***** Orphelinat Blue-Dream, territoire des fédérations Unies *****
« Jonas, ce téléphone n’est pas à toi. Rends-le tout de suite ! »
« Mais non, je peux pas ! C’est vraiment pas possible ! Tails doit me rappeler dessus ! »
Autour du renardeau, on se mit à rire. Il fallait avouer que cela ressemblait beaucoup à une farce, un peu comme quand on affirmait avoir été enlevé par Eggman sur le chemin de l’école pour justifier un retard. Dans le même genre, il y avait le devoir bouffé par un robot du Docteur.
« Tu dois être fatigué, mêmes tes mensonges sont peu inspirés. »
« Gauthier n’est pas là, vous l’avez bien vu ! Il est même passé à la télé ! Le dragon, tout ça ! Merde, mais j’invente pas ! Pas cette fois ! »
« Gauthier, on lui a dit cent fois de pas jouer les héros. S’il fait n’importe quoi avec sa magie, c’est pas notre problème. Et puis quel rapport avec le téléphone ? Allez, j’ai autre chose à faire, tu le rends ou ça va barder ! »
« Tssss... C’est pas possible comme vous êtes... »
« Vous êtes quoi ? »
« Non rien. »
Jonas tendit l’appareil à son légitime propriétaire qui, depuis le début, restait silencieux, goguenard.
« Tiens, le voilà ta merde. »
« Ho, merci Jonas, tu es siiiiii gentil ! »
Ha, si ce petit blaireau ne s’était pas mit à chougner auprès des pions, tout serait allé correctement. Mais Jonas allait se venger, ça c’était sûr. S’il loupait le coup de fil de Tails à cause de ça, si c’était l’abruti de blaireau qui répondait et qu’à cause de ça Gauthier ne s’en sortait pas... Ha non, non et non ! Le pion s’apprêta à reprendre pour finir d’engueuler le goupil quand le téléphone se mit à sonner. Tout le monde en fut surpris, le blaireau, plus que les autres. Il observa le numéro, ne le reconnu pas, cligna des yeux, observa Jonas, puis décrocha :
« Heu... allo ? ... Oui, c’est bien ça... Heu, juste à côté. Mais de rien... Jonas, c’est pour toi... »
Le pion, sidéré, vit le blaireau rendre le téléphone au renard avec une expression très étrange, des étoiles dans les yeux. C’était du délire total.
***** Hôpital Dead-Nation, territoire des Fédérations Unies *****
Tails raccrocha et soupira. C’était le genre de soupire fatigué et mélancolique qui en disait long sur son réel moral. Dans cette mission, il avait presque tout fait. C’était lui qui l’avait trouvé, lui qui avait piloté, lui qui avait faillit se faire broyer par un dragon, lui qui avait manqué d’être étripé par une démone... Et maintenant, c’était lui qui préparait la couverture médiatique et lui qui allait devoir réparer le Tornado. Ça en faisait beaucoup des "lui", mais ce serait l’autre qui allait être le héros, une fois de plus. Et lui, ne serait toujours que le second. Le renard à deux queues était encore dans sa combinaison noire de pilote. Il n’avait pas le loisir de se choisir des tenues plus... stylée. Il avait l’esprit trop pratique. Le stress accumulé pendant l’affrontement d’Amaranth lui faisait trembler les mains. S’il ne se contrôlait pas, il avait même du mal à parler correctement. Mais il continuait de travailler, seul, dans la cabine de son vaisseau. Sur le tableau de bord était posée une liste papier préparée à l’avance. D’un coup de stylo, il cocha une ligne de plus :
Appeler machin
Machin, c’était Jonas. Tout allait se passer ici, à l’hôpital. A l’origine, Tails avait prévu un autre hôpital, plus grand, plus accessible, mais plus éloigné à l’intérieur des terres. L’état de santé du souriceau lui avait fait changer ses plans, un détail. Gauthier n’était pas en danger de mort. Il avait bien morflé, mais les médecins avaient déjà qualifié son état de stable. D’ailleurs, il avait déjà reprit connaissance. Bientôt, Jonas arriverait à bord d’un taxi commandé par Tails. Bientôt, arriverait les journalistes trillés sur le volet par Tails. Hors de question de se retrouver face, justement, à trop de questions. Même les questions étaient prévues par Tails. Selon son plan, Gauthier et Jonas devaient apparaitre, façon deux amis qui se retrouvent grâce à Sonic, une scène ultra efficace. Sonic ferait son blabla habituel et lui, Tails, resterait en retrait, comme d’hab, à tout vérifier. Bon, il ferait un petit coucou aux caméras, il dirait quelques mots, on attendait ça d’un second. Nouveau soupire. Vie de merde ! Ha, ce qu’il allait se mettre une fois de retour à Goldring ! Ce ne serait pas beau à voir. Mais en attendant, il avait encore des lignes sur sa liste. Il reprit son téléphone et se força à sourire.
