C’était l’interrogatoire le plus mauvais qu’il ait jamais passé. A tel point qu’il s’en serait fouetté, s’il l’avait pu par lui-même. La femme s’en alla rapidement, et, une fois qu’elle fut partie, il entreprit de se soulager. Grognant et éructant, l’inspecteur posa sa main sur sa virilité, la pressant, se masturbant rapidement. Il ferma les yeux, et se sentit traversé de vertiges curieux, où il se voyait... Dans un autre endroit... Avec d’autres pulsions, d’autres envies. Il grognait, éructait comme une bête sauvage, dans une espède de grotte noire aux parois visqueuses, et avait l’érection du siècle. Il en avait mal à force de jouir çà répétition, et voyait des formes grotesques, glissantes, cauchemardesques, s’approcher de lui, le prendre. C’était une partouze géante, curieuse, difforme, aux visages sordides et grimaçants. Quelle était cette vision d’horreur ? Cette vision que cette lycéenne lui inspirait ? Nathan soupirait, comprimant son sexe, et ne tarda pas à jouir. Son sperme éclata contre le bureau dans un soupir, et Nathan rouvrit les yeux... Avant d’avoir un sursaut d’horreur en voyant son bras droit, celui qui avait tenu son sexe fièrement dressé au garde-à-vous... Il était recouvert d’une grosse membrane noire visqueuse avec des reflets dorés, et avec des doigts griffus qui avaient meurtri son sexe.
« BORDEL ! »
Surpris, Nathan tomba à la renverse, basculant sur sa chaise, et roula sur le sol. Surpris, il regarda son bras, et vit que ce dernier reprenait forme normale, tandis que les ecchymoses et contusions sur son sexe se soignaient rapidement. Nathan secoua la tête, extrêmement perturbé. Qu’est-ce qui venait de se passer ? A quoi diable avait-il assisté ? Une espèce de transe euphorique... Comme si la créature en lui essayait de prendre le contrôle. Il redressa la chaise, réalisant qu’il était en sueur, et entendit des bruits de pas. Se dépêchant, il reboutonna son pantalon. Son sperme était contre le bureau, sur une face opposée à la porte. Le surveillant entra.
« Qu’est-ce qui vient de se passer ? »
Il avait du entendre Nathan tomber.
« Rien, rien... répondit précipitamment ce dernier. Une mauvaise chute.
- Oh... »
Nathan ramassa ses notes. De Tashigi, il n’avait quasiment rien eu, si ce n’est des informations sur des anabolisants. Il contempla le surveillant. Ce dernier était un étudiant à l’université, qui faisait ce boulot pour payer ses études, travaillant à mi-temps. Nathan hésita brièvement.
« Vous... Vous avez terminé ?
- Pour les interrogatoires, oui... Dites-moi... Est-ce que vous avez déjà saisi des stupéfiants chez les élèves ? »
Surpris par cette question, le surveillant cligna des yeux à plusieurs reprises, et haussa les épaules :
« Ben... On a pas le droit de fouiller les casiers, vous savez... Mais on tombe parfois sur des sachets dans les poches, les sacs à dos, et même dans les trousses. »
Nathan hocha la tête.
« Est-ce que vous avez trouvé des... Des anabolisants ?
- Pardon ? s’exclama le surveillant, incrédule.
- D’après ce que les élèves m’ont dit, Takeaki prenait… Des anabolisants. Vous savez que leur usage est extrêmement réglementé, et que les mineurs n’ont pas le droit d’en prendre.
- Vous pensez que ça aurait un lien avec... ? »
L’homme était nerveux, et son regard fuyant. Inconsciemment, il s’était rapproché de la porte. L’instinct du flic, le prédateur, le justicier, revenait en Nathan. Ce pion allait payer pour son incompétence face à la fille. Il savait des choses, et Nathan n’avait plus la patience d’attendre patiemment qu’on daigne faire preuve de bonne volonté envers lui. Le respect de la justice, parfois, imposait de contourner les règles de bienséance.
