Elle ne savait plus quoi faire. En fait, peut-être que sa patience atteignait ses limites. Alors qu’elle se trouvait jusqu’ici bien installée à l’arrière du véhicule, contemplant les événements d’un œil malin, elle avait eut jusqu’ici le don de se laisser balader, ne forçant qu’à peine sa présence et essayant de procéder avec simplicité pour expliquer à ce trublion qui elle était. Mais il continuait à faire la forte tête. Il ne l’écoutait qu’à peine, il ne se permettait pas de lui accorder le demi-gramme de respect qui lui incombait et surtout, même quand elle agissait avec un peu de prescience, il se permettait d’être désagréable. Et cela l’offusquait, cela la mettait même dans des états plus qu’indisposé au vue de ce qu’elle était en train de faire pour lui sauver la mise, à lui et à sa petite tête vide. Non, sincèrement, qu’est-ce qui lui permettait à lui, ce grand enfant qui se la jouait nouveaux caïd dans les rues de Seïkusu, de lui parler sur ce ton, de se permettre tout les propos les plus condescendants sans jamais se remettre un brin en question ? Sa mère ne lui avait pas apprit que la première chose à faire quand on te donne un véritable coup de main est de remercier ? Sincèrement, ses griffes la démangeait à nouveau, elle avait envie de réduire ce petit morceau de crottes de hareng en charpie, mais encore une fois son esprit l’intimait au calme, à la douceur : Elle avait eut le désir de s’occuper de lui ce soir, c’était peut-être aussi son erreur d’avoir choisit un tel crétin… Alors on ne tue personne, on se calme, et on réfléchit tranquillement :
« Je tiens pas à crever comme une merde ici, alors évite de me déconcentrer, okay ? J'sais pas d'où tu sors mais ici c'est chacun pour sa gueule. Si quelqu'un vient te dire qu'il veut t'aider c'est juste pour mieux te la faire à l'envers dans la foulée. Et il y a pas marqué couillon sur mon front.
- Non, mais il y a visiblement écrit gamin stupide. Tu t’es foutu volontairement dans la merde et voilà que quand quelqu’un se propose pour t’aider à t’en sortir, tu n’as pas la moindre marque de respect et d’écoutes ? »
Elle était en colère, c’était un fait, mais elle savait que tant qu’elle ne lui prouvait pas par A+B qu’elle n’était pas une petite chose fragile en plein mauvais trip, elle allait avoir tout le mal du monde à lui rentrer le moindre truc dans le crâne. Alors elle observa les lieux, les chausses-trappes, les points qui étaient visiblement fait pour que les conducteurs peu chevronnés face un vol plané de tout les diables et finissent dans le décor, sous le regard amusé de la bande de badauds qui se cachaient derrière leurs caméras. Eux, les quelques raclures du dimanche qui se satisfaisaient de ce genre d’ignobles actes, tels quelques anciens romains appréciaient la fosse au lion et les jeux cruels du cirque, voulaient un peu d’émotion fortes ? Et son petit damoiseau à l’esprit emplie par la thune et le besoin d’argent étaient en train de vouloir mettre sa vie sur la ligne pour quelques piécettes qui lui permettraient de s’acheter une bouteille de whisky et de coca light pour abreuver sa pitoyable vie ? Très bien, elle allait satisfaire tout le monde, et dans la foulée régler son propre problèmes avec Souta. Au vu de la vitesse du véhicule, elle voyait parfaitement comment elle allait pouvoir s’en sortir, comment elle allait procéder, aussi attendit-elle avec la plus grande impatience qu’il fasse son écart logique sur la droite afin de s’aligner avec la voiture qui se trouvait devant lui, puis se mit à parler, avec un ton qui ne présageaient absolument rien de bon au vue de la rancoeur qui s’y était niché :
« Tu sais quoi ? Vous voulez tous des émotions fortes ? Eh bien soit, payons nous une bonne tranche de divertissement ! On va jouer ensemble ! »
Elle tendit un doigt depuis la banquette arrière, pointant alors le volant du pauvre conducteur qui allait sûrement avoir la plus grosse frayeur de sa vie… Et fit un geste sur la droite, emportant ainsi avec elle le mécanisme de la voiture. Quelque soit la force du damoiseau, qui pourtant présentait une excellente musculature, le volant tourna de lui-même tout en emportant ses mains, et les roues suivirent, les deux alors braquées sur la droite, emportant le véhicule droit vers un tremplin improvisé dont la seule existence était source de malheur et de crainte pour quiconque l’emprunterait. Peut-être que le gamin hurla, ou vociféra, mais tout ce qu’il aura durant les quelques instants où ils prirent cet angle hasardeux pour décoller du sol et s’élancer dans les airs était un sourire franc et narquois d’Emaneth, la Djinn étant tout simplement ravi de son tour. Alors les roues vibrèrent, et le bolide partit de son support pour commencer une superbe parabole aérienne, et ce fut l’instant pour que l’esprit du désert se mette enfin en activité : Usant de ses dons les plus évidents, les plus spectaculaires, la femme gêla lentement le temps. Ce qui semblait être l’affaire de quelques secondes s’allongea, et s’allongea, et s’allongea, tant et si bien que la voiture s’arrêta à mi-hauteur, avant même qu’elle n’ait entamée son déclin et se figea dans les airs. Plus un bruit, ni sur la piste, ni aux alentours, les speakers étaient muet, et les voitures qui étaient visible, plus bas, avaient cessée d’avancer, même si l’on pouvait voir au niveau des roues quelques crépitements figés dans le temps.
