ORTHON
L’agent du SHIELD fulminait sa rage sur le toit lorsque l’un de ses collègues se pointa dans son dos.
«
Putain, Orthon, c’est quoi ce bordel ? »
En reconnaissant cette voix, Orthon glissa rapidement l’une de ses mains dans la poche de son pantalon, afin de dissimuler les tremblements nerveux qui la traversaient. La petite pute l’avait piégé avec un coup de débutant, et l’avait envoyé valser dans le vide. Il s’était écrasé sur le sol, inanimé, avant que le SHIELD ne débarque. N’importe quel humain normal aurait du mourir, et le SHIELD savait maintenant qu’Orthon n’était pas normal. Cependant, il n’était pas recensé dans les services du SHIELD comme un mutant, simplement comme un agent normal, issu de la CIA. Autant dire qu’il risquait d’avoir des problèmes de ce côté-là, ce qui l’emmerdait énormément. Orthon avait tout simplement d’autres chats à fouetter que s’occuper de la procédure ou de ses collègues imbéciles.
L’homme qui venait de lui parler était un chieur de première, quelqu'un qui avait toujours émis des réserves à ce qu’un type avec un dossier aussi obscur vienne les rejoindre. Ce suceur de pines de
Lloyd, qui ressemblait à une sorte de Mexicain, de nègre recruté au sein du SHIELD pour respecter la politique de discrimination positive du gouvernement, se rapprocha.
«
J’ai entrepris d’arrêter une dangereuse criminelle, voilà ce que c’est que ce bordel. Si vos agents n’étiez pas occupés à s’enfiler des sandwichs et des pizzas à longueur de journée, j’aurais pu espérer l’aide de renforts ! -
Ne vous foutez pas de moi, Orthon ! C’est quoi, ce numéro de boy scout ? Vous débarquez dans une cantine, et vous interpellez une suspecte aux yeux de tout le monde ?! Vous avez pété les plombs ou quoi ? Depuis quand la CIA se prend pour des cow boys partis faire une tuerie à la O.K. Corral ?! »
Orthon pencha la tête sur le côté, résistant à l’envie de le balancer dans le vide.
«
Ne me parlez pas sur ce ton, Lloyd. J’affronte des mutants depuis des années, je connais mes méthodes. »
L’ambiance entre les deux était électrique. Lloyd n’avait qu’une envie : virer Orthon, ce que ce dernier sentait. Il allait sans doute falloir qu’il le tue, afin d’être tranquille. Tôt ou tard, le SHIELD finirait par réaliser que Pollock n’était pas vraiment une tueuse meurtrière et psychotique, mais, comme les Pollock s’étaient évertués à vivre dans la clandestinité, afin que personne ne sache d’où ils venaient, Orthon avait encore un peu de temps devant lui.
«
Maintenant, j’ai une enquête à boucler. Alors, foutez-moi la paix ! »
Orthon entreprit de passer à côté de Lloyd, mais ce dernier posa alors une main sur son épaule, le retenant.
«
Je vous conseille de me lâcher tout de suite, grinça l’homme.
-
Je viens avec vous, Orthon. N’espérez pas y échapper. -
Je n’ai pas besoin d’une nourrice. -
Les agents se déplacent deux par deux, vous avez déjà vu Starsky & Hutch, non ? »
Orthon ferma brièvement les yeux. Ne pas le tuer tout de suite, voilà ce qu’il se répétait. Il écarta alors la main de Lloyd,e t marcha vers l’escalier, commençant à le descendre.
«
Et vous allez où ? -
Voir les parents de Pollock. Je peux vous déposer au Ciné-Club en chemin, si vous voulez. »
Il allait devoir se débarrasser de Lloyd. Il était convaincu que les parents d’Oksa devaient savoir où était sa fille, et, dans le pire des cas, il pourrait toujours les capturer, et exercer sur eux des menaces. Il faisait ça à la CIA, mais, depuis quelques années, la plupart des agences secrètes paragouvernementales étaient de plus en plus sur les feux de la rampe pour leurs méthodes d’investigation, et leur relative immunité pénale. Orthon ne pouvait pas faire ça devant un consensuel mou comme Lloyd. Le plan était donc simple : aller chez les parents, abattre Lloyd, afin de montrer qu’il n’était pas d’humeur à discuter, puis les battre, afin de savoir où était leur fille. S’ils ne savaient pas, il en tuerait un, et contraindrait l’autre à appeler sa fille.