« C’est moi qui pose les questions. Il y a un trafic d’anabolisants dans ce lycée, et quelque chose me dit que vous en savez plus sur la question que vous ne sauriez l’admettre.
- M’accuseriez-vous ? Enfin, c’est insensé, je... »
Nathan s’avança vers lui, agressif, nerveux.
« Est-ce que c’est lié à cette fille ?
- Je... »
Nathan se rapprocha de lui, et le poussa contre le mur, l’empoignant par le col.
« Mais vous êtes fou, arrêtez ça !
- Quelque chose me dit que, si je fouillais ton casier et tes affaires personnelles, j’y trouverais des objets qui n’ont rien à faire là... »
Le ton de Nathan était menaçant, mais il n’y avait que dans les films que ça marchait.
« Vous n’avez pas le droit ! Il vous faut une autorisation pour ça ! Lâchez-moi, espèce de psychopathe ! »
L’étudiant se démenait. La trouille se lisait dans ses yeux. Nathan fut bien tenté d’insister, mais le relâcha.
« C’est parce que t’arrives plus à niquer, hein ?
- Mais de quoi...
- Tu rêves de la faire grimper aux rideaux, ta grosse, mais elle se fait chier au lit avec toi...
- Je vous...
- Non… Je pense pas que tu shootes, t’en as pas les caractéristiques. Un camé m’aurait déjà attaqué. Tu dois avoir ta petite part dans l’affaire.
- C’est de la diffamation, je...
- Tu ne feras rien du tout, connard. Tu vas rentrer chez toi, et réfléchir au sens de ta vie. Quand je reviendrais te parler, tu seras beaucoup plus coopératif. Maintenant, casse-toi. »
Le surveillant avait raison. Nathan n’avait aucune preuve, rien d’autre que des soupçons. Fort heureusement, il n’y avait pas de caméra ici, et il ne l’avait pas touché. Si le surveillant portait plainte, Nathan contre-attaquerait en disant que ce gars mentait, et n’était pas net. Avec un peu de chance, ça lui donnerait même l’autorisation de fouiller ses biens. Le surveillant s’écarta, et Nathan regroupa ses affaires, puis entreprit de faire le flic.
Il sortit de la salle, et composa le numéro de l’un des inspecteurs s’occupant de l’affaire. Ce dernier avait interrogé les parents de Takeami, et put rapidement lui fournir quelques informations précises. Takeami était de plus en plus agressif depuis quelques semaines. Rien de bien choquant, mais, dans la mesure où il était un lycéen plutôt calme et renfermé, ses crises de colère avaient un peu surpris ses parents.
« Il se serait même battu, affirma son collègue. Une histoire de filles, probablement... »
Nathan hocha la tête, se mordillant la langue.
« Tu as pu te procurer des examens médicaux ?
- Des examens médicaux ? Le dernier qu’il a fait remontait à plusieurs mois pour une histoire de toux, ou une connerie de ce style... »
Nathan étouffa un juron. Impossible d’avoir la certitude médicale qu’il se dopait. Les anabolisants entraînaient des effets secondaires variés, dépendant des gens qui les utilisaient, mais aussi des produits en eux-mêmes. De manière générale, certains spécialistes considéraient que les stéroïdes pouvaient accroître l’agressivité de ceux qui en prenaient. Aux Etats-Unis, on appelait ça roid rage. Nathan remercia l’homme, lui demandant ensuite si on avait trouvé des anabolisants en fouillant le casier de Takeami, ainsi que sa chambre.
