Pour toi, ça ressemblait encore à une journée de merde. Comme tous les jours, peut-être même pire ce jour-là. Tu n'avais jamais eu autant envie de quitter ton boulot, te mettre au terrorisme et regarder le monde brûler sous tes yeux. Mais tu ne pouvais t'y résoudre, pas avant d'avoir buté cet enfoiré de Hiro Atayoshi. Tu déambulais donc encore dans les couloirs du bureau des procureurs. Tu cherchais un bureau en particulier : celui de Kuraudo Meguro, le cousin de ton défunt ami Aki. La plus grande surprise lorsque tu arrivas devant son bureau fut celle de le trouver fermé. Tu ne connaissais personne d'aussi assidu que Meguro en dehors de toi. En haussant l'épaule droite, tu revins vers ton bureau. Quand soudain...
-Oui, on dit que c'est Hiro Atayoshi qui sera à la défense durant ce procès...
Ta tête se tourna d'un bloc. Ton regard était fou, tandis que tu t’avançais vers le procureur qui avait prononcé cette phrase d'un pas lourd de sens. Tu jaugeas le procureur rapidement : chauve, un gros lard qui se complaisait à être en haut de l'échelle. Le genre de types que tu détestais. Il tenait un dossier à la main. Un simple coup d'oeil te renseigna rapidement sur le cas jugé. Affaire KG-5, suspect... Satô Kozatô. Ce nom te disait vaguement quelque chose, un témoin dans un de tes cas... Tu allais consulter tes archives plus tard, l'important en ce moment même n'était pas là. Tu chopas le procureur par le col et les mots sortirent tout seuls.
-Ecoute, gros tas. Tu me laisses ce procès. C'est pas une question.
Une occasion pareille ne se représenterait pas. Surprendre Atayoshi en apparaissant à la place du gros lard, lui montrant en même temps qu'il était encore vivant. Le gros lard se débattait un peu, donc tu resserras la prise, tes doigts touchant sa pomme d'Adam enfouie sous la graisse. Finalement, un autre procureur te sépara du gros tas tandis que celui-ci crachait ses poumons et pestait contre toi. Tu t'en foutais totalement, tu avais la main droite plantée dans ta poche intérieure, prête à sortir le Beretta. Si il te fallait devenir convaincant, tu allais en avoir besoin. Puis tu te dis que non, tu avais une meilleure idée. Que tu allais devoir mettre à application.
-Pas question ! J'ai tellement travaillé pour obtenir ce cas...
Il ne put pas continuer plus loin. Le creux de ta main, entre le pouce et l'index, s'était fiché sur sa gorge. Tu le tenais par la gorge, tandis que la marque sur ta main droite s'illuminait doucement. Puis un hurlement retentit dans la cafétéria, un hurlement atroce. Tu avais fait appel à la Poigne Tourmentée une fois, et tu continuais à la maintenir. En ce moment, le gros porc en face de toi ressentait toute la terreur que tu avais subi lors de la torture faite par Hiro Atayoshi. Tu parvins à le maintenir sous l'emprise de la Poigne Tourmentée durant environ cinq minutes. Tu le savais, c'était suffisant pour faire grisonner ses cheveux si il en avait encore.
-Alors, gros tas ? T'es sûr de ton coup ?
-... La peste soit de vous ! J'ai compris, je vais dire que môssieu Lyan Rose s'occupe de ce cas parce que je ne me sens pas assez compétent !
-Sage décision.
Tu laissas donc le procureur en paix, récupérant le dossier et retournant à ton bureau. Tu avais enfin ton adversaire. Il était temps de se pencher sur l'affaire. En parcourant le dossier, tu compris qu'il s'agissait d'un procès pour meurtre. Sur la personne d'Eisaku Koga. Deux balles, une dans la poitrine et une dans la gorge. Les balles étaient trop endommagées pour procéder à une analyse balistique. On retrouve quatre témoins. Deux témoins pour l'accusation, deux témoins pour la défense. Avec un soupir, tu te décidas à ouvrir le dossier des témoins. C'est ici que tu eus le déclic. Satô Kozatô... Eisaku Koga...
Juno Hound.
