En dehors des murs de la capitale, la nuit n'était signe que de danger. Les gens devaient rester sur le qui-vive. Les coupe-gorges et les animaux sauvages étaient de doux compagnons qui n'attendaient que notre sommeil pour venir à notre rencontre. Bien évidemment, les dangers existaient également au sein de la capitale. Certains ruelles n'étaient pas à fréquenter, au risque de se faire planter dans le dos, se faire dérober sa bourse ou se faire violer. Ce n'était pas pour rien que des murs protégeaient la célèbre bâtisse. C'est quand l'obscurité était tombée que la Clairière était la plus animée. Il faut dire que certains revenaient de leurs travaux et cherchaient une bonne compagnie. Il fallait mettre aussi en avant que la nuit dissimulait les visages et les corps qui pénétraient au sein de la maison de courtisanes.
La Clairière des Muses offrait bien des services. Il allait du plus simple qu'est la compagnie d'une Muse pour faire la conversation, au plus...demandés, que sont les services sexuels. Il faut dire que la Clairière compte de beaux spécimens, aussi bien féminins que masculins. Il y en avait pour tous les goûts, bien qu'il n'y avait guère de terranides. C'était peut-être le seul défaut de la Clairière, mais Céleste Albame n'avait jamais eu l'occasion d'en engager au sein de son entreprise. Des simples hommes à la petite bourse, aux mercenaires -bien présentés tout de même-, de la petite bourgeoisie qui boit du champagne à la noblesse, la clientèle était très hétéroclite. Cette variété permettait aussi de proposer de multiples services, tous différents. Céleste avait transformé le bâtiment pour répondre à toutes ces demandes...
Ce soir, le salon de thé était un peu animé. Quelques clients étaient présents en compagnie d'Edhe, de Meredyth et de Ciryse. La Claire, la Sage et la Charmante étaient généralement toujours en forme durant la nuit. C'était tout à fait normal pour Edhe, ne pouvait vivre joyeusement que sous les rayons de clair de lune. Ciryse adorait arpenter les couloirs et salons de la Clairière la nuit, sachant pertinemment que c'était durant ce moment-là de la journée qu'il y avait le plus de clients, donc le plus à gagner pour elle. Quant à Meredyth, elle était l'oreille attentive que certains attendaient. Elle écoutait les plaintes des dures journées de labeur de ses clients.
Ciryse s'était installée sur les genoux d'un client, un homme d'une quarantaine d'années, au physique de balourd noble. Il s'agissait là d'un homme de la haute bourgeoisie, venu en cette soirée pour se délester l'esprit, ainsi que les bourses. La Charmante faisait toujours ce qu'il fallait pour arriver à ses fins, quitte à faire miroiter bien des choses sous les yeux de ses clients. Ce soir,
Ciryse était d'une beauté à couper le souffle. Sa
robe, d'une teinte si claire, faisait ressortir le saphir de ses yeux, ainsi que le jais de sa chevelure nouée. Bien sûr, elle mettait également en avant son physique bien plus qu'alléchant, dévoilant en partie sa délicieuse poitrine. Sa robe fendue donnait un avant-goût du chemin qu'il fallait entreprendre pour se rendre dans un certain paradis...Tout chez elle n'était que séduction, un appel à la luxure.
Alors qu'elle ne faisait qu'enchaîner les regards et sourires charmeurs pour le fameux quadragénaire, son regard se porta sur le jeune homme que Shahina vint installer dans le fond du salon. Rien qu'à voir sa tête sans aucune trace de travail forcé, Ciryse sut qu'il y avait là un tout jeune homme, grand bourgeois ou mieux encore, noble, et qui plus est, vierge. Sur ses traits du visage, la vénale pouvait voir tout ce qu'il pensait. Ses petits coups d’œil, sa tête qui se baissait de temps à autre, ses joues qui prenaient des teintes rosées. Un sourire tendre et charmeur ourla les lèvres de la jeune femme. Il n'était pas destiné au quadragénaire. Non, il était bien pour ce jeune garçon.
" Bonsoir, messire Garyde. Je vous attendais. "Ciryse détourna le regard. Céleste venait de faire son entrée. Sa tenue était toujours douce et agréable, mais plus convenable à une mère maquerelle de sa trempe. La Charmante serra doucement la mâchoire. Une pointe de jalousie piqua la jeune femme. Madame Albame avait aussi été une catin, une de celles qui ouvraient les cuisses pour survivre, et pourtant, regardez-la aujourd'hui. Ciryse voudrait s'en sortir bien plus que cette femme-là. Elle voulait vivre la belle vie, s'acheter de magnifiques robes, avoir un superbe mari ou des dizaines d'amants, ne pas avoir à travailler...
Reprenant ses esprits, le haut-bourgeois lui tapa la cuisse pour que Ciryse se redresse. D'un geste du menton, il indiqua Céleste qui patientait après lui.
" J'ai rendez-vous avec Dame Albame pour parler affaire, ma Charmante. Lève-toi, s'il-te-plaît. "Ciryse hocha du chef, se redressant. L'air légèrement renfrogné, elle regarda son gagne-pain s'éloigner vers le bureau de la patronne. Tant pis, il y a un autre casse-croûte fraîchement arrivé. Toute souriante, sa démarche se fit féline et ondulante, dévoilant avec gourmandise la fine rondeur de ses cuisses. Sa proie ? Ce jeune garçon qui ne faisait que l'observer. Arrivant à sa hauteur, elle s'inclina doucement, haussant les pans de sa robe, comme si elle saluait un membre de la famille royale.
" Puis-je ? "Sans réellement attendre une réponse évidente, la jeune femme tira sur une chaise en face de lui et prit place à sa table.
" C'est la première fois que je vous vois ici, messire. Je suis La Charmante, enchantée. "Elle croisa délicieusement ses jambes, s'accouda à la table, dévoilant un peu plus son décolleté. Son visage n'était que rayon de soleil, charmeuse qu'elle était. Ses yeux pétillaient d'un éclat de malice. Ce soir, elle allait s'amuser dans tous les sens du terme.
" J'ai remarqué que vous m'observiez depuis que vous êtes arrivé...Est-ce que je vous plais, messire ? "D'une certaine façon, elle l'obligeait à se présenter. De l'autre, ce n'était qu'une manière de le mettre devant les faits. Allait-il assumer ?