Anéa. Mi-ange, mi-démon. Peu de personnes le savent d’ailleurs. Mais cela ne saurait tarder. Ce tatouage, répandu sur le haut de son corps, l’avait complètement transformée, aussi bien physiquement que moralement. Ses pensées et actions mêlaient le bien et le mal. Rester un ange malgré cette conscience démoniaque, ou devenir démone avec une conscience angélique ? Anéa était devenue tout cela à la fois. Vous savez, comme dans ce genre de dessins-animés, où certains personnages font appel à leur conscience, et une personnification de cette conscience en ange et en démon apparaît sur l’épaule du personnage ? Et bien, c’était à peu près la même chose pour la jeune femme. Son esprit était tourmenté. Il lui arrivait d’avoir des périodes de calme, comme elle l’était autrefois, et des périodes de folie meurtrière, où elle dévastait tout sur son passage. Même son corps avait changé, légèrement du moins. Ses yeux, naturellement d’un bleu doux, étaient devenus glace, presque blancs même. Sa peau était d’autant plus pâle qu’elle ne l’était avant. Partant de son dos, le fameux tatouage, dans une teinte rouge sang, remontait le long de son bras droit, épaule droite, et une partie de son visage. Sa lèvre inférieure était piercée, la rendant d’autant plus pulpeuse. Aussi, on y trouvait des sortes de petites capsules, au nombre de cinq, dont quatre seules sur son bras droit. Une ultime capsule ornait son front. Incrustées dans la peau, elle représentait le mal, la force démoniaque qu’elle possédait maintenant. Le mal était en elle, ses cheveux ne pouvaient dire le contraire. Il y a encore quelques temps, il était d’un noir lissé. Maintenant, devenus fort longs, ils ondulent, s’ébouriffent également. Tout cela n’est que représentation de la débauche, de la luxure, de la vanité, de la possession démoniaque. Du mal incarné quoi.
Malgré sa transformation, elle continuait sa quête de toujours : éliminer les démons. Enfin, cette fois-ci, elle le faisait pour le compte d’un autre démon. Alala, c’est trop facile de se débarrasser de personnes qui nous font de l’ombre en faisant appel à des larbins. Anéa n’aimait pas qu’on la prenne pour l’homme à tout faire, mais en fait, elle l’avait toujours été, aussi bien avec les Hauts-Anges, qu’aujourd’hui au service d’autres démons. Mais du moment qu’elle pouvait passer ses envies sur des êtres démoniaques, y’a pas de mal pour elle. Son travail actuel consistait à éliminer un démon puissant, membre d’un grand parti démoniaque et qui pourrait faire trop d’ombre à son client. Anéa avait reçu plusieurs informations sur celui-ci, notamment qu’il se trouvait sur Terra, plus précisément les contrées du Chaos, et s’amusait à regarder gladiateurs combattre au Colisée. Bien. La tâche risquait d’être ardue, au nombre de personnes qu’il allait y avoir. Cet homme, ou plutôt ce démon, n’allait pas être facile à abattre. Il devait sûrement y avoir plusieurs gardes pour assurer sa protection. Mais désormais, Anéa ne faisait plus en finesse, ni en discrétion. Un démon en moins restait tout de même un démon en moins en ce monde.
Il faisait chaud, le soleil tapait ardemment sur le sol. Le pire, c’était peut-être les cris provenant du Colisée. Dans leur puissance, on pouvait sentir le sol vibrer sous des acclamations incessantes. C’est avec aisance qu’Anéa entra dans le bâtiment, ses propres armes dissimulées sous une longue et épaisse jupe cendrée. Ce qu’elle portait en haut ? Ce n’était guère très discret. Elle avait conservé une partie des bandelettes d’antan, pour lui maintenir le ventre et le dos. Mais désormais, sa poitrine n’était que peu recouverte. De simples bouts de tissu, guère plus gros qu’une main, cachaient à peine ses tétons de la vue de tous. Cela importait Anéa. Son but n’était pas de se faire belle, ou autre chose, mais juste de passer l’entrée du Colisée, et trouver dans les tribunes le démon en question.
Les yeux glace d’Anéa se perdent dans la foule présente. Le spectacle, elle ne le regarde même pas. Ce qu’elle cherche, c’est un endroit un peu à part, et plutôt bien gardé. Et cet endroit, c’est proche de la tribune d’honneur. L’ange déchue y reconnaît sa cible…Mais compte également les neuf brutes qui l’accompagnent. Bof, ce n’est pas grave. Ce doit être tous des démons. Et puis désormais, la jeune femme ne faisait plus attention. Si quelqu’un se mettait en travers de sa route, il le payera de sa vie. Son sabre, son katana ou ses dagues, qu’importe mais il périra de sa lame. Alors neuf de plus sur sa liste, ce n’est rien. Le principal était le démon. Démon, démon…Ce mot ne faisait que résonner dans la tête d’Anéa. Elle était en partie une maintenant…À cette réalité, elle en fit une grimace, écœurée d’un côté, et de l’autre, cela lui « convenait ». Bien plus puissante, elle pourrait éliminer plus facilement ses proies.
