La dernière bataille de nourriture remontait à... Longtemps. Il avait fallu que ces deux Terranides nerveuses débarquent pour que la situation dégénère rapidement au pugilat le plus complet. Anko continuait à provoquer Clara, et, contrairement à Shii, Clara n’était pas du genre à se laisser faire. Elle répliqua en balançant une carafe, et Anko utilisa Chako comme bouclier, avant de répliquer. Les autres filles hurlèrent, puis se joignirent également à la mêlée. Il ne fallait pas oublier que la plupart d’entre elles étaient des adolescentes. Quand on les mettait toutes ensemble, il fallait s’attendre à ce genre de choses. Même vivre dans un endroit où le sexe était omniprésent ne suffisait pas à lutter contre leurs instincts. Jalousie, rumeurs, sarcasmes, et même petits clans se formaient continuellement. Le manoir était rempli de filles, et ce genre de bagarre arrivait souvent en mangeant. Les mies de pain fusèrent dans tous les sens, sous les gloussements et les hurlements.
Mélinda ne dit rien, restant dans son coin, mains jointes sous son coude, et il fallut bien attendre une bonne demi-heure pour que les deux camps se gagnent, faute de munitions supplémentaires. La belle table était décorée de flaques d’eau dans lesquelles flottaient des mies de pains, et, peu à peu, comme si elels prenaient soudain conscience de leur bêtise, les jeunes adolescentes se tortillèrent sur place en fixant leurs pieds, face à une Maîtresse qui était restée silencieuse... Ainsi que face aux femmes plus âgées, qui croisaient les bras en restant en retrait. Si Mélinda les laissait faire, elle était sûre qu’elles seraient bien plus sévères qu’elle, et n’hésiterait pas à en fouetter quelques-unes. Les adultes venaient de Terra, où elles avaient connu la faim, et savaient qu’il ne fallait pas jouer avec la nourriture. Elles étaient reconnaissantes à leur Maîtresse de leur offrir un repas chaud deux fois par jour, mais les lycéennes de Seikusu étaient habituées à ça. Elles étaient embourgeoisées.
Les rires laissèrent place aux raclements et aux soupirs gênés, avant que Mélinda ne finisse par déglutir, claquant sa langue contre son palais en relevant son visage.
« Bien... Je fouette la première qui osera me dire : ‘‘C’est elle qui a commencé !’’ »
Mélinda les observa de gauche à droite. Elles fuyaient son regard. Si elle demandait à Clara de se justifier, elle savait que c’était ce qu’elle dirait, en fixant rageusement Anko, mais Mélinda ne voulait pas que cet incident n’exclue les deux Terranides. Chako semblait mortifiée, et Anko avait plutôt l’air d’être du genre à vouloir en remettre une seconde couche.
« Vous allez tout nettoyer, et vous ne mangerez que quand cette table sera propre. »
Il y eut quelques soupirs, mais elles acquiescèrent. Mélinda se retourna alors vers Anko et Chako.
« Vous deux, suivez-moi. Le temps que la table soit de nouveau prête, je vais vous montrer votre chambre. »
Il fallait trouver un moyen de contraindre Anko à se déplacer, mais, si Mélinda avait bien une idée, elle savait qu’elle ne pourrait pas l’appliquer si facilement. Elle se contenta de marcher, en s’assurant que les deux la suivraient, Clara fusillant du regard Anko, marmonnant quelques mots à voix basse en serrant son poing. Mélinda s’avança lentement, jusqu’à monter un escalier, puis s’arrêta au troisième étage, le dernier, et passa par une grande porte ouverte, menant sur un couloir qui longeait des vitres sur la gauche. Il y avait une série de portes menant à des chambres.
« Comme vous êtes de nouvelles pensionnaires, je vais vous loger à côté de ma chambre. »
Elle s’avança jusqu’à une porte, et l’ouvrit.
« Allez-y, entrez... C’est votre chambre. »
Il y avait un grand lit à l’intérieur, un lit à baldaquin, une fenêtre donnant sur la cour, un placard, et un bureau. La chambre faisait une dizaine de mètres carrés. Ce n’était pas très grand, mais... Et bien, c’était une chambre. Il y avait un miroir face au mur.
« La décoration est encore très impersonnelle, mais vous pourrez y ajouter votre propre touche. Je vous demanderais juste d’éviter d’abîmer le mobilier... Quant au lit, il est pour vous deux, mais, si vous voulez chacune un lit séparé, je peux vous proposer une autre chambre. »
Le manoir était grand, comme Anko et Chako avaient peut-être eu l’occasion de le remarquer.
« Toutes les chambres sont faites pendant la matinée par vos camarades. Votre lit est donc propre... Néanmoins... »
Elle ménagea une courte pause, et tendit chacune de ses deux mains vers les deux têtes devant elle, caressant les cheveux d’Anko et de Chako.
« Anko, j’aimerais que tu arrêtes d’utiliser ton amie comme un bouclier. Tu ne l’as peut-être pas vu pendant que tu menais ton combat contre Clara, mais Chako était terrorisée. Alors, si cela peut te rassurer, Chako, je ne vous rejetterai pas pour ça... Mais je ne garantis pas l’absence de représailles de la part de Clara, Anko... Ce que j’aimerais éviter, car je n’aime pas devoir faire régner la discipline. D’accord ? »
Elle essayait bien de leur comprendre qu’elle ne voulait pas leur faire de mal, mais elle ne pouvait pas non plus rester éternellement indifférente. C’était un lieu de filles, où la jalousie s’installait très facilement. Si elle ne punissait pas Anko, les autres l’accuseraient de favoritisme, et les deux Terranides se sentiraient exclues. Elle se pencha alors vers elles, et embrassa chacune des deux Terranides sur le front.
« Je souhaite que vous vous intégriez, toutes les deux, et que vous n’ayez plus jamais à manquer de rien, que ce soit de confort ou de nourriture. Pense à Chako, Anko... Je ne vous séparerais pas, mais, si ton comportement fait que personne ne peut te supporter, je n’aurais pas d’autres choix que de vous renvoyer toutes les deux... Et je n’ai pas envie de le faire. Je ne demande pas de t’excuser auprès de Clara, car elle est aussi coupable que toi, mais... Évite juste de tendre le dos pour te faire battre. »
Mélinda leur sourit à nouveau, puis s’écarta.
« Je vous laisse vous imprégner de votre chambre, et me dire si elle vous convient. Une fois ceci fait, nous retournerons manger... Ou essayer. »