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[Terminé] Le Fléau [Partie 2] [PV]

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Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

[Terminé] Le Fléau [Partie 2] [PV]

mardi 26 novembre 2013, 04:26:34

Un mois s’était écoulé depuis le jour où le Roi et Wallin, sans vie, sortirent de la Crypte. Par un procédé connu de lui seul, le Roi avait réussi à recoudre l’âme et la chair du mercenaire pour l’empêcher de mourir, malgré son état apparemment irrécupérable. Avec la magie, il avait réussi à restaurer les fonctions vitales du mort et ainsi lui donner une nouvelle vie, un acte qu’il ne pouvait produire que lorsque le mort n’en était pas un depuis longtemps. Alors qu’il portait Wallin sur son dos, il tenait dans sa main droite un papier contenant les lettres O-NLPR-E. Il ne comprenait pas la signification de ces mots, et puisque son camarade n’était ni mort ni conscient, il ne pouvait lui soutirer ces informations; un homme dans le coma est un homme sans souvenir et sans connaissance, aux yeux de la magie, ce qui l’empêchait de pénétrer dans sa tête.

Le 32e jour après le raid, aux environs de midi, le dirigeant Meisaen cessa de veiller son camarade, à défaut d’être un ami. Assis sur une chaise au chevet du mourant, son espoir fragile de le voir sortir du monde des morts s’effrita davantage. Il passa une main sur la tête du souffrant et songea à abréger ses souffrances. Après tout, cet état n’était d’aucun confort pour une âme, et trente-deux jours était une période d’attente raisonnable pour un homme de son âge; étirer le traitement reviendrait à se montrer plus têtu que nécessaire, et cruel par la même occasion. Mais il ne pouvait pas le laisser mourir maintenant. Au pire, cela reviendra à Lysia de décider si oui ou non Wallin devrait accéder au grand repos de l’au-delà.

La veille, son diplomate lui avait informé que sa demande de rencontrer le Roi Tywill de Sylvandell avait été acceptée, et il savait que s’il voulait revoir Shunya, il ne devait pas perdre un instant de plus; pour briser l’âme d’un Innocent et la pervertir, il fallait un minimum de trois mois, et sur trois, il en avait déjà perdu un en préparatifs. Et connaissant Sérénité et son aptitude remarquable pour atteindre ses objectifs, il savait qu’il ne partait pas en mission de recouvrement; l’enlèvement de Shunya relevait de la déclaration de guerre, et le Roi y était préparé. Ses navires étaient déjà chargés de soldats prêts au combat, ainsi que des magiciens les plus talentueux du Royaume, ne laissant derrière lui que le strict nécessaire pour enrayer les derniers vestiges de la Peste, ainsi que, par mesure de sécurité, Aglaë, son apprentie, à qui il avait donné l’autorisation de se servir d’Eglendal pour combattre les menaces qui se présenteraient dans son absence. Il aurait souhaité que Wallin l’accompagne, mais dans son état fragile, un rien suffirait à réduire ses efforts à néant. Il prit une grande inspiration et frôla doucement la tête de l’homme.

-« Je ne sais pas si tu peux m’entendre, Wallin », murmura-t-il avec une voix calme. « Mais j’espère que tu le peux. Je pars en guerre, ce soir. Je ne sais pas ce qui m’attend, mais je demande pardon pour tes peines. Lysia est guérie, mais elle me juge responsable de la mort de son père. Quand tu ouvriras les yeux, tu pourras décider de t’installer avec elle dans une maison de ma capitale. Nous manquons de bras armés, et si tu penses pouvoir contribuer à cette société, j’aimerais que tu les rejoignes. Sinon… essaie de me retrouver. Et peut-être aurais-je retrouvé Shunya… Repose-toi bien, l’ami. »

Sur ces paroles, le Roi se sépara de l’homme et le recouvra des draps rouges qui lui servait de couverture, s’assurant qu’il ne s’affaiblisse pas davantage avant de se diriger vers la porte. Une fois hors de la chambre du mercenaire, le Roi se prit la tête à deux mains et inspira avec frustration, relâchant ensuite son souffle comme s’il cherchait à évacuer une colère trop longtemps contenue. Le Roi se mit à marcher dans les longs couloirs qui sillonnaient le siège de son pouvoir en méditant sur sa prochaine course d’action, se dirigeant vers ses propres appartements. Les pouvoirs exécutifs et administratifs seraient délégués à ses conseillers pendant son absence, ainsi que les Lois de Gestion qui seront imposées pour protéger la population au cas où des abus de pouvoir se feraient, et Raphaelle avait réussi à obtenir des Dragons Noirs la promesse de protéger Meisa en cas de siège, ce qui garantissait la sûreté du Royaume. Des Peuples alliés, le Roi avait obtenu plus de deux cents archers elfes, cent combattants Orcs, cent cinquante fantassins nains et cinq sirènes, qui s’assureraient que les voyageurs ne manqueraient pas de nourriture au cours de leur voyage. De ses propres forces, on retrouvait  trente magiciens, dix Meisaennes en pleine forme et très mécontentes, deux cents soldats et lanciers, ainsi qu’une équipe d’ingénieurs pour la fabrication d’armes de siège au cas où la Sorcière Grise aurait établi une forteresse qui réclamerait ces mesures. Il n’aimait pas organiser des déplacements militaires à l’aveuglette, mais faute de pouvoir envoyer des espions sur le terrain, Arthuros étant toujours en plein rétablissement après sa convalescence, il ne pouvait pas se permettre de manquer de préparation. Il avait néanmoins ordonné à ses troupes de trouver refuge en terre nexienne pour éviter les disputes de territoire, et de rester sur la côte, pour ne pas laisser croire à une tentative d’invasion.

Le Roi n’eut pas une transe bien paisible, cette nuit-là, et même la présence normalement réconfortante de sa Maîtresse Royale ne semblait pas arriver à le débarrasser de son sentiment grandissant d’inquiétude. Il ne doutait pas de ses capacités à ramener Shunya en terre sûre, mais il n’arrivait pas à se débarrasser du pressentiment que lorsqu’il la retrouverait, il ne se trouvera probablement pas devant une jeune fille impatiente de le revoir, et il ne douta pas un instant que s’il le fallait, il lui faudrait la combattre, et si cette éventualité semblait parfaitement ridicule du point de vue d’une guérisseuse, le Roi savait qu’autant les pouvoirs bienfaiteurs d’un Innocent étaient impressionnants, lorsqu’il était corrompu, il devenait tout aussi menaçant dans sa maîtrise des arts maléfiques. Allongé sur le dos, la ravissante demoiselle bien endormie, la tête posée sur son torse, le Roi  fixait le plafond en coupole de sa chambre, incapable de s’abandonner à la transe salvatrice qui remplaçait son sommeil inaccessible depuis l’éveil de ses pouvoirs. Il finit par se redresser doucement pour ne pas réveiller la jeune demoiselle et se dirigea vers le balcon, nu, et observa la mer. Quelque part, de l’autre côté, une jeune femme aussi douce et tendre qu’une brise d’été était à la merci d’une créature abjecte qui en ferait une arme. Il ne connaissait pas les plans de Kayla à l’endroit de sa nouvelle protégée, mais il savait que quoi qu’elle ait en réserve pour elle, ce n’était rien de bon, et le Roi trouvait son impuissance actuelle absolument insupportable. Sylvandell et ses secrets étaient sa dernière chance de sauver Meisa, et probablement tous les royaumes présentement en paix, ainsi que l’âme d’une femme au potentiel incommensurable, et même si son espoir était fin, il irait jusqu’au bout, aussi loin que cela fut.

***

Kyrian n’avait jamais réellement vu sa seconde moitié, depuis le jour où son âme s’était brisée en deux au moment même de sa naissance et qu’il avait été envoyé dans le monde des morts. En théorie, il est la partie d’âme qui a suivi le rythme normal de la vie en trépassant, et cela l’incitait parfois à penser que celui qui vivait en Meisa n’était qu’une façade, une personnalité fictive créée par son âme pour se protéger et continuer d’évoluer dans le monde. Un peu comme une personne saine qui développe une seconde personnalité après avoir vécu une expérience traumatisante. Selon son maître, lui et Kah’mui étaient comme deux verres d’eau tiré du même seau; entiers même si séparés, ils ne referaient un qu’une fois qu’il aura trépassé. Althenos lui avait avoué que si sa femme ne s’était pas interposée et conservé la fraction d’âme du Roi dans sa chair, leur âme aurait été détruite, car une âme incomplète ne pouvant être restaurée n’avait pas lieu d’être, et que Kyrian, autant qu’il avait le droit de reprocher à la Déesse sa décision d’enfreindre ses propres règles en maintenant en vie une créature qui aurait dû mourir, autant il devrait la remercier car sans son intervention, il aurait disparu dans le néant. Lorsque Sérénité fut ramenée du monde des morts par un groupe de cultistes, faisant d’elle la Sorcière Grise, Kayla, Althenos vit une occasion de faire progresser à l’avance son plan de lancer la seconde Purge avant qu’il n’ait fini de forger l’âme de son nouveau Champion; il attacha l’âme de Kyrian à celle de Kayla et le désigna comme le protecteur de la Sorcière, lui ordonnant de faire tout ce qu’elle lui ordonnerait, de la considérer comme sa maîtresse et de tout faire pour réaliser ses projets.

La fille se montrait déjà sous le charme de la Sorcière, mais il s’y attendait; une femme comme Kayla n’aimait pas perdre de temps, et même s’il la suspectait d’user de ses capacités de suggestion pour accélérer l’approfondissement des sentiments, il devait admettre que cette fille n’était pas vraiment maligne; d’un homme qui avait voulu la sauver, elle était passée entre les mains d’une sorcière qui n’avait eu aucun scrupule à abandonner une population de pestiférés. Il n’avait pas vraiment d’estime pour elle, mais de toute façon, le Chevalier n’avait d’estime pour personne. Il servait Kayla parce que tel était son devoir, et il était trop honnête pour la délaisser sans avoir été informé de le faire, bien que dans un coin de son esprit, il débattait encore pour savoir si oui ou non il quitterait cette femme si on le lui demandait, car autant il lui était aussi loyal qu’un chien dressé, il ne pouvait pas approuver ses méthodes déloyales pour gagner la partie. Et le kidnapping, bien qu’il y participe, ne lui faisait aucun plaisir.

Un beau soir, lorsqu’il fut relevé de ses tâches de veilleur par le Chasseur, le Chevalier regagna l’antre de la Sorcière. Dans les galeries souterraines menant à celui-ci, beaucoup de ses servantes lui jetaient des regards rempli d’animosité. Il savait que si la Sorcière ne l’appréciait pas autant, elles n’hésiteraient pas un seul instant pour lui sauter à la gorge et essayer de le tuer pour se rapprocher de leur maîtresse. Néanmoins, faute de ne pas être une femme sous l’emprise de la Dame Grise, il restait son plus habile et puissant combattant, ce qui le rendait un peu intouchable par le commun de ces femmes. Hormis Meg. Meg était la dame de compagnie de sa maîtresse, et probablement l’une des meilleurs assassins du monde. Meg adorait le Chevalier pour deux raisons; la première, parce qu’il était doté d’une personnalité très loyale et honorable, et aussi parce qu’il acceptait souvent d’être sa cible d’assassinat, pour « l’empêcher de rouiller », selon ses dires, mais il la suspectait de surtout avoir envie de le tuer pour le plaisir de la chasse.

Il gagna ainsi la demeure de sa maîtresse et la trouva paisiblement allongée dans son lit. Malgré leurs âmes entachées par les ténèbres et leurs corps ne nécessitant pas de sommeil, elle semblait faire de très beaux rêves. Peut-être rêvait-elle de son passé, ou alors de ses prochaines grandes réalisations. D’une manière ou d’une autre, l’homme retira son casque, s’approcha du lit de sa maîtresse et mit un genou en terre. Lorsqu’il ne s’apprêtait pas à combattre son deuxième lui-même, il optait pour une armure plus légère qui lui donnait les proportions d’un grand homme, mais non d’un colosse, bien qu’il resta fermement musclé. Elle lui avait un jour demandé pourquoi il ne se montrait jamais sans son armure, cela à quoi il répondit qu’il se sentait à nu lorsqu’il n’était pas protégé par ses armures.

« Tout est calme, ma Reine. Mon Maître m’a assuré de l’arrivée future de quelques-uns de Ses serviteurs. Il m’a chargé de vous rappeler son bon sentiment et son approbation. »

Le Chevalier avait tout dit sur un ton plutôt mécanique, comme s’il répétait un message appris par cœur. Après tout, Althenos n’avait pas vraiment dit ces mots; une conversation avec une divinité qui ne communiquait que sous forme de sentiments n’était pas aussi simple à traduire qu’une conversation normale. Il savait simplement que le Dieu était satisfait, et lorsqu’il avait demandé de l’aide supplémentaire pour la réalisation de certains projets, il avait démontrer une forte approbation, que le Chevalier assuma comme étant un « oui ».

L’homme en armure jeta soudainement un coup d’œil aux environs et haussa un sourcil.

« Où est la fille? »

***

Un homme cracha à ses pieds en lui adressant une insulte dans un jargon incompréhensible, mais le Roi leva simplement le bras pour empêcher une de ses protectrices de lui faire ravaler son insolence. Malgré leur haine et sa propre animosité envers le peuple habitant Ashnard, il savait que les petites gens n'étaient que les victimes de la guerre, et non pas de vrais ennemis. Beaucoup d'entre eux avaient perdus des amis aux mains des troupes de Meisa, et pour cette raison, il comprenait leur rengaine; dix générations ne suffiraient probablement pas à effacer des siècles de rengaine et d'adversité, même s'il en aurait souhaité autrement. Il regarda doucement l'homme et pencha la tête sans la moindre trace de sarcasme; simplement de la sympathie. L'homme ne lui pardonnerait certainement pas pour ce simple geste, mais cela éviterait les écarts de conduite; il n'était pas là pour déclencher un incident diplomatique. Il venait en paix pour sauver une personne.

Suivi par deux Meisaennes ainsi que deux de ses conseillers (de simples assistants, rien à voir avec le Conseil), il prenait la route vers le Pont menant au château de son homologue. Les Dragons fixaient l’intrus avec un mélange d’intérêt et d’excitation; ils avaient soudainement très envie de jouer avec lui; peut-être que Tywill le leur donnerait après leur entretien. Une fois devant la porte du palais, ses compagnons s’immobilisèrent et se retournèrent pour surveiller la porte pendant que leur seigneur entrait dans le vestibule menant à la salle du trône. Une fois devant le Roi Tywill, le Roi de Meisa s’immobilisa au centre de la pièce et dévisagea son égal sans ciller, avant de mettre lentement un genou en terre, sans détacher son regard du sien.

« Je vous salue, Roi Tywill de Sylvandell de la Lignée d’Erwan Korvander. Je viens ici témoigner mon respect envers votre famille et humblement solliciter votre aide à la recherche d’une criminelle, une sorcière aux pouvoirs dont je ne connais pas les limites. Cette femme a causé grande souffrance à mon peuple, et j’ai des raisons de croire qu’elle serait venue ici pour se préparer à de nouveaux outrages, et je crois qu'elle ne vise pas que Meisa, mais tous les peuples, incluant le vôtre. »

Bien qu’il fut très respectueux, il avait eu vent de la réputation bouillante et impatiente du fougueux monarque de Sylvandell, aussi se montra-t-il bref pour ne pas abuser de son temps. Si Tywill jugeait que cette affaire l’affectait, peut-être qu’il lui offrirait son soutien, et s’il n’y trouvait aucun intérêt, il pourrait au moins lui demander l’autorisation de poursuivre ses recherches seul, mais il espérait également qu’il n’avait pas été manipulé par la Sorcière de façon à devenir l’allié de cette dernière, car avoir une sorcière sur les bras, passe encore, mais un royaume rattaché à l’Empire Ashnardien risquait de devenir un souci, et hormis Kayla, le Roi ne voulait aucunement se battre avec quelqu’un, et la guerre l’intéressait encore moins. Il attendait donc patiemment la réponse de Tywill, bien qu’il eut un bref regard pour les gens qui l’entouraient. Il nota la présence de gardes, évidemment, et quelques ambassadeurs venant des autres contrées Ashnardiennes.
« Modifié: mardi 04 juin 2024, 19:41:34 par Serenos I Aeslingr »

Cirillia

Humain(e)

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 1 mercredi 27 novembre 2013, 02:08:26

« Allons, Princesse ! Ne me dites pas que c’est tout ce dont vous êtes capables, si ?! »

À terre, à genoux, Alice soupira, en sueur, et releva la tête, se frictionnant le poignet, sous le regard amusé de sa formatrice. Alice soupira à nouveau, et écarta quelques mèches de cheveux qui se plaquaient contre son front, avant de se relever, lentement. Elle attrapa sa dague, une belle arme dont le manche était incrusté d’une pierre précieuse, et entreprit, sans trop y croire, de se remettre en position de combat. Elle portait une armure légère, et Ciri’ connaissait suffisamment bien la Princesse pour savoir qu’elle avait une sainte horreur des exercices manuels. Elle faisait preuve d’une mauvaise grâce, et, à vrai dire, c’était surtout ça qui agaçait Cirillia... Ainsi que ses piètres talents. Si, au moins, la Princesse daignait se forcer et se concentrer, Ciri’ était sûre qu’elle saurait réaliser quelques passes, mais elle voyait ce genre d’exercices comme du temps perdu. Dans un sens, la Princesse disposait déjà de tant de gardes du corps qu’elle ne devait pas voir en quoi essayer inutilement de s’entraîner à se battre pourrait l’aider si on tentait de la tuer. Son petit esprit devait estimer que, si des meurtriers étaient suffisamment forts pour venir à bout d’Hodor ou des Commandeurs, les mêmes assassins n’auraient aucune difficulté à se débarrasser d’elle. Malheureusement pour elle, Tywill Korvander, le Roi de Sylvandell, ne l’entendait pas de cette oreille-là, et tenait à ce qu’Alice, périodiquement, s’entraîne à manier l’épée, ne serait-ce que pour donner l’apparence de savoir se battre.