« Bon ! On peut dire que j’ai de la chance d’être au top de ma forme ce soir, ce genre de tour demande quand même un certain coût en terme de ressources personnelles. Mais visiblement il te fallait un peu plus pour comprendre les événements... »
Quittant la banquette arrière, elle louvoie entre les deux sièges avants, et vient caresser délicatement le volant, comme pour signifier encore un peu plus qu’elle est celle qui l’avait tourné plus tôt afin de les emporter dans cet instant. Souta ne devait pas être affecté par ses dons, mais il était plus que logique qu’il en ai quelque chose à dire, que son esprit logique vienne même peut-être lutter contre ce qu’il était en train de se passer, et elle pouvait honnêtement le comprendre. Sauf qu’elle avait plus important en tête, et vu que cela occupait SA pensée, cela avait plus d’importance que toutes les jérémiades et toutes les autres formes de réponses que cet enfant aurait l’occasion de lui soumettre. Non, elle s’en moquait, elle vint simplement finir son mouvement et s’asseoir sur le tableau de bord, étendant ses jambes dans le cockpit, l’une sur le siège passager, l’autre sur la cuisse du voyou, appuyant légèrement son pied dessus pour sous-entendre une position de force, de supériorité. Puis, avec l’ensemble de son égo, et ce même si la vitre de la voiture l’obligeait à se coucher en avant sur ses propres cuisses, elle tourna la tête de manière à plonger de manière très clairs les deux émeraudes qui lui servaient d’yeux dans les siens, captant immédiatement son attention pour entamer son monologue :
« Tout d’abord, sache que j’ai tout mon temps. La puissance de mes œuvres dépend principalement du nombre de personnes pouvant le constater, et l’avantage de l’arrêt du temps, c’est que personne autre que toi et moi ne l’observons. J’espère, ou du moins je souhaites de toute mon âme que tu as enfin ouvert tes oreilles et connectés tes deux neurones, parce que si tu as encore la tendance à te foutre de ma gueule après ce genre d’actions, je crois que je vais être la plus exécrables des choses qui te soient arrivés durant ta courte vie, c’est clair ? »
Si une chose était évidente en cet instant, c’était la colère sourde qui habitait l’esprit. Même si elle habitait le corps d’Enothis pour pouvoir profiter du monde des vivants, elle n’avait pas franchement à coeur d’être considérée comme tel, surtout par une personne qu’elle avait gracieusement choisit de soutenir dans sa triste entreprise de gagner quelques piècettes. Alors elle continua, commençant à énumérer les points qui ne la satisfaisait pas, mais surtout en cherchant à être le plus clair possible sur ses intentions. Il fallait qu’elle arrive à traversé l’armure en acier trempée de logique de rue de ce jeune garçon, et si pour cela elle devait lui marteler ses idées en cognant directement son front, elle le ferait :
« Vois-tu, donc, j’ai eut la gracieuse envie de prendre soin d’un jeune homme qui m’a intéressé. Quel mal m’a prit de croire que ce gamin aurait le brin de jugeote pour m’écouter, te voilà, devant moi, capable de me sortir que je serais une quelconque toxicomane, ou une hallucinée. Ça m’as mit dans une telle colère, tu ne peux pas savoir. Mais je décide de faire des efforts, après tout je pourrais bien t’abandonner à ton triste sort, mais vois-tu, mes élans de gentillesse me pousse plus loin que la raison ne le devrait ! »
Elle se rapprochait, lentement, glissait presque dans les airs, comme si seul son visage se rapprochait de celui du jeune homme. Ce genre d’effet d’optique était assez commun chez la djinn, qui dans l’expression de ses émotions pouvaient parfois avoir une légère perte de contrôle sur l’ésotérisme qu’elle pouvait instiller dans l’air, cette espèce de présence magique et non-naturelle. Là, pour le coup, on pouvait presque rapprocher cela à une forme d’intimidation, ses deux grands yeux étant là pour quasiment hypnotiser la forme de vie capable de comprendre sa dangerosité et de la craindre. Rien ne dit que Souta serait de ce genre, après tout des tentatives d’intimidations il avait dut en connaître, mais allez savoir, parfois il es tout particulièrement déstabilisant de se retrouver en otage, dans une voiture de courses, à quelques quatre mètres de hauteur, sans savoir si le retour au sol allait bien se passer ! Enfin, dans ce mélange d’émotions et de paroles, la Djinn entama de calmer ses ardeurs, de les contenir, d’y offrir à la place un nouveau départ, et ce de la plus belle des manières :
« Alors je me permets de te proposer ceci : on fait table rase des événements précédents, et nous reprenons tout depuis le début. Je m’appelle Emaneth, et veut faire de toi mon champion pour la soirée. Si mon champion est suffisamment capable, je le protégerais des tricheries de ses vilains concurrents. Si mon champion est vainqueur, je peux même choisir de le récompenser gracieusement. Si mon champion accepte les règles de mon jeu, je suis même capable d’accorder une première faveur, tant que mon champion n’est pas trop gourmand. »
Elle le regarde, droit dans les yeux, et est désormais quasiment sur son corps, le souffle sur son cou, le fins tissus glissant légèrement sur la peau du voyou. La main d’Emaneth, de manière bien audacieuse et réfléchie, est désormais appuyée sur le siège, pile à l’entre-jambe de la forte-tête en face d’elle.
« Alors, comment s’appelle mon champion ? Et es-tu prêt à reprendre ta course ? »