Tandis que le chariot faisait route vers la ville, Filïs donna à Sarah quelques explications sur ce qui allait arriver, et sur ce qu’elle ne devait pas faire. Silencieusement, la policière l’écouta, et, par la suite, le chariot atteignit la ville. Elle s’était renseignée sur les cités naines, et savait que ces dernières étaient généralement bâties pour faciliter l’extraction de gisements souterrains. Il existait ainsi des villes naines plantées dans des volcans, comme la légendaire Orzammar, ou la grande Jarveg, cité naine ressemblant plus à la cité que Sarah voyait : un profond cratère s’enfonçant au-dessus d’un lac volcanique. Sarah Pezzini vit le chariot s’avancer le long dze la route principale, qui faisait le tour de la ville. Au centre, il y avait le temple. Pez’ vit des forges, des maisons taillées dans la pierre, avec des portes. Tout était à échelle naine, soit des portes de petite taille, des maisons avec des fenêtres étroites, qui regardaient le chariot s’avancer. Certains passaient le balai sur leur porte, d’autres pétaient en plein soleil, buvaient entre eux, ou travaillaient dans leurs forges. La ville avait l’air de se porter bien, mais Sarah pouvait aussi voir beaucoup de maisons délabrées, reconnaissables par le fait que les fenêtres et les portes étaient cloués, ou qu’il n’y avait pas âme qui vive devant. La fermeture des principales mines avait appauvri la ville, mais il y avait encore des mines dans la cité, utilisant des monte-charges pour descendre le long de la paroi.
Le chariot continua sa course, jusqu’à rejoindre une sorte de chemin avec une porte close, et des gardes. Filïs descendit, et réussit à convaincre les deux gardes de les laisser passer. Délaissant le chariot, Sarah Pezzini sauta sur le sol, et rejoignit Filïs, en passant sous une petite arche, qui les conduisit dans une grande cour, avec trois maisons. Elles étaient plus imposantes que les autres, et sa guide lui expliqua qu’il s’agissait des maisons abritant les trois nains les plus riches de la ville. La plus grande appartenait à Oldor, et se trouvait au fond de cette cour. Une autre appartenait à un nain assez âge, un retrait venu profiter de sa retraite dans une ville paisible, et la dernière appartenait à un nain qui n’avait pas de barbe, comme Sarah le réalisa en le voyant s’approcher.
Elle ne savait pas comment l’homme pouvait s’appeler, mais elle pouvait voir, à sa manière, et à la façon dont il détaillait Sarah, qu’il était visiblement attiré par les femmes. Peut-être était-ce pour ça qu’il n’avait pas de barbe ? Dans tous les cas, Pez’ comprit, à la manière dont Filïs lui parlait, qu’elle devait être l’une des amantes de ce nain. Bien habillé, propre, et sûr de lui, il semblait en effet bénéficier d’une fortune assez considérable. Le «
petit chat » alla discuter avec le dandy, tandis que Sarah regardait autour d’elle, nerveuse. Il était peu probable que ce nain sans barbe soit lié au trafic de diamants, mais il avait l’air d’être, comme Filïs, quelqu’un qui savait des choses. S’il était proche d’Oldor, et si influent que ça, il était sûr qu’il savait des choses... D’où lui venait sa fortune ? Sarah sentit son esprit s’emballer, voyant en cet homme un suspect potentiel : quelqu’un qui faisait fortune avec du trafic illicite de diamants.
Finalement, Filïs revint vers Sarah, qui était restée relativement silencieuse, s’étant contentée de saluer l’homme de loin. Qu’il l’ait dévisagé du regard ne l’avait pas choqué ; elle venait de Tekhos, après tout, une société hyper-sexualisée. Le duo se mit à marcher, longeant les jardins du mystérieux nain séducteur, pour entendre des bruits et des soupirs. Sarah tourna la tête. Il y avait une haie, mais de la taille d’un nain. De l’autre côté, elle put brièvement apercevoir un assortiment de superbes femmes humaines, partiellement vêtues, ou dans d’affriolantes tenues.
«
Comme vous pouvez le voir, lui expliqua alors Filïs,
il aime les belles femmes, surtout les plus grandes que lui. Elles vivent toute avec lui profitant de son argent alors que lui profite de leur corps...une façon comme une autre de vivre. »
Sarah ne dit rien. Tout ça ressemblait fort à de l’esclavage. C’était légal, mais sous certaines conditions... Du moins, à Tekhos. En appliquant la loi tekhane, un mâle n’aurait jamais pu avoir d’esclaves de sexe féminin, la loi l’interdisant. Elle se mit à réfléchir.
*
J’ai un mobile...*
Pez’ était méfiante, mais c’était le métier qui voulait ça. On n’était pas bon policier si on croyait naïvement que tous les gens étaient sympathiques et honnêtes. Le duo parvint ensuite dans la maison d’Oldor, et les serviteurs, des nains, les conduisirent dans une salle d’attente. Filïs, visiblement, était suffisamment influente et connue pour avoir la chance de pouvoir obtenir un rendez-vous avec le plus puissant des nains de la ville. Son manoir était assez beau, bas de plafond, comme de coutume chez les nains, avec de la belle tapisserie.
On les emmena dans une sorte de living room avec des tableaux, et des statues, et de confortables fauteuils.
«
Tu as l’air de connaître du beau monde, Filïs... Ce nain sans barbe... Tu ne m’as pas dit comment il s’appelait, et je... -
Le Glabre s’appelle Durok, et, si vous êtes venus chez moi pour parler de cet homme, nous ne risquons pas de nous entendre. »
La voix vint du dos de Sarah, qui se retourna.
Oldor était là, et arborait une belle barbe. Il était bien coiffé, portait une élégante armure, et avait toutes les apparences d’un noble nain. Et visiblement, il n’aimait pas beaucoup Durok.
«
Que me voulez-vous ? »
Pez’ l’observa silencieusement.
«
Je suis Sarah Pezzini, et je viens de Tekhos. Vous devez être Oldor, je présume ? »
Oldor fronça les sourcils.
«
Vous n’avez pas répondu à ma question », répondit-il, acerbe.
Sarah ne se laissa pas déstabiliser, et poursuivit :
«
Je suis venue jusqu’ici pour écrire un livre, et j’ai entendu parler de vous comme étant le connétable de la ville, le propriétaire des mines. Je voulais tout simplement me renseigner sur l’activité économique de cette ville, et sur... -
Me prenez-vous pour un phénomène de foire, Sarah Pezzini ? grinça Oldor des dents.
Pensez-vous donc que ma maison est un cirque, et que nous, les nains, peuple légendaire et millénaire, soyons des amusements pour vous et vos lectrices ? M’attendez-vous donc à me voir faire un numéro de claquettes pour vos beaux yeux ?! »
Sarah ne s’attendait pas vraiment à une telle levée de boucliers, et se pinça les lèvres.
«
Non, bien sûr que non… »
Les discussions semblaient mal engagées, et Oldor tourna alors sa tête vers Filïs.
«
Pourquoi as-tu amené cette humaine ici, Filïs ? Je croyais qu’elles n’avaient d’yeux que pour ce fainéant de Durok... Vous seriez-vous trompées d’adresse, par hasard ? »