La théorie, Alice la comprenait, Ciri’ le savait, mais la pratique, c’était une autre affaire. Elles s’exerçaient depuis une heure, maintenant, et les deux femmes en avaient marre. Ciri’ n’avait jamais été une femme patiente, reconnue pour ses capacités d’instruction, mais voir toute la mauvaise volonté déployée par la Princesse l’agaçait au plus haut point.

« Je fais de mon mieux, okay ?! »

Ciri’ ne put s’empêcher de sourire devant les joues rouges de la Princesse. En colère, elle était presque encore plus belle qu’au calme. Il fallait bien reconnaître que Cirillia était assez ingrate avec Alice, mais c’était dans son tempérament. Si Alice n’avait pas été là, les Sylvandins l’auraient tué. Au lieu de ça, son père avait imposé à Alice de la corriger, en espérant qu’un tel exercice suffirait à la motiver un peu. Très motivée, Alice avait libéré Cirillia, et cette dernière l’avait violé, puis, au fil du temps, avait fini par s’attacher à elle. Ciri’ ne l’aurait jamais avoué, mais, quand elle était revenue à Sylvandell, revoir cette belle petite tête blonde l’avait soulagé. Pour elle, qui avait quasiment perdu toute sa famille, elle se demandait si elle ne voyait pas inconsciemment en Alice sa petite sœur. Cette idée était absurde, pour elle, mais Cirillia savait aussi que, sous sa carapace de fermeté, de dureté, et de colère, elle était encore capable d’éprouver des sentiments.

Elle attaqua encore Alice, et frappa sa dague. La Princesse essaya de s’opposer, et le coup ne fut pas très fort. La Princesse bondit en arrière, et essaya de l’attaquer, levant gauchement son bras. Ciri’ soupira, et renversa Alice en lui fauchant les jambes. La Princesse poussa un hurlement en tombant sur le sol, et se retrouva avec la lame froide de l’épée de Ciri’ sur sa gorge, caressant sa peau, tandis que l’autre main de Cirillia se posa sur sa tête, continuant à l’immobiliser.

« Et zou, vous êtes encore morte, Princesse...
 -  Comme ça, on ne m’embêtera plus avec ce genre d’inepties ! »

Cirillia sourit. Elle était assise sur le corps de la Princesse, son visage proche du sien, et écarta le tranchant de son épée.

« Sa Majesté serait-elle en colère ? rigola doucement la femme.
 -  Sa Majesté n’aime pas perdre son temps avec ces imbécilités ! »

Cirillia se mit à sourire, et rapprocha son visage de celui d’Alice, avant que l’une de ses mains ne vienne titiller le nez de la Princesse, appuyant dessus.

« Tu es craquante quand tu es en colère, tu sais... »

Alice rougit, visiblement perturbée, et Cirillia se redressa, avant de récupérer son épée. La Princesse entreprit de se relever, mais Ciri’ posa alors son pied sur son ventre, près de ses seins, la rabaissant sur le sol.

« Il va falloir faire mieux que ça, Princesse... Tu sais te battre mieux que ça, je le sais. »

Alice soupira, sans rien dire. Cirillia entendit alors des bruits de pas, et libéra la poitrine de la Princesse. Des gardes leur annoncèrent que la délégation de Meisa était arrivée, et Ciri’, comprenant que ceci sonnait la fin de leur entraînement. La chasseuse de monstres était au courant de la venue prochaine d’une délégation émanant de Meisa. Cette annonce avait suscité une certaine controverse à Sylvandell, car Meisa n’était pas un royaume allié de l’Empire, ce qui, partant de là, en faisait donc un ennemi potentiel. Sylvandell avait donc hésité. Le Roi ne voulait pas entendre parler de ces gens-là, mais sa fille avait fermement insisté pour que la délégation de Meisa soit admise. Le Roi avait fini par se plier à la volonté de sa fille. Le moins qu’Alice pouvait faire était donc d’assister à leur venue.

Se relevant, la Princesse se mit à marcher, suivant Cirillia, jusqu’à rejoindre la salle de banquet.

Le Roi était là, assis sur son trône, et Kah’mui de Meisa se mit à parler. L’homme était là pour poursuivre une femme. Alice s’assit sur un siège, en clignant des yeux, rabattant quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles.

« Allons, allons, Sieur Kah’mui, vous ne me prenez tout de même pas pour l’une de ces gonzesses nexusiennes qui caracolent avec la bouche ouverte comme un cul devant les fleurs qu’on leur lance ? Passons de cette politesse mielleuse et casse-couilles. Si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurais offert votre tête aux Ashnardiens, j’aurais cru comprendre qu’ils avaient envie de l’exhiber au-dessus de leurs cheminées... Ma fille m’a convaincu que ce ne serait pas très diplomatique, ou une autre connerie du genre. »

Alice rougit légèrement.

« Maintenant que vous avez fait le voyage jusqu’ici, parlez-nous donc de cette femme qui a causé le bordel chez vous... Histoire de voir comment empêcher ça chez nous. »

Tywill, au moins, avait le mérite d’être honnête.
DC d’Alice Korvander.

Consultez ce topic pour une présentation détaillée de mes personnages.

Pour une demande de RP, je vous encourage, soit à poster sur le topic susmentionné, soit à envoyer un MP sur mon compte principal.

Serenos I Aeslingr

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Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 2 vendredi 29 novembre 2013, 00:27:03

Au moins, Tywill n’aimait pas y aller par quatre chemins, et le Roi appréciait cela avec la plus grande sincérité. Il apprécia un peu moins qu’il lui parla de son intention de lui séparer la tête de son corps, même s’il notait l’absence de conviction dans le ton de l’homme; s’il l’aurait fait, ce serait avec le même intérêt que celui de la chasse d’un gibier très prisé, tout comme il le faisait pour les reliques anciennes de la Première Race. Néanmoins, il ne prit pas la peine de lui dire que pour un être humain tel que lui, cet acte resterait toujours impossible, parce que le Roi ne laisserait personne avoir sa tête, pas avant le bon moment. Lorsqu’il lança ces mots, il y eut des encouragements de la part des ambassadeurs et autres représentants étrangers, et il dût surmonter ses propres démons pour ne pas succomber à son désir de les faire taire. « Ne cause pas d’incident, Kah’mui, ou tu le regretteras » se répétait-il à chaque fois qu’il rencontrait des gens particulièrement désagréables qui lui donnaient une franche envie de montrer l’étendue de son pouvoir, qui restait, même en dehors de Meisa et loin d’Eglendal, plutôt impressionnant. En se répétant mentalement cette phrse, il parvint à résorber sa colère, récupérant une certaine sérénité d’âme et la capacité de conserver un ton poli et de bonnes manières. Il regarda alors la Princesse. De par les royaumes, il devait admettre qu’il n’avait que rarement vue une femme de son calibre, et puisqu’elle était également celle qui avait pu insuffler un peu de bon sens à son père, il pencha poliment la tête en sa direction en signe de gratitude avant de se tourner vers le père.

« Elle se nommait Sérénité. Du temps de votre ancêtre Erwan, elle fut mon épouse, et mon apprentie. Cependant, elle a été tuée, puis ramenée à la vie par un tiers parti dont le nom m’est inconnu. Ses intentions sont encore très vagues, mais l’essentiel est qu’elle compte causer des ravages. En Meisa, elle a déclenché une Peste altérée par magie pour la rendre plus infectieuse et surtout plus mortelle, et ce qu’elle réserve à Sylvandell serait certainement quelque chose de similaire, si ce n’est pire. Je suis ici pour la retrouver, et la ramener dans sa tombe, de gré ou de force. »

Certains pourraient qualifier le Roi de fils de pute insensible, et en un sens, ils auraient raison. Malheureusement, pour comprendre son sentiment, il fallait savoir que le roi considérait la réanimation des morts ayant accédé à la Paix comme étant l’acte le plus vil et cruel qui soit, et pour cette raison, que ce soit pour son épouse ou pour qui que ce soit d’autre, il ne tolèrerai pas qu’une âme troublée arpente le monde en semant la mort et la destruction autour d’elle, et beaucoup de personnes chérissaient leurs morts avec une telle tendresse que parfois, ils en oubliaient que la Paix était la récompense promise à ceux qui ont mené une bonne vie, et que ramener une âme sur Terre revenait à non seulement les corrompre, mais possiblement leur empêcher de regagner cette état de grâce pour les envoyer ensuite dans le monde plus sombre et froid d’Althenos, et c’était probablement l’expérience la plus douloureuse pour une âme.

« Je sais que vous ne faites pas confiance aux étrangers, rajouta-t-il en rivant son regard à celui de son semblable. Et je sais que vous ne ferez pas bouger vos hommes sur ma parole. Je ne requiers qu’un guide, un combattant compétent que je n’aurais pas à surveiller. »

Ne connaissant pas vraiment Tywill, faute de l’avoir vu plus d’une demi-douzaine de fois pendant des pourparlers, il ne savait pas que s’attendre de lui. Si Tywill était un peu comme lui, il ne devait pas s’attendre à le voir rester là les bras croisés pendant qu’un Roi d’un autre Royaume venait foutre le bordel chez lui. Il savait qu’il devrait trouver un peu plus d’arguments, ou peut-être même une compensation pour sa présence. Une généreuse somme d’or pourrait suffire, mais les gens de Sylvandell étaient reconnus pour avoir peu, et du coup, ils pouvaient se permettre de réclamer BEAUCOUP, et tous savaient que Meisa avait énormément de ressources, qui incarnaient la principale raison du pourquoi Ashnard n’avait pas encore réussi à mettre la main dessus. Le Roi prit une grande inspiration puis il fit son offre.

« En échange de votre participation, je ferai venir des armes faites de l’alliage Meisaen ainsi, trois cent pièces de platine et l’ouverture de routes commerciales entre nos deux royaumes. Je vous offre ainsi la possibilité d’acheter des biens que même l’Empereur ne peut se procurer. »

C’était la meilleure offre qu’il pouvait faire. Les armes faites de l’alliage du fer et de la gaërite n’existaient normalement pas en Ashnard, ni même en Nexus, car Kah’mui interdisait l’exportation de ces objets et que les navires étaient sous un contrôle assez invasif pour éviter la contrebande. Seuls les Meisaens possédaient ces outils de guerre, en raison de leur résistance surnaturelle aux chocs et à l’usure et surtout pour leurs propriétés tranchantes ou perforantes bien supérieure à la plupart des métaux connus. Pour trois cent pièces de platine, ce qui incarnait une bonne portion du trésor royal de Meisa, le Roi Tywill peut faire concurrence à la richesse de quatre duchés réunis, et cela sans même avoir à décroiser les bras. Pour les routes commerciales, puisque Sylvandell était plutôt loin de tout, c’était une offre généreuse telle que le Roi n’en faisait pas souvent; avec l’aide des mages de Meisa, le transport lui-même n’était plus un obstacle, et l’importation de matière première serait un nouvel avantage pour Sylvandell. Et puis, si sa relation avec Ashnard restait assez glaciale, quelques royaumes sous la direction de l’Empire ne s’empêchaient aucunement de faire du commerce avec les artisans et fournisseurs Meisaens.

Cirillia

Humain(e)

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 3 samedi 30 novembre 2013, 15:31:57

Croisant les bras, Ciri’ s’était adossée dans un coin, observant ce petit bout de Roi qui se dressait face à cette masse de chair et d’acier. Du peu qu’elle savait de Sylvandell, Tywill était une sacrée pointure, une véritable masse dans l’histoire des Korvander. Comme il le disait lui-même, qu’il ait pu chier d’une crevette comme Alice était un coup du sort. Ciri’ comprenait souvent mieux pourquoi Alice était si découragée à l’idée de se battre, quand elle était à côté de son père. Au combat, ce type était une véritable machine de guerre. Avec son marteau de guerre, sa charge était impossible à arrêter, car, malgré sa masse, il était très rapide, et les pouvoirs magiques de son marteau décuplaient sa force. Cirillia l’avait déjà affronté, et elle avait perdu... Rares étaient les hommes qui pouvaient pourtant se targuer de l’avoir vaincu. Elle n’avait juste rien pu faire contre lui, contre cette masse invincible, et sa victoire était d’autant plus grande que le duel avait été individuel, sans que le Roi ne soit aidé de qui que ce soit. Elle avait donc respecté cette victoire, qui était plus ou moins la raison l’ayant encouragé à rester dans ce putain de royaume gouverné par des saloperies de dragons... Ça, ainsi qu’une belle petite tête blonde qui rechignait à faire ses exercices.

Le Roi de Meisa leur parla d’une femme qui risquait de déclencher une épidémie à Sylvandell, comme elle l’avait fait dans son royaume. Les différents membres de la Cour observaient Kah’mui. Un élément allant en faveur de sa théorie était que le Roi s’était déplacé en personne. S’il racontait des histoires, il aurait probablement envoyé un ambassadeur. Tout ce que le Roi demandait était quelqu’un pour l’accompagner dans ses explorations. Le Roi restait silencieux, sans rien dire, tandis que Cirillia continuait à réfléchir, bras croisés. Ses épées étaient jointes dans le dos. Les étrangers n’avaient pas spécialement le droit d’aller dans le Territoire des Dragons, mais Ciri’, qui avait étudié la région, savait que le massif montagneux ne se résumait pas qu’au Territoire, et qu’il existait également, dans les profondeurs du champ de montagnes, des tribus sauvages, arriérées et reculées. S’il fallait enquêter, il allait probablement falloir aller là-bas.

Le Roi de Meisa poursuivit en proposant aux Sylvandins l’ouverture de voies commerciales, ainsi que des armes. Le Roi se mit à sourire, et attendit quelques secondes, avant de lui répondre :

« Conservez votre camelote et votre matos hors d’usage, mon bon petit Roi, nous forgerons des armes et des armures en écailles de dragons depuis le Premier, et elles ne nous ont jamais fait défaut. Qu’un magicien fasse des grimoires et un forgeron de belles armures, et personne ne chiera dans le lit des épouses le soir de noces. »

Indéniablement, Tywill avait un talent indiscutable pour trouver des formules qui faisaient mouche.

« Si votre histoire est vraie, alors je vais charger mes Commandeurs d’enquêter. N’ayant pas eu vent de vos histoires, j’en déduis que votre cocotte doit planquer ses miches dans les montagnes. Aussi faudra-t-il contacter l’une des tribus pour retrouver vôt’donzelle. »

Tywill se redressa un peu.

« Et, n’en déplaise à votre gueule d’amour, les tribus n’aiment pas les étrangers. Aussi, je vous enjoindrais dans la journée une équipe qui sera chargée de vous accompagner. Vous respecterez consciencieusement leurs directives. Que vous soyez Roi de Meisa ou de je ne sais quel autre patelin ne change rien. Votre bled n’est pas reconnu par l’Empire, et, votre titre, je m’assois dessus en chiant une bonne pelletée. »

Ça avait le mérite d’être clair. Échanger des biens avec Meisa n’intéressait nullement les Sylvandins. Sur ce point, Tywill était un grand têtu, du genre obtus. Négocier avec lui était toujours assez difficile, mais Ciri’ estimait que sa décision était de bon sens. C’était une application de ce principe si cher aux États : la souveraineté. Tywill ne comptait pas laisser quelqu’un faire des recherches chez lui sans l’encadrer un peu.
DC d’Alice Korvander.

