Edea quitta la boutique en se sentant légèrement heureuse. Pas de quoi la rendre folle de joie, mais cette rencontre avait été comme une bouffée d’oxygène au milieu de cet environnement politico-militaire. Elle retourna vers le palais, traversant le long pont-levis et les impressionnants corps de garde menant dans les nombreuses cours intérieures délimitant le palais. Elle rejoignit l’aile diplomatique, qui jouxtait le donjon central, et arriva dans ses quartiers. Il s’agissait de grands appartements somptueux avec de grandes fenêtres, des bibliothèques, et une salle où elle pouvait concentrer ses flux magiques. Elle s’entretint avec ses assistantes et ses diplomates. Le traité entre Galbadia et Ashnard avançait bien, mais les Ashnardiens essayaient de renégocier certaines clauses pour empêcher que les Galbadiens dressent leurs réserves. L’ambiance n’était pas houleuse, mais les Impériaux cherchaient à s’assurer que le droit ashnardien soit plus efficace sur le sol galbadien, ce à quoi les Galbadiens s’opposaient, en faisant valoir le droit de préférence national. Les juristes passaient leur temps à la bibliothèque impériale, à lire les énormes volumes des coutumiers, recherchant des précédents pour contraindre les diplomates ashnardiens à accorder les réserves au traité que les Galbadiens voulaient faire passer.
«
Tout se passera bien, assura un diplomate.
Il est classique, dans ce genre de négociations, que les choses avancent lentement. L’Empire ne veut pas abandonner si facilement, car les Ashnardiens auraient l’impression que ça passerait pour un aveu de faiblesse. -
Les Impériaux ont toujours agi comme ça, répliqua Edea rapidement.
Je vous fais confiance. »
Le diplomate comprit rapidement que quelque chose tracassait la sorcière, une chose qui n’était pas foncièrement liée au traité. Edea lui parla alors d’une enchanteresse qui allait venir ce soir, et avait besoin d’obtenir le dossier d’aide sociale qu’elle avait du envoyer, afin d’y donner son appui. Le diplomate hocha la tête, affirmant que ça ne poserait aucun problème. Edea se rendit ensuite dans ses quartiers privés, et appela plusieurs servantes, afin de prendre son bain. L’avantage d’être une souveraine était qu’on avait le droit à beaucoup de confort et de luxure. Vivre dans une cabane dans les bois, c’était d’un autre âge. La sorcière galbadienne prit ainsi un long bain. On négligeait bien trop ce genre de choses dans son monde. Or, un corps sain et équilibré permettait d’avoir des formules plus efficaces, car l’esprit était plus apaisé. Il n’y avait que des avantages à ne pas se laisse raller, et à avoir une hygiène saine.
Edea se reposait dans une eau brûlante, bouillante. Sa magie résonnait, et les servantes restaient prudemment autour, n’osant pas s’enfoncer dans cette eau. On aurait pu croire qu’il y aurait quelque chose d’érotique dans cette salle de bains. En effet, les servantes de la sorcière étaient toutes de très belles jeunes femmes, toutes nues, leurs corps ruisselant de sueur sous les volutes de vapeur s’échappant de la baignoire, et la sorcière savait que toutes ces Galbadiennes fantasmaient sur son corps. Elles étaient des orphelines de guerre entre Galbadia et Cintra. Des femmes désœuvrées qui formaient les apprenties d’Edea. La sorcière aurait tout à fait pu leur faire l’amour, mais, pour cela, il fallait qu’une femme se glisse dans le bain avec elle. C’était une activité simple, mais un exercice difficile. Néanmoins, cet exercice rituel permettait à plusieurs apprenties de pouvoir se blottir contre le corps nu de leur maîtresse, et de l’embrasser.
