Natacha connaissait ces sensations par cœur. La conscience s’effaçait, consumée par une rage animale, et un féroce instinct de prédation qui submergeait rapidement son esprit humain moins combattif. La bête cherchait à prendre le total contrôle de son corps, en se battant contre le rejet instinctif de la partie humaine, mais aussi contre la magie qu’Alexandre lui avait imposé auparavant. Bien que violents, les gestes de la lycanthrope étaient encore incertains, illustrant parfaitement cette âpre lutte intérieure.
Les pupilles de Natacha avaient viré au jaune vif, de magnifiques yeux de louve, un signe très clair que la créature gagnait en force. Ses mâchoires commencèrent à se déformer, et un grondement bestial s’en échappa tandis que le vampire imposa son pouce sur son front, en une tentative insuffisante de la maitriser. Le mobilier n’allait jamais s’en remettre. Les griffes mortelles de la lycane lacérèrent les draps tandis qu’elle basculait sur le côté, entrainée par Alexandre.
Une nouvelle tentative de contrôle qui ne fit qu’énerver davantage la bête. Les paroles du vampire atteignaient pourtant leur cible. Natacha les percevait de manière lointaine, comme si sa conscience nageait dans un océan de sang imaginaire, trop faible et trop lascive pour en émerger. La louve avait désormais le dessus. Par un effort physique surnaturelle, elle propulsa Alexandre hors du lit, et lui bondit en une fraction de seconde, le clouant au sol.
Natacha était à moitié transformée, cela était à présent évident. Ses bras étaient devenus musculeux, se terminant en puissantes griffes acérées, et d’impressionnants crocs avaient poussé dans sa bouche. Le dos commençait aussi à se déformer, et à se couvrir d’un duvet progressif, de très mauvaise augure. Les mots communs du vampire ne trouvèrent qu’un rugissement bestial pour toute réponse, comme si cela ne faisait que l’énerver davantage.
Combien de temps le rituel allait-il mettre pour agir ? La conscience de Natacha se débattait faiblement, comme si elle tentait d’émerger de la fange, de ce puissant instinct prédateur qui occultait son humanité. Mais l’effort mental était titanesque, car comme Alexandre allait bientôt s’en apercevoir, le caractère sauvage de sa lycanthropie lui conférait une résistance et une force bien pire qu’on ne pourrait l’imaginer.
Ce fut à cet instant que cet instant que la métamorphose s’accéléra brusquement. La douce peau de Natacha se recouvrit d’une épaisse fourrure, et de puissants muscles couvrirent ses membres. Dans un grondement furieux, la lycane saisit la jambe d’Alexandre, et le propulsa d’une seule main vers le mur opposé de la chambre. Était-ce un témoignage de la lutte intérieure ? Après tout, la bête désormais pleinement transformée, aurait très bien se jeter sur le vampire, le mordre, et le démembrer.
Contre toute attente, la lycanthrope ne se jeta par sur Alexandre. Une monstrueuse rage s’empara d’elle comme si Natacha essayait inconsciemment de reprendre le contrôle en déchainant la créature, la laissant s’exprimer dans une démonstration de violence. Qui n’était pas dirigée contre le vampire, fort heureusement pour lui. La bête souleva le meuble où ils avaient fait l’amour précédemment, l’envoyant se fracasser contre un mur comme s’il s’agissait d’un simple pot de fleur.
Une telle force, même pour une lycane, était-elle possible ? Le caractère sauvage de sa mutation y était probablement pour quelque chose, et le rituel d’Alexandre l’enrageait davantage. Celui-ci n’était d’ailleurs pas au bout de ses surprises. La louve hurlait, grognait, bondissant et détruisant tout ce qui lui tombait sous la main dans la coquette chambre du vampire qui aurait certainement besoin d’un relooking. Ses puissantes griffes lacérèrent les murs, y laissant des marques profondes malgré la pierre dure, et chaque meuble, chaque bibelot se retrouvait broyé ou envoyé à travers la pièce.
C’était un mal nécessaire. Comme si Natacha avait besoin de ce déchainement de violence pour dompter la bête, en lui donnant une opportunité de s’exprimer. Et quelle démonstration. Avec une rapidité surnaturelle, la lycanthrope saisit fermement l’un des pieds du magnifique et pesant lit du vampire, et le lança lui aussi à travers la pièce, comme s’il ne pesait absolument rien. Puis, aussi soudainement que cette rage avait débuté, la louve tomba à genoux, grondant encore sourdement avant de se calmer pour de bon.
La métamorphose régressa à vue d’œil, la fourrure et les muscles disparaissant au profit du corps nue de la jeune femme. Elle était encore couverte de sang. La respiration saccadée, sa peau recouverte d’un mélange et de sueur, Natacha reprenait peu à peu conscience après ce coup d’éclat.
« C’est bon… ça va… ça va… » Marmonna-t-elle, plus pour elle-même que pour Alexandre.