 juin 2016, 22:26:34
Le soleil commençait à se coucher sur la péniche royale, qui poursuivait sa tranquille progression vers le Bosquet. Les embarcadères se raréfiaient, au fur et à mesure que la barge plongeait dans une forêt enchantée. La forêt entourant la Sylve était un endroit magique, bénéficiant de multiples ordonnances royales de protection, visant notamment à en empêcher la déforestation par l’abattage des arbres C’était un endroit chargé de magie, féérique, une véritable réserve naturelle, marquant la frontière entre Nexus et la Sylve.

« N’en doutez point, énonçait Ronald autour du banquet, dressé sur le pont principal, les elfes nous ont vus, et nous observent. »

La table de banquet abritait de multiples plats, des baguettes de pains se mélangeant à des assiettes en argent remplies de fruits de mer. Huîtres, moules, se bataillaient au milieu de crevettes, de gambas, de coquilles Saint-Jacques, de pattes de crabe et de morceaux d’homard. Nexus disposait d’une agriculture très riche, réputée jusque dans les grands restaurants tekhans, et Scydia, qui était assise à gauche d’Elena, pouvait bénéficier à loisir des explications culinaires de Jaskar, l’un des cuisiniers personnels de la Reine. De fait, Jaskar ne se voyait pas comme un  simple cuisinier, mais comme un véritable artiste, et, à la base, était surtout un artisan boulanger spécialisé dans la pâtisserie. De fait, il confectionnait surtout des gâteaux, et ses recettes étaient très prisées.

L’homme était aussi un érudit, détenant de multiples anecdotes, et expliqua à Scydia toute l’importance de manger sainement en guerre.

« Des champignons pas frais… Si fait, ma gente dame ! Un siège où ils étaient à deux contre un, avec un meilleur équipement, une meilleure connaissance du terrain. Une victoire assurée, qui aurait assuré à ce noble sire la renommée et la reconnaissance de son peuple pour avoir bouté les envahisseurs hors de son territoire. La stratégie était infaillible… Mais la soupe aux champignons a été faite pour les soldats à partir de champignons avariés. Retenez bien ceci, gente dame, vous pouvez être le plus hardi des Paladins, porter la plus puissante des armures, la plus forte des épées, il suffit d’avoir la chiasse pour perdre toute contenance. »

Les anecdotes de Jaskar étaient souvent graveleuses, mais il avait aussi des histoires moins amusantes. Il parlait ainsi de ces mets rares et délicats, comme le tofu, qui pouvaient tuer, expliquant que l’une des spécialités ashnardiennes, pour l’assassinat politique, était d’offrir aux cibles une nourriture mal préparée, afin qu’elle soit mortelle.

« Vous auriez fait un magnifique conteur, sieur Jaskar… Mais je ne vous autoriserai jamais à le devenir, je raffole beaucoup trop de vos gâteaux pour cela ! »

L’ambiance se voulait sereine et détendue, et on pouvait même surprendre Ronald à se laisser aller à ce bon air. Les soldats, en effet, ne tardèrent pas à se livrer à une compétition de bras-de-fer, à laquelle Ronald finit par participer. Sa poigne était d’acier, les marins buvaient, tandis que le soleil se couchait…

…Et ce fut ainsi, alors que la nuit se reposait, que la magie se réveilla.

Un chant apparut à l’équipage, comme une lointaine mélopée, une silencieuse litanie, avant de progressivement se rapprocher. Peu à peu, les plaisanteries se turent, et Elena se rapprocha du bastingage. La pleine lune illuminait le ciel, et Elena sourit à Scydia.

« Venez voir, Scydia… C’est un spectacle rare auquel nous allons assister. »

Des lumières remuaient le long des arbres, et, en regardant bien, on pouvait y voir une procession d’elfes, dans des tenues cérémonielles, marchant autour d’un sarcophage recouvert de fleurs, abritant le cadavre d’une elfe, que les elfes avançaient, en entonnant une mélopée religieuse solennelle (https://www.youtube.com/watch?v=XFwrO5gMzVc). Mais, au-delà de ça, ce qui fut surtout impressionnant, c’était de voir, le long de l’eau, d’étranges silhouettes lumineuses se mettre à flotter dans les airs (http://img08.deviantart.net/0776/i/2011/034/c/4/pyreflies_by_meow_meow_neko-d38pnz5.jpg), tournoyant, s’envolant tout autour du navire, comme un chant d’étoiles filantes qui remonteraient de la Terre vers les cieux.

« Ce sont des furolucioles, précisa Adamante. De vieilles croyances disent qu’elles accompagnent les âmes des morts. On ne les voit que rarement, dans des endroits où la magie y est très forte. Et ces furolucioles interagissent avec ceux qui les regardent, et leur montrent des défunts auxquels ils tenaient beaucoup. »

Pour certains rationalistes, les furolucioles ne montraient que des illusions d’optique, tandis que d’autres, plus spirituels, soutenaient qu’ils étaient des manifestations magiques, comme les fantômes ou les Poltergeist. Et, tout en songeant à cela, les yeux d’Elena s’embuaient d’émotion. Dans l’air, elle se voyait, sous son nez, la silhouette de ses parents, se découpant silencieusement. Nöly et Liam la regardaient avec un air bienveillant, sans dire mot.

« Les elfes enterrent les leurs les soirs de veillées nocturnes, et les furolucioles apparaissent pour recueillir l’âme de ces éternels qui ont été tués… »

Entourée par ces émanations spectrales, le bateau semblait flotter, quelque part entre le monde des vivants et celui des morts.