Le spectacle battait son plein, et la jeune femme utilisa un mouvement de foule et de joie pour s’approcher de sa future victime. Un éclat pouvait se lire dans les yeux de la demoiselle. Cette envie de tuer lui prenait un sourire. Folle dîtes-vous ? Bah, à moitié démone, ça ne rigole plus. Enfin, si pardon. Ca prend son pied à tuer. D’un côté, cela faisait presque peur à la demoiselle de penser et réagir ainsi…Anéa se secoua la tête, effaçant toute pensée négative. Un seul but : tuer le démon. Elle s’avança encore près de la tribune, jusqu’à être proche d’un des gardes. Tous regardaient le centre du Colisée, là où deux gladiateurs se donnaient en spectacle en s’entretuant. L’un d’eux était au sol et finit par recevoir un coup de lame fatal. Un cri général de la foule acclama le vainqueur, faisant trembler le bâtiment même…
C’est le moment. Anéa dégaina son sabre arabe de sous sa jupe cendrée, prit par surprise le garde proche d’elle, le décapitant, avant de s’attaquer aux autres gardes. Un, deux, trois, quatre tombèrent, avec leur tête. Elle était proche du but, mais elle avait malheureusement ramené toute l’attention sur elle. Les autres gardes fondirent sur elle, comme une meute de loups affamés se jetant sur le premier bout de viande venu. Les spectateurs et le gladiateur étaient rivés sur cette autre bataille, qui les inquiétait autant qu’elle les émoustillait. La lame d’Anéa effleura le corps du démon en question, mais elle n’eût le temps de faire autre chose. Les cinq gardes restant réussirent à l’immobiliser et lancèrent l’arme de la jeune femme dans le sable du Colisée. Cette fois-ci, la foule acclama les gardes, et elle réclama un sort pour l’ange déchue. Le démon présent sourit, ordonnant à ses gardes de jeter la jeune femme dans le sable, et de la laisser au gladiateur vainqueur.
- Elle est toute à toi, champion ! Fais-en ce que tu veux !, cria le démon.
- En faire c’que j’veux ? Oh, ma poulette…, dit le champion.
Encore allongée au sol, Anéa cracha pour se défaire du sable qu’elle venait de manger. Se relevant, elle eût la surprise d’une main oppressante sur l’un de ses seins. C’était le gladiateur, qui était dans son dos, qui commençait à se délecter de son « cadeau ». Le sang de la demoiselle se mit à bouillir alors que tout le monde autour semblait se réjouir de cette scène. D’un geste de l’épaule, elle se défait de cette petite étreinte mammaire, et donna un coup de coude dans l’estomac du champion. Celui-ci s’abaissa sur le coup, très surpris qu’une femme l’agresse. Et Anéa en profita pour réunir toute sa rage dans son poing, un bon gauche dans la figure, l’envoyant valdinguer à plusieurs dizaines de mètres. Il ne faut jamais énerver une femme qui l’est déjà !
Un silence pesant se diffusait dans le Colisée. La foule était stupéfaite par ce qu’elle venait de voir. Le champion qui venait de se défaire simplement de son adversaire, se faisait mettre au tapis par une femme. Pas un bruit autour d’elle, Anéa foulait le sable de l’arène pour récupérer son sabre arabe, juste auparavant jeté par les gardes du démon. Elle se baissa pour le ramasser et essuya la lame sur sa jupe, pour en retirer le maximum de sang et de sable. Au loin, on pouvait voir le gladiateur se relever difficilement, cracha une petite rivière de sang. Fou de colère et se sentant humilié, il prit son arme à deux mains, croyant régler son compte à cette chienne qui avait osé lui mettre la main dessus.
Les hurlements reprirent dans le Colisée. Une deuxième bataille allait avoir lieu, et ce, gratuitement ! Il ne fallait pas grand-chose à ce peuple pour se réjouir. Du sable, de la bagarre et du sang. Anéa dégaina son katana également. Sabre, katana, rien de tel pour un combat. Elle avait un drôle de sourire aux lèvres, comme…Machiavélique. Brrrr, à en donner des frissons dans le dos. Le gladiateur vint la charger, engageant le premier coup vers elle, chose qu’elle esquiva facilement. Ce genre d’hommes, bourrés de muscles, avaient l’habitude d’une bataille à armes à deux mains, souvent puissantes et dévastatrices, mais également lourdes et lentes à manier. C’était là l’avantage de l’ange déchue. Elle était rapide, agile et forte à la fois. Elle ne pouvait que gagner. Avec une certaine rage au ventre, ses pulsions meurtrières n’étaient que plus fortes aussi. Alors, elle ne le laisserait pas gagner et ne prendrait pas de gants.