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Serenos I Aeslingr

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Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 4 dimanche 01 décembre 2013, 01:19:18

[J’adore Tywill; même devant un magicien qui pourrait le tuer en pétant, il arrive à trouver suffisamment d’indifférence pour lui balancer des insultes à la gueule xD]

Kah’mui avait près de mille ans, ce jour-là, bien que certains passage de sa vie aient été sautées à cause d’un quelconque sortilège ou sceau qui l’aurait privé de sa conscience pendant quelques années. Pendant ces longs siècles, il avait vu beaucoup de gens, du petit paysan au puissant Roi ou tyran, il avait beaucoup appris et surtout beaucoup subis. Pour un être aussi âgé et expérimenté, on pourrait croire que la patience est un gain acquis. Terrible erreur de croire qu’une telle chose était naturelle pour une personne dont la vie ne semblait qu’être une corde sans fin qu’il fallait escalader jour après jours.

« Conservez votre camelote et votre matos hors d’usage, mon bon petit Roi, nous forgerons des armes et des armures en écailles de dragons depuis le Premier, et elles ne nous ont jamais fait défaut. Qu’un magicien fasse des grimoires et un forgeron de belles armures, et personne ne chiera dans le lit des épouses le soir de noces. Si votre histoire est vraie, alors je vais charger mes Commandeurs d’enquêter. N’ayant pas eu vent de vos histoires, j’en déduis que votre cocotte doit planquer ses miches dans les montagnes. Aussi faudra-t-il contacter l’une des tribus pour retrouver vôt’donzelle. Et, n’en déplaise à votre gueule d’amour, les tribus n’aiment pas les étrangers. Aussi, je vous enjoindrais dans la journée une équipe qui sera chargée de vous accompagner. Vous respecterez consciencieusement leurs directives. Que vous soyez Roi de Meisa ou de je ne sais quel autre patelin ne change rien. Votre bled n’est pas reconnu par l’Empire, et, votre titre, je m’assois dessus en chiant une bonne pelletée. »

Cracher sur son offre, passait encore, mais lorsque le Roi de Sylvandell multiplia les insultes, celui de Meisa se sentit soudainement plus échauffé que jamais. Il aurait voulu tendre la main vers cet arrogant petit personnage et lui montrer que devant lui, il n’était rien d’autre qu’un insecte à grande gueule. Le Roi avait tenu tête à l’empereur lui-même, dans ses propres cachots, sans même trembler, alors qu’il avait été torturé de telles façons que Tywill lui-même n’aurait pas l’imagination suffisante pour les penser. Le Roi dévisagea froidement son homologue en relevant le menton, de façon à montrer sa nouvelle hostilité. Soudainement, ses problèmes avec la sorcière noire lui semblèrent bien superflus; il y avait une règle entre monarques, c’était de ne pas se provoquer inutilement entre eux à moins de vouloir se faire un ennemi. Il lui aurait bien rajouté quelques cicatrices sur sa gueule de bourrin en manque de bonne vieille violence, mais plutôt que de s’en prendre à son rival, il se contenta de se fendre dans une révérence polie.

« Votre générosité m’honore, seigneur Tywill, lâcha-t-il d’une voix mordante. Je ferai comme vous dite. Je vais prendre congé et me préparer. »

Sur ces mots, le Roi se retourna sans plus de façon, son manteau se soulevant derrière lui, laissant entrevoir brièvement sa main ensanglantée posée sur le pommeau de son épée; dans son effort incommensurable de combattre ses propres désirs de combattre cet idiot, qui venait de se mettre à dos l’un des Rois les plus dangereux de l’histoire de Terra toute entière, il ne s’était qu’à peine rendu compte qu’il venait de s’enfoncer le pieu servant de pommeau de son épée dans la main. Sur le sol, alors qu’il partait, il laissa sur son sillage quelques gouttes de sang. Alors qu’il quittait le palais royal de Sylvandell, sa délégation se reforma autour de lui, alors qu’il reprenait le pont pour regagner la ville. Alessa, la Matriarche, posa alors une main sur l’épaule de son souverain.

« Qu’a-t-il dit? Demanda-t-elle calmement.
-Qu’on serait accompagné dans nos recherches par des gens de chez lui.
-Mais ils vont nous ralentir…
-Je sais.
-Sire, il faut faire vite, sinon ces gens vont…
-Silence! S’emporta le monarque, finalement à court de patience, en chassant la main de la Meisaenne de son épaule. Pour l’amour du ciel, femme, ne vois-tu pas que ce n’est pas le moment de me harceler de questions et de commentaires!? Au diable la Sorcière, au diable le Roi, au diable tous ces inconscients, qu’ils brûlent tous autant qu’ils sont, pour ce que j’en ai à faire!

Alessa n’était pas blessée. Être blessé aurait été déplacé quand on connaissait le tempérament du Roi. Elle était tout simplement triste de le voir dans cet état. Il n’était pas Roi de naissance, il était avant tout un homme du peuple ayant eu le désir de protéger des gens au point de les rallier sous un nouveau régime, sous sa régence, que beaucoup pouvaient affirmer juste et équitable pour tous, et lorsqu’il avait été éduqué par la Reine de Corven au monde de la cour et des jeux du trône, il avait tout de suite su qu’il n’aimerait pas cette expérience, et il faisait semblant de faire partie de ce monde parce que c’était une manière pour lui de protéger ses gens. Lorsqu’il voyait des gens comme Tywill, qui avaient hérité d’un royaume par les liens du sang, il s’attendait, allez savoir pourquoi, qu’ils aient à cœur la paix entre les peuples et le bien-être de leurs gens, Mordred étant une exception puisque ce crétin n’avait d’autre but que de saigner le monde. Parfois, il se demandait même si Mordred ne serait pas un Champion d’Althenos que celui-ci aurait renié à cause de son manque d’empathie. Et voir Tywill se comporter de la sorte, voilà qui le faisait fulminer. La Sorcière Noire était peut-être remplie de haine et de sarcasme, mais elle ne se laissait pas aller à la grossièreté gratuite des simples d’esprit. Le Roi n’était pas à cheval sur le protocole, mais il essayait toujours de se montrer respectueux envers les autres, et il s’attendait à la même politesse.

Le Roi finit par se calmer alors qu’ils regagnaient la sortie de la ville, où les attendaient quelques serviteurs ainsi qu’un campement installé un peu plus loin des portes. Le monarque de Meisa s’empara d’un bol chaud de soupe à l’oignon dans lequel il trempa les lèvres, marmonnant des mots qu’Alessa ne comprenaient pas, probablement de l’Ashansha. Elle ne comprit que quelques mots, « pourrais tous les raser », « une question de jours », « autre chose à faire » et aussi « meilleur que ça ». Elle comprenait le dilemme de l’homme; lorsqu’une personne accumulait trop de pouvoirs et qu’elle savait que tout lui était possible, il était parfois difficile de retenir ses désirs de destruction, car le pouvoir corrompait facilement les êtres vivants, au point de leur faire perdre de vue quel genre de personnes ils sont. Il voulait faire payer Tywill pour son effronterie, mais en même temps, il savait qu’il ne pouvait pas déchainer sa colère sous risque de se lancer dans un massacre, ce qui irait à l’encontre de ses objectifs premiers. Elle lui fit venir un autre bol de soupe alors qu’il avalait d’une traite le bouillon de celle qu’il venait de finir, et il recommença à manger frénétiquement, mâchant si agressivement sa nourriture qu’elle remercia le cuisinier de ne pas lui avoir donné de la viande; il aurait eu l’air d’un animal sauvage. Lorsqu’il eut fini de manger, elle glissa doucement une main dans la sienne, et lorsqu’il referma ses doigts, elle sentit ses muscles tendus et ses tentatives de contrôle qui le retenait de lui faire du mal. Elle posa alors sa tête sur l’épaule de son Roi et chanta doucement à son oreille une petite mélodie des temps anciens, alors qu’ils étaient tous deux jeunes et plein de bons sentiments. N’importe quoi qui puisse le pousser qu’il ne pense plus à Tywill et à ses désirs de carnage était une bonne chose. Et cela fonctionnait. Il relâchait un peu plus les muscles et décrispait la mâchoire. Elle sût donc qu’elle pouvait lui adresser à nouveau la parole sans risquer de subir un nouvel éclat de colère.

« Que fait-on, maintenant?
-On attend.
-On pourrait se trouver une bonne auberge et dormir au chaud…
-Pas question. Les Sylvandins n’auront pas une seule pièce de mon argent. S’ils crachent dessus, ils n’en auront pas.
-Vous êtes encore fâché…
-Non. Je suis vexé. Et je suis Roi, donc, quand je me vexe, j’en fais payer le prix à tout le monde, c’est comme ça. »

Le pire dans tout ça, c'est que le Roi était parfaitement conscient qu'il pourrait très bien simplement ignorer les directives de Tywill et mettre son royaume à feu et à sang, à commencer par ses fraudes de Dragons d'Or déifiés avant d'enfin retrouver la sorcière en rasant les montagnes par magie, mais il y avait une loi à toujours respecter lorsqu'on avait un pouvoir pareil, c'était les répercussions de ces actes. Lorsqu'on déchainait trop de pouvoir, cela intéressait rapidement les magiciens et autres personnalités qui se mettaient ensuite à la recherche d'un sceau ou un sortilège pour mettre la nouvelle menace hors d'état de nuire. Il était ensuite impossible de conserver la paix, car une personne capable de raser un royaume sera toujours perçue comme un danger par les autres, ce qui mettrait fin à son rêve bien innocent de collaboration internationale. Parfois, il aimerait simplement priver les crétins dans le genre de Tywill de leur libre arbitre et de les forcer à faire selon ses directives... mais comme on dit, pour manipuler un cerveau, il faut que la cible en ait un.

***

Le Chevalier laissa tomber cinq feuilles de papier sur la table de chevet de sa maîtresse. Le premier était un rapport des éclaireurs en territoire de Nexus, et les autres étaient des confirmations venant des différents points de contrôle dispersés sur la carte pour signaler que le contenu du premier rapport était véridique et important. Kyrian savait que la Sorcière n’en aurait probablement rien à faire de ces bouts de papier, mais en tant qu’homme de main, il était de son devoir de s’assurer qu’elle soit au courant de tout ce qui se passait concernant ses ennemis

-Nous avons repérer des troupes venant de Meisa en position sur la côte Est du Territoire de Nexus, ma Dame. Le Roi est introuvable pour le moment, mais il y a fort à parier qu’il est sur notre trace. Je recommande une plus grande vigilance dans les prochains jours.

Cirillia

Humain(e)

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 5 dimanche 01 décembre 2013, 16:23:11

[HS – Ton magicien n’aurait absolument pas la moindre chance contre Tywill ^^ Son Marteau absorbe les attaques magiques, et ne répond qu’à la volonté du Roi.]



Toute la question était de choisir le Commandeur qui allait se charger d’escorter les Meisaens dans leur exploration de la région. Cirillia était bien placée pour savoir que c’était une région dangereuse, puisqu’elle avait failli y laisser sa peau. La petite Princesse assista silencieusement aux discussions se déroulant autour de la table entre le Roi et ses Commandeurs. La confiance des Sylvandins à l’égard de Meisa était plus que limitée. Si jamais les Ashnardiens apprenaient que des ennemis de l’Empire étaient venus ici, ils risquaient d’avoir des problèmes. Tywill ne voyait personnellement aucune objection à venir arrêter Kah’mui, et à le traîner pieds et poings liés devant les geôles de l’Empire. De manière générale, il n’avait jamais aimé ceux qui pétaient plus haut que leur cul et étaient incapables de découper un tronc d’arbre avec une hache. Toute la magie de cet individu lui était bien égal, car il disposait du Marteau de Guerre de Sylvandell, une arme enchanteresse aux propriétés magiques terribles, une arme que seul un légitime descendant d’Erwan Korvander, dont le sang était béni par le Premier Dragon, pouvait porter.

« Il y a eu des problèmes à Meisa, expliqua l’un des Commandeurs. L’Ordre a bloqué toutes les voies de circulation vers le royaume quand j’ai voulu y aller, il y a quelques semaines. C’était une épidémie de peste.
 -  Un tel risque ne peut pas survenir à Sylvandell, notre royaume est sain, objecta un autre Commandeur. Meisa fait partie des royaumes ennemis de l’Empire. Ce type veut juste se servir d’un prétexte fallacieux pour étudier notre royaume, ainsi que le lien magique qui nous unit aux dragons, et tenter de les saborder.
 -  On ne peut pas non plus négliger ces rapports sur la troupe de Gregor à proximité. Ce rascal erre dans la région. »

Gregor Clegane... Cirillia avait entendu parler de lui. C’était un ancien Commandeur, qui avait trahi le Roi, et qui était encore plus massif et plus grand que Tywill, si c’était possible. Une véritable montagne qui avait rejoint une bande de tueurs, de violeurs, et de mercenaires de basse besogne. Il était avéré que Gregor était l’un des grands ennemis du royaume, et plusieurs soldats affirmaient avoir vu des hommes de sa bande dans des villes à proximité de Sylvandell. Une telle proximité n’était jamais bon signe. Gregor connaissait Sylvandell, et connaissait surtout les petits chemins montagneux permettant d’entrer sans tomber sur les dragons, ou sur les tribus. La chaîne de montagnes jouxtant Sylvandell était un long massif s’étalant sur plusieurs centaines de kilomètres, et qui débouchait sur un désert particulièrement long. Il y avait quantité de petits sentiers que des clandestins, notamment des contrebandiers, essayaient de prendre pour rejoindre Sylvandell. Ciri’ elle-même s’y était essayée jadis, et était tombée sur ce qu’elle cherchait : un dragon.

S’aventurer dans les montagnes sans les connaître équivalait plus ou moins à un suicide, car les dragons de Sylvandell n’étaient pas particulièrement amicaux envers les étrangers.

« C’est la raison pour laquelle on va encadrer cet étranger, intervint Tywill. Il me semble qu’on pourra amener Hodor, si ma chère demie-portion de fille n’y voit aucun inconvénient.
 -  Non, Père, je...
 -  À la bonne heure, foutredieu, pour une fois qu’elle me fait pas chier à faire sa mijaurée ! » s’exclama Tywill en donnant un grand coup sur la table.

Alice rougit jusqu’aux oreilles, et Tywill observa ses Commandeurs.

« Je vais m’en charger », finit par annoncer l’un d’eux en se levant.

C’était Kynarth, un Commandeur assez jeune, relativement poli et humble, qui, à ce qu’on en disait, en pinçait pour la Princesse. Kynarth s’était illustré sur le champ-de-bataille en affrontant, tout seul, de sauvages barbares dans des contrées glaciales. Il s’était battu vaillamment, au milieu de son escouade décimée, contre des ennemis maintes fois supérieurs en nombre. Les innombrables coups qu’il avait reçu l’avaient laissé pour mort, mais il avait été sauvé in extremis par des renforts ashnardiens, qui avaient pu profiter de sa diversion pour emboutir les barbares, et les occire, permettant ainsi de sauver un bastion ashnardien. D’origine sylvandine, Kynarth avait fait ses classes dans l’Empire, et avait fini par être nommé Commandeur, un immense honneur pour tout Sylvandin. Sa mère avait pleuré de joie lors de la cérémonie d’intronisation, et on disait qu’il avait eu une éjaculation précoce en étant dans la même pièce qu’Alice, le « Joyau de Sylvandell », pour la première fois de son existence. En réalité, comme beaucoup de jeunes hommes, Kynarth avait un béguin d’enfance pour la belle Princesse.

« Tu es sûr, mon p’tiot ? le nargua Tywill.
 -  Je connais très bien cette région, je suis né ici. Et puis, si Hodor est avec moi, on ne craint rien. »

Hodor était un demi-géant, simple d’esprit. Les Sylvandins l’avaient récupéré dans la forêt, il y a longtemps. Hagard, couvert de sang, il ne répétait qu’une seule chose, inlassablement : « hodor ». Comme c’était la seule chose qu’il disait, les Sylvandins avaient pris l’habitude de l’appeler ainsi : Hodor. Ne supportant pas les espaces clos, Hodor s’était lié d’admiration pour Alice, et était, depuis longtemps, son garde du corps. Son agoraphobie et sa claustrophobie empêchaient toutefois de conduire Hodor dans des endroits où il y avait trop de monde. Quand Hodor s’énervait, ce n’était pas beau à voir.

Ciri’ intervint alors, en s’avançant lentement.

« Je vais t’accompagner, Kynarth. Un peu de marche à pied me fera du bien. »

Devant le regard dubitatif de la tablée, elle haussa les épaules :

« Je ne toucherai pas à vos petits dragons, si ça peut vous rassurer. »

Tywill soupira.

« Soit. Vous constituerez un nombre bien suffisant, inutile d’amener plus de gardes. Je ne veux pas que les tribus pensent que nous venons les assiéger. Et... Si jamais vous trouvez des traces de Gregor, appelez-moi. Je ne remets pas en doute tes compétences, Kynarth, mais on ne peut pas combattre Gregor en étant seul. »

Kynarth hocha la tête. Humble, il comprenait. Il regarda brièvement Cirillia, et cette dernière esquissa un sourire, en comprenant que le blanc-bec devait aussi avoir le béguin pour elle.