« Des stéroïdes ? s’étonna l’homme. Non… Rien de tout ça. Il y avait les conneries habituelles des gosses. »
Hochant la tête, Nathan lui demanda l’adresse de la maison de Takeami, et s’y rendit sur-le-champ. Il sonna, et tomba sur des parents effondrés. La mère avait les yeux rougis, et le père était clairement en train de faire une dépression. Nathan leur montra sa plaque, expliquant qu’il avait besoin de fouiller la chambre de Takeami. Bien que surpris, les parents acquiescèrent à sa demande, et Nathan, quelques instants plus tard, se retrouva à fouiller la chambre de Takeami. Le flic n’avait aucune piste sérieuse, aucun indice concret... Même en supposant que ce trafic de stéroïdes était établi, il était tout à fait possible que ce soit une fausse piste. Il savait néanmoins que les autres agents enquêtaient déjà sur un possible pervers de passage, un serial killer. Nathan s’occupait donc des pistes annexes.
La chambre de Takeami était en ordre, même après le passage des flics. Ses parents avaient du la mettre en place. Il vit une série de mangas sur une bibliothèque, des livres, des cahiers, des manuels, un ordinateur éteint... Et entendit le bruit d’une porte qui coulissait. Tournant rapidement la tête, il eut le temps d’apercevoir une petite fille en train de l’observer, avec une peluche dans l’une des mains. Cette dernière referma immédiatement la porte, et Nathan considéra cette dernière silencieusement. Sûrement la petite sœur de Takeami. Il en arriva rapidement à la conclusion, en fouillant la chambre, qu’il n’y avait pas de stéroïdes ici. C’était curieux... Très curieux. Takeami était décrit comme un jeune garçon introverti, plutôt timide. Or, s’il était tombé amoureux de cette fille, il aurait probablement du avoir des photos d’elle, des traces quelque part. Sans doute voulait-il cacher cette union qui bouleversait ses habitudes, en l’amenant à se doper pour satisfaire les pulsions de la belle...
*Si j’étais un garçon amoureux, où planquerais-je mes petites collections ?*
Sûrement pas sous le lit. Et il n’y avait pas de lattes en bois brisées ici, des caches dans le sol. Nathan redescendit voir les parents, et on l’autorisa à aller dans le grenier. Il était poussiéreux, et, comme tout grenier, rempli de bric-à-brac. Des jeux de sociétés, une raclette, une fondue, des matelas dans du plastique, des toiles d’araignées dans le coin, des conserves, des cartons... Il écarta un peu tout ça, et se mit à chercher pendant de nombreuses minutes. Il finit par trouver un petit coffret avec une serrure, et le remua, afin de savori ce qui se trouvait à l’intérieur. Rien de concluant... Il conserva le coffret avec lui, et descendit dans le salon.
« Vous savez à qui est ce coffre ? »
L’homme et la femme se regardèrent mutuellement, surpris.
« Je... C’est probablement Takeami qui l’a acheté, mais... Mais pourquoi ? »
Nathan le retourna, et vit une petite étiquette. C’était un coffre récent.
« Vous avez la clef ?
- Non... »
Nathan pesta. La serrure n’était pas terrible. Il sortit ses rossignols, et entreprit de la crocheter. L’expérience lui prit quelques minutes, mais il put ouvrir le coffre. Un sourire victorieux se dessina sur ses lèvres.
« Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » s’exclama le père, surpris.
Il y avait plusieurs photos de Tashigi, confirmant que les deux avaient été très proches, une série de poèmes à l’eau-de-rose écrits par Takeami. Il y décrivait Tashigi comme « la flamme de sa vie », « le soleil illuminant sa morne vie », et toutes ces conneries habituelles. Plus on avançait dans les poèmes, plus Takeami était passionné. Ses parents, eux, semblaient complètement surpris. « Elle est le poumon qui fait battre mon cœur, et je suis son samouraï. Je me sacrifierais pour son regard d’ébène ».
« Mais qui est cette femme ? »
Nathan continua à écarter les papiers. Il y en avait toute une liasse, et il vit, enfin, des petits flacons, et en attrapa un. Il n’y avait pas d’étiquettes, mais il savait déjà de quoi il s’agissait. Les fameux stéroïdes.
« Mon fils ne nous a jamais parlé de cette fille... Qui est-elle ?
- Vous ne l’avez jamais vu ? »
Le père dut faire un effort de mémoire.
