« S'il faisait ça, je ne lui pardonnerai jamais. Je ne vais pas te mentir, Mélinda : je l'aime encore. Je nous donnerai une seconde chance. Mais il devra me prendre comme je serai, quand je me serai reconstruite. Et tu fais partie de moi. »
Ça faisait du bien à entendre... Mais pas uniquement. C’était aussi assez douloureux, malgré tout. Savoir qu’elle l’aimait toujours... Mélinda était après tout une femme qui n’appréciait que très modérément la concurrence. Et le retour de cet homme signifierait sûrement un nouveau lot de problèmes. Peut-être devrait-elle finalement le supprimer ? En se débrouillant pour qu’Hitomi n’en sache rien ? La mort de cet homme ne risquait visiblement pas de poser beaucoup de problèmes à grand-monde. Hitomi en serait déprimée, bien sûr, au début, mais, si Mélinda se débrouillait pour maquiller ça... Une piste à explorer. Toujours est-il qu’elle ne comprenait décidément rien aux humains, et à leur manie de faire du sexe quelque chose de sacré, qu’on liait obligatoirement à l’amour et à la famille.
*En soi, ça n’a rien d’étonnant... Le taux de stérilité des humains est presque insignifiant par rapport à celui des vampires... Le sexe, pour eux, c’est comme le sang, pour nous.*
Hitomi semblait en tout cas s’être calmée. Elle avait encore les yeux rougis, mais elle semblait avoir vu une lueur d’espoir dans cette espèce de tunnel abyssal dans lequel elle s’était plongée. Elle récupéra pensivement sa poupée. Mélinda n’aurait pas su quoi en faire, de toute façon. La prof’ jura alors de leur rester fidèle, et d’être là pour elles :
« Je serais là, Mélinda, et pas seulement pour toi. Je serais faible, maladroite, amoureuse de ce mec si ça repart entre nous. Mais toi et les filles, vous pourrez compter sur moi. »
Pas aujourd’hui, mais, bientôt, ces mots allaient devoir se vérifier et se confirmer. Parfois, les mots ne suffisent plus, et il faut passer aux actes. Hitomi allait devoir prouver sa bonne volonté, car elle n’avait pas d’autres moyens à sa disposition pour crever l’abcès et parvenir à se faire accepter de nouveau au sein du manoir. Il n’était même pas impossible que ce soit par le biais de Clara... Pas impossible du tout, même... Hitomi se redressa, prête à partir, et Mélinda lut dans ses yeux un éclair, fugace mais non moins réel, de désir. L’envie de se coller à elle, de toucher son visage, de l’embrasser, peut-être même de se perdre à nouveau en elle comme elles avaient jadis pu se perdre autrefois. Hitomi dut se retenir, et Mélinda fronça légèrement les sourcils, contrariée. Elle était venue, elle avait fait son petit esclandre, et elle comptait repartir ? Comme ça, sans même vraiment se dire au revoir ? Avec une blague à la con sur son « stagiaire » à l’entrée ? Le pauvre Edgar était du genre nerveux et stressé, même s’il se faisait passer pour un vigile sûr et serein. Mélinda ne l’avait accepté que parce que Kaori avait insisté. Initialement, elle ne comptait pas embaucher de vigiles, et ce malgré les recommandations de Kaileesha. Non seulement ça lui revenait cher, mais elle ne voyait pas ce que de simples humains pourraient faire contre des démons.
« À bientôt, Mélinda. »
Elle avait lâché ça sur un ton un peu plus guilleret, et Mélinda soupira. Alors qu’Hitomi se retournait, elle lâcha un seul mot, en se décollant du bureau :
« Attends. »
Mélinda s’avança vers Hitomi, et plaqua à nouveau son corps contre le sien, levant ses belles mains pour caresser les joues d’Hitomi.
« Tu comptais vraiment partir aussi facilement ? Après avoir piqué ta crise dans mon bureau ? »
Un léger sourire traversa les lèvres de Mélinda, qui glissa sa main sur la nuque d’Hitomi, et s’y appuya pour se redresser... Avant de l’embrasser. Ce fut aussi simple que ça. Leurs lèvres se frôlèrent brièvement, et elle les scella. Ses deux lèvres partirent à l’assaut de celles d’Hitomi, et ce fut un subtil ballet, un tendre baiser. Plaquée contre le mur, Hitomi était prisonnière, et Mélinda eut un soupir de plaisir, avalé par cette bouche merveilleuse. Oh oui, ça lui avait manqué... Et, maintenant qu’elle sentait cette bouche dans la sienne, elle se rappelait à quel point. Hitomi avait vraiment un don pour ça, et Mélinda ne se priva pas. Le baiser dura ainsi bien une bonne minute, jusqu’à ce que Mélinda retire, presque à contrecœur, ses lèvres. L’un de ses doigts se posa alors sur celle d’Hitomi, et son ongle pointu vint caresser ses lèvres :
« Pour te porter chance... N’oublie jamais, Hitomi. Avec ceux qui le méritent, mon amour est infini, tout comme l’est ma cruauté avec ceux qui le méritent. »
C’était une menace autant qu’un encouragement.
*Ne refais plus la conne, Hitomi, car, alors, tu apprendrais que ma patience a des limites.*
Mélinda se décolla ensuite lentement, un léger sourire de plaisir sur les lèvres, et se retourna, montrant son dos à la prof’.
« Maintenant, tu peux disposer, et retourner à tes occupations. Mais sache que ce n’est pas terminé, Hitomi. Il suffira plus que des mots pour reconstruire notre lien de confiance. La prochaine fois... C’est moi qui t’appellera. »
La vampire avait une idée, mais le temps n’était pas encore venu.
Il allait falloir attendre la semaine prochaine.