*Ne me dites pas qu’il est puceau, Tywill ne le supporterait pas...*

Ciri’ voulait aussi sortir du palais pour ne pas rester indéfiniment avec l’un des récents gardes du corps d’Alice, un bel elfe nommé Melendil, tellement beau que Ciri’ avait été jusqu’à rêver de ses belles lèvres, et à ressentir un léger brin de jalousie en sachant qu’Alice passait de longues nuits avec lui. Mieux valait fuir les yeux romantiques de cet elfe et ses maudites lèvres tendres et charnues, ou Cirillia en perdrait son âme.

« J’vais dire à l’un des garçons d’aller chercher Sa Bonne Majesté, et de lui dire de déplacer ses miches à la Griffe. Vous l’attendrez là-bas. »

Kynarth hocha la tête. La Griffe était un petit château en hauteur. C’était plus un avant-poste qu’un château, et c’était, officiellement, la limite, la frontière entre Sylvandell et le Territoire des Dragons. C’était donc le meilleur endroit pour commencer à explorer le Territoire, d’autant plus que, parfois, on avait la chance de tomber sur des guides, et que, en toute matière, il y avait des cartes très complètes... Et des tonneaux de bières.
DC d’Alice Korvander.

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Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 6 lundi 09 décembre 2013, 03:05:37

Les nerfs du Roi ne semblaient pas sur le point de se calmer. Et il en avait plus qu’assez d’attendre qu’on lui donne les « renforts » dont il avait été question. Tywill lui avait manqué de respect, et non content de lui balancer des piques inutiles, il s’arrangeait pour déclencher des hostilités. Et lorsque le Roi avait envie de mettre un royaume à feu et à sang, il n’y avait qu’une chose pour lui rappeler que les victimes de la guerre n’étaient pas que les soldats et les militaires; les enfants aussi souffraient des batailles de leurs parents. Pour cette raison, le Roi décida d’aller se procurer quelques jouets et cadeaux pour enfants avec l’argent qu’il avait offert à Tywill, et malgré l’air agressif du marchand, celui-ci ne se sentait pas d’humeur à refuser des belles pièces sonnantes et trébuchantes, et il lui donna même un chariot pour transporter les biens nouvellement acquis que le Roi apporta avec lui vers un des orphelinats de la capitale. Dans un état aussi rude et militarisé que Sylvandell, et dans un empire où presque toutes les ressources sont concentrées sur l’Armée, il était rare de trouver des orphelinats, surtout que la plupart de enfants étaient rachetés par des nobles ou des militaires en recherche de main d’œuvre, mais Sylvandell étant un pays très reculé, même pour Ashnard, la conscription ne semblait pas s’appliquer aussi rigoureusement, et du coup, quelques orphelins de guerre et de malchance trouvaient un toit au-dessus de leur tête.

Une fois dans l’orphelinat, il se surprit de voir à quel point l’endroit était délabré, pour un établissement en plein cœur de la capitale. Constitué d’une seule et grande pièce mal isolée, le Roi se sentit légèrement fâché de voir que les enfants vivaient dans un débarras plus que dans une résidence temporaire. Deux gardiennes s’approchèrent alors de lui et lui demandèrent s’il était venu rencontrer un enfant en particulier, s’il comptait adopter ou s’il venait simplement regarder les enfants. Le Roi sembla les décevoir lorsqu’il leur dit qu’il ne pouvait pas adopter d’enfants, mais leur regard reprit une étincelle de bonne humeur lorsqu’il leur avoua qu’il avait une généreuse donation à faire pour l’orphelinat. Les deux vieilles dames réunirent les enfants, réveillant ceux qui étaient déjà couchés, et le Roi fit venir ses compagnons, les bras chargés de jouets et de nourritures. Les enfants semblèrent néanmoins montrer de la réserve, regardant le monarque avec circonspection, comme s’ils s’attendaient à ce qu’il leur fasse du mal. Après tout, n’était-il pas un ennemi de l’État? Sa tête était affichée dans les livres d’histoire, dans les légendes des vieilles guerres entre l’Empereur et le grand Royaume par-delà la mer? Mais pourtant, il ne semblait pas bien méchant. Plutôt que de s’approcher avec les cadeaux, il demanda à Alessa de déposer les présents devant les enfants, sans les leur donner directement, comme pour leur faire comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une dette, mais bien d’une offre sans arrière-pensée. Aucun petit n’osa bouger, mais bientôt, une gamine dans les environs de trois ans s’approcha d’une petite poupée de chiffon et s’en empara avec empressement, comme de peur qu’on la lui reprenne, et se retira un peu plus loin avec son jouet. Les autres suivirent son exemple et se penchèrent pour ramasser des jouets qui leur convenaient. Certains garçons choisirent des épées de bois, alors que d’autres s’emparèrent plutôt de vêtements propres, et les filles s’approprièrent simultanément des peignes et d’objet d’entretien corporels. En Meisa, les orphelins étaient pris en charge par le Roi lui-même, et ils devenaient les pupilles de Sa Majesté, obtenant des soins et une éducation plus qu’acceptables, à défaut d’avoir une famille, du coup, lorsqu’il visitait ces endroits, il pouvait un peu voir de quoi avait l’air le royaume.

Les enfants se mirent donc à jouer, et le Roi s’installa sur une chaise de la table à manger pour les observer. Une des gardiennes s’installa sur un siège à son côté et le dévisagea.

« Avez-vous des enfants, sire? Demanda-t-elle gentiment.
-Probablement plus que je ne le pense, admit-il, avec un brin d’embarras.
-Où sont-ils?
-Morts, pour la plupart. J’ai un fils illégitime en Meisa, mais je ne l’ai jamais vu grandir, bien que je lui ai donné du travail et qu’il me sert maintenant en tant que Conseiller.
-Vous aimez les enfants?
-On pourrait dire que je m’entends mieux avec un enfant de cinq ans qu’avec la plupart des adultes. Un enfant essaie de vous comprendre, et il a l’esprit ouvert, parce qu’il est conscient de sa propre ignorance, alors qu’un adulte pense tout savoir.
-Et vous?
-Probablement encore plus qu’eux, avoua-t-il dans un soupir. Mais je suis conscient de mes failles. Je n’ai pas la paresse de les laisser comme elles le sont. »

De ses nombreuses failles, sa grande connaissance le laissait croire par moment qu’il n’ignorait que très peu de choses, alors qu’il lui restait encore des millions de phénomènes sans explication à étudier et comprendre, et surtout, à sa grande tristesse, sa faiblesse auprès des femmes. La plupart du temps, il essaie d’ignorer les appels de la chair, mais parfois, il ne pouvait que céder aux promesses de chaleur et de tendresse qui faisait défaut à son univers particulièrement solitaire. Il ne comptait plus le nombre de charmantes assassins qui avaient tenté de se glisser dans son lit pour lui donner le coup fatal, et celui de celles qui rentrèrent chez elles physiquement satisfaites, mais horriblement humiliée quand, à la fin de l’acte, elles tentaient de le poignarder, sans succès. Et malheureusement, il ne comptait plus les femmes qui avaient, à un moment ou un autre, donné naissance à un enfant de lui. Tristement, lorsqu’il n’était pas présent pour subvenir au besoin d’énergie de l’enfant, qui se nourrissait avidement de celle de sa mère, la plupart de ces femmes ne survivaient pas à l’accouchement, tout comme l’enfant, ce qui ne lui laissait qu’une approximation du nombre d’enfants qu’il pourrait bien avoir.

La vieille dame semblait comprendre, hochant la tête avec un sourire sympathique. C’était agréable de pouvoir parler et de se sentir entendu. Le Roi était conscient de sa propre immaturité, et ce défaut semblait ne pas vouloir disparaitre avec les années; il restait toujours aussi énergique et fonceur que dans sa prime jeunesse. En contrepartie, néanmoins, il était également beaucoup plus conscient de ses actes que bien d’autres, incluant Tywill. « Je crois que je l’aime encore moins que Mordred » remarqua le monarque en se massant la nuque. Mordred, au moins, était foncièrement mauvais, et du coup, il ne se sentait nullement coupable de se servir des stratagèmes les plus vicieux pour le mettre en échec, mais Tywill?  Tywill n’était pas l’engeance d’un démon. Tywill avait une famille, une fille qu’il aimait sincèrement, bien qu’il ne semblait guère comprendre le concept d’aimer. S’ils étaient en guerre, le Roi serait bien capable de faire assassiner la jeune dame, ou même de le faire lui-même, s’il désirait une meilleure chance de réussite. À cette pensée, une image de Shunya lui vint en tête. Elle aussi, il aurait pu la tuer, et ainsi peut-être la sauver. Un frisson de dégout lui parcourut l’échine alors qu’il se rendait compte de sa propre inhumanité. Tuer des innocents pour arriver à ses fins, voilà les méthodes des tyrans et des démons, pas d’un Roi qui se pavanait sous le titre du Protecteur.

Après une heure, quelqu’un débarqua enfin dans l’orphelinat. Un messager. Il annonça au Roi qu’il était convoqué à la Griffe, mais le mauvais choix de mot lui attira un sourire menaçant de la part du monarque. Personne sur cette planète, pas même un Dieu, pouvait se vanter de pouvoir convoquer le Roi à sa guise. Le Roi se redressa alors de sa chaise et alors qu’il passait devant lui, le jeune homme sentit étrangement tous ses muscles inférieurs lui faire défaut, au point qu’à la simple proximité du Roi de Meisa, il sentit ses jambes trembler pour finalement le laisser s’effondrer sur le sol,  Le monarque poursuivit son passage sans lui accorder plus de considération, alors qu’Alessa se permit tout de même de lui écraser les noix sous son talon en lui intimant de se montrer beaucoup plus courtois à l’adresse des visiteurs de marque, car si Tywill pouvait se permettre une familiarité grossière, il n’allait certainement pas se laisser insulter par un jeune coq. L’homme croisa donc les mains dans son dos et se mit à marcher en direction de la Griffe. Pour avoir régulièrement regardé les cartes dessinées par ses espions et cartographes, il connaissait plutôt bien le territoire Sylvandin. Ses espions n’avaient, en fait, d’espion que le nom; il s’agissait surtout de collaborateurs; aucun de ses contacts ne s’aventurait à espionner les châteaux, car pour un homme comme Tywill, il avait l’impression que la torture n’était pas une pratique bannie, voire même appréciée.

Marchant seul sur le chemin menant à l’avant-poste, le Roi ne put s’empêcher de croire que les terres de Sylvandell ne semblaient pas très propices à l’agriculture. Montagneux, sans grand pré pour cultiver la terre, il lui semblait presque inconcevable que des êtres humains puissent vivre dans ces conditions, mais il pouvait mettre cela sur le compte de l’entêtement général Sylvandin; très attachés à leur héritage et à leurs dragons, ils refuseraient de considérer le déménagement même si l’occasion se présentait. Le Roi n’avait jamais visité la Griffe, même lors de ses quelques visites du temps du père et grand-père de Tywill, mais lorsqu’il la vit, là-haut, perché sur une falaise qui semblait prête à s’effondrer à tout moment, il eut un léger sentiment d’agacement. Il poussa un soupir et décida de ne pas considérer la chose comme une offense, se contentant de se hisser lentement le long du sentier qui menait vers le petit château.

« Les Sylvandins ne vous aideront pas, sire, vous savez?

Surpris par cette voix, qu’il ne reconnaissait que trop bien, il se retourna brusquement en tirant Ehredna de son fourreau. Le Chevalier se tenait là, les bras croisés, sans son casque. Il le dévisageait calmement, sans son arme, car il ne craignait rien et il le savait. Ne sentant aucune intention agressive venant de son rival, le Roi rengaina son épée, sachant que le temps de l’affrontement n’était pas encore arrivé.

« Que voulez-vous?
- Je ne fais que porter un message. Ou plutôt attirer votre attention dessus. »

Le Chevalier leva alors un doigt de sa main gantée et pointa vers le ciel. Malgré la clarté relative du jour, tout près du soleil, il brillait maintenant dans la voûte céleste un astre porteur de mauvais augure. « L’Étoile Sanglante? » s’étonna le Roi. L’Étoile Rouge, communément appelée l’Étoile Sanglante, n’était pas une étoile à proprement parlé. Bien qu’elle en ait effectivement l’apparence, il ne s’agissait pas d’un astre, mais d’une lueur intense causée par le contact entre le monde des morts et celui des vivants. Les conséquences de ce contact n’étaient pas immédiates, car le contact ne se produisait pas nécessairement dans le ciel de la planète, mais cette étoile annonçait deux choses bien inquiétantes; la première qu’une menace imminente était en route, et la seconde que des changements drastiques et prochains allaient se produire dans peu de temps.

« Qu’avez-vous fait? L’interrogea le Roi sur un ton accusateur. Est-ce vous qui l’avez invoquée?
- Lorsque l’Innocente sera entre les griffes du Mal, Roi des Gardiens et Roi des Dragons verront leurs peuples disparaître à l’arrivée de la Calamité lorsque brillera au firmament l’Étoile des Présages. La Messagère fera venir de l’Outremonde la Championne, et marquera de ce jour le commencement de l’Anéantissement. récita le Chevalier d’une voix monotone. Telle fut la prédiction de Jekhelv le Puissant. Ma Dame m’envoie également vous informer que dans trois jours à compter de maintenant, à cette heure précise, nous serons prêts, et que nous vous attendrons sur le champ de bataille.

Sur ces mots, le Chevalier salua le Roi d’un coup sur son plastron, à l’endroit de son cœur, et se détourna avant de disparaître dans un éclair de lumière bleutée. Le Roi le regarda faire, ne faisant pas un geste pour le suivre ou l’arrêter. Il ne put s’empêcher d’essayer de retracer la trace de magie laissée par le Chevalier lorsqu’il disparut, mais cet homme avait déjà réussi à brouiller les pistes; plutôt que son repère, le Roi entraperçut des plaines florissantes, avant que le tunnel magique se referme d’un coup brusque. Le Chevalier était aussi doué que lui. Malgré lui, le défi de combattre un égal lui arracha un sourire de satisfaction, ce qui le poussa à passer rapidement une main sur son visage pour en chasser cette grimace plaisante. Le monde était en crise et lui, il était content. Il avait même hâte de voir la fin de ces intrigues. Mais une nouvelle fois, le visage de Shunya lui apparut brièvement. Cette fois, il perdit bien son sourire, qui se remplaça par une franche inquiétude. Il supplia secrètement la jeune femme d’être saine et sauve. Ou sauve. Oui, sauve, ce serait déjà bien.

Lorsqu’il arriva devant le commando envoyé par le Roi de Sylvandell, il n’était pas au meilleur de son humeur, et la tension était palpable. Il avait compris que pour les Sylvandins, la gentillesse et la politesse n’étaient que des démonstrations de faiblesse, aussi se débarrassa-t-il de son manteau de bonté pour revêtir celui de la plus profonde froideur. Il déboucla le fourreau de son épée de sa ceinture et la positionna pointe vers le sol pour s’appuyer dessus, son regard parcourant les trois membres de cette nouvelle équipe. Un soldat, une duelliste et un demi-sang de Géant. Il était encore loin du quatuor qu’il avait formé avec Mélisende la Sorcière, Chaos au bras infaillible et la petite voleuse Mégane, mais au moins, ils étaient quatre.

« J’imagine que vous êtes déjà au courant de qui je suis, dit-il directement. On m’a demandé de venir ici pour rencontrer ceux qui m’accompagneraient pendant mon enquête et qui me guideraient dans les montagnes. Êtes-vous ceux dont il s’agit? »

Cirillia

Humain(e)

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 7 mardi 10 décembre 2013, 01:19:35

La route vers la Griffe n’était pas une route que Cirillia appréciait beaucoup. Elle serpentait le long de la montagne, et vous amenait à croiser des dragons, qui volaient parfois de très près. Or, Ciri’ aimait relativement peu les dragons. Voire même pas du tout. Elle s’avança donc, pressant le mouvement, Kynarth derrière elle. Le jeune Commandeur était visiblement fier d’accomplir une mission pour Sylvandell, mais Ciri’ se doutait aussi qu’il avait des hormones. L’amoureux transi de la Princesse de Sylvandell semblait aussi apprécier l’idée de faire route avec Cirillia. Ils s’étaient battus ensemble à plusieurs reprises, à l’entraînement. Kynarth avait un style de combat très académique, manquant encore de cette fluidité qui caractérisait les bretteurs d’expérience. Pour autant, il était adroit, et endurci. La plupart des feintes de Ciri’ ne l’avaient pas eu, et, quand il se battait, Kynarth perdait cette espèce de timidité naturelle qui semblait le caractériser face aux femmes. C’était un combattant valeureux et redoutable. Qu’il ait choisi de se porter volontaire était une bonne initiative, car ce serait pour lui l’occasion d’acquérir un peu d’expérience. D’aucuns auraient sans doute pu trouver la décision de Tywill assez souple, mais les Commandeurs étaient tous des hommes de confiance, et, de manière plus générale, Tywill ne pensait pas vraiment qu’il y avait une menace pesant sur son royaume. Le dragon d’Or les protégeait, et, tant que ses immenses ailes continuaient à flotter dans le ciel, Sylvandell ne craignait rien.