La sorcière fut dérangée durant son long bain par le diplomate. Dans son costume, il se mit rapidement à suer dans cette pièce chaude et enfumée, mais expliqua à la souveraine qu’il avait obtenu le dossier qu’elle demandait. Ce n’était pas une procédure très orthodoxe, mais il s’était arrangé. Il lui fit son rapport lorsque la sorcière sortit de la salle de bains, emmitouflée dans une longue serviette. Elle l’écouta dans son salon, sur un canapé en cuir, son visage inflexible ne la rendant que plus belle encore, ses interminables cheveux d’encre glissant dans son dos. Le diplomate lui expliqua que le dossier de l’enchanteresse était en cours de traitement, ce qui pouvait, vu les nombreux dossiers à traiter, prendre des mois. Edea demanda au diplomate de veiller à ce que ce dossier devienne prioritaire, afin que l’enchanteresse bénéficie rapidement d’une aide.
Par la suite, Edea retourna dans sa robe moulante serrée, et s’assit dans un fauteuil, avant de méditer. Magiquement parlant.
Son casque se referma sur son visage, formant un long bec de corbeau rouge qui l’enferma dans son monde. Les heures devinrent des minutes, et le temps fut absorbé dans un tourbillon, avant qu’elle ne sente une présence la perturber. Son casque se déplia, et, en tournant la tête, elle vit l’une de ses apprenties dans la pièce. Elle s’appelait
Lanea, et aimait bien se vêtir des vêtements classiques appartenant aux sorcières. Un choix assez exotique.
«
Que désires-tu, Lanea ? -
Je me demandais ce qui pouvait susciter chez vous un tel attrait pour cette Ashnardienne », lança poliment Lanea.
Cette question arracha un fantôme de sourire sur les lèvres froides et attirantes de la sorcière. Lanea était une femme plutôt directe, ce qui faisait son charme.
«
Tu as peur d’avoir une autre rivale ? -
Oh, je serais ravie d’accueillir une autre femme dans notre petit groupe, c’est juste que je m’interroge. -
C’est simplement un échange de services rendus... Mon intérêt est purement professionnel et magique. »
Lanea n’était pas convaincue, mais Edea sentait que son trouble dépassait le cadre de cette enchanteresse. Elle tenta de lire dans son esprit, ce que Lanea sentit. C’était un autre exercice rituel à laquelle Edea se livrait pour former ses sorcières. Elle s’insinuait dans leurs pensées afin de mieux les motiver.
«
Je me méfie de ces Ashnardiens, voilà tout ! s’exclama Lanea.
-
Je ne leur fais pas confiance non plus, mais ils détiennent avec eux des savoirs précieux. Et, de plus, leur concours nous est indispensable pour le devenir de notre groupe. »
Lanea allait objecter, quand un garde approcha. C’était un centurion, reconnaissable à son armure rouge. La délégation galbadienne avait ses propres gardes, avec des armures futuristes, des combinaisons qui étaient de deux couleurs : bleus pour les simples soldats, rouges pour les officiers, les centurions.
«
L’enchanteresse est arrivée, madame, annonça le centurion.
-
Faites-là entrer. »
Claquant des talons, le centurion se retira.
«
Je devrais peut-être vous laisser... suggéra alors Lanea.
-
Tu ne seras jamais de trop. »
Edea se rendit toutefois dans le salon, avec des canapés rouges et des tapis, et des tableaux galbadiens. Un tableau représentait néanmoins Edea, et un autre était une mappemonde montrant son royaume. Edea s’approcha d’un grand feu lorsque Décatis entra. Elle lui présenta un petit coffre doré, et Edea hocha la tête, avant de l’ouvrir.
«
C’est très bien. En échange, je me suis assurée que vous receviez rarement des subventions impériales. »
La conversation aurait pu s’arrêter là, mais Edea ne se serait pas donnée tout ce mal pour si peu. Dans un coin, Lanea avait les bras croisés, observant cette curieuse et fort élégante femme.
«
Le palais vous plaît-il ? Une réception y est organisée ce soir, et plusieurs conseillers impériaux y seront... Cela vous plairait-il d’être mon invitée de marque ? »