Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Le marteau d'un côté, l'enclume de l'autre, et une bande d'enflures au milieu...

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Séraphina

E.S.P.er

Séra avait une endurance proprement surprenante. Elle ne savait pas trop d’où ça lui venait, peut-être de son « complexe d’équilibre », d’une manière ou d’une autre. Les landes dévastées, pourtant, n’étaient pas loin de venir à bout de la jeune femme. Ses cheveux étaient collés à son front et ses tempes trempées de sueur, et son lourd attirail ne faisait rien pour arranger les choses. Mais d’un autre côté, elle ne pouvait pas se séparer de ses armes, ce serait signer son arrêt de mort à plus ou moins long terme. D’un revers de main, elle s’essuya le front. La tunique toute simple dont elle était vêtue n’était pas l’idéale pour l’effort physique, cependant, alors qu’elle était en Ashnard, elle n’avait pas pensé qu’elle se retrouverait forcée de fuir. Traquée, pour changer. Elle pensa un instant à laisser sa guitare sur le bord de la route. Encombrante, elle ne lui était pas techniquement nécessaire, mais elle repoussa néanmoins tout de suite l’idée. Dans les longues soirées solitaires, elle n’avait que le chant de l’instrument pour lui tenir compagnies. Et Dieu savait qu’elle en vivait, des soirées solitaires, sans cesse fuyant ceux qui voulaient faire d’elle leur esclave.
Le dernier en date qui avait eu cette idée saugrenue était un certain Emilien O’Keefe. Ashnard de naissance, il avait bien les mœurs du pays, et il avait semblé intéressé par une demoiselle aux cheveux de neige et aux yeux de feu. Malheureusement pour lui, il avait tâté de son poing, et elle s’était empressée de fuir. Mais dans la cité-esclave, les marchands d’êtres humains étaient bien mieux vus que les étrangères mystérieuses, et elle n’avait trouvé nul soutien, d’autant qu’elle ne pouvait révéler son identité sous peine d’être renvoyée au couvent.
Elle avait été coincée à la sortie de l’infâme boui-boui qui se faisait appeler auberge où elle logeait par un groupe de cinq ou six hommes, dont l’odieux esclavagiste. Elle n’était pas une enfant de chœur, et eux, ils étaient bien trop sûrs d’eux, bien que Séraphina ait déjà caressé les côtes de leur chef.
Le combat fut court, les hommes n’étaient pas entrainés pour autre chose que maîtriser des esclaves déjà affaiblis et dont la plupart de l’énergie venait de la hargne et la rage de vivre. Une femme habile et en pleine forme avait suffi à les tuer presque tous, et le presque faisait toute la différence. S’il n’y avait pas eu de presque, hé bien, on pratiquait facilement la politique de l’autruche en Ashnard. Dans les bas-fonds, personne ne serait allé la dénoncer à la garde, au risque de s’attirer des ennuis, car les gens d’armes n’étaient pas réputés pour leur sollicitude et quelqu’un capable de tuer six hommes dans la rue pouvait très bien se venger d’un dénonciateur imprudent. Mais deux avaient réussi à s’enfuir, et même si elle détestait Ashnard, elle avait espéré pouvoir y rester paisiblement.
Elle avait finalement engagé le combat avec la garde de la ville et était allée piocher dans les djinns des autres plans pour se défaire de ses agresseurs.
Vous avez déjà entendu l’expression « faire des vendanges de sang » ? Oh bien sûr, elle ne les a pas attaqués de front, elle a fui tant qu’elle a pu, jusqu’à sortir de la ville en douce, mais elle avait semé les cadavres dans son sillage comme le petit Poucet les cailloux.
Et puis les landes dévastées. Elle marchait depuis quatre heures maintenant, en suivant une piste de caravane. Elle avait plus de chance de se faire rattraper par ses poursuivants ici, mais il valait encore mieux ça que couper à travers les landes profondes, où les monstres étaient les plus actifs, car même pour une sorcière comme elle – une invokeuse, comme elle préférait à s’appeler – ce serait signer son arrêt de mort. Elle pourrait invoquer esprit sur esprit tant qu’elle tuerait des monstres. Mais les monstres tués par ses esprits n’avaient aucun poids dans la balance de son équilibre, si bien qu’elle aurait le choix entre être submergée par le nombre ou découvrir ce qu’il se passait quand la rose devenait entièrement noire. A moins que les épines n’atteignent son cœur avant.
Elle trébucha dans un trou de la piste de caravane pour laquelle « piste » était une hyperbole et se massa sa cheville douloureuse. Ce n’était vraiment pas le moment de se blesser. Dans l’air immobile  des landes, elle reprit son chemin, mais elle boitait maintenant. Un esprit l’accompagnait, marchant juste derrière elle, elle lui avait cependant déjà donné l’unique ordre qu’elle était capable de donner à ces derniers, et une fois son devoir accompli, l’esprit ne relèverait plus d’elle. Elle lui avait dit de le protéger, et elle n’avait jamais réussi qu’à donner qu’un seul ordre aux djinns. Elle ne pouvait donc pas lui demander de la soutenir ou de la porter.
Séra commençait à se dire qu’elle avait peut-être bien semé ses poursuivants quand elle vit un nuage de poussière se dresser loin derrière elle. Elle en aurait pleuré. Et les landes qui étaient encore si vastes !
A bout de souffle, elle s’arrêta quelques instants malgré les cavaliers qui gagnaient du terrain. De toute façon, à moins de sortir un cheval de sa besace, elle n’avait aucune chance de les distancer, même au meilleur de sa forme. Et maintenant, ils savaient qu’elle était dangereuse. Mais ils n’étaient pas au courant pour la gunblade. Ce serait son dernier atout, mais le barillet ne contenait que six balles, et elle n’aurait pas le temps de recharger.
Séraphina releva sa manche gauche. Une profonde entaille zébrait le bandage qu’elle avait appliqué dessus d’un rouge diffus. La plaie avait finalement cessé de saigner, Dieu soit loué, mais elle lui faisait toujours un mal de chien et l’empêchait de se battre avec ce bras. Bien dommage…Elle avait dû changer au moins quatre fois le bandage improvisé fait avec une chemise qu’elle avait sacrifiée.
Elle avait plusieurs autres égratignures, mais rien d’important à part ça.
Buvant quelques gorgées d’eau à sa gourde, elle ferma les yeux quelques secondes pour se remémorer un moment heureux – n’importe lequel – et se donner la force de continuer à marcher. En guise de leitmotiv, elle sentit un souffle d’air lui balayer le visage. Un liquide chaud se mit à le dévaler et lui masquer la vue. Quand elle l’essuya, elle remarqua que ce n’était pas de la sueur mais le sang d’une blessure au front, sans importance mais qui saignait abondamment.
Son esprit n’avait pas de forme physique naturellement, mais en combattant, il avait pris l’apparence d’un humanoïde éthéré et grand de deux mètres et demi, tout bleu et transparent. Quant à son adversaire, c’était un des monstres qu’il fallait s’attendre à rencontrer. Elle comprit tout d’un coup que c’était son esprit qui avait empêché les prédateurs de lui faire la peau beaucoup plus tôt. Mais celui-là était un gros modèle, semblait-il. En tout cas, dans un silence de mort, il se débattit et réduit en charpie le djinn pourtant impalpable. Ce dernier disparut comme fumée au vent alors que le monstre faisait face à sa vraie proie. Il avait une allure humanoïde, mais ses avant-bras étaient des lames, et son dos bossu était hérissé de mêmes appendices de métal. Il avait le visage recouvert d’une chitine ocre, des yeux noirs, et l’air pas commode.
Et en plus, il était rapide, constata Séra en bondissant de côté pour éviter sa charge. Elle n’utilisa pas les poignards volants dont elle se servait d’habitude, jugeant qu’ils n’arriveraient pas à blesser la bête. En fait, elle tira son épée et, quand il la chargea de nouveau, feinta et porta un estoc qu’il anticipa, se fendant pour tenter de l’empaler. Elle sauta sur les lames de ses bras et voulut lui enfoncer son épée bâtarde dans le crâne. Le monstre la propulsa en arrière, elle cabriola et se réceptionna, jambes fléchies, mais toujours sur ses pieds. La créature ne lu laissa pas une seconde de répit et fonça sur elle, lançant ses attaques à toute vitesse. Elle réussit à en parer la majorité, mais peu à peu les lames scélérates passaient sa garde et entaillaient sa peau.
Voyant qu’elle ne pouvait pas gagner, la guerrière aux cheveux immaculés se laissa frapper. La lame s’enfonça entre deux côtes, évitant tout organe, car Séra avait prévu le point d’impact. Le monstre, sans doute aussi intelligent qu’un homme, réalisa cependant trop tard qu’il avait été feinté et ne put qu’émettre un cri animal quand la lame de Séra s’enfonça dans son corps. Mais de quelques centimètres seulement. Il retira brusquement le bras-épée du corps de la guerrière, bondissant en arrière, mais sa blessure n’était absolument pas mortelle, sans doute à cause de cette sorte de carapace qui le couvrait.
Sonnée et quasiment terrassée par la douleur, Séraphina poussa un cri rauque et vacilla en arrière, tombant au sol, la vue brouillée par les larmes. Elle vit cependant très distinctement le monstre sauter, avant-bras tranchants tendus vers elle pour la clouer au sol. Tout se déroula comme au ralenti. Elle aurait voulu pouvoir voir sa vie défiler devant ses yeux, mais il n’en fut rien, car il n’y avait presque rien dont elle se souvienne dans sa vie. Aussi tout ce qu’elle vit, ce fut la créature immonde lui masquer le soleil…et puis se faire projeter de côté alors qu’un coup de feu retentissait.
Pendant quelques secondes, la douleur et la peur aidant, elle ne comprit pas ce qu’il s’était passé, puis elle chercha son sauveur du regard :

-Qui est là ? appela-t-elle.

Elle finit par repérer une silhouette qui tenait un six-coups.
« Modifié: dimanche 07 décembre 2008, 14:54:11 par Séraphina »

Séraphina

E.S.P.er

[Bah qu’est-ce que tu dis, elle est bien ta rép^^
En revanche, j’ai pas bien saisi le fonctionnement de tes flingues, tu peux m’expliquer stp ?]


-Besoin d’aide miss ? demanda une voix que Séra ne reconnut pas.

Elle distinguait cependant fort bien sa sauveuse. Les dents serrées, elle ne se sentit pas la force de répondre à cette femme aux cheveux blonds et aux yeux rouges comme les siens qui venait de lui sauver la vie, avec son amie. Mais elle supposait que sa situation parlait pour elle.
Effectivement, les deux femmes n’attendirent pas une hypothétique réponse pour la hisser sur un cheval. L’expérience fut douloureuse malgré les précautions que prirent les sauveuses de l’ancienne prêtresse. Elle réussit cependant à se retenir de crier, bien que ce ne soit pas l’envie qui manquait.

-Une autre fois pour le Ritz, dit Séraphina. Je crois qu’un dos de cheval me convient aussi bien aujourd’hui.