C'est ici que tu sentis le coup fourré venir. Tout était trop ressemblant à l'affaire que tu avais traité il y a deux ans et demi face à Atayoshi. L'accusé et la victime étaient des éléments cruciaux dans ce procès. L'accusé était un témoin, et la victime était l'accusé. Quant à Juno Hound, c'était un problème différent. A l'époque connu comme "J", le tueur en série, il avait été dans cet affaire le véritable criminel. Alors que faisait-il ici, appelé à la barre des témoins ? Tout était trop ressemblant. La scène de crime elle-même était la même. Le même endroit exactement.
De rage, tu refermas le dossier. Il avait failli être confié à un gros lard qui n'aurait pas pu mener ce dossier à bien depuis que tu avais toi-même volé le dossier de l'affaire pour, sans le savoir, mener à bien le plan d'évasion d'Atayoshi ! Il ne te prit que quelques minutes pour réfléchir, puis tu te dirigeas vers la scène du crime, toujours sous investigation. Tu en repartis quelques heures plus tard, ayant trouvé les preuves que tu cherchais. Ton sourire carnassier resta présent sur ton visage jusqu'au jour fatidique.
Ce jour-là, tu te réveillas bien tôt. Il s'agissait de quelque chose de bien personnel : tu avais acheté un vêtement spécialement pour l'occasion où tu reverrais Atayoshi, mais tu avais du mal à le mettre. Il s'agissait d'un col roulé comme tu en avais une dizaine, à l'exception que celui-ci n'avait pas de manche sur le bras gauche, laissant l'aisselle apparente. C'était d'une importance capitale pour toi. Tu passas une bonne demi-heure à le mettre, de même pour ton veston. Puis tu te dirigeas vers le lieu sacro-saint : le tribunal de Seikusu.
Ton entrée provoqua plusieurs murmures. Un pas après l'autre, dans le silence total. Le bruit de tes pas était tout ce qui t'importait en ce moment même. Tu t'installas au pupitre des procureurs, en regardant fixement Atayoshi. Son murmure brisa lui aussi un silence magistral, digne d'une cour de justice. Tu avais attendu ce mot dans cette bouche depuis tant de temps. Tu ne pouvais t'empêcher de sourire comme un dément à la vue de ton ennemi juré qui te regardait avec stupéfaction. Tu posas le dossier sur ton pupitre, tu retiras le veston de ton épaule gauche sans le défaire et tu présentas ton aisselle marquée des initiales de l'homme en face de toi.
-Lyan Rose, le seul et l'unique... Hiro Atayoshi.
Puis tu remis ton veston comme il fallait tandis qu'une porte s'ouvrait et que des pas que tu reconnaissais bien traversaient la longue allée vers les pupitres. Purity An'Stream, officiellement assistante de Lyan Rose. Officieusement, celle qui t'avait sauvé après que tu te sois écroulé devant la baraque où Hiro t'avait torturé. D'habitude elle n'assistait pas à tes procès, mais tu tenais à ce qu'elle voit qui était l'homme dont tu lui avais tant parié. Tu remarquas qu'elle se tenait le ventre, et tu réalisas enfin. C'est vrai, tu allais être papa d'ici quelques mois. Avec un petit sourire, elle se rapprocha de toi. Toi, tu te contentas de la regarder de ton regard qui se voulait désagréable.
-T'es en retard.
-Désolée... alors, c'est lui ?
Elle désignait Hiro Atayoshi de la tête en te murmurant ça à l'oreille. Tu n'eus pas le temps de lui répondre directement puisque le juge arrivait, mais tu hochas la tête pour lui signifier que oui, c'était bien cet homme au bureau d'en face qui avait causé ta perte. Le juge était arrivé à son bureau et avait frappé un coup de marteau bien inutile, vu le silence qui régnait. Puis, de sa voix majestueuse, il prit la parole pour prononcer une phrase que tu avais entendu des centaines de fois.
-Bien, le procès va maintenant commencer. L'accusation et la défense sont-elles prêtes ?
Un sourire confiant, l'ouverture de ton dossier, puis un violent coup du plat de la main sur ton pupitre, bien résonnant. D'entrée de jeu, tu avais placé le contexte : tu n'allais pas perdre. Pas cette fois. Ton regard déterminé s'était accentué, ton sourire carnassier s'était effacé. Il était temps d'être sérieux, car l'adversaire n'était pas n'importe qui. De ta voix triomphante qui fit hausser les épaules de Purity sous l'effet de la surprise - elle qui vivait avec toi depuis deux ans ne t'avait jamais entendu au barreau - tu te prononças sur le fait que oui ou non, tu étais prêt. La réponse ? Elle était évidente.
-L'accusation... est prête !!