***** Juste un peu plus loin *****
Le Tornado était posé sur le parking de l’hôpital. Il n’y avait que Tails pour se passer de piste d’atterrissage avec un truc pareil. Sonic devait bien le reconnaitre, son collègue assurait. Là, il devait bosser comme un dingue et lui, le hérisson bleu, il prenait l’air, il se reposait. Ce combat contre Apsychos n’avait pas été le plus épic de sa carrière. Cela avait été trop rapide. Il faudrait remettre ça un de ces quatre et, cette fois, le trucider. Sinon, il ne deviendrait pas le pourfendeur de dragon et il voulait ce titre, histoire d’agrandir sa collection.
Sonic marchait donc, sifflotant, dans le petit parc jouxtant le bâtiment médical. Allée gravillonnée, parterres de fleurs blanches, joli paysage en somme. Bon, il n’y avait pas le chant des oiseaux. Juste à côté, une grosse autoroute vomissait ses milliers de voitures. Mais tant pis. Ce fut là que la démone se matérialisa, sans prévenir. Sonic, surpris, eut un temps d’arrêt. Depuis quand les gens apparaissaient sans prévenir ? Son premier réflexe fut de réajuster ses lunettes de soleil. Cette femme, il ne l’avait jamais vue. Par contre, n’étant quand même pas totalement stupide, il fit le rapprochement avec l’adversaire capable de se téléporter dont Tails lui avait parlé. Il pointa donc la démone du doigt et dit :
« Hum, c’est pas toi qui a voulu toucher à mon pote, par hasard ? T’es pressée de te prendre une dérouillée ? »
***** Adamanth *****
Matéo, loin de se vexer à cause du comportement d’Apsychos, demeura d’un calme presque inquiétant. Dès son arrivée sur l’île, il fut très correct avec le maître autoproclamé des lieux, mais il n’alla pas jusqu’à lui lécher les bottes. Il y avait dans son comportement une certaine droiture, une certaine fermeté aussi. Il représentait Eggman et Eggman n’était pas connu pour sa mollesse.
« Ne vous méprenez pas, Saigneur Apsychos. Le Docteur, mon maître, ne se déplace jamais en personne ou... très rarement. Mais ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas disposé à vous parler. Je ne suis là que pour établir le contact, ni plus, ni moins. Aussi, vous allez avoir l’occasion de vous adresser à lui sans attendre. »
Le chat cybernétique sortit de son costume un petit appareil, comme une grosse pièce d’argent. Il pressa un bouton et le système se déploya. Trois pieds sortirent de la base alors que de l’autre côté c’était une tige qui naissait. Matéo déposa le transmetteur au sol et s’écarta. Quelques secondes, il n’y eut qu’un petit bip régulier, puis une image holographique se forma. Elle était d’une netteté parfaite. Elle demeurait juste légèrement translucide. Voilà le si tristement célèbre Docteur Eggman assis derrière son bureau d’acier. Son visage, si souvent caricaturé, ne faisait pas du tout rire. Oui, il avait cette moustache rousse, mais en rien exagéré. Chauve, les traits d’une dureté stupéfiante, le menton affirmé, le regard inquisiteur, il se dégageait de sa personne quelque chose d’effroyable. Grand, les épaules carrées, vêtu de rouge sang et de noir anthracite, son costume orné de fer en imposait mais n’était pas excessivement excentrique. La dureté, encore une fois, ne collait pas avec les babioles clinquantes. Eggman était un homme, rien qu’un homme, mais un homme qui pouvait broyer un peuple sans ciller juste pour arriver à ses fins. Il n’y avait en fait pas plus inhumain que lui. Aucun respect pour la vie, la conquête à tous prix. Un bon tiers de Mobius était sous sa botte et le reste était plongé dans la peur. Sa force de frappe était gigantesque, ses sbires se comptaient par milliards. Et tout ça, il l’avait construit par sa seule intelligence. Pas de pouvoir magique, juste celui de l’esprit.
Au premier coup d’œil, le dragon sut que pour le Docteur, sa taille, ses écailles, ses grimasses, rien ne comptait, rien n’avait de poids. Il aurait pu tout autant apparaitre sous la forme d’un moineau rose qu’Eggman l’aurait regardé de la même façon. Point de méprit, attention, juste cette quasi insoutenable intensité et le désire de ne pas perdre de temps. Pour quelqu’un qui se prenait pour un dieu, cela devait être une sacré douche froide. Le dragon n’avait que ses actes et ses mots. Ses actes, c’était déjà fait. Venait le temps des mots. Eggman prit la parole, aimable mais sans plus.
« Matéo s’est déjà occupé des mondanités. Passons au vif du sujet, Apsychos. J’ai vu ta confrontation contre mes adversaires. Une prestation convenable. Cette île n’est qu’une poussière sur le globe Mobien. Je suis disposé à te la laisser si tu participes activement à la chute de Sonic et Tails. Des ennemis communs, des gains réciproques, la raison nous force à nous associer. Un plan s’impose. Mes moyens d’action sont multiples. Quel sont les tiens ? Le hérisson et le renard sont déjà venus te voir. Peut-être ne reviendront-ils pas. De quoi es-tu capable hors de ton repaire, toi ou tes subordonnés ? »