Sa voix était faible et on y sentait la douleur, mais le sentiment que sa vie n’était plus en danger – quoi que cela dépendisse grandement des intentions de la jeune femme aux cheveux blonds – suffisait à insuffler une énergie nouvelle dans les membres de Séra.
Accroche-toi à la selle, qu’elle disait ? Pas facile à faire ça. Dans sa position, la jeune femme était incapable de s’agripper à la selle, mais d’un autre côté, l’idée de faire tout le trajet en travers de la croupe du cheval qui n’était pas le sien ne l’égayait pas outre mesure. Celle de devoir se redresser par elle-même, alors qu’elle s’était fait transpercer le flanc, même sans dommage majeur, et qu’elle avait tous les os douloureux et une profonde entaille au bras droit, ne l’enchantait pas des masses non plus, mais quitte à faire un choix, elle se redressa, très lentement, pour se retrouver en amazone derrière sa sauveuse. Elle fut étonnée que la femme ne lui pose pas plus de questions, même si elles auraient « tout le temps de parler plus tard ». Bien entendu, elle n’allait pas démentir la femme pour ce qui était de quitter les lieux au plus vite, elle avait eu son contant de danger pour la journée.
Mais cette pistolera venait de rencontrer une femme seul se battant à l’épée face à un monstre, assez aguerrie pour se laisser sciemment transpercer, ayant envoyé un esprit diaphane et bleuâtre combattre et portant un revolver dans un étui à sa cuisse. A sa place, Séraphina se serait enquise de la situation de l’étrange personne qu’elle aurait sauvée, puisqu’après tout, c’était exactement le genre de personnes qui attiraient les emmerdes. Bien sûr, elle ne savait pas encore que la jeune femme aux cheveux blonds était également recherchée, et pas qu’un peu, et que quelques animosités de plus ne lui seraient guère préjudiciables, pas plus qu’une piqure de guêpe ne l’est à un homme empalé.

-Trop dangereux, ouai…Merci de ton aide, mais il faut que tu saches, à l’horizon, on voit un nuage de poussière qui se rapproche, et ces gens-là veulent me tuer. Vous vous mettez en danger.

Elle venait d’assister à la mise à mort d’une créature qui l’aurait tuée par ces deux femmes, aussi ne s’imaginait-elle pas qu’une poignée de gens d’armes pourrait leur faire du mal,  mais il n’était jamais bon de se mettre un royaume à dos.
La menace de Jessie Wild aurait tiré un sourire à Séra si elle n’avait pas autant souffert. Comme elle souffrait autant, elle se contenta d’une grimace. Bien sûr qu’elle ne ferait pas la fine bouche, mais on l’avait déjà tellement menacée que la tentative de la voleuse avait quelque chose de recuit. Enfin, il fallait lui reconnaître une admirable prestance qui devait faire trembler dans ses bottes plus d’un gros dur. Mais elle avait perdu l’habitude de s’inquiéter des mots, plutôt encline à juger sur les actes, et pour l’instant, Jessie Wild et le capitaine Sekhmet des Black Fangs lui plaisaient plutôt bien. Ils lui avaient sauvé la vie, non ?

-Moi c’est Séraphina. J’ai entendu parler des Fangs, qu’est-ce qu’une troupe de bandits fait dans le coin ? Il n’y a rien qui puisse vous intéresser à des kilomètres à la ronde. Juste des terres désolées…

Elle laissa passer un court silence. Au moins, en présence de bandits, elle avait moins de chances d’être livrée à la justice, mais la prudence lui soufflait tout de même de se montrer avare en informations sur elle-même. En revanche, le bon sens lui dictait d’en apprendre un maximum sur ses compagnons de voyage. D’expérience, elle doutait de l’existence de ce genre de personnes qui risquaient leur vie – ou même bien moins – par simple bonne volonté. Elle voulait bien laisser le bénéfice du doute à Jessie…Mais pas plus.

-Ne t’en fais pas, au fait, je ne compte pas m’échapper. Je suis blessée et fatiguée. Même si j’arrivais à vous régler votre compte à toutes les deux, je n’irais pas bien loin. Si ça peut te garantir mes bonnes intentions…

Séraphina

E.S.P.er

Séra n’était pas une grande cavalière. Elle savait certes monter convenablement, mais ce n’était pas ça qui la faisait sortir du commun. En gros, elle était tout à fait moyenne. Mais s’il y a une chose qu’elle n’aimait pas, c’était la chevauchée à crue. Le galop était rapidement éprouvant quand on faisait de longs trajets, mais sans rien sous les fesses, et avec un flanc percé, c’était une véritable torture.
La remarque de la jeune chef des Black Fangs tira cependant un rire qui se tut bien vite à l’invokeuse. Et voilà, elle se retrouva, sans trop savoir comment, enrôlée dans une bande de mercenaires qu’elle avait déjà pensé à traquer pour la prime et ainsi manger à sa faim. Elle entrait de plein pied dans une histoire qui n’était pas la sienne. Mais elle devait bien ça à la femme qui lui avait sauvé la vie, non ? Au moins, avec ceux-là, elle n’aurait pas de problèmes avec la justice. Ou plutôt si, mais elle aurait des alliés pour la soutenir. Et si elle décidait de ne pas rester avec eux, elle n’aurait qu’à s’enfuir, elle faisait ça très bien, et quelques poursuivants de plus ou de moins ne feraient pas grande différence.

-Je suis touchée. Je ne sais pas quels sont tes méthodes et celles de tes hommes, Jessie, mais ne compte pas trop sur moi pour massacrer et torturer. Ceci posé, combien êtes-vous ?

Cependant comme l’avait justement remarqué Jessie Wild, Séraphina n’était pas dans une position rêvée pour discuter les conditions de son enrôlement. Si sa providentielle sauveuse décidait de réviser son jugement et de la laisser de côté, elle serait morte avant que le soleil ne disparaisse à l’horizon, des monstres ou de ses poursuivants, et sinon, ces contrées n’étaient pas saines, et elle n’avait que de l’eau sur elle et du tissu pour bander sa plaie. Loin de ce qu’il lui aurait fallu pour la désinfecter…

-Bien vu, de toute façon, j’aime pas voyager seule, alors…

Le soudain regain de vitesse tira un gémissement emporté par  le sifflement du vent aux oreilles des trois femmes de la bouche de la guerrière aux cheveux blancs. Elle se demandait si ce genre de traitement, outre le risque d’infection, ne risquait pas d’aggraver son état. Normalement non, vu que le coup avait évité tout os ou organe, mais elle n’était pas certaine de ses connaissances en anatomie. Mais même ainsi, elle préférait un galop douloureux qui les mettrait hors de vue de poursuivants en armure avec un paquetage plus lourd et qui ne pousseraient la poursuite que tant qu’ils seraient sûrs de pouvoir être chez eux avant la tombée de la nuit. En plus, ils galopaient sans doute depuis leur sortie d’Ashnard, et devraient sans doute sous peu passer au pas pour reposer leurs montures.

-Moi j’aurais préféré ne pas avoir à passer dans le coin. Pas que ta rencontre soit désagréable, mais si on pouvait la refaire sans qu’une bande de militaires me poursuive, j’dirais pas non. Mais, on pourrait s’arrêter un instant ? Je voudrais bander quelques plaies, ça ne t’aura pas servi à grand-chose de me trouver si mes petits bobos s’infectent. En plus, je continue à perdre du sang.

Mais pas trop longtemps surtout, qu’ils ne nous rattrapent pas ! pensa-t-elle. Mais il fallait bien faire des concessions, quoi que Jessi n’y soit pas contrainte.


Séraphina

E.S.P.er

[C’est moi qui avais zappé une partie de ton mess ou tu l’as édité ?
edit : Les paroles en orange c'était pas malin T_T]


Séra finit donc le trajet en serrant les fesses et les dents, comme préconisé par sa toute nouvelle et intransigeante employeuse, et bien qu’elle comprenne le point de vue de la jeune femme, qui était très sensé, elle n’aurait pas été contre la petite pause qu’elle avait demandée. Bon, non c’était non, du coup, autant faire contre mauvaise fortune bon cœur, aussi, elle s’abstint de se plaindre à nouveau. Un peu d’auto-persuasion suffit presque à la convaincre qu’elle n’avait pas mal (quoi que ‘presque’, tout est relatif…), ce qui soulagea quelque peu sa douleur, ou du moins la perception qu’elle s’en faisait, mais fut bien loin de l’ôter. En fait, concentrée sur sa souffrance, soit exactement ce qu’il ne faut pas faire quand on essaye de l’oublier, elle ne dit plus rien du trajet, sauf pour répondre aux questions de ses deux sauveuses.
La réaction de Jessie quand elle se souvint de la mise à prix du chef de sa dernière prise la fit rire comme l’avaient faite rire les précédentes remarques de la femme aux cheveux couleur des blés, et comme les fois précédentes, ce ne fut pas une expérience des plus agréables. Elle se demanda de combien sa propre prime pourrait bien majorer celle de la bande. D’ailleurs, elle n’était pas mise à prix par les institutions officielles, si on oubliait l’Eglise, mais « simplement » activement recherchée comme un danger ambulant. D’ailleurs, comment est-ce qu’on calculait les primes ? Elle ne s’était jamais posée la question, mais en fait, elles ne devaient pas être fixées au hasard, si ? Bah, ça ne revêtait pas une importance capitale tout ça. Elles devraient bien pouvoir continuer, de plus, elles seraient vite fixées si la prime pour les Fangs devait être révisée.
Le galop auquel succéda le trot dura une heure pleine durant laquelle elles laissèrent derrière elle les landes dévastées. Séra fut étonnée qu’elles n’aient pas eu de problème avec d’autres monstres du trou du cul du monde, mais ce ne serait certainement pas elle qui irait s’en plaindre. On ne se portait jamais mieux que quand on était loin de ces êtres bizarres.
Les trois femmes finirent par faire une halte bienvenue au sommet d’un relief du terrain : une colline qui s’élevait au-dessus d’un immense champ de blé, ce qui avait l’avantage d’offrir un bon point de vue. Si Séraphina en combattante et surtout en fuyarde aguerrie, remarqua tout de suite cela, l’autre avantage ne lui vint pas à l’esprit. En revanche, la possibilité de se camoufler pour s’enfuir, elle, lui apparut très clairement. Mais il se poserait le même problème qu’avec les assaillants qui se feraient repérer : des remous dans une telle mer d’or n’avaient rien de bien discret. Cependant, à ce petit jeu, trois combattants seuls avaient plus de chance de gagner qu’une force importante.
Les trois hors-la-loi montèrent une tente de fortune au sommet de cette colline, activité à laquelle Séra participa de bon cœur, trop heureuse de pouvoir oublier la montée à cru de tantôt. Puis Séra entra dans la tente avec le lieutenant de Jessie Wild, Sekhmet. Séra la précéda dans la tente dont elles refermèrent le rabat derrière elles. Ça tenait plus de l’habitude que de la réelle nécessité sachant qu’il n’y avait vraisemblablement personne à quelques lieus à la ronde.

-Bon, fais-voir tes blessures, lui dit la terranide. On va s’occuper de ça…
-Pas de problèmes, répondit Séra en faisant tomber sa tunique à ses pieds.

