A voir la quantité de contrebande qu’il avait saisi, James se doutait bien que Harper Williams n’avait pas dépassé ses démons. Elle vivait à leurs côtés, soumise à leurs chuchotements, pour peu qu’elle n’y ait déjà cédé à nouveau. Quoi qu’il en soit, le risque de consommations prohibées avait été réduit à néant pour l’instant, et James comptait bien faire en sorte que rien d’interdit n’entre plus ici.
Sa mission serait peut-être compliquée. Il s’en doutait. Déjà, l’attitude princière de la belle héritière annonçait des difficultés pour s’imposer comme son tuteur. Elle tirait beaucoup parti de son physique et de ce qu’il pouvait provoquer chez les hommes, il le devinait. Ses choix et son hygiène de vie récente l’avaient peut-être gâchée dans une certaine mesure, elle n’en était pas moins extrêmement belle et toujours promise à d’excellentes dispositions, si elle voulait bien laisser ses caprices toxicomaniaques au vestiaire de l’adolescence.
Mais plutôt que de prendre outrage de sa remarque sur sa tenue, James sourit et hocha la tête.
« Fort bien, Miss Williams. »Si elle exigeait un certain standing dans ses appartements et son entourage, il en serait ainsi. James avait plus d’une corde à son arc qu’elle devait encore découvrir.
Ce qui fut moins bien reçu du nouveau tuteur était la bousculade surprise et sa chute dans l’eau, tout habillé, son téléphone, son portefeuille et ses cigarettes en poches. Pris de court, James bascula sans un bruit et fut plus occupé à éviter un plat sur le dos qu’autre chose, et il eut à peine le temps de sortir la tête de l’eau, l’air désemparé comme toute personne immergée par surprise, pour entendre son injonction formelle.
L’héritière disparut et James, piteux, sortit de l’eau en dégoulinant comme un cabot. Il se secoua, mais se résolut vite à devoir dégouliner pour un moment sans espoir de pouvoir se sécher convenablement. L’air sombre, il plongea la main dans sa poche pour sentir un paquet de cigarettes trempé et rempli de bouillie de tabac gonflé sous ses doigts. Il grogna.
Très bien, Harper. Si c’est la guerre que tu veux…Il quitta les lieux avec autant de dignité que possible, laissant derrière lui une traînée d’eau et un concert de bruits spongieux. Il aurait probablement été en droit de déprimer à ce stade, mais son esprit était orienté vers la résolution des problèmes et il avait une série d’idées en tête pour résoudre ce nœud gordien.
A la manière d’Alexandre le Grand, il le trancherait tout simplement.
* * *
Le soir venu, Harper se préparait à recevoir ses amis. A ce stade, elle avait certainement fait comme tout junkie se retenant de céder à la tentation en s’y exposant, cherchant dans ses cachettes ce qu’elle y avait caché, pour n’y constater que leur absence. Elle pouvait sûrement se rassurer par la venue de ses camarades et leur capacité à la réapprovisionner en contrebande tentante, mais cette source de réconfort viendrait bientôt à se tarir, elle aussi.
Car, comme les invités sonnaient à sa porte et qu’elle se précipitait pour leur ouvrir, alors qu’elle les accueillait un à un avec bises et embrassades fortes en piaillements et exclamations exagérées, elle ne faisait pas attention à ses angles morts. Et dans son dos s’éleva bientôt une voix maintenant connue.
« Bonsoir messieurs. Bonsoir mesdames. »Les amis s’arrêtèrent pour dévisager l’homme leur ayant adressé la parole. James se tenait droit dans le passage, ses cheveux décolorés recoiffés, vêtu cette fois d’un costume de qualité certainement retouché sur-mesure sur place par un des petits tailleurs hors de prix affectionnés par les traders et avocats de Wall Street. La silhouette détrempée et déconfite en costume bon marché avait disparu pour correspondre aux directives de Harper, mais le sourire malicieux de l’homme n’annonçait rien de bon, ce qui se confirma lorsqu’il reprit la parole.
« Mr Williams m’a chargé de la santé et de la sécurité de sa fille. Veuillez vider vos pocher et vous préparer pour une fouille au corps, je vous prie. »Parmi les amis de Harper, il y avait un grand dadais, le menton carré et la bouche arquée dans une éternelle moue de mépris, qui le dévisagea de la tête aux pieds avant de s’avancer d’un air dédaigneux. Il pointa son doigt vers lui, se prépara à l’envoyer bouler, mais James jeta sur lui un regard qui l’arrêta et s’exprima d’un ton si ferme qu’il le poussa au repli.
« Je ne crois pas m’être ouvert aux questions, Mr Baxter. » Il connaissait son nom. Que savait-il d’autre ?
« Dorénavant, pour le bien-être de Miss Williams, telle sera la procédure. Rappelez-vous qui paye ce penthouse, messieurs-dames. »Et cette dernière sentence était plus adressée à Harper qu’aux autres.
Comment les choses allaient-elles tourner à présent ? Baxter allait-il chercher à affirmer sa position d’alpha pathétique ? Ou Harper allait-elle piquer une crise princière ?