Elle non plus ne savait pas très bien pourquoi elle s'était pointée. Elle était tranquillement chez elle, tirant sur son joint comme une forcenée, s'agrippant à lui pour ne pas céder à l'ennui. Se faire chier défoncé valait toujours mieux que se faire chier sobre. Et puis elle causait à Edith, sur Skype. Edith, sous MD, qui divaguait vaguement et parlait à un chat qui n'existait pas. Il l'avait sonné, comme il le faisait tout le temps. Une tonalité, et il raccrochait. Toujours. Edith le savait autant que Neena, si bien que, comme une otarie obèse aux nageoires ligaturées, elle s'était approchée de son ordi. L'écran de l'ordi était tombé, et son amie avait mis une heure à le remettre en place. Le temps que Neena enfile ses Dr Martens roses flamboyantes assorties à ses cheveux, vissant ses jambes où étaient enfilés des collants verts d'eau. Une robe blanche, parce que la pureté, c'était drôle pour elle, qui n'en avait plus une once dans le corps.
- Il te sonne ?
- Mh, mh.L'adolescente hocha la tête, enfila un perfecto noir usé.
- T'es pas sa chienne, hein.
- Mh, mh. Elle entendit Edith soupirer bruyamment.
- Pourquoi tu ... ?
- C'pas ton problème. Savoure ton ecsta' et laisse moi.Ecran rabaissé d'un coup, avant qu'Edith ait pu dire quoi que ce soit. Et Neena se retrouva bien vite dehors, dans le bus, le casque vissé sur les oreilles. Autant se mettre dans l'
ambiance.
- Mark my, mark my, mark my chest.Chantonna t'elle sur le chemin menant jusque chez lui, vérifiant si on ne la suivait pas. Neena n'était pas des plus discrètes. Et elle était connue, dans le coin. Dealeuse par excellence du lycée, proche du dénommé Kiss, celui qu'elle rejoignait, celui dont même Edith, sa meilleure amie, ignorait le nom. Pour elle, il était "
lui". Pour Neena, il était ...
C'est compliqué. Elle se remit la frange en place, alors qu'elle était devant la porte. Entra. Lui parla, un peu, à peine. Et se retrouva à le sucer, comme tant d'autres fois.
"
Faut que j'vise plus haut. Il me faut des noms, de nouveaux biz'. Si t'as une idée, c'est le moment de parler. J'aime pas quand tu parle avec plein de foutre dans la gueule et ça va pas tarder."
Absorbée par son
oeuvre, elle ne comprit qu'à moitié ce qu'il lui disait. Putain, ce qu'elle avait la bouche sèche. Elle se rincerait bien avec un whisky, tiens. Encerclant sa queue de sa main si douce, si précieuse, Neena la retira de sa bouche, s'éclaircissant silencieusement la gorge.
- Je gère que le lycée, p'tit coeur. Tu crois qu'y'a des ... Mh, putain.Elle se massa le front. Le joint lui tapait sur l'esprit. Elle n'était pas habituée à lui lancer de "p'tit coeur" un brin niais, mais bon. Avec lui, elle se lâchait, elle ne se contenait pas. Tant pis si elle devait se manger une mandale après. Elle se considérait comme un spectre vivant, qui n'a plus rien à perdre que du vent.
- J'disais ... Tu crois qu'y'a des gens intéressants, là-bas ? Nan. Que des clients, qui vont rarement au-dessus de 20 balles. Elle appliqua sa main, tiède, sur son torse, le regardant dans les yeux avec le peu de tendresse qu'elle pouvait encore lui offrir. L'espoir, dans les yeux de Neena, n'était qu'une braise timide étouffée par des cendres. Et encore, seulement quand elle était pétée, avec l'esprit étriqué, étripé, tordu en tous sens.
- ... Ou alors la banlieue, p'têt. J'connais deux-trois marchands d'arme avec qui j'ai ... Neena se mordit la lèvre, et se remit à l'ouvrage. Oui, elle avait baisé avec beaucoup de gens. La moitié, elle n'en avait pas retenu le nom. Et puis elle n'avait rien à prouvé à Kiss. Le goût de la verte encore sur le palais, elle captura à nouveau entre ses lèvres le membre du jeune homme, offrant à nouveau des vas-et-vients réguliers, les lèvres resserrées pour mieux l'étreindre, sa langue remontant parfois le long de sa queue, pour mieux l'avaler ensuite.