De fait, ses plaies s’étendaient allégrement sur tout son corps, puisqu’elle avait son entaille au bras, son petit trou au flanc, plusieurs coupures sur le torse et une autre entaille – moins importante – à la cuisse gauche. En plus, sa plaie au front, ou peut-être à l’arcade sourcilière, elle ne visualisait pas parfaitement, continuer de saigner abondamment bien qu’elle ne lui fasse presque pas mal. Baissant les yeux, elle sentit un pincement au cœur en contemplant les cicatrices qui barraient sa peau. Nue, elle ressemblait exactement à ce qu’elle était : une fugitive et une combattante. Son visage, au contraire, avait été épargné, mais ça ne l’empêchait pas de détester ce qu’elle voyait dans un miroir. Trop de cicatrices sur un corps dont elle jugeait qu’il aurait été beau si elles n’avaient pas étés là. Sekhmet émit un léger sifflement.

Au dehors, ignorants de ce qu’il se passait à l’intérieur de la tente, les ennuis arrivaient au grand galop, après un certain retard et un rappel à l’ordre. Les poursuivants de Séraphina avaient abandonné la poursuite un moment auparavant, peu désireux de pousser trop loin, ce qui les éloignerait de chez eux de la sécurité de la proximité de la capitale d’Ashnard.
Non, ce que put voir la jeune femme aux cheveux blonds, toute à son observation, ce fut une colonne de caravaniers qui remontait une piste de terre à l’ouest de leur position en hauteur. La caravane était encore loin, à cinq kilomètres, mais elle avait été longuement masquée par les dénivelés du terrain qui compensaient la prise de hauteur du petit groupe.
C’était un groupe de quatre chariots bâchés accompagnés par une douzaine de cavaliers. Il était impossible de les discerner à cette distance, mais le bon sens voulait qu’ils soient armés. Cependant, une douzaine de mercenaires au maximum qui défendaient un convoi ne représentaient pas un gros problème pour trois tueuses entrainées disposant d’armes à feu et d’une position élevée.
La caravane obliquait imperceptiblement vers le campement de fortune. Rien d’étonnant à cela puisque la piste qu’ils suivaient les rapprochait du promontoire naturel, bien qu’elle ne passe pas à moins de cinq cent mètres de la base de la petite colline, à la limite occidentale des champs de blé.
Si Jessie avait un bon instinct cependant, elle pourrait peut-être sentir ce léger picotement au creux du dos que l’on ressent quand on est observé en douce. En ce cas, peut-être pourrait-elle comprendre que cette caravane n’est pas le seul danger alentours, et toujours dans cette hypothèse, peut-être se retournera-t-elle, convaincue de trouver cet observateur invisible en cherchant bien.
Mais si elle n’avait pas cet instinct si rare, alors il n’y avait aucune chance qu’elle s’aperçoive que cette caravane qui s’avance est sans importance devant le groupe de trois personnes qui, après l’avoir très largement contournées, au-delà de son champ de vision, entreprend de se rapprocher du campement des Fangs en douce, se cachant dans tous les replis du terrain à disposition.
Des hommes discrets s’il en est, et efficace pour être capable d’organiser une attaque alors même qu’ils ne peuvent pas être au courant de la position de leur campement depuis plus d’une dizaine de minutes, au mieux, ce qui semblait tout de même idéaliste.
Bref, les trois hommes, qui n’avaient rien de caravaniers en vadrouille, se rapprochèrent en toute discrétion, et quand ils furent tous environ à un kilomètre du groupe de femmes, la caravane se rapprochait du point de sa trajectoire où elle serait au plus proche du campement. Elle était elle aussi environ à un kilomètre d’elles. C’est le moment que choisirent les trois hommes pour faire feu. Ce n’était pas du tir de précision, pourtant, à cette distance, il était quand même impressionnant de voir que le déluge de balles qui révéla instantanément leur position couvrait une zone plutôt restreinte, forçant les défenses à se mettre à couvert. Les armes, modèles Tekhans, tiraient des projectiles accélérés magnétiquement, permettant la portée impressionnante pour des armes automatiques comme celles-là.
On pouvait dessiner un plan très grossier de la scène, sur lequel on remarquait que le tireur le plus facile à repérer à l’avance était sans doute celui de droite, qui avait dû traverser les champs, obtenant l’effet escompté par la chef des Black Fangs : il avait sans doute fait remuer les plantations.

Séra et Sekhmet sortirent de la tente dés qu’elles entendirent le sifflement des balles, Séraphina entrain d’enfiler ses habits à la hâte, le bandage de sa hanche, pas terminé, tombant au sol en lignes pourpres et blanches.

-Jessie, c’est quoi ce délire ?

Une rafale fit voler des monceaux de terre, le genre d’impact que faisait une arme de calibre .30 à portée efficace, clairement disproportionné par rapport à la taille des projectiles qui s’étaient arrêtés contre le sol. La rafale arracha la tente au sol, déchiquetant la toile et la faisant voltiger comme un cerf-volant. Le vent soufflait du nord au sud, descendant des montagnes loin des jeunes femmes ver la mer Courroucée au-delà d’une côte déchiquetée loin d’elles également, avec une force somme-toute modérée, mais qui suffisait à faire onduler les champs de blé comme une mer d’or en fusion, rendant plus difficile l’exercice de repérer un ennemi avant que celui-ci ne fasse feu. La jeune femme repéra les positions approximatives des trois tireurs tout en bondissant sur le côté pour se retrouver à plat ventre sur le seul flanc de la colline qui ne soit pas pris d’assaut, dos à la caravane qui continuait paisiblement sa route sans se soucier des événements tragiques entrain de se dérouler. Dégainant sa gunblade, elle chercha désespérément un moyen de sortir de cette situation épineuse. Si elle quittait le couvert de la colline, leurs agresseurs l’auraient à nouveau dans leur angle de tir, qu’elle fuie vers la mer ou tente de les attaquer. De plus, ils avaient des armes plus rapides, plus puissantes et plus précises que la sienne, sans parler de la portée.
Elle chercha du regard celle qui l’avait proclamée membre de Black Fangs.

-Hé Jessie Wild ! cria-t-elle.

Il n’y avait pas de détonations, simplement le sifflement des balles, vu que les armes de Gauss marchaient sans explosions. De temps à autre, un des feus s’arrêtait le temps que le tireur recharge, mais ces éclaircies ne duraient jamais longtemps.
Ce silence entrecoupé de sifflements donnait une allure quasi-surréaliste à cette scène de fusillade.

-T’as une idée ?

A moins que la femme ne se révèle bien meilleure tacticienne qu’elle-même, il y avait peu  de chances qu’elle réponde par l’affirmative, quoi que l’ancienne prêtresse l’espérât très fort. Mais en même temps, elle ne connaissait pas bien les capacités de ses compagnes de voyage. Elle pouvait tenter d’invoquer un esprit, cependant, en tout dernier recours, mais elle préférait éviter d’en arriver là.
Sans que Séraphina ne le voie, la caravane d’aspect tellement inoffensif, quoi qu’on commençait à se douter qu’elle n’était pas une simple caravane, vu que je n’arrête pas d’en revenir à elle tout au long de ce post, passa au plus près de la dune. Elle ne s’arrêta pas, mais une palanquée d’ombres indistinctes jaillirent de sous les bâches goudronnées censées contenir des marchandises. Silencieux comme autant d’éléphants dans un magasin de porcelaine, les guerriers, à peine séparés par cinq cent mètres des femmes, se mirent à courir vers elle en braillant, tenant des hanches et des épées, des lances et des boucliers.
« Joli piège, se dit intérieurement  Séra. Vraiment, très bien ficelé, nous coller entre le marteau et l’enclume comme ça. On n’a d’autre choix de combattre. Mais comment est-ce qu’ils ont pu savoir que l’on attendait ici ? Qui sont-ils ? Et bordel de merde, pourquoi sont-ils si bien organisés ? Pourquoi est-ce qu’ils ont des armes de Tekhos ? »
La question était ouverte. Mais voilà, chaque chariot avait craché dans les quinze guerriers, et ils étaient une soixantaine à vue de nez à leur foncer dessus, arme au clair. Ceux-là tomberaient comme des mouches, mais ils étaient très nombreux, et ils étaient très déterminés. A cinq cent mètres, tirer avec l’arme de la jeune femme aux cheveux de neige serait revenu à gaspiller des balles. Elle n’avait donc d’autre choix que de les attendre et se battre, ou espérer une idée géniale de sa chef.
« Modifié: mercredi 17 décembre 2008, 13:33:12 par Séraphina »

Séraphina

E.S.P.er

Séraphina considéra de manière très critique le plan de la jeune chef des Fangs. Couchée au sol, elle ne put s’empêcher de se dire que ça la mettait quand même très en danger. Pas qu’elle trouve qu’on l’exposait plus que Jessie ou Sekhmet, la vie des trois femmes était pareillement en jeu, mais elle aurait quand même préféré quelque chose de plus sécuritaire. Bordel ! Et ces enfoirés qui ne voulaient pas la laisser tranquille ! Elle en avait les larmes aux yeux. Leurs chevaux étaient morts, et Jessie, à couvert derrière un cadavre d’équidé, lança le signal du carnage en tirant une boule de feu à l’aide d’une arme qui n’avait absolument rien de ce que Séra considérait comme normale.
Sekhmet, pour sa part, tirait de derrière l’autre cheval. Lui jetant un regard, Séraphina put voir la guitare qu’elle avait accrochée au flanc de la monture percée d’un trou et brisée au niveau du manche.
« C’est vraiment trop demandé de pouvoir panser ses blessures tranquille hein ? »
Elle vérifia d’un geste vif que son ceinturon de balles était bien accroché à sa taille ; elle avait dû le passer dans la précipitation en quittant la tente, mais une longue habitude aidant, elle n’avait pas perdu ses précieuses munitions.

-T’aimes bien les coups d’éclats toi non ? cria Séraphina pour couvrir les cris de guerre des décérébrés qui leur fonçaient dessus.

Ceux-là étaient bien plus bruyants et moins professionnels que les tekhans, cependant, il suffisait de les voir pour comprendre qu’ils n’étaient pas des barbares, comme ils le laissaient penser, ce qui, tout compte fait, faisait peut-être partie de leur plan. D’une, ils avançaient en lignes bien organisées malgré un chaos apparent, ils étaient régulièrement espacés pour éviter de se faire tirer comme des lapins – enfin, pour minimiser cet effet plutôt – et de deux, ils gardaient un stoïcisme de vétérans en voyant leurs alliés tomber sous les balles de l’arme de Sekhmet.
« Allez bande de salopards, dansons…pensa la jeune pour elle-même. »

-Couvre-moi, je fonce ! prévint-elle Sekhmet.

