Quand elle était à New York, Sarah Pezzini avait, alors qu’elle était alors jeune, réalisé plusieurs cours d’équitation à Central Park. Elle savait donc monter à cheval, mais n’avait jamais eu les compétences nécessaires, ni l’envie, pour rejoindre la brigade équestre de New York. Pour elle, il s’agissait d’un placard, sans aucun intérêt. Elle n’avait pas décidé de rejoindre la police pour protéger les gamins lors des sorties d’école, ou pour assurer la régulation de la circulation, mais pour coffrer de sales types. Le cheval n’avait jamais été sa grande passion, son père l’y avait simplement initié pour voir si Pez’ aimerait ça.
Maintenant qu’elle était dans un chariot, elle regrettait, vu la lenteur du véhicule, de ne pas s’être entraînée plus ardemment.Non seulement le chariot était loin, mais elle était en compagnie de passagères qui, comme elle, venaient de Tekhos... Mais qui ne cessaient de papoter.
«
On raconte que ces mines sont des endroits faaaaaabuleux ! s’exclama l’une des femmes.
Je suis sûre que ça te plaira, Peggy ! »
Peggy, l’intéressée, émit un grognement désapprobateur. Elle avait du noir autour des yeux, et un casque sur la tête, écoutant probablement la musique qui faisait fureur chez la jeunesse tekhane : le techno-rock. De ce que Sarah avait compris, Peggy était la fille de deux Tekhanes, Norma Meyers, et Sandra Meyers. Sandra était une belle blonde outrancièrement habillée, avec un minishort en jean, un débardeur vert, et un chapeau de cow-girl, tandis que Norma était habillée de manière plus traditionnelle. Chacune des deux avait visiblement bénéficié des nanomachines de Novac pour rajeunir leurs corps, car elles avaient l’air à peine plus vieilles que Peggy, et avaient toutes les deux une poitrine assez confortable. Sarah était même prête à jurer qu’elles avaient modifié leurs ADN pour se doter d’un phallus.
Norma et Sandra avaient de l’argent, et, en les voyant sortir leur portemonnaie à l’approche d’une auberge le long de la route, elle avait vu son papier d’identité. Norma avait la quarantaine passée, mais son âge était assez difficile à noter, en raison des traitements chirurgicaux très pointus qu’elle avait eue. Elles allaient près d’anciennes mines naines, afin de faire du tourisme. D’après ce que Sarah avait cru comprendre, c’était un ancien complexe minier des nains, mais ces derniers avaient massivement émigré, depuis que les filons s’étaient taris. Apparemment, une société avait décidé d’établir un camp touristique dans la région, organisant des expéditions dans une partie des mines. Explorer d’anciennes galeries naines était «
faaaaaascinant » pour Norma. Visiblement, Peggy aurait sans doute préféré aller à Nexus.
Il fallait bien dire que, entre les autoroutes à huit voies qui sillonnaient Tekhos, et ces chemins de terre et de pierre avec d’anciennes charrettes tirées par des chevaux, le contraste était saisissant. Néanmoins, le chariot avait pratiquement terminé son voyage, s’enfonçant dans les montagnes où, jadis, gisaient les fiers nains.
Les Meyers s’étaient brièvement intéressées à Sarah, et Norma avait trouvé «
maaaaaaagnifique » d’avoir une policière avec elles ! Peggy avait maugréé, et Sarah était sûre que la jeune femme devait avoir plusieurs choses à se reprocher. Pour éviter de converser, Sarah leur avait dit qu’elle venait ici en vacances. C’était faux, bien entendu. Les seuls congés que Sarah avait pris étaient des congés forcés par ses supérieurs hiérarchiques, quand l’entêtement de Sarah conduisait cette dernière dans des situations difficiles.
Sarah Pezzini était sur la piste d’un trafic de diamants volés sévissant actuellement à Tekhos. En interrogeant différents joailliers, elle avait fini par tomber sur un nain, qui lui avait dit, sans hésitation, que l’un des diamants venait d’anciennes mines naines qui avaient été, en leur temps, très prospères. Le filon était épuisé depuis quelques années. Pour obtenir de nouveaux filons, il aurait fallu creuser plus profondément, ce que les nains avaient tendance à faire, mais le risque était trop grand de réveiller une créature dangereuse, qui sommeillait dans les profondeurs de Terra. Afin d’éviter un tel scénario, la plupart des nains avaient choisi de partir. Il restait apparemment, dans les environs, l’ancienne cité naine subsistait encore. Certains clans de nains continuaient encore à tailler dans la roche pour retrouver d’autres filons, et il était possible que les trafiquants soient liés à cette histoire, peut-être même qu’ils dirigent les nains. Sarah avait besoin de tirer les choses au clair, et était donc partie sur place.
Le nain lui avait dit de se rendre près d’une agréable auberge, qui avait connu fortune durant l’essor des mines. Elle se trouvait près de l’ancienne mine principale, et était dirigé par Elgroth, fils de Grum... Du moins, en apparence. Espiègle et amusé, el nain lui avait dit que le véritable patron de l’auberge était plutôt sa femme, Koria, fille de Bofine, une dure à cuire. Sarah avait décidé de commencer son enquête par ici. Elle ne savait pas grand-chose des nains, si ce n’est que c’était une ancienne race, qui, comme les elfes, était sur le déclin. Beaucoup de nains détestaient les humains, et, parallèlement, beaucoup d’humains détestaient les nains. Elle savait que les villes de Terra étaient souvent marquées par une forte discrimination entre les humains, majoritaires, et les «
non-humains », minoritaires, donnant lieu, dans certains royaumes, à de sanglantes guerres raciales. Le joaillier nain l’avait assuré qu’Elgroth était aussi sympathique que «
le cul d’une nonne un soir de beuverie collective », ce qui, dans le langage nain, voulait sans doute dire qu’il était aimable.
Le chariot s’arrêta devant l’auberge. Le cocher avait besoin de se déshydrater, et proposa donc à ses passagères de se dégourdir les jambes. Peggy grommela à nouveau en s’écartant, tandis que Norma se rapprocha de Sandra, lui giflant brièvement les fesses. Sarah les laissa là, et rejoignit l’auberge. Elle portait des vêtements de ville :
un pantalon, une chemise bleue disparaissant sous le pantalon, et une veste.
C’est ainsi qu’elle pénétra dans l’auberge.