Ciri’, quant à elle, était soulagée de ne plus croiser les beaux yeux bleus de Melendil. Avoir le béguin pour quelqu’un... Ridicule, clairement. Elle avait l’impression d’être la farce d’un de ces stupides contes pour adolescents sur le pouvoir de l’amour. Cirillia n’était pas vraiment le genre de femmes qui croyaient à ces fadaises et à ces fariboles. Elle croyait à l’acier, elle croyait en son armure, en son arbalète. Le reste était sans importance. C’était d’ailleurs son armure qu’elle portait, alors que le duo rejoignait ce sinistre poste-frontière que constituait la Griffe. Un endroit assez sobre, qui se composait d’une grande pièce menant à une terrasse, et à des chambres en hauteur, ainsi qu’à une armurerie sommaire. Le duo le rejoignit assez rapidement, et saluèrent les gardes en faction. La Griffe comprenait généralement toujours une garnison, et on leur expliqua qu’il y avait, fort heureusement, un guide : le sage et fort respectable Nyoron.

La région de Sylvandell comprenait, outre le royaume lui-même et le Territoire des Dragons, plusieurs petites tribus isolées. Partiellement autonomes, elles étaient rattachées à Sylvandell, et avaient généralement pour objectif de surveiller l’activité dans la région. Ces tribus préexistaient à la création de Sylvandell, et, d’après la légende du Premier Roi, les tribus avaient aidé Erwan et les premiers Rois à bâtir Sylvandell. La Griffe était le lieu où ils venaient déposer des biens, et en récupérer d’autres. Il ne viendrait jamais à l’esprit des Sylvandins d’aller les chasser. Ils connaissaient cette région comme leur poche, bien mieux que les Sylvandins eux-mêmes, et étaient les principales barrières contre les flux de migrants cherchant à entrer clandestinement à Sylvandell.

« Il reste donc juste à attendre le Roi de Meisa, commenta Kynarth.
 -  Ouaip.
 -  Je vais aller m’entretenir avec Nyoron, voir s’il ne serait pas au courant d’activités suspectes dans les montagnes. »

Cirillia hocha la tête. Plusieurs gardes jouaient au poker, mais elle se rendit vers la terrasse... Où des gardes jouaient à des jeux plus physiques, plus intéressants : un entraînement musclé sur la base de paris.

*Voilà qui me parle mieux !*

Cirillia se rapprocha, et entreprit de défaire son armure, finissant dans son pantalon en cuir avec son corset. Elle se frotta les poings, puis entra en piste. Kynarth, quant à lui, entreprit de dialoguer un brin avec Nyoron.

« Un Roi, hein ? Rien que ça ? Ma foi, si les étrangers ont envie de visiter notre région… »

Nyoron n’était pas opposé à l’idée de guider un Roi dans les profondeurs des montagnes. En revanche, il n’était pas au courant d’une quelconque activité, mais avait entendu parler, au village, de problèmes. Du gibier en moins, des histoires comme ça. Les gens de la tribu soupçonnaient le froid ambiant, mais Nyoron n’en savait pas plus. Il était guide, après tout, pas chasseur, et son rôle était de vérifier que les chemins étaient toujours praticables, que les ponts ne s’étaient pas brisés, et qu’on pouvait continuer à se promener sereinement dans la montagne. Nyoron et Kynarth finirent par se pencher sur une carte très précisé de la région, et Nyoron indiqua la destination à prendre, la trajectoire.

Cirillia venait de rétamer le second garde quand le Roi finit par arriver, avec ses hommes. Hodor était dans son coin, silencieux, jouant avec ses doigts, répétant de temps en temps « hodor », « hodor », « hodor »...

Le Roi se salua, et Kynarth hocha la tête.

« Enchanté, Roi de Meisa. Je suis le Commandeur Kynarth. Voici Hodor, le demi-géant qui nous accompagnera, Nyoron, notre guide, et Cirillia, qui est en train de s’occuper sur la terrasse. Nyoron et moi inspections le trajet à prendre sur cette carte. »

De la tête, Nyoron salua rapidement le Roi.

« Comme je l’ai dit, les routes sont sûres, mais, vu le nombre que nous serons, il faut s’attendre à ce que des monstres nous tombent dessus.
 -  Ça tombe bien, j’avais justement besoin d’un peu d’échauffement. »

L’homme observa le Roi.

« Vous avez des questions avant le départ ? Il y en a pour un ou deux jours avant de rejoindre la tribu. Il y a des refuges un peu partout, nous nous reposerons sur place. »

Kynarth se tut en entendant le mouvement rapide d’un dragon. Il survola de très près le toit de la Griffe, le bruit de ses ailes se répercutant dans tout le modeste poste-frontière.
DC d’Alice Korvander.

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Serenos I Aeslingr

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Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 8 lundi 23 décembre 2013, 04:41:22

« Les monstres seront bien le moindre de nos problèmes lors de notre traversée. »

Contrairement à ce qu’il aurait pu s’attendre de ses nouveaux compagnons, il ne se confronta pas à un rassemblement de miniatures de Tywill, arrogantes et insolentes, aussi le Roi sentit un nœud dans ses épaules se dénouer doucement, lui permettant de relâcher quelques muscles douloureux. Le jeune Commandeur prit même la peine de présenter ses compagnons et lui-même. Il salua le Commandeur plus sincèrement, puis se tourna vers le semi-géant pour lui présenter sa main. Le jeune géant hésita un moment, mais le regard insistant de son interlocuteur eut raison de sa réserve et il lui serra la main avec une poigne qui aurait brisé les os d’une personne normale en le temps de le dire. Un faible sourire apparut sur les lèvres du Roi, qui connaissait beaucoup de personnes qui, comme Hodor, ne pouvait que se réduire à quelques formes de communications à cause de leur simplicité d’esprit, puis il relâcha la main d’Hodor (ou plutôt s’en extirpa) avant de se tourner vers Nyoron. Cette homme le frappa surtout par son étrange ressemblance avec son propre père Darimon Sombrechant; des cheveux encore bien garnis, une bonne barbe, une posture encore droite malgré le poids des âges, un regard vif et malin. Il serra la main de l’homme en le regardant droit dans les yeux, visiblement étonné, avant de se secouer mentalement et s’autoriser un sourire plus agréable.

Il reprit sa place par la suite et regarda les personnes présentes.

« Je vous remercie de votre présence. Je dois cependant vous informer que je ne crois pas que les monstres communs en Sylvandell seront nos seuls problèmes pendant cette traversée. »

Le Roi inspecta rapidement la pièce et aperçut un banc non loin. Il s’éloigna un moment pour aller en faire l’acquisition et revint pour pouvoir s’y installer; avec cette longue marche, il avait mal aux jambes et il ne voulait pas rester debout plus longtemps car il savait que ses explications seraient plutôt longues.

« Avant d’arriver ici, j’ai reçu des informations venant d’une source plus ou moins fiable. Savez-vous qui est Althenos? »

Sachant qu’ils ne répondraient pas, car Althenos était une divinité propre à une race qu’aucun citoyen de Sylvandell avait bien pu entendre parler, le Roi ne les laissa même pas le temps d’y penser.

« Nous n’avons pas de divinité en Meisa. À la place, nous avons deux Êtres Originaux, des Créateurs, qui incarnent un concept bien défini. Althenos est le concept de la Mort, de la Destruction et du Renouveau sous forme astrale, ou un dieu. Il serait chez vous probablement connu comme « l’Oeil Aveugle », « Celui qui Voit dans l’Ombre » ou même « l’Inconnu ». Il fut l’instigateur d’un instant précis de l’histoire où le monde fut « nettoyé» de ses êtres vivants, ou du moins d’une grande partie. La plupart des religions en parlent comme le Déluge, mais je l’appelle la Purge. Dans notre histoire, une purge s’est produite, il y a très longtemps, à l’époque où toutes les races connus n’étaient encore qu’une petite poignée des habitants de ce monde. Pendant des décennies, les troupes d’Althenos, guidées par Jekhelv, dit le Roi Noir, ont harcelés les membres de la Première Race et les autres participants de la Résistance. Elle a été finalement évitée grâce aux actes héroïques commis par Uther, le tout premier Roi des Hommes. Il y a peu, suite à la Guerre des Trônes où nombre d’atrocités magiques et militaires ont été perpétrées, une seconde Purge a été lancée, mais grâce à une certaine compagnie de héros, Althenos a dû reporter ses plans à plus tard, car son commandant en chef a été prématurément renvoyé dans le monde des Morts, son domaine. »

Il regarda les trois membres présents de sa nouvelle compagnie, certains qu’ils ne l’écoutaient que d’une oreille; qui aimait les cours d’histoire qui relevaient plus du conte épique que de faits vérifiables? Cependant, après une telle introduction, il serait insatisfaisant qu’il se taise de suite. Il prit donc une nouvelle inspiration puis recommença à parler.

« L’Étoile des Présages est apparue, enchaina-t-il en faisant machinalement coulisser Ehredna dans son fourreau. Vous la verrez lorsque vous sortirez du château. À l’image d’une étoile à souhait, l’Étoile réalise la plupart des légendes folkloriques sillonnant le monde. Une fois qu’elle apparaît, l’Ogre des Collines descend pour dévorer les enfants dans leur lit s’ils ne sont pas couchés avant la tombée de la nuit, des vieilles sorcières apparaissent dans les bois et s’attaquent aux voyageurs égarés, les Sirènes charment les marins et provoquent les naufrages et la noyade des voyageurs de la mer et passer sous une échelle peut effectivement vous porter la poisse. Une poisse mortelle. »

Il se redressa enfin et fit disparaître le canapé avant de remettre Ehredna à sa taille et de réajuster son manteau sur ses épaules, posant son capuchon sur sa tête. Le pire, dans cette histoire, c’était que pour garder les enfants en laisse, beaucoup de parents transmettaient volontairement des contes et légendes à ceux-ci pour se faciliter la vie, et finalement, la peur qu’ils cultivent en eux risque de causer leur décès. Lors de la première apparition de l’Étoile Sanglante, le Roi lui-même avait été confronté à un Dévoreur des contes de son enfance, une créature particulièrement vicieuse qui avait une apparence bien innocente, mais qui se nourrissait avec  voracité de la magie de n’importe quel mage à proximité, et puisqu’il s’agissait d’une créature agréable, il était d’autant plus difficile de se décider à la tuer.

« Plus les légendes sont répandues et répétées, plus les atrocités de l’Étoile se multiplient et deviennent plus dangereuses.

Sur ces mots, le Roi regarda le guide.

« Avant de partir, connaîtriez-vous un érudit connaissant quoi que ce soit au sujet du Roi Cramoisi? Aussi, j’aimerais savoir si ceci vous évoque quelque chose. »

Le Roi glissa alors une main dans son manteau et fouilla à sa ceinture une des nombreuses poches qui contenaient ses quelques effets personnels, et il en tira un morceau de tissu qu’il présenta par la suite au guide. Il s’agissait du message que Wallin lui avait laissé avant d’être enseveli sous les débris des galeries sous la Crypte. O-NLPR-E. Il avait passé des semaines à réfléchir sur la signification de ce message, mais rien ne lui venait, malgré son grand savoir. Il avait même parcouru la liste complète des codes militaires nexiens, mais il n’y avait rien qui pouvait l’aiguiller. Il espérait qu’un érudit sylvandin pourrait le guider, mais malheureusement, il n’en connaissait personnellement aucun. Les rares sylvandins étaient qu’il avait croisé étaient soit assez vieux pour lui reprocher la perte d’un parent ou assez jeunes pour avoir entendu d’horribles histoires à son sujet. Les conteurs avaient la fâcheuse habitude d’exagérer les histoires et transformer même les victimes en terribles monstres qu’il fallait éradiquer. Ainsi, plutôt qu’un monarque habile à défendre son Royaume, Kah’mui était devenu un tyran sanguinaire qui maintenait son peuple en esclavage, qui s’appropriait de terribles armes magiques pour agresser les membres de l’Empire. Des foutaises, bien entendu. À l’exception peut-être des armes magiques; les reliques Ashanshas étaient, selon le Roi, beaucoup trop dangereuses pour être laissées entre les mains de créatures sujettes à la guerre de procuration. Quoi qu’un bon conteur pourrait facilement transformer la peste de Meisa en punition divine contre un peuple impie, ce qui lui rapporterait certainement beaucoup de pièces d’argent.

Cirillia

Humain(e)

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 9 mardi 24 décembre 2013, 02:28:38

Avant d’y aller, le Roi de Meisa crut bon de divertir ses hôtes en leur racontant une histoire concernant Althenos et l’Étoile des Présages. Bras croisés, Kynarth écoutait ce qui ressemblait à un assemblage de contes pour enfants. Où voulait-il en venir ? Tout ce que Kynarth retint fut que le Roi était une personne superstitieuse. Kynarth ne croyait pas aux présages, ni aux divinations, ou aux incantations. Les hommes forgeaient leurs destinées eux-mêmes, et, quand bien même ils étaient prédestinés à devenir quelque chose, ils conservaient toujours leur libre-arbitre. Dès lors qu’un individu avait la possibilité d’avoir le choix, un présage n’était rien de plus qu’une coïncidence. Il n’y avait pas lieu d’y prêter foi, d’y accorder la moindre importance. Kynarth interpréta ce monologue comme une manière de leur dire de se méfier... Ce en quoi Kynarth comptait, de toute façon, s’y employer. Si Gregor se trouvait bel et bien dans les montagnes, alors il avait intérêt à redoubler de prudence. Nyoron, de son côté, restait silencieux. Kynarth avait du mal à l’imaginer superstitieux.

Kah’mui leur demanda ensuite s’ils savaient des choses au sujet du Roi Cramoisi, et leur présenta ensuite un mot... Ou, plutôt, quelque chose qui ressemblait à un mot : O-NLPR-E. Kynarth allait dire quelque chose lorsque Cirillia se rapprocha du groupe.

« Alors, les gars, on y va, ou vous comptez vous astiquer le poireau en matant mon cul ? »

Hodor restait dans son coin, essayant visiblement de compter ses doigts, ou de dessiner avec eux des figures dans le ciel. Kynarth résuma brièvement à Ciri’ ce que Kah’mui avait dit, mais Cirillia manifesta son vif intérêt en s’asseyant sur une chaise à côté, plantant ses pieds sur la table.

« Appelez-moi quand vous aurez fini de discuter comme des grands-mères acariâtres. »

Kynarth esquissa un léger sourire, sans rien dire, puis reporta son attention vers le Roi de Meisa.

« Le Roi Cramoisi... Ce n’est pas un mot à prononcer à la légère en Ashnard, vous savez. Il n’est pas étonnant que vous ne connaissiez pas cette histoire, l’Empire n’aime guère en parler. Le Roi Cramoisi était jadis un Empereur. Un Empereur fou qui a transformé la capitale en un bourbier infâme, torturant, tuant, massacrant n’importe qui, instaurant un régime paranoïaque et totalitaire. Il dilapidait le trésor de guerre et l’armée impériale en organisant des expéditions dans les quatre coins du monde, à la recherche d’artefacts magiques. »

L’Aballah, comme l’expliqua Kynarth, avait été à l’origine d’une guerre civile visant à le destituer. Les Sylvandins avaient soutenu les insurgés dans la guerre contre le Roi Cramoisi. Elle avait résulté par l’exil du Roi Cramoisi dans ses terres natales, qu’on appelait désormais les Malterres de la Discorde, et qui se situaient à l’extrémité de l’Empire.

« Je ne saurais que trop vous déconseiller cet endroit pour vos vacances, Seigneur Kah’mui, poursuivit Kynarth. Le Roi Cramoisi y rôde, et l’Empire, à plusieurs reprises, a organisé des croisades pour l’achever. Elles ont toutes échoué. Le Roi se terre dans son château, le Casse-Roi russe, et n’y tolère aucun étranger. Les Malterres sont un endroit sinistre, près du sentier menant au Mont Olympe. Vous qui êtes amateurs de légende, je suppose que vous connaissez celle-ci, n’est-ce pas ? L’endroit le plus hostile de tout Terra, où les monstres les plus rudes errent... On dit que quiconque réussit à traverser ces terres arrive aux pieds de l’Olympe, où des temples d’éternel beauté l’attendent, et que, s’il réussit à s’en extirper, et à gravir le mont Olympe, il côtoiera les Dieux. Gare à ne pas se tromper de chemin, ou, faute de Dieu, c’est le Roi fou qui vous accueillera. »

D’autres légendes affirmaient que le Roi Cramoisi veillait sur son trésor, une tour magique... Mais Kynarth n’y croyait pas trop. Le Roi Cramoisi était un sorcier qui, terré dans son château, s’était isolé du monde, après avoir été chassé. Il n’y avait rien de plus à en tirer. Un jour viendrait où il finirait par périr.