Le combat avait débuté depuis une trentaine de secondes peut-être. Les hommes qui traversaient les champs en venant vers eux avançaient au pas de course, courbés pour se dissimuler au mieux. Séraphina ne prit pas cette peine. Tant que Sekhmet tirait, il n’y avait aucune chance qu’un archer ou un arbalétrier ait le temps de la mettre en joue. Sa gunblade pointée sur les assaillants, elle se lança dans une course féline en dévalant la colline, tirant à une allure folle pour un six-coups comme le sien une main occupée à la gâchette et l’autre au chien ; ses six balles firent mouche. Quand elle fut au contact, elle avait déjà rechargé, et sa lame entama une danse spectaculaire sous le feu précis du lieutenant de Jessie Wild.
Séra porta un premier coup de taille qui ouvrit la gorge de l’homme le plus proche, enchaina en appuyant sur la gâchette pour abattre un huitième type, tout en lâchant de l’autre main un poignard attaché à une lanière de tissu. La lame aiguisée fendit l’air et se planta dans un bruit mou entre les deux yeux d’un homme, puis s’en retira d’une traction de la guerrière avant de venir cingler un autre combattant.
Mais il ne fallut pas plus de temps que ça aux assaillants pour se ressaisir, et ils furent huit à lui sauter dessus, plus que ne pouvait en abattre Sekhmet tout en prenant garde de ne pas blesser son alliée. Lâchant la bride à cet instinct de tueuse qu’elle méprisait tant chez elle, Séra esquiva un coup en se décalant sur la droite, déviant un estoc de sa gunblade, elle enroula la lanière de son poignard autour d’une troisième épée et l’arracha des mains de son possesseur pour l’envoyer se planter dans le ventre protégé par un gambison d’un autre brave connard. Elle sentait la douleur qui sourdait de sa hanche, mais comparés au monstre des landes dévastées, ces humains étaient si lents et prévisibles ! Tout semblait se dérouler au ralenti ! Un pas en arrière, une feinte, une roulade, une balayette et en voilà un avec un trou sur le côté du crâne. Un plongeon en avant pour éviter l’immanquable attaque par derrière, et quelques balles pour se dégager la voie, avant de se relever, et de se rendre compte qu’on est dans une situation épineuse, cernée par trop de monde qui attaque en même temps pour tout éviter ou parer.
Et le monde bascula, comme il le faisait si souvent. Il n’y eut plus de guerriers, plus de Jessie Wild et de Black Fangs, plus qu’un immense néant, et cette sensation de multiples présences. C’était comme de se retrouver devant un grand magasin de Tekhos, et de regarder les vitrines, et puis trouver l’article à acheter. Ici, c’était l’esprit à invoquer. Une entité puissante, mais surtout rapide, qui pourrait la sortir de sa mauvaise passe. Elle trouva celui qu’elle désirait, il était impressionnant, un formidable condensé de volonté pure, et elle le happa, le traina derrière elle.
De son bras droit, celui tatoué d’une rose, jaillit comme un flux d’énergie invisible, et une entité surnaturelle prit forme, semblant repousser les limites de l’espace pour éviter d’entrer en collision avec qui ce soit. Après trois minutes de combat acharné, il restait une vingtaine de combattants. Le démon qui venait de jaillir de nulle part et d’attraper d’une de ses quatre mains libres la tête de hache destinée à cisailler Séraphina en deux avait l’effet notable de sérieusement réduire le moral des assaillants. L’ordre était déjà passé, l’entité, qui avait l’allure d’un humain du noir le plus profond, de sa peau à ses cheveux qui trainaient au sol en une crinière hirsute, disposait de quatre bras. Un d’entre eux récupéra la hache papillon et décapita son ancien possesseur d’un coup bien senti, avant de se retourner sur lui-même, récupérer une épée au sol et prendre celle dans le dos de son invocatrice. En une poignée de secondes, les combattants autour de Séraphina étaient tous morts, et les restes de cadavres terminaient de s’effondrer au sol.
Sur la dizaine de soldats – car il ne s’agissait certainement pas de bandits de grand chemin, même si Séraphina aurait été bien en peine de dire qui avait envoyé leurs assaillants – la moitié prit la fuite devant les tirs incessants de la terranide, la charge du démon de ténèbres et les balles que Séra recommençait à faire pleuvoir. Elle se focalisa sur ceux-là tandis que l’esprit chargeait dans ceux qui persévéraient. Le djinn ne cessa sa tâche macabre que quand tous les hommes furent tombés au sol. Dans une bataille qui n’avait duré en tout et pour tout que cinq minutes, une vingtaine de douilles jonchait le sol, soixante cadavres, troués par ne balle, entaillés, égorgés, découpés voire déchiquetés, reposaient au sol, et aucun à moins de cinquante mètres de la colline. Les blés étaient teintés de rouge, fauchés par endroits. La caravane, pour sa part, recommençait à avancer, indiquant qu’il restait les pilotes aux rennes des chevaux. Ils avaient sans doute pour mission d’attendre leurs compères et de repartir dés qu’ils auraient embarqué la cargaison vivante, quelque chose comme ça.
L’esprit passa devant ses yeux comme une flèche, bondissant sur le chariot le plus proche et arrachant la toile et l’armature sous son poids. Séra vit le pilote pousser un cri de pure terreur et sauter à terre pour courir, puis se faire embroncher par un puissant coup de lance. Une balle de Sekhmet en tua un second.

-LAISSEZ-EN UN EN VIE ! hurla l’invokeuse, plus à l’attention du djinn qu’à celle de la terranide qui était tout de même plus posée. C’EST UN ORDRE !

Voir Jessie passer en trombe venait de la réveiller, et de lui rappeler cet ordre important à donner. Elle partit elle aussi au pas de course, observant avec un certain détachement l’esprit qui coupait en deux d’un coup de hache le troisième pilote. Elle s’attendit à ce qu’il attrape le dernier, mais il lui planta au contraire ses deux épées dans le corps au niveau du torse, et les fit remonter jusqu’à ce qu’elles jaillissent de part et d’autre de son cou.

-Je t’avais ordonné de ne pas le tuer ! lui lança Séraphina en enfourchant un cheval.

Elle sentait son sang couler sur son bras, bien qu’elle n’ait pas été blessée pendant cet affrontement, c’était sa plaie fraîchement recousue qui s’était rouverte.

-Tu n’as qu’un ordre à me donner, Séraphina Algul, rétorqua l’esprit d’une voix qui lui faisait penser à de la fumée, sans qu’elle puisse préciser. Je t’ai sauvé la vie, suis-je maintenant libéré de mon engagement ?

Le djinn tendait son épée à Séra ; elle la prit et l’essuya sur sa tunique de toute façon fichue.

-Oui, va, esprit.

Il ne se fit pas prier. De toute façon, la question était purement rhétorique, puisqu’en répondant non elle s’exposait à un duel mental dans lequel elle n’avait aucune chance. Elle avait essayé, une fois, et n’avais plus tenté la chose depuis.

-Jessie ? appela-t-elle en regardant où la chef des Fangs avait atterri. Par où on va ?
« Modifié: vendredi 19 décembre 2008, 22:26:00 par Séraphina »

Séraphina

E.S.P.er

Il ne lui arriva rien, car, s’il restait des poursuivants des trois femmes maintenant lancées à une allure folle sur les routes poussiéreuses des contrées du Chaos, ils n’avaient apparemment pas eu le temps de se remettre de leur cuisante déroute. Mais Séra en doutait. D’une, parce qu’ils n’avaient aucune raison de supposer qu’une attaque bien pensée, avec une supériorité numérique et technologique pareille, puisse échouer. Ensuite, parce qu’ils ne pouvaient pas être une armée non plus, et la route était encombrée de dizaines de cadavres là où ils avaient livré bataille. Du coup, la jeune chef des Fangs put réarmer son colt en toute quiétude, sans doute tout en s’inquiétant, mais sans que ses craintes ne se révèlent fondées.
Jessie fermait la voie et Sekhmet l’ouvrait. Séraphina se laissait guider, elle ne savait pas par où elles se rendaient. Sa plaie au flanc, juste bandée, s’était remise à saigner, et la douleur revenait. Elle regrettait d’avoir refusé des antalgiques que lui avait proposés la terranide sous la tente, et en plus, les points de suture à son front n’avaient pas tenu, et ce dernier se remettait à cracher du sang, qui lui masquait régulièrement la vue, si bien qu’elle devait souvent se nettoyer le visage.

-Tu peux me dire où est-ce qu’on va ? lança-t-elle en criant à Jessie.

Parce que bon, « à l’opposé de la passe du Diable », c’est bien beau, mais ça manque sensiblement de précision. Et puis, bon, elle était terriblement curieuse. Cependant, elle n’en restait pas moins sur le qui-vive, d’autant que la région devenait progressivement plus verdoyante tandis qu’elles s’éloignaient des terres dévastées, mais elle ne repérait rien de menaçant. Il n’y avait définitivement rien alentours.

-Jessie, comment tu as eu ton arme ? demanda-t-elle finalement. Si je suis pas folle, tu nous as tiré des boules de feu, avec ce truc, or, même les meilleurs artisans ne savent pas faire des balles de ce genre. C’est une arme tekhane ?

Au passage, celle de Sekhmet ne lui semblait pas beaucoup plus nexane, ou ash, mais elle jugeait celle de sa chef beaucoup plus intéressante.

.-.-.-.

-Alors ? Où elle est ?!

Le page semblait sr le point de défaillir. Il avait les yeux exorbités et ses genoux s’entrechoquaient. En cet instant, il regretta presque d’être le dernier survivant, se disant qu’il aurait sans doute été plus simple qu’il succombe, plutôt que de rapporter ce qu’il avait vu à sire Viciens et O’Keefe.

-Elle s’est enfuie, m’sieur O’Keefe, répondit-il. Malgré l’aide des hommes de sieur Viciens, nous n’avons pas réussi à les arrêter.
-Crétin ! s’emporta l’esclavagiste.

Il donna une violente claque du revers de la main qui envoya bouler le jeune page quelques pas plus loin. A ses côtés, le paladin de l’Ordre immaculé Vesimir Viciens ne broncha pas, gardant son regard impassible, son masque d’homme froid et détaché qu’il ne quittait jamais, même dans sa plus stricte intimité, de peur d’y instiller une défaillance, si bien qu’il était devenu sa véritable nature, et l’ancien « lui » avait purement disparu.
Le page, un jeune garçon de quatorze printemps tout au plus, avait des larmes plein les yeux, mais se retenait de pleurer. Il savait que ça ne servirait à rien devant son maître, en fait, il devait même s’estimer heureux, pour un esclave, il était plutôt bien traité. C’était parce qu’il courait vite, savait se faire discret et était doté d’une humilité qui confinait à la soumission.

-Je suis désolé monsieur, vraiment, mais c’est une démone ! Une E.S.P.er ! Et l’autre femme, celle qui dirige les Black Fangs, elle tirait des trucs insensés avec un revolver ! Elle tirait du feu, et de la glace, et moi j’…

Un coup de pied qu’il reçut au creux de l’estomac lui coupa la parole et il toussa plusieurs secondes en essayant de retrouver son souffle, ses larmes coulant cette fois franchement.

-Arrête de me prendre pour un con, esclave, je me demande vraiment pourquoi j’essaye d’être bon avec toi, si je ne peux même pas compter sur ta franchise !
-Mais maître, je ne…
-Suffit ! le coupa de nouveau l’esclavagiste. Et cesse de me donner du « maître » quand tu veux me concilier, petit hypocrite, et maintenant, retourne dans ton chariot et nettoies la cage de Gillot, il a claqué.