« Et bien... Takeami a beaucoup d’amies au lycée, mais...
- Oh oui, je me souviens ! Il... Il prétendait qu’il l’aidait à faire ses devoirs. »
Nathan lut l’un des poèmes : « Je lui ai offert le plus précieux de mes dons, et je suis Sienne. »
« Ses... Ses devoirs, vous dites ? »
Son ton était sceptique. Le père agit :
« Vous pensez qu’elle est liée à sa disparition ?
- Je ne peux pas en dire plus, Monsieur... je vais devoir emporter ce coffre et son contenu, ce sont des pièces à conviction... »
Son objectif était aussi de demander un prélèvement des empreintes de cette fiole. Avec un peu de chance, on aurait les empreintes du dealer. Nathan remercia la famille déboussolée, et appela le commissariat. Il avait des pièces à apporter au dossier, et des éléments à faire analyser. Dans la voiture, il attrapa à nouveau la fiole qu’il avait touché, et l’étudia plus attentivement. Sur le socle de cette dernière, il put voir le nom de l’entreprise qui avait fabriqué cette fiole, ainsi que les références. Il les nota sur un calepin, puis retourna au commissariat. Les fioles avaient été fabriquées par une entreprise japonaise qui avait ses usines délocalisées en Thaïlande. Il obtint rapidement un responsable, et lui indiqua les références de la fiole. Ce dernier effectua une recherche sur son ordinateur. Nathan avait eu de la chance. Il n’était pas tombé sur un petit cadre procédurier qui l’aurait ralentie n exigeant un mandat. De toute manière, ce genre de renseignement pouvait s’obtenir sans difficulté. Il ne s’agissait pas d’obtenir une information confidentielle, simplement le nom d’un cocontractant dans le cadre d’une vente d’objets.
« Je l’ai, inspecteur. »
La manière dont ce dernier disait « Inspecteur » laissait entendre un homme très respectueux de la police.
« Alors ?
- C’est l’un de nos plus gros clients. Je ne peux malheureusement pas, en raison de notre politique de confidentialité, vous divulguer les détails de ce contrat, sauf si vous...
- Je veux juste le nom de votre client, le coupa Nathan, agacé.
- Euh... Bien sûr… Il s’agit d’une personne morale, Yoshikawa’s Saibatsu. »
Nathan le remercia, et fit une rapide recherche sur Internet, qui lui permit de voir que Yoshikawa’s Saibatsu était une influente entreprise japonaise, spécialisée dans le sexe. C’était l’un des leaders du domaine. Une entreprise influente et puissante, qui vendait des stéroïdes. Rien d’illégal, en soi, leur vente n’était pas interdite, mais faisait simplement l’objet de règlementations strictes. L’entreprise pouvait aussi les vendre dans des pays où leur usage était libre. Nathan se redressa, quittant son bureau, et alla se payer un café. Il avait besoin d’en savoir plus sur cette entreprise, et considéra le bureau du commissaire.
*Elle pourra sûrement me dire s’il y a des enquêtes en cours...*
A l’idée de la revoir, il sentit un frisson la parcourir, et secoua la tête. Ce n’était pas le moment ! Il finit son café, et se rapprocha du bureau du commissaire Faye, et tapa à la porte. Il entra ensuite.
« Commissaire, je voulais vous voir, car j’aurais besoin de quelques renseignements... »
Il ménagea une courte pause, avant de poursuivre :
« L’évolution de mes investigations m’amène à penser que la disparition de Takeami pourrait être liée à un trafic d’anabolisants dans le lycée Mishima. Mes courtes recherches en la matière indiquent que ces stéroïdes pourraient venir d’une entreprise, Yoshikawa’s Saibatsu... J’aimerais savoir s’il n’y a pas des enquêtes actuellement en cours sur cette entreprise... Histoire de relier nos dossiers... »
Et, accessoirement, il voulait bien savoir quel effet ça ferait de se glisser entre les deux seins très attirants du commissaire, mais il choisit de rester professionnel.