« Quant à votre énigme... Navré, ça ne me dit rien. Si vous voulez vous adresser à un érudit, c’est à la cathédrale de Sylvandell qu’il faut s’adresser. Vous avez remarqué la colonne de feu verte qui brille dans le ciel en vous approchant ? C’est le Feu de la Cathédrale. L’Omniprêtre, voilà à qui vous devez vous adresser. Ce vieil elfe est le chef de notre clergé, et, accessoirement, existait à la fondation de Sylvandell. »

Nyoron se mit alors à grogner.

« Bon. Je ne voudrais pas vous presser, mais, si on ne veut pas se geler les miches dehors en avançant dans la montagne, il vaudrait mieux se dépêcher. »

Kynarth hocha silencieusement la tête à l’attention de Nyoron.

« Pourquoi ces histoires vous intéressent-il ? Quel rapport avec cet... Althenos, ou cette étoile ? »
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Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 10 dimanche 29 décembre 2013, 18:12:32

S’il n’avait pas été confronté à Kyrian, le Roi aurait pu croire que son homologue cramoisi était l’autre partie de son âme, égarée lors de sa venue au monde, car ils étaient tellement différents qu’ils semblaient avoir vécu la vie de l’autre dans un miroir. Le Roi avait écouté le jeune Commandeur parler avec attention, se tenant le menton entre le pouce et l’index, visiblement songeur. Le Roi Cramoisi n’était pour lui qu’un vieux souvenir du temps où il n’était qu’un jeune coq en amour avec l’aventure, mais il n’avait pas vraiment pu participer à cette révolution, car des affaires pressantes gardaient son attention rivée sur le Continent Inconnu; la Rébellion venait d’attirer les Arans dans un assaut inutile alors que ses troupes, pendant son temps en tant que Général de l’Armée Corvenienne, les prenaient à revers à grands tirs de flèches et de sortilèges de type mortier.

Ce qui le chiffonnait davantage, c’était les histoires de recherches d’artéfacts. Il n’était pas nécessairement au courant de la situation psychologique du tyran, mais quelque chose lui disait que pour un exclu de la descendance Ashansha, il était rare qu’une personne soit assez folle pour partir à la recherche des objets de puissance; surtout parce que les rares possesseurs de l’Héritage prenaient eux-mêmes des années à développer la capacité de ressentir les traces d’ancienne magie, et que pour les simples humains, c’était une tâche à la limite de l’impossible. Si quelqu’un était aussi désespéré à trouver les reliques, c’est qu’il était au courant de quelque chose et qu’il devait craindre que quelqu’un apte à s’en servir ne les utilise contre lui. Kah’mui lui-même recherchait ces objets, parfois légendaires comme Gungnir la Lance d’Odin, mais il les recherchait seul. Sur quelques dizaines d’objet, il en avait déjà récupéré une demi-douzaine, en comptant Eglendal et Ehredna.

À la fin du discours du jeune homme, le Roi avait retenu plusieurs informations, mais une seule lui semblait avoir une véritable importance pour le moment; l’Omniprêtre. La réputation du chef de l’étrange culte que vouaient les Sylvandins aux Dragons d’Or était pour la plupart digne de louanges; grand sage et conseiller éclairé de la cour de Sylvandell, il aurait été l’un des compagnons d’Erwan Korvander du temps de sa conquête du Royaume et depuis un fidèle ami de la famille royale. Hormis Nahayiel, l’énorme Dragon Noir de Meisa, le Roi ne pouvait se vanter d’avoir un allié particulièrement fidèle à sa lignée, qui d’ailleurs s’était plutôt dispersée depuis la fondation du Royaume. Il avait pensé consulter l’Elfe de Sylvandell au départ, mais il ne savait pas où le trouver, et puisque Tywill s’était fait une joie de le faire sortir de ses gonds, il n’avait pas trouvé en lui l’énergie nécessaire à lui demander la position du sage. Il s’apprêta à interroger le commandeur quand celui-ci le devança d’une nouvelle question.

« Pourquoi ces histoires vous intéressent-il ? demanda le jeune commandeur. Quel rapport avec cet... Althenos, ou cette étoile ?
- Pourquoi me poser des questions alors que vous savez que la réponse ne vous semblera pas crédible, Commandeur Kynarth?

Aucun signe qu’il puisse être en train de chercher à l’offenser ne se glissa dans son ton de voix. À la place, un sourire chaleureux se trouvait sur le visage du monarque. Kynarth démontrait un raisonnement plus qu’acceptable et un respect suffisant pour satisfaire le Roi, qui lui trouvait même un certain côté sympathique, mais son incrédulité risquait de lui coûter la vie

« Mais puisque cela vous intéresse; si l’Étoile est dans le ciel, je commence à me dire que l’arrivée de la Sorcière, la Peste en Meisa, l’implication des fanatiques du Roi Cramoisi dans les événements ont probablement tous un lien. Je n’ai pas encore toutes les informations pour confirmer mes théories, mais quelque chose à très grande échelle se prépare, et cette chose ne fera aucune distinction entre les nations, les races, l’âge ou le sexe. »

Il était fin prêt à partir; tout avait plus ou moins été dit, et pour ce qui restait à clarifier, ils pourraient discuter en route. Il comprenait qu’aucun de ces braves gens ne croient ses paroles, et il ne leur demandait pas leur compréhension; il avait besoin de leurs armes et de leurs cerveaux, de leurs connaissances. Le reste viendrait bien assez tôt. Il demanda à Nyoron s’il était possible d’ajouter un détour de dernière minute à leur trajet; il aimerait rencontrer l’Omniprêtre dont parlait le jeune Commandeur, et lui poser quelques questions. En tant qu’Immortel, il se doutait que cet Elfe avait déjà eu vent de sa venue; ceux qui comme lui bravaient le temps tendaient plus attentivement les oreilles lors de la venue de certaines personnes dans les environs. Il sentit quelque part dans un coin de son esprit une subite excitation; si l’Omniprêtre pouvait confirmer ses soupçons, il pourrait déjouer les plans de son ancienne épouse avant que celle-ci ne puisse réaliser ses plans, et la simple idée de réussir à lui voler dans les plumes le motivait; cette femme, autant en stratégie qu’en diplomatie, était l’une des rares personnes à pouvoir se vanter de supplanter les capacités du Roi de Meisa. L’idée de la vaincre lui donnait davantage l’envie de réussir.

Il adressa alors un regard à Cirillia. Elle était probablement le genre de femmes à avoir du mal à se faire des amies de son sexe en dehors de ses comparses militaires faute d’une personnalité plus féminine, mais dans son regard, il pouvait voir une femme en qui il pouvait avoir confiance. C’était peut-être son instinct d’ancien vagabond qui parlait, mais en cas de pépin, elle serait probablement l’une des rares personnes à qui il se sentirait confortable de confier ses arrières, alors qu’il ne la connaissait pas du tout, quoi que quelque chose dans ses traits lui rappelait quelqu’un, mais il ne pouvait dire qui; sa tête était tellement remplie d’informations qu’il en oubliait parfois quelques-unes. Alors qu’il passait à son côté, il répondit à la perche monumentale qu’elle avait pris soin de lui tendre avant son arrivée.

 « Votre offre est tentante, mais on s’en reparlera une autre fois, si le cœur vous en dit. En route, maintenant. »

Il n’était pas tout à fait au courant de la position des Sylvandins vis-à-vis de sa propre situation; combien exactement savaient qu’il était certainement plus vieux que leur arrières-arrières-arrières-grands-parents? Du coup, il avait été un peu pincé quand elle l’avait traité de grand-mère acariâtre. C’était une blague, il n’en doutait pas un instant, mais comme chaque fois que quelqu’un soulignait, volontairement ou pas, son complexe d’immortalité, il se sentit prendre à nouveau un coup de vieux. Finalement, en compagnie de Nyoron, il se dirigea vers la porte et ils quittèrent enfin la griffe.

Une Fois La Nuit Tombée

« Bon, inutile de se faire de faux espoirs; nous n’irons pas plus loin ce soir. »

C’était Serenos qui avait parlé. Traverser les montagnes à la nuit tombée était une erreur que beaucoup de voyageurs regrettaient une fois qu’ils l’avaient faite. Aucun membre de la compagnie n’était réellement épuisé, puisque ce n’était qu’une petite marche par rapport aux longs et pénibles déplacements de troupe militaire. Néanmoins, ils n’étaient pas au bout de leurs peines pour autant, car devant leur maigre progression de la journée, puisqu’ils étaient partis en retard par rapport à son échéance, ils allaient devoir accélérer le pas dès le petit matin pour pouvoir rattraper leur retard. En retirant cette journée du compte, il avait encore trois jours pour trouver la sorcière et prévenir les atrocités qu’elle manigançait. Entretemps, il devait comprendre la signification du message de Wallin, en espérant que ce mercenaire ne lui ait pas fait une dernière farce avant de mourir, et il était donc impératif qu’il rencontre l’Omniprêtre. Si Sylvandell était concernée et que Wallin était sur la même longueur d’onde que lui alors qu’il voyait sa dernière heure arriver, il n’y avait aucun doute possible; s’il y avait une seule personne en Sylvandell capable de comprendre ce message, c’était ce vieil Elfe. Peut-être que Wallin avait trouvé quelque chose qui leur assurerait un pas vers la victoire. Ou alors peut-être mettait-il trop de foi dans ce message et qu’au final, il faisait fausse route depuis le début; peut-être devrait-il délaisser ce message et ne rien en faire. Il ne pouvait s’empêcher de douter du mercenaire qu’il n’avait rencontré que trop brièvement pour pouvoir lui faire entièrement confiance, à lui ou à son jugement.

Le Roi n’emportait jamais rien avec lui. Ni tente ni couverture. À la place, il chercha un arbre avec de bonnes grosses racines près du lieu de campement pour ne pas se retrouver à l’écart et s’installa au creux de celles-ci, s’emmitouflant confortablement dans son manteau. Alors qu’il s’installait, il aperçut une nouvelle fois du coin de l’œil l’Étoile des Présages et il maugréa quelque chose qui s’étouffa dans son manteau avant de lui tourner le dos, mécontent, et de regarder les autres membres de sa compagnie. Hodor était de loin le moins encombrant de la compagnie; fort et beaucoup plus endurant que les humains, le géant portait les bagages du groupe aussi aisément que s’il ne s’agissait que d’oreillers de plumes. Nyoron pour sa part avait un sens de l’orientation et une mémoire impeccable, ce qui était quand même deux qualités requises lorsqu’on était guide, et il ne s’inquiétait pas de se perdre, même en territoire inconnu. Cirillia et Kynarth ne lui parlaient pas beaucoup, certainement parce que lui-même ne faisait la causette qu’avec Nyoron, mais ils lui semblaient digne de confiance, et la perspective de se retrouver face à des monstres ne semblait même pas les rendre anxieux le moins du monde.

« Je n’ai pas eu la chance de vous le demander… mais pourquoi avez-vous accepté de m’accompagner? Je ne crois pas que le Roi Tywill vous ait tordu le bras, sinon vous auriez été beaucoup plus désagréables, donc, j’en déduis que vous avez accepté de votre plein gré. »

[Je propose un assaut nocturne de monstres ou de Gregor, si tu veux o/]

Cirillia

Humain(e)

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 11 mardi 31 décembre 2013, 01:59:15

L’eschatologie n’était pas un discours auquel Kytharn adhérait. Si on s’en référait aux prophètes, le monde aurait du disparaître depuis quelques milliers d’années. Or, force était de constater que cette bonne vieille Terra tournait toujours, et qu’elle ne risquait rien. Il ne dit rien suite à la remarque de Kah’mui, restant silencieux. Chacun avait le droit d’avoir ses propres opinions, après tout, et lui n’était pas venu ici pour débattre de la Fin des Temps. Le Roi se tourna vers Nyoron, afin de discuter de la possibilité de faire un détour pour aller voir l’Omniprêtre... Ce que ce dernier rejeta assez rapidement.

« Vous voudriez peut-être aller faire des emplettes à Nexus après ? rétorqua-t-il. Je m’en vais dans la minute, le trajet est long, et il nous faut rejoindre un refuge avant la nuit. »

Kytharn ne dit rien. Le Roi verrait l’Omniprêtre en revenant de son périple, on ne pouvait effectivement pas se permettre d’attendre plus longtemps. Il fallait y aller, et la route, effectivement, était longue. Dangereuse, serpentée, et délicate. Il s’avança vers la sortie. Cirillia, elle, jouait avec un couteau, le faisant tournoyer entre ses doigts, en attendant que le groupe démarre. Il fallait bien reconnaître que la parlotte la fatiguait, surtout si c’était pour parler d’astres, ou de conneries du genre. La remarque du Roi la fit sourire. Ciri’ planta ensuite le couteau dans l’écorce de la table, puis se releva.

Le groupe se mit ainsi en marche, Nyoron en tête. Hodor fermait la marche, les mains jointes dans son dos, ou pendant le long de son corps. Ils se retrouvèrent rapidement à longer un précipice vertigineux et gigantesque. Ils avançaient sur le flanc de la montagne, sur un sentier escarpé. C’était la route où on balançait généralement les plus terribles criminels sylvandins. Ils étaient enfermés dans des cages austères, et les corbeaux venaient lentement les dévorer, les cages pendouillant dans le vide. C’était le sort qu’on réservait aux traîtres. À droite, la roche ; à gauche, une vue improbable sur la chaîne de montagnes, qui s’étendait au loin, avec un ravin gargantuesque entre les deux. C’était ici, dans ce ravin, que le fleuve de Sylvandell prenait sa source. Il y avait ainsi un énorme lac, le lac de Sylvandell. L’eau avoisinait les 0° Celsius, toutes saisons confondues, rendant toute baignade improbable. Plusieurs dragons volaient paisiblement, et le soleil était haut dans le ciel.

Ils longèrent ensuite une forêt, à la lisière du Territoire des Dragons, pour rejoindre une grande plaine. Les paysages étaient magnifiques ici, même Ciri’ devait bien le reconnaître. Elle était toutefois nerveusement braquée sur les dragons. Elle avait rejoint Sylvandell en essayant de tuer l’un d’entre eux, après tout. Ce n’était pas le genre de choses qu’on pardonnait aisément, et son traumatisme d’enfance lui revenait fréquemment à la figure. Quand les dragons se rapprochaient de trop près, elle portait la main à la garde de ses épées, prête à agir. Un réflexe idiot. Face à un dragon, une arbalète était bien plus efficace qu’une épée, mais Ciri’ avait surtout l’habitude d’affronter des ennemis au sol. Son arbalète à répétition était avec elle, attachée le long de sa ceinture, ses deux épées jointes dans le dos, en croix. On avait pour habitude de porter les épées à hauteur de la ceinture. Ciri’, par ce choix, adoptait le style de combat de ces guerriers mutants chasseurs de monstres, les sorceleurs.

« Ne vous en faites pas, lui glissa Kynarth, ils ne nous feront rien.
 -  C’est pour eux que je m’en fais, si jamais ils devaient tenter quoi que ce soit... »

Les dragons volaient assez près, et certains, juchés sur des pics rocheux en hauteur, les observaient silencieusement, montant la garde. C’était leur territoire, et quiconque osait s’y aventurer risquait l’hostilité des dragons. Il n’y avait pas vraiment de sentiers ici, rien d’autre que la nature sauvage, et il fallait donc se fier à Nyoron pour ne pas se perdre. Le groupe s’enfonça dans la forêt, à nouveau, avançant le long des arbres, suivant des chemins en pente. Nyoron semblait avancer totalement à l’aveugle, se fiant à d’obscurs points de repère. Ils arrivèrent finalement au-dessus d’une petite cascade, utilisant un pont en bois bâti là il y a fort longtemps. Des cervidés gambadaient dans cette forêt, constituant le mets de choix des dragons. Cirillia crut également voir, brièvement, des lapins et des écureuils. Il faisait relativement froid, et le groupe continuait à avancer.

Ils s’enfoncèrent dans la forêt pendant plusieurs heures, et, quand ils en ressortirent, ce fut pour arriver dans un petit espace clos, une sorte de clairière d’où on ne pouvait voir le soleil. Deux épais murs les entouraient, et il y avait une faille permettant de passer. Le groupe s’enfonça dans un long corridor escarpé et étroit. Cirillia devait faire attention, car certains rochers étaient glissants, et elle s’appuya à plusieurs reprises sur le mur pour éviter de glisser. Après ce dédale rocheux, une autre forêt s’annonçait, et un dragon vert apparut soudain, poussant un rugissement.