Cette fois, le page ne protesta pas et se leva pour partir en courant vaquer à sa tâche. Il savait ce qu’il avait vu, assurément, quoi qu’en dise O’Keefe. La mort de Gillot fit redoubler le torrent de larmes qui trempait sa chemise crasseuse. Il aimait ce bonhomme, un des rares esclaves cultivés, qui lui avait appris à lire et écrire en traçant les lettres dans la poussière. Il vrai sage, et qu’il ait été réduit à la servitude était une perte pour l’humanité toute entière, le jeune page en était convaincu.
De son côté, O’Keefe fit quelque pas en compagnie du paladin de l’Ordre.

-Monseigneur, je suis désolé pour les propos du garçon, il a dû être abusé par ses sens, mais je ne comprends pas du tout comment nos hommes ont pu être vaincus par ces trois femmes.
-Non, je ne crois pas qu’il mentait. La femme que je recherche est une sorcière, et il ne serait pas étonnant qu’elle en ait trouvé d’autres pour l’aider. Le mal s’attire, O’Keefe, c’est comme ça qu’il devient puissant et dangereux, et c’est pourquoi des gens comme moi doivent intervenir. Elles sont tout de même étonnantes, n’est-ce pas ? L’attaque était bien pensée, je suis assez content de la coordination de nos unités, si votre précédent messager nous a rapporté l’exacte vérité. La caravane, c’était prévu à l’avance, pour avancer discrètement, mais les encercler comme cela, faire diversion, et ensuite s’approcher presque au contact…Votre milice est au-dessus de ce à quoi je m’attendais venant d’Ashs.
-Grand merci, votre pureté. Je serais aussi heureux que vous de voir cette femme tombe, elle sera parfaite un collier autour du cou, et un homme au bout de sa chaîne pour la mâter, pas vrai ? J’ai entendu dire qu’elle avait tué des hommes d’Eglise, est-ce bien vrai ? Comment ça s’est passé ?

Le paladin lui narra brièvement comment la sorcière avait abusé ceux qui s’occupaient d’elle au couvent, et avait abattu froidement les hommes et femmes qui avaient tenté depuis sa naissance de la préserver du Malin et de purifier son âme. Comment elle avait usé de sa magie infâme pour faire des dizaines et des dizaines de mort, et fuir ensuite come une lâche, refusant d’affronter la responsabilité de ses actes. Le marchand d’esclaves ne fut pas plus choqué que ça. Il n’était pas étonné, venant de la femme qu’il traquait, et en même temps, il s’en fichait, tout ce qui comptait, c’était que l’Eglise l’aidait, et l’Eglise avait la technologie Tekhane. Pour sa part, il lui expliqua comment elle avait abattu des hommes à lui qui voulaient la capturer, avant de se laisser faire pour, une fois dans une cage, en abattre un plus grand nombre encore tout en libérant ses propriétés. Elle avait même tenté de le tuer ! Il enrageait rien qu’à ce souvenir, et à la peur qui lui avait étreint la poitrine tandis qu’il craignait pour sa vie, malgré les paroles bravaches qu’il avait alors lancées, et l’épée qu’il avait eu en main.
Mais elle avait fini par faire une erreur, et se faire repérer par la garde dans sa propre ville de résidence. Il était un marchand prospère, et il avait de bonnes relations, l’information lui était vite parvenue. Ça n’aurait peut-être pas suffi à le lancer à sa poursuite, mais il recevait justement chez lui une section de huit paladins qui traquaient la femme. Ils s’étaient donc lancés conjointement sur ses pas.

-Comment allons-nous procéder maintenant ? demanda l’esclavagiste. Il me reste une cinquantaine d’hommes, et je crois que vous avez encore quatre paladins, n’est-ce pas ?
-C’est exact. Attendez-voir.

Viciens héla un de ses hommes et lui demanda une carte qu’ils posèrent à plat sur une table du campement qu’ils avaient monté, au-delà de la limite des landes dévastées.
Les cartes dont disposait l’Ordre impressionnaient sincèrement O’Keefe. En fait, même le papier l’impressionnait, parfaitement rectangulaire  et plus solide que celui qu’on trouvait en Ashnard, il était lisse au toucher et ne craignait pas l’eau, un des paladins s’était amusé à en verser dessus pour l’impressionner. Ça avait marché.

-Nous sommes ici, dit Viciens en désignant un point de la carte précise au mètre près. Algul a suivi cette route depuis Ashnard à travers les landes dévastées, et a probablement rencontré l’autre femme autour de cette zone (il désigna du doigt une portion de la route). Ensuite, elles sont sorties des landes, et ont fait un arrêt, sans doute pour soigner des blessures, dans les champs de blé, par ici. Puis nous avons attaqué, arrivant d’Ashnard. Les chevaliers de la garde qui nous précédaient ont dû abandonner la poursuite je suppose ?
-Je ne sais pas trop, répondit O’Keefe. Nous ne les avons pas croisés, mais ils auraient forcément dû tomber sur les fugitives en continuant tout droit. On peut supposer qu’ils se sont perdus, peu probable, ou qu’ils ont rencontré un monstre quelconque et ont été décimés, beaucoup plus envisageable.
-Hum hum…Bon, d’après vos informations, elles auraient pris la direction de la passe du Diable, c’est ça ?
-Oui.
-ça me parait étonnant. Regardez, elles n’ont pas pris l’itinéraire le plus direct en se rendant dans ces champs de blé. Je comprends l’avantage tactique qu’il leur octroyait, mais est-ce que ça justifiait un détour de plusieurs heures ? Il doit y avoir d’autres lieux comme ça dans le coin…
-Pas sûr, répondit le marchand d’esclaves.
-Admettons. La passe est un endroit inhospitalier au possible. Personne ne la traverse, les rares explorateurs qui ont dû réussir l’exploit étaient accompagnés de petites armées, et ils y ont laissé du monde. Aussi fortes soient-elles, ce serait de la folie que d’agir ainsi. Non, je ne pense pas qu’elles aillent là-bas, mais dans le doute, nous devrions quand même y envoyer une patrouille. Je n’ai guère d’espoir, mais que donnent leurs traces ?
-Elles partent vers la passe sur une courte distance, mais elles finissent par disparaître, elles les ont masquées.

Le paladin hocha la tête. Une patrouille partit vers la passe mais sans grand espoir, tandis que des groupes d’éclaireurs tentaient de couvrir la région de la manière la plus efficace possible. Il n’y avait guère de chance de retrouver un groupe aussi restreint de personnes aussi futées, à moins qu’elles ne perdent subitement de leur jugeote et n’empruntent les grandes routes, mais tout méritait d’être tenté. Les cinq paladins, en comptant leur chef, se mêlèrent à la chasse. A eux seuls, ils représentaient le meilleur atout des traqueurs. La milice d’Emilien O’Keefe ne suffirait jamais à arrêter les femmes.

Séraphina

E.S.P.er

[Merci :P
Dis-moi, Ashnard, c’est aussi de Fire Emblem, ou j’me fais des idées ?]


Séraphina se fendit d’un très large sourire. Lancer une attaque surprise sur le campement de peut-être des dizaines ou des centaines d’hommes dotés de la technologie tekhane ? Ça ressemblait un peu trop à un baroud au goût de la prêtresse défroquée, et elle avait presque envie de ne pas être d’accord. Elle n’avait pas particulièrement envie de devenir célèbre, de laisser son nom dans les anales, à la différence de sa jeune chef. Tout ce qu’elle voulait, c’était être tranquille, mais ça, c’était définitivement impossible. Et pas tout à fait vrai, en fin de compte, elle voulait aussi se rappeler son passé. Briser ce foutu mur blanc dans son esprit.
Mais Jessie Wild était quelqu’un d’exception, avec ce petit quelque chose qui fait que les entreprises les plus folles deviennent soudain réalisables. Se lancer à l’assaut d’un camp probablement fortifié ? A trois contre le reste du monde ? Avec juste assez d’informations pour tomber dans un piège ? Ben ouai, qu’est-ce qu’on attend ?

-Bien dit, Jessie Wild, répondit-elle. On se lance à leurs trousses et on les encercle, puis on les achève un à un…

Entrer dans la légende… Effectivement, ce serait un beau coup d’éclat, la plus grande aberration stratégique de l’Histoire, on ne pouvait pas rêver de plus bel effet de surprise. Et entrer dans la légende ? Jessie ne l’avait pas dit à voix haute, mais c’était clairement sous-entendu. Entrer dans la légende, quel intérêt ? En revanche, leur apprendre la douleur, à ces bandits ? Ces connards qui entendaient les capturer ? Ou peut-être les tuer ? Séra sentit la colère bouillonner en elle, sensation rare pour une personne calme et posée comme elle, mais ô combien délectable, un doux nectar qui se répandait dans ses veines.

-Je n’ai aucune idée d’où ils se terrent, je ne sais même pas qui ils sont, Jessie. Ils sont juste à ne pas prendre à la légère, mais en même temps, ils meurent comme n’importe qui. Il faudra penser à en laisser un ou deux en vie, qu’ils puissent répandre la nouvelle. C’est comme ça que naissent les légendes et que s’écrivent les contes.

Et si ça ne venait pas à ce savoir, aucune d’entre elles n’avait quoi que ce soit à gagner. Quoi que Séra ne doutait pas que l’Eglise se débrouillerait pour avoir vent de cette aventure, si tant qu’ils n’y étaient pas impliqués. Mais c’était peu probable. Ils avaient bien d’autres sorcières à traquer, et autre chose à faire que de se lancer à la poursuite d’une unique jeune femme, un vagabond avec une rose sur le bras.
Séraphina écouta attentivement tout ce que lui disait sa chef sur son arme. Elle comprenait ce qu’elle voulait dire sur Ashnard pour y avoir vécu elle-même, et n’avoir pas trop apprécié le séjour. Ce n’était pas sa première visite en territoire Ash, et elle avait appris à connaître les us et coutumes locales. Trop de règles, trop de privilégiés et trop d’injustice à son goût. Ce pays était tel qu’elle était certaine d’être mieux n’importe où ailleurs. Mais elle y était quand même revenu, après tout. Elle se demandait presque pourquoi, même si la réponse sautait aux yeux, simplement parce qu’elle allait là où elle avait le moins de chance de se faire trouver. Un peu comme ce qu’était entrain de faire Jessie en ce moment même. Aller aux devants des ennuis, plutôt que de les éviter, ça pouvait être le meilleur moyen de se faire tuer, comme le meilleur moyen de leur faire la peau. Ou de leur arracher les couilles, c’était selon.

-Un marchand qui vendait une arme comme ça à l’étalage ? demanda-t-elle. J’ai du mal à le croire…

Elle se rendit compte de ce que sous-entendaient ses paroles presque en même temps qu’elle les disait, et précisa tout de suite :

-Je dis pas que tu mens, hein, juste que c’est étonnant. Tu devrais peut-être chercher à savoir d’où il vient, un de ces jours, nan ?

