Si à la place de Gauthier il y avait eu Jonas, l’affaire aurait été réglée en une seconde. Il aurait fait ce qu’on lui demandait, bien sûr sans une once de sincérité. Mentir, c’était utile. Mais mentir, le souriceau ne savait pas le faire. Ho, pour de petites choses anodines, il en était capable. Mais la, se mettre à genoux, devant ce... ce monstre ! Se soumettre à cette espèce d’ordure despotique ! Jamais ! Il était fatigué, il était effrayé, mais il était déterminé. Il ne fallait pas lui en vouloir, il était spontané. Il savait pourtant qu’il lui fallait gagner du temps, que demain, avec sa magie, il aurait l’occasion d’agir, voir juste de fuir. Mais c’était ainsi.
« Non mais ça va pas ? Et puis quoi encore ? Même si vous étiez Eggman en personne, ce serait non, non, non et non ! Mettez-vous ça dans votre grosse tête moche, moi je fais pas de mal autour de moi ! «
Il fallait l’avouer, de nature timide, le petit mage avait quand même un sacré cran d’oser ainsi s’exprimer devant un pareil monstre. Cela, Jonas n’aurait pu le faire, plus assuré d’apparence mais plus impressionnable dans le fond.
Le renardeau, pendant ce temps, avait été puni à cause de ce qu’il avait dit. On l’avait privé de repas ce qui, en vérité, l’arrangeait beaucoup. Il avait donc eu tout le loisir de mettre la main sur le téléphone portable de quelqu’un d’autre. Car oui, il n’avait pas retrouvé le sien. Assis sur son lit, soudainement très fébrile, il composa le numéro, réalisant à peine qu’il allait peut-être parler à l’hybride le plus célèbre de toute la planète, ou à son presque aussi renommé compagnon d’aventure. Alors, ce serait qui ? Sonic ? Tails ? Voilà, ça sonnait... une fois... deux fois...
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Tails, le regard vitreux, fixait le Goblet en plastique dans lequel pétillaient les cachets en train de se dissoudre. Il avait une migraine si forte qu’elle le rendait nauséeux. C’était pour lui monnaie courante. Il réfléchissait trop. Il stressait trop. Et à en croire son psy, il déprimait trop. Putain de vie de merde ! Ha, ça on ne le savait pas qu’il consommait plus de cachets que de bonbons. En fait, les cachets, les pilules et compagnie, c’était ses bonbons. Contre le mal de tête, contre l’anxiété, contre l’insomnie... et à haute dose s’il vous plait ! Du coup, il avait souvent l’air un peu à la ramasse, comme un zombi ou un drogué. D’ailleurs, il touchait aussi à la drogue, mais chut, c’était un secret.
En fait, vous qui lisez ces lignes, vous qui aimez Tails le gentil renard à deux queues, vous feriez mieux de vite changer de page Internet. Le vrai Tails était comme le vrai Mobius... très différent de ce qu’on veut bien raconter. Image médiatique oblige, il devait être une figure exemplaire à côté d’un héros sans peur et sans reproche... Sonic le hérisson bleu, un héros... oui, peut-être, mais pas celui des livres, des BD, des jeux. Enfin, vous verrez bien. Restons-en à Tails pour l’instant.
Le goupil, aussi jeune que dénué d’innocence, avala son Goblet et s’effondra sur le divan, tel l’épave qu’il était en cet instant. Il ne portait qu’un caleçon, ce qui était déjà pas mal. Face à lui, un écran plat d’une dimension astronomique diffusait des images et des sons qu’il peinait à interpréter. Ne devrait-il pas plutôt aller aux toilettes pour vomir ? C’était là, dans la gorge, ça montait... Ha, non, ça allait mieux. De sa main gauche, il chercha la télécommande. Il trouva les cigarettes. Il jura, chercha encore, trouva une pochette plastique remplie de documents administratifs et commerciaux. Et merde, le travail attendrait bien une ou deux heures de plus, bon dieu ! Il prit finalement les cigarettes et s’en alluma une. Puis, il réalisa qu’à la télé, on était en train de parler d’un gros dragon ayant foutu le bordel sur une île pommée. Plusieurs drones de l’armée filmaient l’événement. Tails cligna des yeux, perplexe.
« Un dragon ? Ho, ho, ho, je fais une overdose ! »
Il vérifia si, par hasard, les cigarettes n’étaient pas autre chose... disons... moins légales. Mais non, c’était juste du tabac. Etait-il oui ou non en train d’halluciner ? Des fois, c’était dur à savoir. Et là, hop, coup de téléphone. Il sursauta si fort qu’il s’effondra sur le carrelage. Comment était-ce possible de tomber comme ça ? Il aurait voulu le faire exprès qu’il n’y serait pas arrivé. A genoux, il se traina jusqu’à l’appareil qu’il insulta de tous les noms. Puis, enfin, il répondit d’une voix pâteuse et monocorde.
« Ouais, c’est pour quoi ? »