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« le: vendredi 07 juin 2013, 12:38:50 »
Bon, résumons la situation... Phase préliminaire d'observation, c'était bon. Note des tours de garde et rotations, c'était bon. Les points d'accès, c'était bon. Localisation spatio-temporelle de la cible, c'était bon. Alors pourquoi ça a foiré ?
Il y a de cela plusieurs mois maintenant, la voleuse Double V, personne parmi les plus recherchées de Nexus, s'était évanouie dans la nature. Comme ça, plus de nouvelles. Dans les faits, Double V, qui n'est autre que moi, s'était vue offrir une opportunité de carrière. Et pas des moindres : un assassin avait fait de moi son élève. Quand on y repense, les circonstances sont cocasses : je l'avais volé et humilié, il avait voulu me tuer, y était presque parvenu, et au final me soigne et me prend en tant qu'apprentie. Comme quoi, quand l'esprit humain s'en mêle, la logique va se faire voir... De l'assassin, je ne connais rien, à l'exception du fait qu'il appartient au culte de la Dame des Pleurs, un genre de guilde d'assassins quelque-peu idéalistes sur les bords. Je l'appelle Maitre, et pendant ces derniers mois, il m'a enseigné ses techniques. Combat au couteau, à mains nues, infiltration, repérage, poisons et autres recettes... Tout y est passé. Et ce soir, c'était mon baptême du feu... L'examen final, en gros.
Ma cible est un noble, comme il en existe des centaines. Celui-ci était particulièrement odieux, puisqu'il causait la faillite des petites gens pour racheter leurs filles pour une bouchée de pain. Ces filles venaient ensuite agrandir son harem, quand elles ne finissaient pas sur le marché des esclaves. Et c'était ma mission que de mettre fin à ses jours.
J'avais potassé comme une folle pour réussir cette mission. J'ai recherché, observé, analysé, noté tout ce que je pouvais, sur la disposition du manoir et des pièces, le nombre de gardes et de serviteurs, ainsi que leurs horaires. Je savais exactement où et quand être sans être repérée, et quel chemin prendre. Littéralement, j'étais devenue un fantôme passant de pièce en pièce dans la plus grande discrétion. Alors, pourquoi ça a foiré ?
Pour une simple et bête raison : j'ai hésité.
Quand je suis arrivée dans sa chambre, le noble dormait comme une masse, affalé sur ce qui devait être sa dernière acquisition : une terranide-oiseau (spécimen assez rare, soit-dit en passant). Je me suis approchée, poignard en main. Je me suis positionnée et j'ai levé mon bras. Et comme une idiote, j'ai hésité. À ma décharge, c'est mon premier assassinat, et je ne suis pas habituée à tuer des gens. Mais ça ne m'excuse pas, au vu des conséquences : le temps que je rassemble mon courage, l'homme se retourne, et ouvre les yeux. On se regarde, il comprend, et hurle à la garde tout en bondissant hors de portée de ma lame. En entendant la cavalcade dans le couloir, je comprends que je ne dois pas trainer.
Faute d'une meilleure idée, j'attrape le bras de la terranide, qui venait de se réveiller et ne comprenait visiblement pas ce qui se passait, pour lui tordre dans le dos et l'interposer entre eux et moi. Eux ? Oui, le bataillon qui vient tout juste d'entrer dans la pièce. Prendre l'esclave en otage s'avère être un plan payant, puisque les gardes marquent un temps d'arrêt, ne sachant pas qui de la fille ou de moi est la plus importante. Cette hésitation me permet de rallier le balcon, qui je le sais donne sur les jardins, et plus particulièrement des bosquets très touffus. Je recule donc jusqu'à la balustrade, et me laisse tomber.
Je chute, et l'esclave avec moi, pour atterrir sur le dos dans le massif de plantes. L'atterrissage dans les branchages me cause plusieurs petites plaies, mais rien de grave. Je finis pas me dégager, et après un dernier regard vers la fille, je file vers une sortie. Il va falloir que je retrouve une occasion de tuer ce noble avant que mon Maitre considère que j'ai échoué...