Par un extraordinaire coup de chance, Laura avait réussi à échapper à la vigilance des scientifiques qui, pourtant, gardaient un oeil sur elle presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle avait profité d'un relâchement dans la sécurité.
Dany, le garde du moment, avait en effet des problèmes familiaux et dormait très mal sur son canapé. Il avait piqué du nez un instant. Rien qu'un seul. Et même pas cinq minutes. Mais quand il avait rouvert les yeux, sa proie s'était échappée, laissant un trou béant dans la porte blindée.
Après avoir découpé l'acier renforcé avec l'une de ses griffes, la mutante s'était enfuie le long du couloir par lequel on l'avait amenée dans sa cellule. Ayant une très bonne mémoire, si ce n'était ce petit soucis d'amnésie partielle, elle s'en souvenait parfaitement et ne tarda pas à se trouver dehors, ayant franchi les obstacles avec toute la délicatesse d'un ours affamé dans un champs d'apiculteur endormi. Elle se fichait des caméras, puisqu'elle était apparemment immortelle. Sa mémoire lui montrait des flashs de son passé parfois, mais effaçait d'autres lambeaux de souvenirs en même temps. C'était problématique.
Bondissant sur le toit de l'asile, la clone courut aussi vite qu'elle put et s'accrocha aux pieds d'un hélicoptère qui prenait son envol. Elle attendit qu'il soit suffisamment éloigné du bâtiment pour se laisser tomber, les arbres de la forêt sous elle amortissant sa chute (de plusieurs centaines de mètres quand même). Libre de l'emprise des scientifiques, elle entreprit de retrouver son chemin vers la ville pour se cacher et se nourrir.
[ Un ange passe, et quelques semaines aussi... ]
L'asile de Seïkusu travaillait en étroite collaboration avec une grande firme pharmaceutique aux ramifications mondiales :
GENTEK. Par conséquent, elle était étroitement liée à l'organisme paramilitaire nommé la
BlackWatch. Et donc, corollairement, l'asile disposait de moyens d'actions assez importants. Notamment une force spéciale dédiée à la protection du complexe psychiatrique et, plus rarement, à la poursuite de fugitifs.
Laura Kinney étant une mutante, elle est considérée comme dangereuse. D'autant plus qu'elle devenait incontrôlable en présence d'une certaine odeur, et qu'elle était en partie amnésique aussi. Son évasion préoccupait beaucoup
Aishiro Togeki, le directeur et principal actionnaire de l'asile. Il avait mis sur les traces de la mutante plusieurs de ces combattants spéciaux, discrets et surentraînés. Leurs ordres étaient clairs.
Ramener l'individu mutant en un seul morceau et en vie, et détruire toute trace de son passage dans la ville. Ce dernier ordre incluait forcément la suppression de tous ceux qui l'avaient vue ou qui l'avaient aidée.
Mais Laura était ingénieuse. Un instinct sauvage la guidait, et elle échappait brillamment aux chiens lancés à ses trousses.
Jusqu'à ce soir.
Éperdue, elle courrait dans les rues peu éclairées de la ville. Elle avait semé ses poursuivants un quart d'heure plus tôt, mais elle avait l'impression de les entendre encore, juste derrière elle. Elle accéléra ses foulées, l'adrénaline montant de plus belle quand un couvercle de poubelle tomba.
Et soudain, un éclair blanc. Un son de klaxon trop bruyant. Et le choc. Brutal. Bruyant.
Propulsée sur le sol, quelques mètres plus loin de la voiture emboutie, Laura était étendu sur le dos. Sa poitrine se soulevait à un rythme effréné. Le tee-shirt trop large qu'elle portait était déchiré un peu partout et surtout pas mal sale. Il en allait de même pour le pantalon rapiécé et pour la blouse qui avait due être blanche un jour et qui lui servait de ceinture.
Les multiples contusions qui couvraient le corps de la belle s'effacèrent rapidement, et ses os se replacèrent correctement en quelques craquements. Très vite, la mutante roula sur le ventre et se releva avec des mouvements saccadés. Elle releva la tête d'un coup, sa crinière brune et sale volant dans l'air et retombant dans son dos. Ses yeux chocolat étincelaient de fureur. A cause de cet accident, elle avait de fortes chances d'être retrouvée par les chiens à sa recherche. Mais elle ne pensa pas un instant à détaler le plus vite possible. Non.
Elle se redressa et bondit sur le capot froissé et embouti du véhicule fumant. Ses deux griffes à droite déchirèrent la tôle comme si c'était du beurre. Son poing gauche percuta le pare-brise qui s'était pailleté, le faisant exploser. Les coupures disparurent presque instantanément. Ses doigts se refermèrent sur le tissu du haut de l'individu étant dans l'habitacle. Elle le tira vers elle, comme s'il ne pesait rien, et le propulsa au-dehors, sur le bitume de la route. Elle n'était pas là pour le sauver, non. Elle voulait passer sa colère sur quelqu'un. Elle voulait se défouler, et ses griffes sorties, autant aux mains qu'aux pieds, ne manquaient pas d'exprimer son hostilité.