Amélie était bien différente quand elle était seule que quand elle était avec ses amis, comme Mishi, ou Zetsu. C’était une conséquence du fameux effet de groupe, ce qu’un compatriote français d’Amélie avait su, en son temps, souligner, que quand il y en a un(e), ça va, mais que ça se gâte quand il y en a toute une chiée. Seule, Amélie n’était qu’une jeune fille faible, sans muscle, dans un pays qu’elle ne connaissait pas, et complètement paumée. Autant dire qu’elle n’avait aucune raison de faire la fière. Avec Mimi’, c’était évidemment différent, car Mishi avait le don de lui inspirer confiance. Elle connaissait Seikusu comme sa poche, et, malgré ses mauvaises fréquentations, elle était ce qui, pour Amélie, s’apparentait le plus à une grande sœur. C’était sa meilleure copine, tout simplement ! Avec Zetsu, ils formaient un trio de choc : une gaijin, une pute, et un escroc ! Face à elle, il y avait ce mystérieux Français, ce sanguin qui leur avait hurlé dessus dans le bus. Curieusement, cet homme semblait plus calme que dans le bus, mais Amélie se demandait si ce n’était pas une tentative de l’amadouer. Il devait se douter que, si elle se mettait à hurler, toute une bande lui tomberait dessus.
« Je connais ta copine en rose, elle te l'a peut-être dit. Mais en tout bien tout honneur, hein !, »
Mishi ne l’avait pas dit, mais Amélie se doutait bien de ce qui s’était passé. Mishi ne lui parlait jamais de ses passes. Par honte ? Ou parce qu’elle se disait qu’Amélie était jeune ? Pourtant, les deux femmes parlaient de sexe assez fréquemment. Elles adoraient parler du cul des mecs et des nans qu’elle voyait dans la rue, mais Mishi ne parlait jamais de ces expériences sexuelles. Pour l’heure, Amélie ne savait pas si elle devait se fier à cet homme ou pas.
Tout en parlant, l’homme se rapprochait. Entendre du français, ça lui faisait plaisir. Les Français n’étaient pas nombreux au Japon, et Amélie savait qu’ils avaient la cote. Dès qu’on tombait sur un Français, les Japonais ne pouvaient s’empêcher de parler de la « Eiffel Tower ». La tour de Tokyo illustrait tout l’attrait que les Japonais éprouvaient pour la glorieuse Tour Eiffel. Quand elle traînait à Paris, Amélie avait déjà fumé aux pieds de la Tour, de nuit, mais elle n’avait jamais grimpé à son sommet. Elle savait que les Japonais adoraient les Français, et qu’un Français un peu séducteur n’avait aucune difficulté à finir dans le lit des Japonaises, pour peu qu’il tombe sur une Japonaise moderne. Et elle sentait bien que ce type-là, ce Don Juan, en faisait partie.
Il s’avançait lentement, et elle se demandait s’il ne cherchait pas à l’endormir. C’était une trop curieuse coïncidence, pour revoir ce type.
« Puis j'ai vu l'autre taré ! Mais rassure-toi, je ne veux pas te violer, moi ; je préfère quand chacun veut... »
Elle ne put s’empêcher de sourire, et posa sa main sur sa casquette, remisant cette dernière avec un léger sourire éclairé sur les lèvres.
« C’est toujours mieux, ouais... Écoute, je sais pas ce que t’as traficoté avec Mimi’, mais j’en ai une bonne idée, et j’ai pas spécialement envie d’en savoir plus. »
Elle joignit ses mains dans son dos, les serrant nerveusement, puis regarda la mer, et soupira légèrement.
« Alors, t’es venu ici pour la fête ? Ou pour draguer des nanas ? Les Français ont la côte ici, tu sais. »
Elle parlait en connaissance de cause.