Quoi qu’il s’agissait plus de sa propre curiosité que de celle de sa chef, qui ne semblait pas plus intriguée que ça par la manière dont un revolver triant des boules de feu, une sacoche créant des balle et un gant les enchantant  atterrissaient chez un armurier Ash.

<><><><><>

-Vous pourriez envoyer vos hommes avec les miens, monseigneur, susurra l’esclavagiste. Ils nous seraient utiles. Vous le savez aussi bien que moi…
-Mais je l’ai fait, O’Keefe, dit le paladin Vesimir Viciens. J’ai envoyé deux de mes hommes traquer ces femmes. Cela ne vous suffit-il pas ?
-Ils sont seuls, et n’aident pas mes hommes, et en plus, il vous en reste deux, répondit le marchand d’esclaves. Et vous.
-Bien sûr, bien sûr…Je vais prendre votre opinion en compte. Vous devriez aller vous reposer, monsieur O’Keefe, la nuit va tomber bientôt.

Emilien O’Keefe laissa le paladin là, se rendant dans sa tente, au centre du petit campement. Il fit mander son page et un repas tandis qu’il passait les lourds rabats. Dés qu’il fut seul avec lui-même, son sourire avenant déserta son visage, remplacé par un rictus haineux.
« Putain de paladin de mes deux, ça te fait bander, connard, de te sentir au-dessus des gens ? Force et honneur, hein ? Et ces pauvres barbare ignorants, on les écrase, on les méprise, tout est tellement simple dans ton monde en noir et blanc. »
Il enrageait, mais bien entendu, il ne pouvait rien dire, l’Eglise avait le pouvoir. L’Eglise était toute-puissante.

-Monsieur, je peux entrer ?
-Ouai…

O’Keefe s’exhorta au calme tandis que le jeune page poussait les tentures, portant avec lui un plateau en argent qui supportait du fromage de chèvre, du pain (mais pas frai, il faudrait faire avec), de la viande grillée, une coupelle de noix, une de dates et un pichet de vin rouge. Il fit poser les mets sur une table, s’assit en face dans une chaise en bois inconfortable.

-Petit, tu veux gagner ta liberté ?

Le page ouvrit la bouche, mais ne dit rien, complètement soufflé. S’il avait un jour pensé qu’on lui ferait une offre pareille, après que les créanciers de son père l’aient emporté cinq ans plus tôt ! Il aurait juré que le soleil ne brillerait plus jamais. Mais son coucher, ce soir-là, était soudain plus étincelant, il en sentait la chaleur à travers l’épaisse toile de la tente.

-Réponds-moi quand j’te parle ! cracha l’esclavagiste. Tu veux, oui ou non ?!
-…oui monsieur.
-Bon. Approche-toi.

Le jeune page s’approcha pour écouter ce que son maître avait à lui dire. Pendant ce temps au-dehors, Vesimir entendait un rapport de situation de ses deux hommes envoyés patrouiller. Comme de bien entendu, ils n’avaient rien trouvé sur leurs proies, si sur leurs auxiliaires, d’ailleurs.

-Continuez à ouvrir l’œil. On ne sait jamais ce qu’ils peuvent tenter. C’est compris ? leur dit-il par son comlink.
-A vos ordres.

Viciens marcha à travers le camp, peu rassuré. Il avait un mauvais pressentiment. Comme Jessie qui s’était sentie observée beaucoup plus tôt dans la journée, lui-même, en vieux chien de guerre, sentait venir les emmerdes comme d’autres sentaient venir les orages.

-Paz, Boma, toujours rien ? demanda le paladin.
-Rien chef, répondirent les deux hommes. On continue de patrouiller.

Le paladin ne dit rien de plus. Il demandait un rapport si fréquemment qu’il n’écoutait presque plus les réponses. Il s’assit, dans le jour mourant, face à une table sur tréteaux, et mordit dans un bout de fromage jaune et dur laissé là. Il le mâchouilla sans entrain en passant la journée en revue. D’abord, il trouve quelqu’un capable de l’aider pour capturer sa cible. Puis cette dernière vient obligeamment lui signaler sa présence dans la même ville que lui. Alors, ni une ni deux, il se lance à sa poursuite, et là retournement de situation ! Après les avoir trimballés sur des lieues et des lieues, la sorcière se débrouille pour trouver deux congénères et tuer trois de ses hommes, et cinquante de cet esclavagiste. Puis elles s’envolent. Elles partent d’un côté, brouillent les pistes, et…ensuite ? Partent de l’autre ? Possible, même si les hommes d’O’Keefe avaient ratissé toute la zone, elles pouvaient s’être cachées très facilement. Mais ça déboucherait sur un cache-cache sans fin. D’un côté, il y avait leur point de départ, de l’autre, la passe du diable, et là où ils voulaient faire croire qu’ils étaient allés, d’un troisième, il y avait la majorité des miliciens qui patrouillaient, et enfin, il y avait eux.
C’était un raisonnement très simpliste, il y avait mille moyens de passer par d’autres chemins que ceux-là, mais en fait, il était sûr que ça se remmenait à ça. Il n’y avait vraisemblablement que deux destinations viables.

-Paz ! appela-t-il dans son comlink.
-On a toujours rien…
-C’est pas pour ça, le coupa-t-il. On a eu des nouvelles des gus en direction de la passe du Diable ?
-Aucune chef, mais ça veut rien dire, le temps de se rendre assez loin pour pouvoir revenir le cœur léger, ils en auront pour un moment.
-Rattrape-les et fais leur boulot.
-Vous aviez pas dit qu’elles n’ont pas pu aller là-bas ?
-Je n’en suis plus aussi sûr, rétorqua le paladin. Boma ? Tu balayes les alentours du camp. Oublie les hommes d’O’Keefe, concentre-toi sur les femmes, maintenant.
-Ok chef, vous pensez quand même pas qu’elles pourraient attaquer ?
-Non, aucune chance…

Il coupa la communication, et passa en revue les défenses du campement. O’Keefe n’y avait laissé que vingt hommes, et ils étaient trois paladins sur place, plus deux dans la nature, dans un proche. Mais intellectuellement, il était convaincu qu’elles n’attaqueraient pas. C’était juste une impression désagréable que ses directives occultaient.
Il y avait une palissade, mais pas de fossé, et des sentinelles, ainsi qu’une porte pratiquée dans l’enceinte. La relève devait être entrain de se faire, la prochaine serait dans trois heures, et ainsi de suite. Mais même si ces hommes étaient de bons combattants – ils l’avaient prouvé – ils n’étaient pas des soldats et c’est ce qui inquiétait le paladin.

<><><><><>

-Bien vu Jessie, souffla Séra dans la nuit.

Il n’y avait pas de vent, mais il faisait quand même froid, et elle frissonna, allongée dans l’herbe, sous les arbres, encore assez loin du camp. Mais ils ne pouvaient pas s’approcher. Il avait été dressé dans une clairière et les hommes avaient passé la journée à déboiser un maximum. Il y avait cinq cent mètres de terrain dégagé jusqu’au campement, non loin d’une rivière qui avait dû fournir leur eau aux bandits qui avaient attaqué les trois femmes.

-Une tactique ? demanda celle aux cheveux couleur de neige. Ou on fonce dans le tas ?

Cinq cent mètres, ça faisait beaucoup, même quand on ne combattait que des flèches et des carreaux, or ce n’était pas le cas ici. Il y avait une palissade, mais Jessie pourrait la faire brûler, cependant, ça dévoilerait à coup sûr leur position. En revanche, ça sèmerait la confusion, mais il y avait sans doute des patrouilles hors du camp, ils n’avaient aucune raison de s’attendre à être attaqués. En même temps, ils pouvaient espérer semer la zizanie, prendre la place avant que les renforts n’arrivent, puis la défendre, mais des hommes avec des armes tekhanes avaient sans doute aussi leurs moyens de communications.
Elles pouvaient aussi utiliser la rivière, la nuit était encore jeune, et elles pourraient s’approcher de la palissade bien avant que le soleil ne se lève de nouveau, mais ça avait dû être pensé, et la surveillance à cet endroit était probablement doublée par rapport à celle du reste du camp, de même qu’à la porte. Mais en même temps, ils étaient en effectifs limités, à tous les coups, car la plupart des hommes devaient être à leur recherche. Ce qui impliquait soit une surveillance générale relâchée, soit des tours de garde plus longs, donc plus éprouvants. Savoir quand se faisait la relève pourrait les aider, mais en même temps, plus elles restaient cachées ici, plus elles courraient le risque de se faire repérer par une patrouille.

Séraphina

E.S.P.er

Séraphina regarda, plus ou moins étonnée, sa chef tirer sa gunblade de l’étui qu’elle portait pour la lui pointer dessus. Payer un prix ? La jeune femme ne s’inquiéta pas vraiment, plutôt confiante en Jessie, elle ne voyait de toute façon aucune raison pour laquelle cette dernière lui aurait fait du mal. Il n’en était pas moins une légère note d’appréhension qui grandissait en elle tandis qu’elle se demandait ce que voulait dire la bandit. Et pourquoi est-ce qu’elle avait besoin d’une lame…

-Comment ça, payer un prix ? questionna la jeune femme avec circonspection.

Elle fut vite fixée. Elle eut presque les larmes aux yeux quand Jessie coupa ses longs cheveux patiemment entretenus à grands coups d’épée. C’est marrant, elle n’avait jamais remarqué à quel point elle tenait à sa chevelure. Bon, à la guerre à la guerre, comme on dit, il faut savoir faire des sacrifices.
Une demi-heure et une patrouille malchanceuse annihilée plus tard, deux soldats passaient les portes du campement. L’un avait l’air plutôt en bonne forme, mais le second était gravement blessé, du sang suintait de son gambison, et les mailles étaient défaites en plusieurs endroits.
Les hommes en poste aux portes qui les virent arriver furent pris d’incertitude. En temps normal, ils ne laissaient rentrer personne sans avoir pu clairement l’identifier, mais aux dires du mec en armure juste devant eux, la situation était cruciale, et ils avaient beaucoup à perdre si un des leurs avec des informations cruciales claquait pendant qu’ils piaillaient pour vérifier son identité.

-Suis-moi, fit un des hommes en faction.

D’un ample geste des bras accompagné d’un « du vent, asticots, retournez à vot’ poste ! » il fit dégager un passage jusqu’à l’infirmerie. Cependant, l’information selon laquelle on avait trouvé les salopes qui avaient tué au moins un ami, voire parfois un parent, de toutes les personnes en faction dans le camp, se répandit comme une trainée de poudre, et, presque dans la seconde, la moitié d’hommes qui auraient dû se trouver à surveiller les alentours de la citadelle de bois et de terre étaient agglutinés près de l’infirmerie.
Vesimir Viciens, pour sa part, restait en arrière. Il n’aimait pas les foules. Mais il n’aimait pas ça non plus, d’abord, parce qu’il trouvait étrange que ce soldat refuse de parler à quelqu’un d’autre qu’à un chef, ensuite, parce que ça venait presque corroborer ses soupçons ; en gros, ça sentait mauvais.