« Les dragons veillent sur nous... » commenta Nyoron en souriant.

Le soleil commençait à se coucher, et ils s’avancèrent dans la suite de la forêt. Nyoron pressait le pas, visiblement soucieux de rapidement atteindre le refuge. Malheureusement, le froid s’abattait, et la luminosité déclinait de plus en plus. Continuer ne serait guère prudent. Nyoron rejoignit donc l’avis du Roi par un grognement.

« On va camper dehors. »

Hodor leur ramena assez rapidement de grosses bûches, que Nyoron alluma. Ils s’étaient arrêtés à une petite clairière dégagée. Les murs épais de la roche couperaient les vents froids, les protégeant du froid nocturne de la montagne. Ciri’ se malaxa les mains, et s’assit à côté du feu, dont les hautes flammes dansaient dans le ciel. C’est à ce moment que le Roi de Meisa la rejoignit. Kynarth était à côté d’elle, et elle ignorait pour qui la question était adressée :

« Je n’ai pas eu la chance de vous le demander… mais pourquoi avez-vous accepté de m’accompagner? Je ne crois pas que le Roi Tywill vous ait tordu le bras, sinon vous auriez été beaucoup plus désagréables, donc, j’en déduis que vous avez accepté de votre plein gré. »

Kynarth esquissa un sourire, et répondit rapidement :

« Bien que je sois Commandeur, je manque encore un peu d’expérience. Et je connais bien ces montagnes. Je me suis porté volontaire pour ces raisons, et parce que je n’avais pas envie de m’ennuyer, ou de me lancer dans une nouvelle quête qui m’emmènerait loin d’ici. »

Des raisons tout à fait avouables. Ciri’, elle, se contenta de hausser les épaules.

« Je n’avais pas envie de me faire chier à continuer à essayer vainement d’entraîner la Princesse à manier l’épée. Elle fait preuve d’une mauvaise volonté qui est tout simplement exaspérante. »

C’était aussi simple que ça. Cirillia se réchauffait les mains, quand, soudain, elle entendit les branches craquer. Hodor, qui était lourdement assis, se mit alors à grogner, et se releva lentement, attrapant une énorme bûche, au bout enflammé.

« Des Wargs ! »

On entendit alors des bêtes rugir, débarquant rapidement. Hodor se retourna subitement, et sa bûche heurta la gueule d’une redoutable créature, plus grande qu’un loup. Le Warg bondit en arrière, et sauta sur Hodor, plantant ses crocs dans sa chair.

« Hoooodooooor !! » hurla le demi-géant.

Le sang du demi-géant jaillit, mais sa peau était tellement épaisse que les crocs du monstre n’avaient fait qu’entailler légèrement sa peau. Son autre main saisit le Warg par la crinière, et le balança contre un arbre. Cirillia et Kynarth ne pouvaient toutefois guère lui venir en aide, car d’autres Wargs les attaquaient, fonçant rapidement, et sauvagement. Des Wargs sauvages.

Il y avait aussi de ça, dans les hauteurs de Sylvandell.
DC d’Alice Korvander.

Consultez ce topic pour une présentation détaillée de mes personnages.

Pour une demande de RP, je vous encourage, soit à poster sur le topic susmentionné, soit à envoyer un MP sur mon compte principal.

Serenos I Aeslingr

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Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 12 mardi 31 décembre 2013, 05:48:15

« Bien que je sois Commandeur, je manque encore un peu d’expérience, répondit le jeune homme à sa question avec un brin d’humilité qui n’échappa de faire plaisir au monarque étranger. Et je connais bien ces montagnes. Je me suis porté volontaire pour ces raisons, et parce que je n’avais pas envie de m’ennuyer, ou de me lancer dans une nouvelle quête qui m’emmènerait loin d’ici. »

Le Roi comprenait ce sentiment. Jeune, il avait lui-même quitté le foyer de son père dans l’espoir de voir de nouvelles choses. Mais quand il examinait plus attentivement les raison de son départ, il se surprenait à croire qu’au fond, il ne voulait que fuir ses devoirs de sorcier, devenir quelqu’un de « normal », car chez lui, les Sorciers étaient souvent des parias, des hommes et des femmes qui étaient regardés de travers lorsqu’ils marchaient dans la rue, et qui restaient pour la plupart du temps enfermés dans leur académie pour y développer leurs dons. La différence entre eux, c’est que Kynarth restait sur un chemin légitime et honorable; celui de l’expérience par le vécu. Pour sa part, c’est au contact de la magie noire et des arts occultes qu’il avait développé ses capacités, dans l’espoir de gagner la puissance nécessaire pour vaincre son oncle adoptif Owen le Nécromancien, qui devint plus tard une puissante liche au service d’Althenos. C’est d’ailleurs à cause d’Owen que celui-ci a trouvé dans les massacres perpétrés par ses suppôts la puissance de créer sa championne. Aujourd’hui, il avait tourné le dos à la plupart des facettes de la magie noire pour se concentrer sur une très ancienne forme de magie, oubliée depuis des millénaires à l’époque, que Mélisende lui fit autrefois le privilège de lui enseigner; la magie des Ashansha. Passé maître dans l’art d’user des différentes sources d’énergie et plus apte que quiconque à se servir des artéfacts anciens, il était aujourd’hui l’un des mages jugés les plus puissants de l’histoire, même si quelques-uns de ses accomplissements étaient hautement exagérés pour renforcer l’aspect « légendaire » de ses dons.

Il tourna alors la tête vers Cirillia, intéressé à entendre également sa réponse. Elle ne semblait pas avoir compris, au départ, qu’il s’adressait également à elle, mais elle lui offrit tout de même une réponse satisfaisante.

« Je n’avais pas envie de me faire chier à continuer à essayer vainement d’entraîner la Princesse à manier l’épée. Elle fait preuve d’une mauvaise volonté qui est tout simplement exaspérante.
-  Vous auriez dû voir la tête de feues mes filles lorsque je leur ai annoncé qu’elles devaient apprendre à se défendre. Mon maître d’armes m’a menacé plusieurs fois de démissionner, par leur faute. Finalement, cet entrainement, malgré leur mauvaise volonté, leur sauva la vie. Deux ans après, Ashnard envoyait ses soudards sur mes côtes.

Ce n’était pas un souvenir particulièrement joyeux pour le Roi de Meisa. À peine venait-il de mettre fin aux révoltes tribales de l’Île-Mère avec ses hommes qu’il devait regagner Eist’Shabal de toute urgence parce que le Général Arthas et ses hommes venaient de poser le pied sur la plage de la ville et massacraient tout le monde. À cette époque, il n’avait même pas encore commencé le développement de l’armée navale car les problèmes internes persistaient malgré le siècle passé, et donc comme toute forme de résistance maritime, il y avait quelques bêtes marines, dont un poulpe géant, qui avaient acceptés de défendre l’Île des bateaux ennemis. Après la trahison de son amante de l’époque, la Sorcière Ashansha Mélisende, avec qui il venait de renouer une relation amoureuse après des années de séparation, qui le dépouilla de ses pouvoirs avec un sceau Ashansha, Meisa fut brièvement occupée par Ashnard, à l’exception du Palais des Anciens, où ses enfants conservèrent une certaine forme de résistance, mais dès qu’il se libéra de la capitale Ashnardienne, échappant à Denna la Mord-Sith et les Forces Spéciales Ashnardiennes, il regagna l’Île, massacrant de ses pouvoirs nouvellement retrouvés les occupants Ashnardiens et en représailles, il avait regagné le continent avec cinq mille cinq cents soldats et massacré une bonne partie de la population côtière Ashnardienne et volé un grand nombre de leurs navires de guerre. Entretemps, Nexus avait déjà affaibli Ashnard par un assaut sur ses postes avancés, ce qui avait forcé Mordred à rappeler ses troupes pour défendre le cercle intérieur de son royaume, et du coup, celui-ci se trouvait incapable de répliquer davantage. Sans raison, Kah’mui avait néanmoins rapatrié ses hommes en Meisa en ne laissant qu’un seul avertissement à Mordred, qui signa l’arrêt des hostilités mais également un grand ressentiment à l’endroit du Roi de Meisa; « La prochaine fois, je ne m’arrêterai pas à de simples raids côtiers », faisant comprendre que si Mordred tentait à nouveau un assaut militaire sur Meisa sans être absolument certain de son coup, son adversaire mettrait tout en œuvre pour saboter son pays, et la magie dont il était doté n’était pas non plus à prendre à la légère. Il avait les moyens, et il avait prouvé par ses massacres qu’il était capable de cruauté s’il le jugeait nécessaire.

Il adressa un sourire à la jeune femme quand des grondements attirèrent son attention. Instinctivement, il ne s’empara pas de son épée, mais plutôt d’un de ses longs poignards. L’objet, mesurant près de soixante-quinze décimètre, était anormalement long et visiblement utilisé pour les combats très rapprochés. Sa lame blanche aux reflets bleutés confirmait qu’il s’agissait d’une des incroyables armes produites en Meisa dont la vente était interdite dans les pays étrangers; plus solide encore que les écailles d’un dragon adulte sans perdre son tranchant impitoyable, c’était une arme d’une incroyable facture, forgées par les mains de maître des nains du Clan des Forgerons.

« Des Wargs ! »

À peine fut-il confirmé sur leurs assaillants que ceux-ci émergeaient rapidement de leurs cachettes et se précipitaient sur eux. Le Roi ne connaissait pas bien les Wargs, sauf ceux qui étaient spécifiquement dressés par les armées ashnardiennes comme combattants de première ligne, mais il savait d’avance qu’ils étaient beaucoup plus forts et dangereux que les loups de Meisa, qui étaient déjà de sacrées bestioles eux-mêmes.

« Hoooodooooor ! »

Le Roi eut tout juste le temps de se baisser pour éviter une énorme masse de poils puante qui passait justement au niveau de sa tête, s’écrasant brutalement contre un arbre. Il lança un regard chargé d’avertissement vers le géant avant de sentir quelque chose lui foncer dessus pour de bon, le faisant décoller du sol. Il fut entrainé quelques mètres plus loin de ses compagnons avant que son sauvage assaillant le plaque brutalement contre le sol de terre. La bête tenta ensuite de le mordre, mais le Roi lui planta un pied dans la gorge pour le maintenir en respect, et il referma sa gueule à quelques centimètres de son visage, laissant au passage remarquer au monarque à quel point les membres de son espèce avaient une haleine nauséabonde. Le Roi posa une main sur la truffe de la bestiole et la chargea d’énergie incandescente, et une odeur de chair brûlée empuantit l’air bien assez vite alors que la créature reculait en gémissant de douleur. Kah’mui en profita pour se redresser et de faire voler son poignard vers sa main avant de le ranger. Étant immortel, il ne craignait aucune blessure, mais naturellement compétitif, il trouva soudainement plus intéressant de combattre la bestiole à main nues. Lorsque la bête se sentit prête à nouveau à combattre, le museau moins endolori, elle se prépara à charger. Le Roi se tenait devant lui, bien en garde et patient. Quand la bête se jeta sur lui, il sauta de côté brusquement et l’agrippa par la fourrure avant de se servir de sa force magiquement amplifiée et le balancer contre l’un des murs de pierre et la bête se retrouva écrasée contre celui-ci, avant de s’effondre sur le sol, sans vie.

Il se tourna alors vers deux autres Wargs qui venaient de sortir des bois et il tira Ehredna de son fourreau, en garde. Évitant le premier d’une roulade sur le côté, il profita qu’ils soient côte à côte pour trancher la patte avant droite du deuxième, qui, faute d’une patte, se retrouva désarçonné et il s’écrasa sur le sol, tête la première, et fonça dans un autre mur. Il n’était pas mort, mais privé d’une patte, le Roi étranger ne doutait pas un instant qu’il venait de ruiner son esprit combatif pour de bon, se tournant vers l’autre membre de la meute qui venait vers lui à toute vitesse, ignorant superbement la blessure de son compagnon.

«Des Dragons, des Wargs et puis quoi encore? Vous avez vraiment de sales bêtes en Sylvandell! commenta-t-il en évitant la morsure de la bête, contre-attaquant d’un coup de pommeau sur la truffe, brisant celle-ci sous l’impact. La prochaine fois, ce sera quoi? Des femmes-araignées? »

En Meisa, les créatures les plus dangereuses n’étaient pas les Dragons. Ceux-ci étaient certes très menaçants, mais ce n’était rien en comparaison d’une certaine espèce qu’on ne retrouvait que dans quelques rares endroits du monde dont faisait partie Meisa; dans les cavernes isolées, par-delà les forêts touffues se cachaient le Domaine des Araignées. On ne parlait pas des petites bébêtes innocentes qui se promenaient sur les murs, non, on parlait d’énormes bêtes. Les mâles ressemblaient tous à d’énormes tarentules, mais les femelles… les femelles étaient dotés d’un tronc de femmes, pour la plupart sublime comme le Roi a pu le constater lors de son arrivée en Meisa, et la Reine en était certainement la plus belle et la plus venimeuse, ainsi que d’un abdomen d’Araignées doté de huit horribles pattes. Si Merigia ne s’était pas prise d’affection pour le Roi, la cohabitation entre les peuples aurait été impossible. Il les aurait probablement anéantis dans ce cas, mais présentement, elles représentaient surtout l’une des rares sources de médicamentations; si leur venin était fatal, une fois bien traité, il formait un formidable remède à la plupart des maladies, et Kah’mui s’était toujours arrangé pour en obtenir quelques fioles par semaine, au prix de la compagnie fortement particulière de la Reine des Araignées, dont l’humour macabre et le charme ravageur ne cessait jamais de le mettre très inconfortable.

Cirillia

Humain(e)

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 13 jeudi 02 janvier 2014, 01:51:21

Tomber sur des Wargs à Sylvandell n’était pas chose impensable. Connus pour être les montures des Orcs, les Wargs étaient de grands loups sauvages. Perçus par certains comme des anomalies de la nature, des sortes de mutations génétiques des loups, croisement improbable entre le chien et le loup, les Wargs étaient vus, par d’autres, comme de simples prédateurs, s’inscrivant dans la chaîne alimentaire. Les Wargs chassaient les biches, et les dragons chassaient les Wargs, s’en nourrissant. Parallèlement, les Wargs, comme les loups, étaient aussi susceptibles de chasser les hommes. Si Nyoron avait voulu rejoindre un refuge pour passer la nuit, ce n’était pas uniquement pour se protéger du froid, ou disposer de draps propres, mais aussi pour pouvoir échapper aux prédateurs de la forêt, en disposant d’un abri.

Un Warg bondit sur Cirillia, qui l’esquiva en roulant sur le sol. Ce faisant, l’une de ses mains attrapa son épée d’argent, et elle se releva rapidement, avant de frapper le Warg avec sa lame enchantée. La bête pousse un hurlement de douleur quand la lame s’enfonça dans son torse, formant une longue ligne pourpre qui fit éclore son sang. Le Warg bondit en arrière, rebondissant sur le sol, et se releva rapidement, crachant et sifflant, une lueur de haine dans les yeux. Ciri’ esquissa un léger sourire, jambes écartées, attentive, en position de combat.

« Viens... Viens, petite pute » lâchait-elle.

Les flammes du feu étincelaient sur son épée, et le Warg, blessé, entreprit de se replier prudemment. Un autre Warg jaillit sur la gauche de Cirillia. Il était massif, et sa gueule plongeait vers sa nuque. Ciri’ l’évita en tournoyant sur elle-même, les griffes du Warg effleurant son corps, entaillant ses vêtements résistants. Elle brandit bien haut son épée, et l’abattit sur le flanc du monstre. La blessure n’était pas très profonde, du fait de l’épaisseur du Warg, mais amplement suffisante pour le faire saigner, sa fourrure se dardant de gouttes de sang.

Les deux épées de Cirillia avaient deux fonctions différentes : une épée en acier, contre les humains, et une épée en argent, contre les monstres. Ainsi fonctionnait le style de combat des sorceleurs. En ayant les épées croisées dans le dos, lors de sa roulade, Ciri’ avait aisément pu récupérer son épée, et être ainsi prête au combat en se relevant. Ce simple geste lui avait permis d’économiser de précieuses secondes, secondes qui lui avaient permis de frapper le premier Warg, une blessure fatale, probablement létale. L’autre Warg se voulait un peu plus prudent, rugissant devant Cirillia. Kynarth, de son côté, affrontait également des Wargs. Hodor en affrontait trois d’entre eux. Sa taille massive en faisait naturellement, aux yeux des monstres, l’ennemi principal. Leurs solides dents peinaient à pénétrer sa résistante peau. Hodor en attrapa un par la queue, et l’envoya se fracasser sur le sol, avec une force colossale. Le doux semi-géant, calme et paisible, d’allure enfantin, face à l’adversité, devenait une bête de guerre furieuse et invincible. On comprenait mieux pourquoi il avait fallu toute une garnison pour maîtriser Hodor, la première fois que les Sylvandins l’avaient croisé.

