Trois jours plus tard...Une petite lampe de chevet éclairait faiblement la pièce, sur laquelle un matelas confortable avec un oreiller, un polochon, et une couverture, avait été déposée. Il avait fallu passer la nuit, de manière discrète, par des endroits reculés du lycée, afin d’éviter les regards curieux et les rumeurs. L’installation avait été assez rapide, et, depuis lors, Motoko restait rarement seule, la présence s’effectuant par roulement, afin qu’elle soit en bonne compagnie. On lui apportait à manger, des plats frais, essentiellement du jambon, ou des sandwichs, ainsi que des bouteilles de sang. Une bassine ainsi que des vêtements propres avaient également été apportés pour lui permettre de faire son hygiène, ainsi qu’un rasoir pour l’épiler, un puissant dentifrice, du parfum, du savon, du shampooing massif pour lui frotter les cheveux et essayer de les décrasser. Après un millier d’années, les cheveux de Motoko ne ressemblaient plus à rien, ressemblant à des toiles d’araignées durcies. Des insectes avaient niché à l’intérieur, comme des araignées, glissant de ses cheveux, ainsi qu’une espèce crasse noire. On les lui coiffa également, les coupant.
Afin de s’occuper du sortilège magique de la cellule, Mélinda avait contacté la
Comtesse Slotwenna, une magicienne extrêmement compétente, qui aimait bien rendre service à Mélinda, dans la mesure où elle pouvait ainsi profiter gratuitement de ses filles. Slotwenna avait passé des heures dans la cellule, à éprouver la résistance des runes, faisant baigner la pièce dans des lueurs violettes. Slotwenna avait essayé de briser les runes, mais n’avait pas réussi. Il lui fallait un catalyseur magique, ainsi que l’assistance de plusieurs magiciens, nécessitant pour cela l’aval de l’Académie magique ashnardienne. Ceci prendrait des semaines, et la Comtesse avait essayé autre chose : briser les liens magiques entre les runes et Motoko, ce qui avait notamment nécessité de la déshabiller totalement, et de tracer sur son corps des runes spéciales.
Pour l’heure, Motoko était toujours coincée dans la cellule, qui ressemblait à une espèce de chambre étudiante farfelue souterraine. Il y avait un ordinateur portable dans un coin, qui diffusait de temps en temps de la musique, comprenant également de nombreux films, des diaporamas Powerpoint historiques, et une énorme encyclopédie virtuelle. Ne pouvant pas se connecter sur Internet dans un tel trou, les filles avaient installé la dernière version de la défunte Encarta, celle de 2009, et avaient ramené une nourriture aussi diverse que variée. Entre les pommes et les bananes, on trouvait des crevettes fraîches, des thermos de café, du jus d’orange, du chocolat, des bonbons, et des glaces.
«
L’ère Meiji fut une grande période d’innovation pou le Japon, expliquait une lycéenne à Motoko.
Elle a ouvert le Japon à l’ère industrielle, c’est-à-dire à la construction d’usines, à l’utilisation de nouvelles technologies qui sont toujours présentes actuellement Pour autant, le Japon n’a pas perdu ce qui faisait sa beauté... »
Il fallait y aller par étapes. Si on disait d’emblée à Motoko qu’elle vivait dans un monde où les gratte-ciel remplissaient l’espace, et où le Japon était devenu une démocratie, elle risquait de faire un véritable choc. Celle qui lui parlait n’était pas Shii, mais une autre esclave de Mélinda, qui s’appelait
Naoko, polie, aimable, et grande adoratrice des
glaces Magnum au chocolat blanc, qu’elle faisait importer de France, sa Maîtresse, fort heureusement, les adorant ainsi.
Slotwenna n’était pas là en ce moment, faisant des recherches magiques pour trouver un moyen de percer le lien runique. Dans la pièce, on trouvait aussi
Clara, qui était sur l’ordinateur, tandis que Naoko continuait à parler, de sa voix douce et claire.
«
...Les voies de chemin de fer se forment le long du Japon, qui se modernise, et sort de sa politique isolationniste. Ce sont des Anglais qui aideront les Japonais à installer les trains... Le yen sera également institué en 1871, et est toujours actuellement notre monnaie, même si elle est fortement dévaluée par rapport à d’autres monnaies internationales, comme le dollar ou l’euro, mais je te l’expliquerai plus tard. D’un point de vue scolaire, l’ère Meiji fut également révolutionnaire en ce sens qu’elle institua enfin un système d’éducation nationale, qui... -
On va faire une petite pause dans le cours d’Histoire, Naoko, l’interrompit Clara.
Viens, Motoko, on va danser ! »
Clara lança son lecteur audio, et une musique se mit à défiler à travers les enceintes que Clara avait installé dans la cellule, diffusant une musique qui, depuis quelques mois, cartonnait d’un bout à l’autre du monde, sur les cinq continents :
Get Lucky, des Daft Punk. Debout, Clara commençait à se déhancher, alors que la voix de Pharrell Williams résonnait délicieusement dans la pièce.
«
Allez, Motoko, laisse-toi aller ! Weeeee’ve come too faaaaaaaarr... Too giiiiive uuuuuuuuuuup who we aaaaaaaaaarreeee !!! »
Naoko fit la seule chose censée qu’elle pouvait faire en ce moment : prendre son téléphone portable pour la filmer. Shii adorait ça.