ÉPILOGUE
Les artifices éclataient dans le ciel, sous les relents de
musiques inspirantes et paisibles d’Edoras, musiques de joie, traduisant une nouvelle félicité. Ce soir, Edoras ne dormait pas, que ce soit dans, ou en-dehors, du Temple de la Lune. Les deux souveraines s’unissaient au nom de l’amour, et l’avenir semblait radieux, s’ouvrant sous les meilleures auspices.
À côté du Temple de la Lune, il y avait un lac, un agréable lac qui permettait également de voir la ville, et, ce soir, la surface du lac réfléchissait les multiples feux d’artifices qui éclataient. Ce n’était pas la fin de la soirée, car, comme de coutume, les Edorassiens s’apprêtaient à faire briller la nuit, en envoyant dans le ciel les fameuses lanternes célestes. La tradition voulait en effet qu’un mariage soit célébré par des lampes qu’on attachait à des ballons pour les faire voler en l’air. Et, ce soir, cette tradition serait respectée. Sur le lac, les artificiers se préparaient donc, après avoir lancé leurs fusées, allumant les lanternes, comme tous les habitants.
L’aube était paresseusement en train de se lever, de telle sorte qu’il fallait lancer les lampes à l’aurore. Historiquement, Edoras avait utilisé ces lanternes grâce à Elise Kaguya, la Première ayant eu l’idée de ce système en consultant de vieux ouvrages militaires, afin de l’utiliser pour la signalétique militaire. La technologie était ensuite devenue désuète avec l’apparition de nouveaux moyens de communication, et les lanternes célestes avaient trouvé une renaissance en tombant dans le domaine civil. De fait, il existait, à Edoras, une fête traditionnelle annuelle, un festival où chaque couple se rendait à un grand parc local,e t lançait le soir les lanternes, en hommage à leur amour : le
Loy Kratong.
Aujourd’hui, le festival allait arriver en avance. Pour autant, toute cette joie n’était pas sans déclencher, aux yeux de la femme assise sur une petite île au centre du lac, une certaine mélancolie.
«
Jadis, on me rejetait pour mes grandes oreilles. Aujourd’hui, on rejette les autres parce qu’il sont des poils aux mentons. Sommes-nous condamnés à répéter sans arrêt les mêmes erreurs ? »
On aurait pu croire qu’elle soliloquait seule, mais une silhouette s’avança dans son dos. Sur l’île, il y avait une petite cabane rouge, et elle était assise là, silhouette solitaire, posée sur le balcon. Les planches de bois craquèrent sous les pas de ses bottes. Personne ne semblait les avoir vus, et elle observait les remparts du Temple, où, sous peu, elle s’attendait à ce que le balcon de la chambre royale s’ouvre pour que Shunya et Hinata envoient leur première lanterne, et que les autres suivent ensuite.
«
Ne devriez-vous pas ressentir davantage de joie pour votre descendante ? demanda-t-il malgré tout.
-
C’est précisément au nom de cette joie que je médite. Quand Madoka est morte, les gens m’accusaient de l’avoir empoisonné. Leur chagrin était manipulé par des nobles et des rivaux jaloux. »
Ilyn avait été la femme de la quatrième Reine d’Edoras, Madoka Kaguya, une femme généreuse, mais cacochyme. Beaucoup avaient accusé Ilyn d’entretenir la maladie de la femme, en indiquant que la femme de Madoka voulait offrir les rênes du royaume aux elfes. Maintenant, ce n’était plus les elfes que les Edorassiens voyaient d’un mauvais œil, mais les hommes.
«
Nous ne pouvons pas les aider, Ilyn. -
Mais c’est elle, je l’ai senti. C’est pour ça que je suis venue les voir, je voulais la sentir... Ses pouvoirs sont en train de se manifester, le sceau se rompt. »
Une grimace traversa les lèvres du vieil elfe.
«
C’est trop tôt... C’est beaucoup trop tôt. Est-ce qu’elle se rappelle... ? -
Non... Mais ça ne saurait tarder, maintenant. Elle va tomber enceinte ce soir, et, avec ce bébé, nos sceaux vont se rompre. -
Nous l’avions anticipé. Il sait que sa proie est là. Le Temple a été attaqué il y a quelques semaines... Ils voulaient savoir qui a survécu ce soir-là. Ils ne savent pas encore qu’il s’agit de Shunya, mais... Plus sa magie se réveillera, et plus Il le sentira. -
Nous devrions le leur dire... -
Et les paniquer inutilement ? Nous avons tout perdu, Ilyn. L’Héritage n’existe plus. Partout, la Rose étend ses pétales, et nous ne pouvons que compter les points. Ce que je dis, c’est qu’il faut retrouver Roland au plus vite. Veille encore sur elles, Ilyn. Elles méritent le bonheur auquel nous avons été privés. -
C’est amusant, non ? J’existe depuis plusieurs siècles, toi depuis des millénaires... Mais, pour autant... »
Le balcon de la chambre royale s’ouvrit sur le couple. Elles souriaient ensemble, insouciantes, heureuses, comme elles mériteraient de l’être. Shunya tenait dans sa main la lanterne, et Hinata enflamma la bougie, puis elles tinrent toutes les deux, à bout de bras, la lanterne, avant de la relâcher. Fugacement, la lanterne s’éleva, semblant redescendre, puis décolla à nouveau. Elles s’embrassèrent alors, sous les yeux d’Ilyn Kaguya et de son père, l’
Omniprêtre de Sylvandell, qui compléta la phrase inachevée d’Ilyn.
«
...Nous manquons de temps. »
Pendant ce temps, dans le ciel, la lanterne solitaire du couple royal fut rapidement rejointe par ses consœurs.
Pour cette fin de soirée, Edoras brillait de mille feux.