Le réveil. Ce dur réveil dont tu étais victime jour après jour. Cette sensation de ne plus avoir de vie, de te réveiller en tant que cadavre. C'était ce que tu ressentais, jour après jour. Jour après jour tu levais ta jambe comme tu pouvais et tu prenais appui dessus pour te lever. Tu collais ton épaule droite contre le mur et tu entreprenais de te préparer pour le boulot. Chaque jour la même douleur, le même regard de la part de ta sauveuse. Comment supporter ça plus longtemps ? Sûrement pas en pensant au lendemain, qui s'avérait être le même qu'aujourd'hui. Ni à hier, qui ressemblait tant au jour ainsi vécu. Non, ta seule solution pour t'échapper de ta condition...
C'est de vivre ton boulot comme il le fallait.
Mais tu ne pouvais plus le vivre ainsi. Tu avais déjà été trop loin lorsque tu avais été jusqu'à côtoyer une tueuse. Yoruichi... Cet échec cuisant t'était resté depuis tout ce temps. Là encore, cette impression de te réveiller d'un lointain cauchemar te reprenait. Toi qui avais tant haï le crime, tu t'étais laissé aller à aimer une criminelle. Incapable.
Tu ne pouvais te voir autrement que comme un incapable. Il était simple de voir pourquoi : ta haine viscérale du crime s'affaiblissait, et c'était la seule chose qu'il te restait. Une épée de Damoclès en soi, tu ne crois pas ? Toi qui hais le crime, tu es toi-même l'un des pires de cette espèce que tu méprises. Quand te briseras-tu sur toi-même ? Tu n'as que trois options : soit tu oublies ta haine, soit tu oublies tout court. Ou alors il te reste la mort. Mais tu n'es pas assez lâche, pas vrai ?
Tu n'es pas assez lâche. Ne serait-ce que pour faire plaisir à cette personne qui suit tous tes faits et gestes, et qui est même en train de voir ce qui se passe dans ta tête en ce moment même. Ton histoire doit continuer, ne serait-ce que pour plaire au lecteur. N'en déplaise au quatrième mur, c'est l'une de tes raisons, pas vrai ? Qu'il puisse voir ce spectacle de disgrâce et de débauche, ce vilain stalker observant tous tes faits et gestes.
Assez avec tes pensées étranges. Il est temps que tu partes. Purity dort encore, mais une longue journée t'attend. Bois donc ton café, un appel t'attend déjà au bureau. Tu ne le sauras qu'une demi-heure plus tard, bien sûr. Cependant, ton arrivée en témoigne, dans le parking réservé au personnel. Là où quelqu'un t'attendait avec un dossier en main, une capuche masquant la plupart des traits de son visage et un petit sourire. Une voix grave retentit et fit écho dans le parking souterrain :
- Monsieur Rose ? Vous savez que faire.
Une petite note était attachée à l'enveloppe du dossier. Il y était noté une heure et une adresse. Quartier de la Toussaint, seize heures. Le dossier en lui-même traitait d'un meurtre banal, avec toutes les preuves à l'appui pour faire couler toute une organisation. Tu t'en foutais un peu au final, pas vrai ? Tout ce qui t'importait était de te rendre sur les lieux, amadouer la japonaise cliché qui apparaissait dans le dossier et faire couler toute sa bande.
Et tu t'y rendais, avec un peu d'avance. Une clope à la bouche, le doigt sur la gâchette, tu attendais l'arrivée de cette femme qui apparaissait comme le leader de toute cette petite bande. Effacer des preuves ? Tu n'étais pas encore tombé aussi bas.
Pas encore.