Harley était revenue dans le moment fondateur de son existence, ce moment qui avait fait d’elle la femme qu’elle était maintenant. Avant ça, elle était le docteur Harleen Quinzel, une jeune psychiatre déboussolée, avec un père difficile, qui avait mené une expérience sinistre à l’université, ayant abouti à la mort de son petit-ami. Confuse, désespérée, elle avait fait une dépression dont elle n’était sortie qu’en réalisant combien la vie était régie, non pas par l’ordre, la stabilité, et les règles, mais par un chaos primaire, fondamental, une anarchie primitive dont aucun système législatif n’arrivait à terminer. La vie n’avait tout simplement aucun sens, et c’était pour ça qu’elle s’était approchée du Joker. Car, puisque la vie n’avait aucun sens, ni aucun but, autant la prendre comme une gigantesque plaisanterie. Le Joker avait voulu tester la loyauté de la jeune femme, et l’avait jeté dans la même cuve de produit chimique dans laquelle il était tombée, sous le masque du
Red Hood.
Harley se retrouvait là, et commença à paniquer, en voyant Le Joker partout... Et son hurlement mourut quand un doigt se posa sur ses lèvres. Le Joker était là, face à elle.
«
Harley, mon amour... Pourquoi pleures-tu, hum ? »
Le noir s’instaura autour d’eux, tandis que Le Joker lui souriait chaleureusement, se revêtant d’un élégant smoking noir, Harley se retrouvant vêtue de son ancien costume d’arlequin, le premier qu’elle avait porté pour son amour... Dans un coin, un phonographe se mit soudain en marche, et un projecteur les engloba... Puis une musique déferla, une musique d’amour,
Only You, des Platters. Et Le Joker commença à danser avec Harley, lentement, dans une sorte d’apaisante valse mélangée à des mouvements de rock, n’hésitant pas à lancer Harley en avant, la retenant par la main, et la ramenait vers lui en la faisant tournoyer sur place, tout en égrenant les paroles de la chanson.
«
Ooooooonly you and you alone can thhhriiiiiill me like you do /
And fiiiiiiiiiiiill my heart with looooooove for only you »
Le Joker avait une voix grave, forte, et d’impeccables mouvements de danseur, faisant vivre à Harley un rêve étoilé, celui du Prince charmant qu’elle avait toujours cherché. On aurait presque pu imaginer des paillettes danser autour d’eux pendant qu’ils continuaient à danser.
«
When you hold my hand I understand the magic that you do /
You're my dream come true, my one and.. Ooooooonly... Yooooooooooouuuuuuuu !! »
La danse se termina en deux temps, avec
le Joker dans le dos d’Harley, la tenant par la main et par le ventre, puis, dans un second temps, en la faisant basculer. David Lynch termina la chanson en même temps que Monsieur J., qui embrassa alors Harley, tendrement, longuement, et passionnément. Maintenant son corps contre lui, il la releva à nouveau, continuant son baiser.
Pendant ce temps, le phonographe disparut, et le décor de la cuve revint, tandis que les mains du Joker, baladeuses, caressèrent les hanches de la femme, et remontèrent jusqu’à ses seins. Le baiser se rompit alors, et l’homme, en souriant, conserva une main sur l’un des seins de sa jeune amante, tenant son menton entre ses doigts.
«
Non, vraiment, ma pauvre Harley, j’en suis sûr... Tu ne m’excites vraiment pas. »
Et, sur ce, il la poussa... La femme battit des bras, la gravité s’appela à elle, et le monde se renversa. Le visage du Joker se défigura soudain dans un hurlement, puis le rire machiavélique et strident de l’homme la poursuivit pendant qu’elle tombait vers la cuve de produits chimiques, et disparaissait dans le bain d’acide, tombant dans le trou du terrier du lapin.
«
HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !! »
Le vert l’engloba, et elle tombait encore, voyant le sol de la cuve disparaître, pour être remplacée par une bouche aux contours rosâtres, formant une bouche grotesque avec des dents immenses, grandes comme des buildings, qui lui hurlèrent à nouveau au visage, riant, riant furieusement, d’un rire maléfique, qui donnait envie de fuir.
Puis le noir, encore...
...
...Et le réveil, quand la porte de sa prison claqua furieusement.
«
Tu es réveillée, mon amour ? »
La vision d’Harley était floue, mais elle pouvait voir deux yeux verts intenses et un hideux sourire grimaçant face à elle... Ses bras étaient retenues par des chaînes et une main se posa brusquement sur son menton, griffant sa peau blanche. Elle ne portait plus son ancien costume, mais le nouveau, et était retenue contre le mur.
Ce n’était plus le beau visage de son Prince charmant, mais
une tête hideuse qui aventura sur sa joue une longue langue dégoulinante.
«
Tu es contente ? Je t’ai amené dans notre petit nid d’amour... En compagnie des autres... »
Harley dut alors sentir, contre ses pieds, des corps... Des ossements, des cadavres gisant à terre, portant des vêtements bleus et rouges... Harley venait de se réveiller
dans un sinistre cimetière.
«
Je t’ai invité dans le saint des saints, Harley ! Mon harem d’Harleys !! HAHAHAHAHAHAHAHAHA !! »
Il éclata encore de rire, et s’écarta brusquement, ouvrant la porte, pour sortir de la prison.
«
Je vous laisse discuter, les filles... Harley, nous avons un dîner, ma chérie... Et puis... Je sais que les filles aiment bien discuter entre elles, alors... À tout à l’heure ! »
Et il claqua ensuite sèchement la porte derrière lui. Harley semblait prisonnière... À moins qu’un petit lapin ne vienne la sauver de ses propres tourments ?