Contrairement à ce que les jeunes princesses semblaient croire, et ce que beaucoup de personnes semblaient également croire, l'appétit sexuel du souverain des Trois Royaumes n'était pas toujours au rendez-vous, car même s'il aurait été très facile pour lui de trouver une compagne pour réchauffer sa couche, le souverain était présentement en mission, et quand il travaillait, très rarement il y mêlait le plaisir, non pas par peur de la distraction, mais simplement parce qu'il avait une éthique rigoureuse par rapport à sa vie professionnelle; en tant que Roi, il aurait été malvenu qu'il s'adonne aux plaisirs de la chair avec des esclaves, même s'il les avait libéré. Cela ne voulait évidemment pas dire qu'il ne s'était jamais... égaré du droit chemin, mais au moins faisait-il un effort pour toujours conserver une certaine rigueur.
Serenos s'autorisa un bain, parce qu'il ne disait pas de bêtise. La magie avait permis de prouver que certaines maladies trouvaient leur origine dans une hygiène misérable, et Serenos était un homme fier de son corps, et malgré son apparence un peu bourrue, il prenait soin de ne pas négliger ses besoins, cela se traduisant par le fait qu'il ne mangeait pas n'importe quoi et qu'il suivait une diète très stricte, mais également imprévisible, pour éviter les tentatives d'empoisonnement. Comme tout bon Roi, il s'assurait que nul ne pouvait être certain de ce qu'il allait manger ou boire, ne serait-ce que pour décourager un dissident de tenter le poison ou une autre drogue pouvant lui causer du tort. Il partageait également l'entrainement très rigoureux des militaires pour conserver sa forme et son intégrité physique.
Après le bain, certaines femmes furent surprises par une soudaine abondance de vêtements; pour une raison qui ne leur fut pas expliquée, les soldats avaient maintenant du linge en bonne quantité qu'ils pouvaient partager. Évidemment, aucun n'admettrait que le Roi en était à l'origine, parce que les actes de magie avaient parfois tendance à causer une dépendance chez les gens normaux, voire une panique, lorsqu'ils se rendaient compte à quel point il était facile pour un magicien d'accéder à certaines choses. Enfin, le Roi en avait surtout assez de voir ces dames être mal à l'aise. Peut-être avait-il un grand coeur ou simplement était-il prude, mais bon.
Serenos, pour sa part, s'éloigna du campement, avec son épée à la hanche, pour trouver un coin tranquille où méditer. En campagne, il ne pouvait que si rarement trouver le temps de s'adonner à cette activité, et pourtant elle était extrêmement importante pour son esprit. Entrer en état de transe prenait parfois une petite heure, mais dès les premières quinze minutes, il sentait déjà sa conscience s'étirer, et son énergie se connecter avec les créatures ambiantes. Alors qu'il prenait conscience de son environnement, et ce de plus en plus, il constata la richesse de l'Oasis; non contente d'abriter des plantes et de l'eau, elle était également la résidence de nombreuses espèces sauvages qui s'y réfugiaient pour éviter les dangers du désert.
***
Le désert, cependant, réservait encore une vermine de taille. Son nom ne traversa assurément pas les âges, parce qu'il n'en avait pas, mais comme n'importe quel cafard du désert, l'homme des dunes avait vu une opportunité de se trouver une compagne lorsqu'une caravane était passée sur la route. Tellement de choix se présentaient à lui, mais il devait se contenir, prendre son temps; s'il tentait de s'emparer d'une femme devant ces hommes armées de bâtons qui piquent, il ne s'en tirerait pas facilement. Non, il devait simplement attendre que l'une d'entre elles commettent une imprudence. Il attendit toute la journée, suivant ces gens à travers le désert en se cachant dans les dunes ou sous le sable, et il avait jusque là passé inaperçu, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'oasis. Pour éviter la détection, l'homme des dunes s'était caché de l'autre côté de l'étang terré dans la végétation.
Il n'eut pas à attendre bien longtemps quand deux jeunes femmes, plus petites et délicates que leurs semblables, s'éloignèrent du groupe. Splendide, se dit-il, parce que cela voulait dire qu'il n'avait pas à braver ces étrangers; il pouvait simplement prendre son butin et s'enfuir. Mais il devait leur mettre la main dessus, avant, bien sûr! Mais il n'était pas impatient. Il attendit donc qu'elles se mettent à nue, démontrant presque stupidement qu'elles n'étaient pas armées, et donc pas une menace. Prenant un peu ses distances, l'homme du désert profita du manteau de la nuit pour s'approcher des deux demoiselles, se glissant ensuite dans l'eau pour se rapprocher, sans faire d'ondes ou perturber l'eau. Il était prêt. Soudainement, alors que les jeunes femmes faisaient la planche, elles purent sentir quelque chose s'insérer dans leur dos, au creux de leur colonne.