Face à la douleur de ses parents, Oksa reviendrait immédiatement au bercail.
JANE WATSON
Jane avait la désagréable impression que quelqu’un avait enfoncé dans son crâne un marteau-piqueur, et avait vrillé son cerveau. Tandis qu’elle divaguait, dans le coma, elle revoyait des images de son passé, des flashs-backs qui affluaient autour d’elle. Nell, sa sœur, ainsi que des images indistinctes, indiscernables... La fois où elle s’était blessée la cheville en courant dans la forêt, et où elle avait pleuré... Son esprit semblait s’être fracturé, dilaté comme un tableau de Picasso. Elle peinait à coller les bouts, à revenir à elle, à sortir de cet état second dans lequel elle était plongée. Elle repensa à Ruby, se revit faire l’amour longuement avec elle, avant de peu à peu émerger.
Elle ouvrit les yeux, lentement. La lumière du jour, qui venait depuis de grandes fenêtres, l’éblouit, et elle gémit, avant de revenir à elle. Jane se redressa, sentant ses articulations craquer. Elle était sur une sorte de matelas de fortune, dans un appartement minable, un taudis sinistre, et vit alors, devant elle, Oksa. Elle se mit à lui parler, alors que Jane clignait des yeux.
*
Ce n’est pas un rêve... Mais qu’est-ce que j’ai mal au crâne, bon sang !*
Quand le psychopathe lui avait balancé cette attaque (elle supposait que c’en était une, car elle ne voyait pas ce que ça pouvait être d’autre), elle avait vraiment cru qu’elle allait mourir. Curieusement, alors qu’elle errait, elle avait l’impression que deux grands yeux blancs sans pupille avaient veillé sur elle, comme des espèces de phares... Mais tout ça était terriblement flou, et Jane ne se souvenait plus de grand-chose, si ce n’est qu’elle avait une terrible migraine.
«
En tout cas, ce malade d'Orthon ne t'as pas loupé, ça fait deux heures que tu dors... J'ai bien crue qu'il avait eu ton compte... -
C’est aussi ce que j’ai cru », grogna Jane.
Cette histoire était complètement délirante.
«
T’aurais pas un genre de trucs contre la migraine ? Je sais pas, moi, de l’aspirine, ou un truc comme ça... j’ai l’impression qu’un footballeur américain s’est amusé à faire le kangourou sur ma tête. »
Oksa était à côté d’elle, avec un linge humide. Jane le prit sans demander son reste, et le posa sur son front, puis s’allongea sur son matelas en grognant.
«
Quelle merde... On aurait pas pu juste baiser dans un coin, plutôt que de se retrouver avec l’armée aux fesses ? Comme si j’avais besoin de ça... »
Jane se plaignait, mais elle avait de quoi. Qu’est-ce que c’était que ce délire ? Cependant, se plaindre ne faisait qu’accentuer sa douleur à la tête, et elle poussa un soupir.
C’est à ce mutant, alors qu’Oksa avait le dos tourné, que la mutante qui les avait suivi depuis le lycée, attaqua. Elle se décolla du mur derrière lequel elle était dissimulée, et envoya sa main, envoyant une onde qui repoussa Oksa.
Jane connaissait plutôt bien cette femme, car elle avait déjà envisagé de se la taper.
C’était Nina Nagami. Dans un justaucorps moulant en latex, qui la rendait encore plus belle.
*
Ça y est, j'ai basculé dans la Quatrième Dimension... Il n'y a plus qu'à m'annoncer que cette salope de prof' de biologie fait un élevage de tentacules, et je finis nonne en Ouzbékistan.*