Tandis que je me redressais après avoir adressé quelques remerciements à Monsieur Kalvenhaar, je pus avoir le bonheur d’entendre de nouveau sa voix, sentant mon cœur s’emballer à vive allure malgré moi. Pourtant, il n’y avait pas de quoi. Les mots que m'adressait ce charmant professeur étaient dignes de répliques très scolaires et solennelles, du appris par cœur, de phrases qui ont ce quelque chose de presque froid tant c’était très « professionnel ». Pourtant, le simple fait qu’il me parle et me regarde faisait battre mon palpitant cardiaque à une vitesse folle, alors qu’une douce chaleur étrange, mais, pas si inconnue, envahissait mon être sans que je ne puisse l’expliquer. Et, étrangement, je me sentais heureuse de cet échange, mais aussi, inquiète qu’il prenne fin.
Bien sûr, ce moment tant redouté ne tarda pas à arriver, et l’instant de se quitter arriva par la suite. C’est donc d’un dernier hochement de tête, le tout accompagné d’un doux sourire, que je salua ce bel homme qui ne me laissait pas de marbre, avant de rentrer à mon tour dans la voiture pour y rejoindre la jeune Miko. Puis le chauffeur retourna à sa place et le luxueux véhicule se mit en route, nous éloignant doucement mais sûrement de l’établissement scolaire. Et moi, sans m’en rendre compte, je me retourna légèrement, ma tête jetant un regard à la fenêtre arrière du véhicule. Pourquoi ? Tout simplement pour regarder une dernière fois le beau rouquin, le zieutant entrain de nous saluer au loin pendant que le carrosse s’éloigne, tandis que mon cœur se resserré doucement d’une sensation des plus désagréables, comme ces terribles aurevoirs lorsque l’on quitte un être cher. Étrange sensation, vraiment très étrange. Pourquoi ressentais-je une telle chose ? Mais, je fus vite sortie de mes songes, de mes sensations et de mon zieutage, la voix taquine de la jeune Miko me parvenant à mes oreilles sur un ton chantant.
« Il te plaît ? »
« Par-pardon ?!? »
« Mon prof’, il te plaît non ? »
« Co-comment ?!? Je… »
« Alleeeeeeeez Fressia ! Ça se voit à des kilomètres qu’il te plaît ! T’étais toute maladroite devant lui, et t’es entrain de l’admirer là ! »
« Je… Ça n’a rien à voir, je… Je l’ai trouvé très impressionnant et gentil… Puis, je… Je voulais juste voir s’il était parti et… »
« Ouaiiiiiis, c’est ça ! T’es toute rouge ! Hahaha ! On dirait une collégienne, t’es trop marrante ! »
Une collégienne, moi ? À mon âge ?! Puis, comment ça je suis toute rouge ?!? Par réflexe, je me rassis correctement, venant cette fois à tourner ma tête du côté de la vitre de la portière à ma droite. Et, je pouvais en effet constater dans son reflet que j’avais le visage totalement rouge pivoine, telle une jeune fille rougissante à ses premiers émois ! Puis, je pouvais également voir que la jeune demoiselle à mes côtés riait aux éclats, amusée visiblement de cet échange que nous venions d’avoir.
Mais… Ça serait donc ça ? Je veux dire, Monsieur Kalvenhaar, il… Il me plairait ? Je… Je ne sais quoi en penser, mais… Cela ne me paraît pas totalement insensé… Après tout, mon cœur n’arrêtait pas de battre la chamade en sa compagnie, et, je ne pouvais m'empêcher de le trouver séduisant autant dans sa voix, son parfum, son comportement et son physique. C’est vrai que son apparence ne me laissait pas indifférente, mais, est-ce que ce n’était pas parce-qu’il me rappelait cet homme, celui qui m’avait sauvé autrefois ? C'est fort possible, oui, ça devait même être ça non ? Oui, cela me paraissait plus logique. Puis, soyons sérieux quelques instants, on ne tombe pas aussi rapidement sous le charme de quelqu’un, non ? Ça prend plus de temps, enfin, sauf dans la littérature ou dans la musique. Enfin, je crois. Je ne sais plus.
Mais voilà, autant mes questionnements ne cessaient de tourmenter mon esprit, que le reste du programme de ma journée vint s’inviter à la fête. Me permettant ainsi de me focus sur mes tâches à venir, me rappelant qu’après avoir raccompagner Miko chez les Takahashi, il faudra que je l’aide avec ses devoirs, avant de me sauver vers mon second emploi de serveuse dans un Izakaya des quartiers populaires de Seikusu.
Et c’est donc ainsi que le reste de ma journée se déroula, suivant le planning qui était prévu sans encombre. Nous sommes maintenant le soir, il commence à se faire tard, et ça fait déjà un moment que je n’arrête pas de voguer entre le service en table, l’aide à la préparation derrière le bar pour les divers breuvages ainsi que encas du soir, et le ravitaillement du nécessaire pour continuer à faire tourner la boutique. Comme d’habitude, je sens des regards sur moi. Pour ne pas changer, j’essaie de ne pas y prêter attention, même si parfois j’ai l’impression que l’on me regarde comme un vulgaire morceau de viande que l’on aimerait bien se mettre sous la dent. Bien sûr, comme à chaque fois, ce genre de regard pesant me mettent mal à l’aise, tout comme les petites interpellations de la clientèle, mais je prend sur moi, je souris et remet en place gentiment, quand ce n’est pas un collègue qui me donne un coup de main car je suis trop douce, et ce malgré mes centaines d’années à vivre ainsi. Mais alors que la soirée continue sans encombre, je sens un regard sur moi, un regard différent cette fois et, je ne saurais l’expliquer mais, je me tourna vers ce regard. Et là, je sentis mon coeur commencer à jouer des tambours, la joie m’envahir et un doux sourire se dessiner sur mes lèvres sans que je ne puisse me contrôler. Puis, sans m’en rendre compte, mes jambes se mirent en marche et mes pas me guidèrent vers la personne dont je venais de croiser le regard.
« Monsieur Kalvenhaar ! Bonsoir ! Je suis heureuse de vous revoir ! Je… Que faites-vous ici ? »
Question idiote hein ? Je le sais, je m’en rend compte après coups, mais… Je m’en moque, étrangement. Je suis tellement heureuse de le revoir, je me sens comme sur un petit nuage même ! Et, la seule chose qui compte pour moi en cet instant, à ma grande surprise, c’est de lui parler, de pouvoir entendre sa voix et… Je ne sais pas, mais, j’ai juste très envie d’entendre sa douce voix, là, maintenant, tout en me perdant dans ses beaux yeux rougeâtres et en m'enivrant de son parfum boisé et ambré qui me chatouille les narines.