L’un de ses pieds heurta le flanc d’un Warg, alors que l’un d’entre eux bondit dans son dos. Il enfonça ses griffes contre sa chair, tout en mordant dans son cou. Hodor hurla de rage, et tituba. Sa main gauche heurta un arbre, et il se retourna, son dos longeant le tronc. Le Warg se reçut ainsi l’arbre, et tomba sur le sol. Le sang s’écoulait de la nuque d’Hodor.

« Ils sont toute une meute ! » s’alarme Kynarth.

Ciri’ voyait bien la situation. Nyoron, bizarrement, n’était attaqué par aucun Warg. Son bâton était planté dans le sol, et l’extrémité brillait étrangement, ainsi que le talisman sur sa poitrine. Ses yeux étaient clos, et, quand il les rouvrit, ils étincelaient. Le guide-magicien prononça alors une formule magique, et l’orbe magique incrustée dans son bâton résonna, formant un cône lumineux qui se leva en hauteur, s’érigeant à quelques mètres de hauteur de Nyoron, avant d’exploser en une myriade de cônes lumineux tournoyant sur eux-mêmes, et qui frappèrent les Wargs, les faisant hurler de douleur.

Les cônes lumineux étaient de redoutables arcs électriques qui heurtèrent les adversaires, formant une zone défensive de protection. Ils irradiaient d’une blancheur éblouissante, ce qui contraint peu à peu les monstres à partir, poussant de furieux rugissements. Le sort magique décrut peu à peu, jusqu’à ce que le talisman magique de Nyoron ne cesse de briller. L’homme rouvrit alors les yeux, et, peu à peu, on n’entendit plus que le grésillement du feu.

« Voilà pourquoi nous devions nous hâter de rejoindre un refuge, annonça alors Nyoron. Ces bêtes ne reviendront plus. »

Ciri’ soupira silencieusement. Sa lame était baignée de sang, et son corps avait également reçu quelques éclaboussures. Elle reprenait lentement son souffle, aux aguets. Hodor, de son côté, était blessé, et Nyoron se rendit vers lui. Il leva son bâton de magicien vers lui, et utilisa sa magie blanche pour le soigner, ce qui apaisa progressivement Hodor, évitant ainsi de le voir attaquer ses propres camarades. Quand Hodor était en état de rage profonde, il n’y avait qu’Alice qui, pour une raison qu’on ne s’expliquait pas, parvenait à le calmer. Le seul autre moyen était de l’assommer.

« Saloperies de bêtes, grogna Kynarth. Au lieu de les repousser, le feu les attire. »

Il secoua la tête. Des gouttes de sang perlaient également son visage, et il entreprit de lentement s’essuyer. Son regard croisa ensuite celui de Cirillia, et les deux s’observèrent, silencieusement. Sous le reflet chatoyant du feu, il y avait une sorte d’excitation bestiale qui remontait entre eux, excitation accrue par l’adrénaline qui battait encore dans leurs veines. S’il n’y aurait eu leurs autres camarades, ils auraient probablement sauvagement fait l’amour.

Au lieu de ça, Kynarth tourna la tête vers le Roi de Meisa.

« Sylvandell est une région dangereuse, en effet. Ce n’est pas pour rien que nous en interdisons l’accès aux non-initiés. »
DC d’Alice Korvander.

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Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : Le Fléau [Partie 2] [PV]

Réponse 14 samedi 11 janvier 2014, 17:57:22

« Sylvandell est une région dangereuse, en effet. Ce n’est pas pour rien que nous en interdisons l’accès aux non-initiés.
-  Sage initiative, cracha le Roi en se redressant, avant créer une zone sans oxygène pour étouffer le feu.

Le Roi allait leur lancer une réplique cinglante comme lui seul savait les faire, mais quelque chose le retint. Comme si d’un coup, le monde entier lui donnait une impression d’hostilité, il se sentait épier de tous les côtés. Sa sensibilité très poussée face à la magie l’informait que quelque chose de puissant et de profondément malveillant avait posé son regard sur eux. Kynarth et Cirillia n’en ressentaient probablement pas les effets, mais même si son sens magique n’était pas près de celui du Roi, Nyoron devait avoir également ressenti cette oppressante atmosphère. Le Roi se redressa et sonda les environs d’un regard inquisiteur, mais aucune vie intelligente ou même animale ne s’était approché d’eux après l’assaut des Wargs. Quelque chose les étudiait, et le Roi reconnut l’aura malveillante d’une créature qui cultivait dans les ombres une haine infinie pour tout ce qui vivait depuis des millénaires. Le Roi fit signe à ses compagnons de se baisser le plus près possible du sol puis il relâcha son contrôle sur son corps astral, s’éveillant à l’entremonde.

Une fois éveillé, il vit qu’il n’avait pas tort; dans le plan astral, plusieurs milliers d’yeux le fixaient; les arbres, les pierres, les insectes, tous le regardaient avec leur sombre énergie sous l’influence de l’aura malveillante. Visiblement, son opposant cherchait à l’intimider, mais le Roi de Meisa n’était pas le genre d’homme à se faire avoir par de simples démonstrations d’illusions. Le Roi leva alors les mains et le vent, dans le monde réel, se mit à tourbillonner autour de son corps. Plus sa concentration augmentait et plus le vent devenait puissant, jusqu’à ce que, soudainement, le monarque de Meisa ouvre les yeux et tend une main devant lui dans un geste d’agrippement et resserre les doigts.

« Je te vois. »

Dès qu’il prononça ces mots, le vent s’écarta brusquement et un puissant son de tonnerre se fit entendre alors que le Roi déchainait son pouvoir dans le plan astral pour assaillir son opposant avec toutes ses forces. Il s’attendait à le voir désintégré sous cet assaut, mais l’entité se contenta de se volatiliser, échappant quoi que gravement touché à cet assaut magique. Lorsqu’il revint au monde de la matière, il lança un regard à ses compagnons. Ils devaient le prendre pour un fou, mais que lui importait. Son air grave, voire furieux, laissait présager que le moindre commentaire désobligeant ne resterait pas impuni, peu importe les conditions politiques qui restreignaient les actes des étrangers. Fatigué par l’usage de la magie, il rabattit sur son visage sa capuche pour masquer les cernes qui naissaient sous ses yeux ainsi que ses traits de plus en plus creusés par le manque de sommeil et de longues périodes d’effort qu’il s’imposait. Sans un mot, il se mit à marcher devant la troupe. Ses yeux, normalement d’un bleu pur et magnifique, étaient maintenant rouges comme des braises de flammes. Il ne savait pas ce que voulait son ennemi, mais devant tant de malveillance, il ne contenait presque plus sa propre noirceur, et il ne voulait pas alarmer ses compagnons; les gens avaient tendance à se montrer plutôt hostile devant les créatures dangereuses, et déjà que marcher près d’un sorcier de son calibre n’était pas particulièrement rassurant, s’ils pouvaient voir le mal qu’il contenait en lui, ils auraient tôt fait de se retourner contre lui.

Après quelques lieues de marche en silence, le Roi cessa d’avancer. Le refuge ne devait pas être bien loin, cependant, il n’était pas plus motivé que cela à aller le rejoindre. Il se tourna vers ses compagnons et leur fit signe de poursuivre devant lui.

« Prenez un peu de repos, à l’abri. J’ai besoin d’un peu de solitude. »

Les « accompagnateurs » du Roi n’avaient pas de doute à se faire; il n’était pas du genre à attirer des problèmes à autrui si cela ne servait pas ses intérêts. Le Roi avait une excellente réputation à ce niveau. Il regarda une dernière fois ses compagnons, sans les laisser voir ses yeux, avant de rebaisser la tête et se marcher en direction opposée du refuge. Comme gage de son honnêteté, il pressa contre la poitrine de Kynarth la garde de l’Épée Royale, avant de se pencher sur son épaule et lui murmurer à l’oreille.

« Ne la dégaine sous aucun prétexte, Commandeur. Cette Épée a en elle une haine cultivée soigneusement pendant des millénaires pour pouvoir terrasser n’importe quel ennemi. Sans le Sang, tu es sans défense contre son pouvoir; elle te dévorerait et ferait de toi son esclave jusqu’à ta mort. »

Ce n’était pas une menace, mais une mise en garde; étant porteur d’Ehredna depuis plusieurs siècles, il connaissait mieux que quiconque le pouvoir qui se cachait derrière cette lame noire. Dans les veines du Roi de Meisa se trouvait un sang beaucoup plus ancien que celui des Premiers Nés; non seulement descendant d’Uther le Gardien et d’Ehredna, il était le seul être sur cette planète à avoir eu la chance de recevoir le sang d’une authentique Ashansha; la Sorcière Mélisende. Sans la protection de ce sang magique et très puissant, un être humain normal ne pouvait manier l’Épée du Roi sans être presque instantanément subjugué par son pouvoir et perdre sa volonté au profit de celle de l’Épée. Une fois qu’il fut sûr que le Commandeur avait compris ses ordres, il relâcha l’Épée, posa une main sur son épaule avant de se diriger vers le sentier en silence.

La magie en lui était agitée par cette confrontation inattendue, et le désordre intérieur était l’ennemi de tout bon magicien, et c’était d’autant plus vrai pour les sorciers comme le Roi, qui avaient une plus grande affinité avec les ténèbres que leurs compères magiciens. Pour regagner son calme, il avait besoin de quiétude, et la proximité avec des Sylvandins ne cessait de ramener à son esprit l’arrogance de leur monarque. Aux yeux de ses compagnons, il disparut dans la forêt. Une fois à bonne distance de tout être susceptible de le déranger, sachant que les bêtes ignoraient pour la plupart jusqu’à son existence, il s’immobilisa et ferma les yeux, s’efforçant de réguler sa respiration et de penser à quelque chose de positif. Au début, rien ne lui vint. Puis, en cherchant plus loin dans sa mémoire, un souvenir, aussi précieux qu’un diamant à ses yeux, lui revint en mémoire.

A -16 et quelques mois
Nexus

Les doigts de Nöly serrèrent les siens contre son ventre arrondi, dans une zone précise de son ventre. Ne sentant rien sur le moment, il crut un moment qu’il n’aurait pas la chance de constater par lui-même le changement qui s’opérait en elle, quand tout à coup, un petit coup frappa contre sa paume; quelque chose avait remué sous la peau de la noble femme. Un sourire ravi se dessina sur le visage du Roi de Meisa alors qu’il se penchait sur sa si chère amie pour la serrer dans ses bras avec chaleur, lui faisant part de ses félicitations et de sa propre joie de voir enfin un des nombreux rêves de la grande dame se réaliser, après autant d’années d’effort. Le Roi savait que la conception d’un enfant ne se faisait pas toujours aisément, mais il avait trouvé curieux qu’un couple aussi sain et solide que celui du Lion de Nexus n’avait pas encore réussi à produire un héritier, et lorsque Nöly s’était enfin annoncée comme étant enceinte, il fut l’un des premiers soulagés; il commençait à craindre que quelqu’un ou quelque chose neutralisait volontairement la fécondation de la Reine, ce qui l’aurait amené à faire enquête pour chercher un responsable. Visiblement, cela n’avait pas été nécessaire.

« C’est merveilleux, Nöly. Je suis très heureux pour toi.
- Merci, Sombre… Liam insistait pour que je vienne en Meisa avec lui, mais avec le bébé, je craignais devoir prendre le bateau.

Le Roi comprenait cette anxiété. Les enfants à venir étaient rarement très résistants, et la vie en bateau n’était guère appropriée à leur bon développement. Ils auraient pu lui épargner un voyage en bateau, mais en tant qu’expert, il savait que la magie et les bébés faisaient rarement bon ménage, surtout que téléporter une personne qui n’était pas soi-même était déjà très difficile, il devait avouer qu’il n’oserait pas tenter l’expérience avec une femme enceinte; une erreur de calcul ou même de prononciation et l’enfant risquait de ne pas atterrir au même endroit que sa mère. Il prit doucement la main de son amie, mettant un genou en terre et posa son front sur ses doigts. Dans sa tradition, ce geste démontrait à la jeune femme son estime et surtout sa profonde affection. Avec Liam… une bonne bagarre suffisait à démontrer son respect; il n’avait pas besoin de chercher dans le protocole Meisaen pour trouver une méthode plus civilisée. Et de toute façon, s’il cherchait à faire du protocole devant lui, il risquait fortement de le vexer.

Présent
Sylvandell, près du Territoire des Dragons

Le souvenir s’effaça tranquillement de sa mémoire, laissant place à l’habituel calme qui habitait son âme. Une culpabilité sans fond lui saisissait pourtant le cœur. Liam avait toujours été au courant de l’amour profond qu’il avait voué à son épouse, et plutôt que de lui en tenir rigueur, il avait considéré la chose comme la garantie de la loyauté de son ami envers sa femme, et il savait que quoi qu’il puisse lui arriver, Nöly aurait été en sécurité si le Roi de Meisa devait la prendre sous son aile. Il n’en eut jamais l’occasion, car très peu après la naissance d’Elena, Nöly et Liam lui avaient été ravis, et malgré son désir de se mettre lui aussi à la recherche d’un coupable, il fut lui-même considéré comme l’un des suspects, ce qui l’empêcha de se lancer sur la trace du possible régicide. Il se heurta même au refus de l’ensemble de la noblesse Nexusienne lorsqu’il demanda le droit de recueillir Elena en Meisa, où elle aurait pu être en sécurité jusqu’à sa maturité. C’est environ à ce moment-là que Meisa brisa ses ententes envers Nexus, et lorsque le Conseil de Régence lui demanda de leur ouvrir ses voies commerciales sous peine d’être considéré comme un ennemi de l’État, il n’eut droit qu’à une seule et unique réponse : « Venez, je vous attends ». Et Nexus ne s’en prit, finalement, jamais à Meisa.

Une fois de « meilleure » humeur, il quitta la forêt et reprit la route en direction du refuge. Il était presque arrivé, à une dizaine de mètre tout au plus quand, inexplicablement, une douleur intense lui prit la tête et il posa un genou en terre en se la prenant à deux mains. Une voix fantomatique s’éleva dans sa tête, hurlant une phrase, qui lui donna un énorme frisson.

« ALL HAIL THE CRIMSON KING! »

La douleur décupla soudainement et une vision horrifiante s’imposa à l’esprit du monarque de Meisa. Il vit d’abord Shunya, l’appelant à l’aide alors qu’un homme la violait et la tailladait d’un couteau alors qu’une dizaine d’hommes en capuchonnés s’abreuvaient de son sang. Il ne reconnut pas la silhouette en rouge qui l’agressait ainsi, mais lorsqu’il tourna la tête, il vit deux yeux d’un rouge de braise qui le fixaient. Selon l’angle des paupières, il pouvait aisément deviner le rictus qui s’y cachait, et cela en rajouta davantage à l’horreur qu’il en tira et sa colère. Puis, il vit la Sorcière Noire, le visage ensanglanté, accompagnée de Nyoron, Kynarth et Cirillia, et tous assaillaient une forme en rouge. La vision fut ensuite suivi par une autre, mais pas d’un futur possible; d’un passé bien réel; le visage sereinement résigné de Nöly alors que l’énorme raz-de-marée s’approchait du Royal Wing.

Lorsque la douleur s’estompa enfin, après les visions, le Roi toucha instinctivement ses yeux et sentit quelque chose de chaud sur ses doigts; il avait du sang sous les yeux. Saisissant une gourde d’eau, il se rinça les mains puis se nettoya le visage en vitesse avant d’entrer dans le refuge. Il n’était pas quelqu’un de particulièrement sujet aux visions et aux prophéties; de toute sa vie, il en avait eu trois. La première fut lors du décès de son père, la seconde une semaine avant la mort de Nöly et Liam et finalement ce jour-même. Ce qui l’angoissait, c’est que ces trois visions s’étaient réalisées, et ils avaient tous un rapport très puissant avec la magie noire. Une fois entré, il s’attabla et fit apparaître sur la table un réel buffet comme aucun voyageur n’aurait eu l’imbécilité de trimbaler avec lui. Et la nourriture était encore chaude. Le Roi agrippa immédiatement une miche de pain, le trempa dans une espèce de sauce rouge clair et l’enfourna violemment dans sa bouche avant de faire voler une cruche de vin vers lui et s’envoyer une bonne gorgée du liquide.

« Venez manger aussi, si vous avez faim, grogna-t-il sans vraiment s’adresser à personne. Il y en a assez pour tout le monde. »


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