L'homme des sables, à l'usage de petits aiguillons, venait de paralyser complètement les deux jeunes femmes. Elles ne pourraient pas crier à l'aide, ni se débattre. C'est avec un sourire satisfait qu'il s'empressa de les charger, une à une, sur ses épaules, avant de retourner vers la plage et commencer à s'éloigner, comptant bien fermement s'en aller avec sa prise, mais il n'eut le temps de faire que quelques pas vers les broussailles qu'une ombre menaçante se montra à son champ de vision;
Un homme venait d'arriver.
"Tout seul, hein? J'en déduis que tu es un paria de ton clan, étranger."
Oh non! Oh non! Comment avait-il fait? Il s'était glissé là, ça, il comprenait, mais comment avait-il su qu'il viendrait prendre ses nouvelles épouses? Non non non, c'est pas juste! Bon, n'ayant pas d'autre choix, l'homme fit tomber Akila et Sameeha au sol et tira de ses poches deux petites dagues. L'étranger se mit en garde, et se prépara à l'affronter. Cela le soulagea grandement, parce que cela voulait dire qu'il était stupide. N'importe qui d'autre aurait su qu'il n'était pas une bonne idée d'affronter un homme des dunes, parce que ses semblables, tout comme lui, adoraient enduire leurs armes de divers poisons.
Comme il voulait en finir au plus vite, l'homme du désert se jeta sur son adversaire, et ils échangèrent des coups. Grâce à sa vitesse, il réussit son premier objectif; porter ne serait-ce qu'un coup à l'homme. Sa lame glissa le long du bras du bretteur, faisant gicler le sang, mais aussi faisant entrer dans ses veines le poison qui assurerait sa... victoire...?
***
La douleur était relativement forte, mais cela ne l'avait pas découragé; le Roi en avait vu d'autres. Il remarqua surtout la force du poison qui venait d'entrer dans sa plaie; dès que la lame l'avait tranché, une sensation d'intense brûlure se répandit dans son bras, suivant ses vaisseaux sanguins. Eh bien, voilà qui était franchement désagréable. Mais après, les princesses étaient en danger, et il devait se dépêcher d'en finir avant que le poison ne se répande et ne l'empêche de se battre. Il n'était pas devin, il ne pouvait pas savoir ce qui lui avait été administré, mais il savait cependant que s'il ne se battait pas, l'homme des dunes filerait avec les princesses, et ce voyage aura été fait pour rien.
Les hommes des dunes n'étaient pas des combattants bien farouches, et alors que celui qu'il affrontait s'attendait à le voir s'effondrer, le Roi l'agrippa à la gorge, et l'empala d'un geste brusque sur sa lame. Il n'y avait que dans les histoires chevaleresques qu'un combat durait plus que deux échanges. Sur un champ de bataille, tout se jouait en moins de dix secondes pour un soldat de première ligne, et c'était là que l'homme des dunes était moins expérimenté que lui; Serenos avait régulièrement combattu en première ligne avec ses hommes. Il savait se montrer... expéditif. Le cadavre de l'homme des dunes s'effondra à son côté, et le Roi marcha vers les deux jeunes demoiselles, avant de se pencher sur elles et inspecter leur corps nu. Il regarda les pieds, les cuisses, l'abdomen. Non, rien. Il les fit donc retourner et remarqua une tâche violacée dans leur dos, à une main et demie de leur nuque.
N'ayant pas de pinces ou d'outils, le Roi dût se résigner à la magie, et plaqua ses mains sur les marques violacées et, d'un sort, il parvint à en extraire les aiguillons, mais alors qu'il s'occupait du cas des deux princesses, qui ne tarderaient pas à retrouver leur mobilité, le Roi sentit que quelque chose n'allait pas chez lui. Le monde lui sembla... tordu? Confus? Oh... Le poison. Bof. Il s'en occuperait plus tard.
Le Roi grommela de déplaisir avant de prendre les deux jeunes femmes contre lui et prenant place contre un arbre, en position assise, les deux jeunes femmes dans ses bras, histoire que son énergie permette à la leur de circuler plus rapidement en elles et qu'elles retrouvent leurs capacités motrices.
"Tout va bien, maintenant. Secourues deux fois dans la même journée. Vous êtes sûre de ne pas être des princesses de contes de fées? Parce que j'en ai rencontré, par le passé, et je vous assure que ce n'est pas une vie bien intéressante."