-Boma, appela-t-il dans son comlink. Reviens au camp, j’ai un foutu mauvais pressentiment.

Il attendit quelques secondes, mais seuls les parasites lui répondirent.

-Boma ? répéta-t-il. Tu me reçois ? Paz ? essaya-t-il ensuite. Paz, Boma, répondez !

Mais rien. Il eut une furieuse envie d’envoyer son comlink contre un mur quelconque, mais c’aurait été puéril, ce devait encore être une de ces coupures de réseau dont ils étaient parfois victimes quand ils partaient en campagne dans des régions trop peu fournies en relais. C’était dérangeant, mais il reviendrait bien à un moment.
Et a ce moment, malgré un long entrainement et sa suspicion naturelle, le paladin Viciens ne soupçonna pas une seconde que ses proies puissent avoir les compétences nécessaires pour brouiller son réseau. S’il avait seulement su qu’une Tekhane était dans le groupe, il aurait probablement été convaincu que ce prétendu blessé n’était qu’un leur, et les aurait fait abattre, et à ce moment là, seules au milieu de toute cette foule généreusement armée, même des ces sorcières n’auraient pas pu s’en tirer.
Mais voilà, il n’y pensa pas, alors, il se contenta d’aller chercher ses hommes restés au camp. Il dit, face-à-face, au premier d’aller surveiller ce blessé et celui qu’il accompagnait, et à l’autre de se poster à la porte et de ne laisser passer personne qui ne soit formellement identifié. Il pensa ensuite un instant à aller terminer le dîner qu’il s’était fait servir par le jeune page de l’esclavagiste, mais il jugea que ce serait injuste vis-à-vis de ses hommes. Quel gâchis tout de même : il n’avait même pas gouté au vin.
Dans l’hôpital de campagne, Séraphina se dit qu’elle aurait sans doute éclaté de rire si la situation avait été moins grave, tant les simagrées de Jessie étaient prenantes. Heureusement elle n’en fit rien, se contentant de pousser des gémissements et des râles aux moments qui lui semblaient opportuns.
Torturés de manière inhumaine ? Elle ne put cependant pas s’empêcher de sourire, se demandant si la chef des Black Fangs n’en faisait pas un peu trop, mais il s’avéra que non, les hommes étaient subjugués par le conte que débitait Jessie avec la conviction d’une actrice consommée. Comment est-ce qu’ils pouvaient croire des délires pareils ? Elle-même cependant était aux anges : tout fonctionnait comme prévu. C’était presque trop beau.
C’est alors qu’elle vit à travers les fentes de son heaume un visage connu. Elle sentit son cœur manquer un battement. Bien sûr, elle avait imaginé que l’Eglise pouvait être mêlée à l’affaire, mais les paladins…
Elle essaya de ne pas fixer trop longuement le guerrier au visage d’ange qui répondait au nom de Gabriel DiNevrin, elle craignait qu’il ne remarque son insistance, même si c’était peu probable. En revanche, contrairement à la bande de miliciens débauchés qui les entouraient, il ne semblait ni enthousiaste ni subjugué, juste blasé. Gabriel était le genre de personnes qui pouvait regarder le monde s’effondrer sans sourcilier. En revanche, pour peu qu’un supérieur lui donne un ordre, il n’abandonnait jamais avant de l’avoir réalisé ou d’être dans l’incapacité absolue de le faire, ce qui, somme toute, arrivait souvent, de ce que la jeune femme avait entendu : il passait pour avoir le sang chaud sous ses dehors impavides et pour chercher systématiquement l’affrontement. Elle l’avait déjà vu combattre quelques fois en de rares occasions. On avait l’impression que c’était le seul bonheur de sa vie…
Elle se rendit compte qu’elle avait oublié de gémir de douleur pendant que Jessie continuait de bluffer, et se rattrapa bien vite, espérant que ça ne paraisse pas suspect. La jeune chef des Fangs en était à la référence sur Aria, que je ne vis effectivement pas, et le docteur, qui n’inspirait absolument pas la confiance que certains de ses confrères pouvaient induire, était toujours pendu aux lèvres de la jeune femme déguisée en brave milicien d’Emilien O’Keefe.
Quand Jessie en arriva à la fin de sa tirade, Séraphina se prit la tête entre ses mains gantées de métal, se recroquevillant en position fœtale et poussant un râle rauque qui se mua en quinte de toux admirablement imitée.

-Ok, poussez-vous de là, je vais voir ce que j’peux faire, dit le médecin en écartant Jessie pour s’approcher de sa patiente.

Il mit un genoux à terre à côté d’elle et s’apprêta à l’ausculter de son mieux quand O’Keefe écarta le rabat de la tente, se frayant un passage à travers ses hommes, il se posta face aux deux miliciens.

-Vous êtes qui vous ? demanda-t-il brusquement. C’est vrai ? Vous savez où se terrent ces femmes ? Du vent, toubib, tu pourras l’achever quand j’aurai entendu ce qu’ils ont à dire.

Jessie expliqua à l’esclavagiste, avec la même emphase, comment Séraphina avait réchappé à ces sorcières et comment elle l’avait trouvée, blessée, remontant la route vers le campement. Elle lui dit que Séra savait où se trouvaient les femmes, mais qu’elle ne parlerait qu’en tête-à-tête avec lui, car il y avait des traîtres dans le campement. Elle ne savait pas qui, dit-elle, mais peut-être O’Keefe avait-il des soupçons.
Ce dernier se contenta de grogner. Il avait beau être pingre, prétentieux, cruel, froid, vénal, vil et retors, il n’était pas pour autant idiot ou naïf, et à la demande de s’entretenir en privé avec le milicien blessé, il dit non.

-Je devrais aller chercher mon chef, dit le paladin de sa voix atone coutumière. Il pourra l’interroger avec vous, au cas où.
-J’apprécie le geste, votre pureté DiNevrin, mais je préfère ne pas lui embrouiller l’esprit de fadaises, nous ne sommes même pas sûrs que ce soldat dise vrai, et il a déjà fort à faire par ailleurs, répondit l’esclavagiste avec un sourire amical.

Séra se sentit un gout de bile dans la bouche en repensant à ce que lui avait fait cet homme. Elle lui vouait une haine profonde, et qui ne s’éteindrait sans doute jamais. De fait, l’histoire qu’il avait contée à Viciens était partiellement fausse, et, plutôt que de se laisser capturer, elle s’était simplement effondrée de fatigue, vaincue par la faim et le manque de sommeil. Elle avait été emmenée, enfermée, et présentée à une vente aux enchères, pieds et poings liés, pendant que d’autres des « objets » d’O’Keefe livraient combat dans une arène improvisé pour divertir les acheteurs et témoigner de la bonne qualité de la marchandise.
Elle avait lâché la bride à sa magie quand trois soldats étaient entrés dans l’arène pour abattre deux esclaves qui refusaient de s’entretuer. Ce jour-là aussi, le sang avait coulé, et la rose sur son avant-bras avait grandi de quelques millimètres et viré à une teinte légèrement plus vive.

-Alors voilà ce qu’on va faire, reprit le marchand d’esclaves. Tu vas me dire ce que tu sais, et si on ne trouve pas ces femmes à l’endroit indiqué, c’est moi qui te ferai torturer à mort. Mais avant ça, tu vas m’enlever ce casque, que je vois ta jolie tête.

Jessie dut encore une fois intervenir pour expliquer que le casque était défoncé et qu’il était impossible de le retirer. Emilien O’Keefe retint un juron bien senti et s’apprêta à lui demander pourquoi, lui, il ne retirait pas son foutu casque en très bon état, quand le milicien allongé sur une couchette leva le bras, visiblement, au prix d’un effort colossal, et lui fit signe d’approcher.
O’Keefe jeta des regards suspicieux à droite et à gauche et s’accroupit à côté du lit. Séraphina lui prit la main, approchant l’oreille de l’esclavagiste de sa bouche, et murmura :

-44°36’ Nord 81°09’ Ouest…

L’esclavagiste essaya de visualiser rapidement une carte, mais c’était bien sûr impossible. Il voulut se relever, mais le blessé le serra un peu plus fort, et murmura encore :

-Tue-les…Quand viendra l’heure…tue-les.

Si O’Keefe s’étonna de se faire ainsi tutoyer, il n’en montra rien, pas plus qu’il ne sembla se formaliser de la précision étonnante des données de la jeune femme. Il se leva et marcha vers son propre pavillon pour étudier ses cartes. Quand il fut sorti, peu à peu, la troupe diminua, il ne resta bientôt plus que le médecin, quelques hommes et le paladin. Séra jura intérieurement. Elle avait espéré que DiNevrin s’en aille. Le médecin se pencha de nouveau sur elle :

-Allez mon vieux, calme-toi, essaye de ne pas faire de mouvement brusque, et tu seras vite tiré d’affaire.
-TUEZ-LES ! C’EST UN PIEGE TUEZ-LES !

Le cri retentit à travers le camp, surprenant même le paladin. Séra n’hésita pas beaucoup plus longtemps, de toute façon, il fallait bien passer aux actes à un moment. Son poing ganté de métal partit dans le visage du médecin ; son nez explosa comme un fruit trop mûr gorgé de sang et il tomba en arrière, sonné. Dans le même mouvement, elle envoya sa main dans sa besace, et en tira un poignard rattaché à un ruban sombre. Elle le lança vers la gorge du paladin, mais ce dernier avait déjà bondi en arrière, esquiva aisément le coup et dégainant d’un étui à sa ceinture deux pistolets-mitrailleurs qui crachèrent la mort sur le lit de camp. Séra bondit, attrapant ses affaires au passage, tirant sa gunblade de sa main libre, elle se réceptionna sur un genou, mais dut bien vite rouler de nouveau alors qu’une rafale déchiquetait la toile de la tente comme du papier.

-MAINTENANT ! cria-t-elle à son tour tandis que O’Keefe sortait de sa tente l’arme au poing.

Il s’effondra en pleine course, sans un bruit, sans même un cri, et une fumée sombre sembla suinter de son corps puis prendre forme ; la forme d’un homme grand et mince armé de deux sabres et d’un regard vert perçant sous sa chevelure raidie de crasse.
Ses lèvres remuèrent à peine tandis qu’il parlait, mais Séra eut tout de même l’impression de l’entendre distinctement :

-A tes ordres, jolie invokeuse, dit-il. Admire…

L’agitation se répandait dans le camp à la vitesse grand V. Le paladin eut un instant d’inattention en voyant l’esprit à allure humaine jaillir du corps de l’esclavagiste. Séra en profita et tira, mais, avec sa célérité inhumaine, il bondit en arrière, faisant une pirouette en l’air et retombant plus loin, puis éclata de rire.

-Belle performance petite ! jeta-t-il. Je ne pensais pas qu’on s’amuserait autant ici !

Il fonça vers l’E.S.P.er, l’abreuvant de balles, tandis que d’autres hommes se rassemblaient autour des deux femmes, et puis, au dernier moment, il obliqua vers Jessie en lâchant ses armes vides et plongea, un couteau à la main, dans un arc de cercle parfait et inhumainement allongé.

