Matthieu Montfort était un homme talentueux et expérimenté, un milicien qui avait l’habitude des interventions civiles. Il savait qu’il fallait avant tout se méfier des civils. Ces derniers pouvaient tout à fait travailler avec l’ennemi, ou, pire encore, se mettre à paniquer. Une intervention dans une auberge nécessitait beaucoup de préparation en amont, et, dans la planque, Montfort formait ses hommes, grâce à une carte précise des lieux. Il était probable que l’auberge était reliée aux égouts par un réseau de caves et de couloirs souterrains. Il allait falloir descendre dans les profondeurs de l’auberge, et c’était probablement là qu’ils rencontreraient le plus d’hostilité. Cockman était leur priorité. Montfort rappela à ses hommes, et ce à de nombreuses reprises, d’éviter à tout prix les cafouillages et les bavures. Il ne fallait surtout pas que l’opération dégénère en émeute. La clientèle devait être managée, mais aussi surveillée. La «
Hope » restait une auberge dangereuse, abritant son lot de forbans, de délinquants, et de criminels.
«
Ils penseront que nous venons par eux, alors, méfiez-vous, mais ne les cherchez pas, où notre opération dégénérera en bain de sang. »
Montfort avait formé son équipe avec soin, veillant à prendre des entraînés, des individus qui avaient déjà fait des interventions, des gens qui ne perdraient pas leur sang-froid. Agir dans une auberge des bas-fonds était très risqué. Si les choses déconnaient, Montfort prendrait pleins pots. Il le savait, mais c’était un risque à courir. Entre-temps, il forma Phyloria. Langley lui avait parlé d’elle, et il constata qu’elle se débrouillait plutôt bien.
Par la suite, la police locale arriva d’un bout à l’autre de la rue, interdisant aux passants de traverser cette dernière. Montfort sortit alors de l’entrepôt, dans son armure, un heaume sur sa tête, puis s’approcha de la «
Hope#, et pénétra rapidement à l’intérieur.
«
Garde royale ! hurla-t-il à l’attention de la cantonade.
Que tous les clients gardent leur calme ! »
Un client, nerveux, bondit avec une dague, et Montfort l’accueillit au tournant, envoyant le pommeau de son épée le heurter au visage, lui fracassant le nez. Dans un soupir, l’homme s’écrasa sur sa table. Les autres hommes entrèrent ensuite, et Phyloria se rua vers l’aubergiste. Cockman avait cherché à s’enfuir, mais se retrouva plaqué contre le mur, la femme lui hurlant de savoir où se trouvait Garden. La situation, en apparence calme, dégénéra rapidement quand Montfort entendit du bruit à l’étage. Il y avait une mezzanine en bois, et deux de ses hommes étaient en haut, afin de surveiller les clients se trouvant là. Paniqués, certains levaient les mains, et, dans les yeux d’autres, on pouvait lire cette culpabilité que Montfort avait annoncé à ses hommes : ils craignaient qu’on ne vienne pour eux. Depuis la mezzanine, une porte s’ouvrit, et des hommes armés débarquèrent, dont un archer.
«
Mort à la Reine ! Mort à ses sbires ! -
Sus aux despotes ! »
La flèche atteignit le flanc d’un des deux gardes, et l’autre se rua vers les bandits. Il en balança un par-dessus la mezzanine, et l’homme s’écrasa lourdement sur une table en bois, envoyant voler un morceau de poulet. En contrebas, l’un des hommes de Montfort, un arbalétrier, leva son arme, et décocha un carreau qui atteignit un autre tueur au ventre. Montfort ordonna à plusieurs hommes de grimper à l’étage, tandis que les malfrats se battaient énergiquement. Des criminels au rez-de-chaussée en profitèrent alors pour tenter d’attaquer les gardes. L’un d’eux essaya de planter sa dague dans la gorge d’un des soldats, mais, attentif, ce dernier le repoussa avec son arme d’hast, et l’assomma. Dans la mesure du possible, il fallait éviter les effusions de sang.
«
Nous agissons grâce à un mandat officiel ! hurla Montfort.
Que les clients conservent leur calme et sortent ! »
Il n’eut presque pas à le dire. Après l’homme qui était tombé de la mezzanine, les clients entreprirent de sortir, et des bruits de combat résonnèrent à l’étage. Cockman était toujours au sol, et Montfort alla soutenir la femme. Il attrapa l’homme par le col de sa chemise trempée, et envoya son pied se loger dans son ventre, puis le frappa au visage. Sa tête heurta le comptoir, avant que son corps flasque ne glisse au sol. Montfort attrapa alors une bouteille d’alcool, la tenant par le haut.
«
La dame t’a posé une question, Cockman ! -
Putain, haa !! Vous avez pas le droit de me battre comme ça ! »
Il se reçut un coup de pied dans l’estomac.
«
Tes potes sont en bas, hein ? -
Vous... Tu me paieras ça, putain ! »
Montfort soupira, et ordonna à l’un de ses hommes d’aller chercher les miliciens, afin d’arrêter Cockman. Montfort se tourna ensuite vers la porte que Cockman avait cherché à emprunter, et l’ouvrit. Elle donnait sur un escalier, et il eut juste le temps de s’abriter... Un carreau d’arbalète fila en contrebas de l’escalier en pierre, se nichant dans le plafond, faisant virevolter un peu de poussière.
«
Là, ils vont se défendre... Votre Garden doit être en contrebas. »
Cet escalier conduisait à une planque souterraine menant aux égouts. Ces bagnards étaient piégés comme des rats.