Pour l’instant, Anéa ne donne pas de coup. Elle ne fait qu’esquiver ou contrer, les bruits des armes résonnant, faisant croire à son adversaire qu’elle n’est pas capable de le battre, même à armes égales. J’ai bien dit « faire croire ». Aussi, il s’épuiserait aussi. Déjà, il devait l’être un peu de son précédent combat, et là, la jeune femme en profitait pour le fatiguer davantage. Elle fit même exprès de se faire toucher par la lame, blessant son épaule gauche. Le sang y coulait assez bien, mais cela était prévu. Il la penserait affaiblie et c’est ce qu’elle voulait. Jouant la comédie, elle feignit d’être essoufflée et abattue par sa blessure et la chaleur ambiante. Elle voulait qu’il s’approche, encore et encore, avec son arme. Elle savait qu’il prendrait du temps à lever son arme, et c’est là qu’elle devait taper. Ce qu’elle fit. Assez proche, le gladiateur souleva son arme pour porter un coup fatal à la jeune femme. Sauf que ce qu’il ne savait pas, c’est que c’est lui qui recevrait le dernier coup. D’un simple jeu de jambes rapides, Anéa se retrouva derrière le champion et transperça le cœur de l’homme avec son katana. Une nouvelle fois, un silence dans la Colisée. La jeune femme retira sa lame soudainement, la faisant un peu rouler sur elle-même en la retirant. Elle se déplaça pour faire face à ce gladiateur, bientôt mort. Il tomba à genoux, son arme clinquant au sol, lui, transpercé des deux côtés, le sang s’écoulant de la blessure mortelle et de sa bouche. Dans un sourire malsain, Anéa s’approcha de lui, lui susurra quelques mots à son oreille.
- Un dernier mot avant de mourir ?
Le pauvre commençait à s’étouffer dans son propre sang. Pitoyable. Avec son sabre et son katana, elle croisa ses armes au niveau de sa gorge. Elle n’attendit pas qu’il réponde à sa question. Un geste, rapide et simple, et la tête du gladiateur roula au sol. Son corps tomba raide sur le côté. Cette décapitation avait éclaboussé le visage d’Anéa de sang, mais cela ne la fit que plus sourire. Cela devenait malsain. Le peuple, jusqu’alors muet, se mit à hurler cette inconnue, à l’acclamer comme une championne. Un combat n’est qu’un spectacle pour eux, alors jouons jusqu’au bout. La jeune femme s’abaissa pour ramasser la tête encore dégoulinante de l’ancien champion, et avec force, elle l’envoya vers le public, plus précisément, vers ce démon qu’elle devait éliminer. Lui, prit d’un certain dégoût, fit rouler la tête sur le côté, à l’aide de son pied, pour ne pas avoir à la toucher directement. D’un geste de la tête, il fit signe à des gardes d’aller chercher la nouvelle championne et de l’emprisonner à l’intérieur du Colisée.
Entourée de gardes, Anéa se laissa bizarrement faire. Emmenée jusque dans les coulisses de l’arène, on la jeta dans une cellule, seule avec ses armes. S’écroulant au sol, sur les fesses, elle soupira longuement. Elle était énervée contre elle-même. Elle n’avait pas accompli son contrat, pourtant, elle devait le faire. Tapant dans les barreaux de sa cage, elle appela des gardes pour demander certaines choses.
- Gardes ! De l’eau et une pierre à aiguiser, c’possible ?
Elle pensait avoir cela ? Elle pouvait toujours se mettre le doigt dans l’œil. Un autre soupir s’extirpa d’entre ses lèvres. Elle déchira la moitié de sa jupe, montrant ainsi ses jambes aux mollets musclés. Le bout de tissu déchiré, elle cracha dessus et prit son sabre pour en nettoyer la lame. Cela suffisait pour enlever le maximum de sang et de sable. Après le sabre, le katana. Anéa prenait grand soin de ses armes. C’est grâce à elles, qu’elle est encore en vie. Elle ne se servit même pas du tissu pour s’essuyer le sang, maintenant presque séché, sur son visage. Une autre sorte de tatouage de guerre, en fait. Et à défaut d’une pierre à aiguiser, elle affuta la lame de ses armes contre les barreaux de sa cage. Elle ne faisait même pas attention à son bras gauche, dont une entaille avait été marquée durant le combat.
- Faut tout faire soi-même…
Son séjour au Colisée était loin d’être terminé…