Séraphina

E.S.P.er

[Pour l’esclavagiste, l’idée, c’était d’invoquer un esprit à l’intérieur de son corps, au moment où mon perso lui attrape le poignet, et puis de le tuer de l’intérieur au bon moment. Ouai je sais ça fait un peu mauvais film d’horreur mais ia ni parasite qui sort du ventre, ni effusions de sang, donc ça va.
A part ça, la réplique sur le jeu de jambes, j’ai l’impression de l’avoir déjà entendue, c’est une citation ?]

A la remarque sur la tête lancée par sa chef, Séraphina eut un drôle de sourire pas du tout joyeux. Elle voulait bien trancher la tête, quoi que le chef des paladins devait être quelqu’un de bien redoutable. Mais le fait était que s’ils laissaient ses subordonnés en vie, ils le paieraient par un combat plus rude le moment venu, à moins que cet imbécile de Gabriel DiNevrin ne décide subitement qu’il en avait assez de combattre. Ce qui, somme toute, était aussi probable que de la voir battre des bras et s’envoler.
Séra observa Jessie tirer sa balle, mais il y avait dû avoir un malentendu quelque part, car notre ami le paladin au visage d’ange avait bondi à bonne distance de Jessie, si bien que son jeu de jambes n’eut pas grand-chose à avoir avec la façon l’attaque de la jeune chef ne le toucha pas, il en allait plutôt d’une force impressionnante issue d’un entraînement de longue haleine.
Ainsi, bien que Jessie ait évité le coup qu’il entendait lui porter, il se réceptionna lestement et se remit debout dans une roulade, avant de pivoter sur lui-même et de lancer sa dague vers Séraphina. La prêtresse défroquée la dévia d’un bras gainé de métal et riposta à coups de feu. Virevoltant et bondissant, le paladin tira un coutelas et vint au contact, portant un estoc vers la gorge de la jeune femme. Son armure ne la protégeait pas ici, et le moindre coup aurait été fatal. Sa gunblade dévia la lame et elle lança son poignard vers le visage de Gabriel.
« On vise la tête, on vise la tête…Facile à dire, mais c’est qu’il est collant ce salop ! »
Un rire grinçant aux lèvres, le paladin se rejeta en arrière, décochant un coup de pied vers le visage de Séra avant de faire un tour complet en l’air puis de repartir à l’assaut. La jeune femme bloqua sa lame, et lui saisit le poignet alors qu’il s’apprêtait à la frapper au visage, enfonçant pour de bon son casque cette fois, et lui donna un coup de genou dans les côtes. Il émit un sifflement endolori malgré sa protection, et l’ancienne prêtresse voulut recommencer, mais il saisit lui-même son poignet, et, retirant son arme, il pivota autour de la jeune femme, lui tordant le bras au passage pour lui enfoncer sa lame dans le dos. Mais une lame tekhane, avec assez de force, devait bien pouvoir traverser une armure ash. Séra décocha un coup de pied en arrière, dans une position qui aurait été comique en d’autres circonstances, déviant le bras armé du paladin, et elle pivota sur son autre jambe pour revenir dans une position acceptable pour son propre bras tordu, donnant un coup de taille vers le cou de son adversaire. Il se baissa et lui donna un coup de poing dans le thorax qui la fit partir en arrière, même avec la gangue de métal.

-Qu’est-ce qu’on s’amuse, pas vrai, Séraphina ? Tu sais, c’est dommage que tu sois partie, petite sorcière. Vraiment vraiment vraiment…

Il partit d’un grand et franc rire et se mit à donner des coups désordonnés et à dévier les attaques au poignard volant de Séra, malgré les angles toujours plus improbables selon lesquels elle le lui lançait dessus. Il semblait lire dans ses mouvements et anticiper ses feintes. Quant à ses coups, certains étaient tellement mal placés qu’elle était presque convaincue qu’il frappait réellement au hasard, mais ça ne devait pas marcher trop mal puisque plusieurs avaient déjà passé sa garde et ripé sur sa cuirasse, et un sur sa joue, lui faisant verser le premier sang. Pourtant, elle se doutait que si elle agissait pareillement, ce serait elle qui se ferait tuer. C’était des coups au hasard, mais un hasard travaillé. Presque collé à la jeune femme, il lui envoya un coup de coutelas qu’il évita de justesse, mais le revers, comme une gifle mais point fermé, la sonna. Le poing rencontra le métal qui rencontra sa chaire et elle sentit du sang couler.

-Dis-moi, Séra, est-ce que tu goûtes la saveur de la peur ? Est-ce que tu aimes l’idée de mourir ?

Ses mots étaient suaves, comme ceux d’un amant qui murmure à l’oreille de sa maîtresse, ce qui représentait en fait une idée d’une grande perversité.

-Je suppose que non, c’est trop subtil pour toi, pas vrai, Séraphina ? Moi, j’aime, j’aime te sentir offerte au bout de mes doigts, tu saisis ? Tu es à moi…à moi…

La jeune femme retenta de lui donner un coup de genou, mais il n’eut qu’à se décaler de quelques centimètres pour ne pas le subir. La jeune femme innova alors et lui donna un coup de crâne. DiNevrin poussa un râle et eut un mouvement de recul, mais pas assez pour lâcher prise. Il arma son coup de grâce, et plutôt que toute sa vie, ce fut un éclair blanchâtre que Séraphina vit défiler devant ses yeux. La tête du paladin tomba à la renverse et sa main armée suivit, n’atteignant jamais sa cible. L’homme aux sabres ne s’arrêta même pas, ne jeta pas un regard à son invokeuse. Elle-même, ne chercha pas à savoir ce que pouvaient bien avoir de particulier ces sabres pour couper comme du beurre dans les armures de conception tekhane. Elle suivit l’esprit du regard pendant quelques secondes, et quand elle le vit se faufiler entre trois ennemis, en décapiter un d’un sabre tout en empalant un de l’autre alors que le troisième s’effondrait, sa cage thoracique comme enfoncée par un poing surhumain sans même que le guerrier ne l’ait touché, elle jugea qu’il devait bien pouvoir se débrouiller seul. Elle ne savait pas qui elle avait invoqué ; elle avait choisi au hasard cette étincelle de vie dans un autre monde en prenant celle qui brillait le plus fort, et l’avait tirée à elle. Il n’y avait pas à regretter son choix…
Elle vit qu’autour de la zone où elle s’était battue avec le paladin gisaient une dizaine de cadavres. Les soldats dans le camp n’étaient pas plus de vingt ou trente [il me semble…], et nombre de ceux qui n’étaient pas allongés là l’étaient non loin de Jessie ou là où passait l’homme aux sabres.

-O’Keefe est mort ! cria-t-elle, avec un long temps de retard, à sa chef.

Elle comprit pourquoi elle n’avait pas pu venir l’aider en observant ses adversaires plus distinctement. On vise la tête, hein ? Bah elle l’avait trouvée, ne restait plus qu’à l’achever, car la tête, ce n’était pas un couard qui s’enfuyait, c’était un officier de l’ordre des paladins qui lui fonçait dessus, une épée double qui semblait sortir d’un conte pour enfants dans une main et un P90 beaucoup plus sérieux dans l’autre. Les paladins avaient cette habitude de mener avec eux au moins deux armes à feu et deux blanches, pour parer à toutes les situations. En tout cas, c’était ce qu’avait entendu dire la jeune femme, mais jusque là, il lui semblait que c’était vrai. Elle comprenait cependant difficilement comment certains qu’elle avait vus pouvaient se trimballer de l’armement lourd.
Le paladin qu’affrontait Jessie était plus grand et plus large qu’elle, avec la même armure étonnante que son confrère, que les balles magiques de la jeune pourraient sans doute entamer, mais contre laquelle le calibre de la gunblade de sa dernière recrue était inefficace.
Séra vit le paladin sauter derrière des tonneaux dont elle ignorait le contenu puis lui tirer une rafale de balles avant de bondir de nouveau pour éviter que les projectiles magiques ne l’atteignent, se rapprochant le plus vite possible de la jeune femme, mais il y avait des impacts de balle là où il n’y aurait pas dû en avoir, et Séra balaya le campement chaotique du regard pour trouver un autre paladin posté aux portes d’entrée fermées, tenant des deux mains un fusil, pour sa part, à accélération magnétique, le même genre que ceux des trois qui les avaient attaqués dans la plaine. Chaque balle, si elle ne touchait pas forcément sa cible, à cause du recul, elles faisaient la démonstration de leur puissance en traversant la palissade ainsi que tous les obstacles entre le tireur et elle. Séra le visa et fit feu, mais il se recula prestement, ce qui déstabilisa la jeune femme car elle s’attendait à ce qu’il ne l’ait pas vue.
C’est alors qu’elle remarqua une myriade de sphères colorées qui fusaient à toute allure de derrière le paladin. Il les vit du coin de l’œil, bondit de côté et plusieurs des sphérules percutèrent le mur de bois, faisant voler des copeaux de bois, mais d’autres infléchirent leur course  pour poursuivre le paladin qui n’eut d’autre choix que de courir. Les sphères le rattrapèrent en moins d’une seconde et plusieurs explosèrent dans son dos. Par chance pour lui, aucune ne toucha sa tête, mais quand il eut cessé son roulé boulé, la jeune femme put constater que du sang suintait des points d’impacte. Le paladin se releva, avisa l’auteur des sphérules de couleur et fit feu. A cette distance sur une cible qui se tenait immobile, il n’avait aucune chance de manquer son coup, pourtant, il le manqua et en quelques enjambées, l’homme aux sabres fut sur lui, décochant un coup de taille qu’il para avec son fusil. Ce dernier fut coupé en deux mais ralentit suffisamment l’arme pour lui permettre de rouler en arrière et de tirer le même pistolet mitrailleur que son collège mort décapité. Il fit feu, mais cette fois sur une ombre mouvante insaisissable. Un cimeterre dans l’autre main, il se retrouva lui aussi à combattre au contact, mais ayant appris sa leçon, il laissa parler ses années d’expériences et évita le tranchant des sabres de l’homme en noir. C’étaient des armes d’excellente facture comme on en fabriquait à l’ouest d’Ashnard, dans un pays lointain et gros exportateur d’armes. Ils les appelaient katanas et se vantaient de pouvoir dire que c’étaient les meilleurs armes blanches, mais ça ne justifiait pas le tranchant de celui-là en particulier !
Séraphina ne chercha pas à aider l’esprit, de ce qu’elle en avait vu, c’était surtout le paladin qui aurait eu besoin d’un coup de main, bien qu’elle ait du mal à le croire, car les mouvements de l’adversaire de son serviteur lui semblaient déjà à la limite de l’humain. Elle courut plutôt aider Jessie, sans trop savoir si cette dernière avait l’avantage ou pas, elle se contenta de repérer le dos du paladin et lui lancer son poignard dessus. Au-dehors, Sekhmet avait sans doute dû rencontrer des patrouilles pressées de rejoindre le camp, attirées comme des papillons de nuit par la lueur des flammes, et peut-être même un paladin en maraude qui jugeait que voir une tente prendre feu était une raison suffisante pour oublier son ordre de patrouiller non loin du campement.


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