Parti Pris (Gabriel)

« Mr Hermann, voyons. Ne vous emportez pas ! Racontez-moi tout, depuis le début. »

L’homme, menotté à la chaise peu confortable dans laquelle on l’avait installé, posa son bras de libre sur la table et me raconta en détail comment il en était arrivé là.

Ce colosse s’appelait Ulrich Hermann. C’était un allemand exilé à Seïkusu après son divorce et la perte du droit de garde de ses enfants. Alcoolique à cette période, il s’était reprit en main et avait entamé une cure de sobriété. Il avait eu quelques infractions depuis, notamment quelque excès de vitesse. Le dernier en date lui a valu la suppression de son permis et la confiscation de son véhicule.

Etrangement, quelques jours après, le flic qui l’avait arrêté et qui lui avait confisqué son véhicule, était retrouvé mort. Tabassé, mutilé. Puis tué. Pour cette nuit-là, Ulrich n’avait aucun alibi valide. Chez soi, seul, c’était impossible de le prouver. Il avait donc été arrêté, en tant que suspect principal de cette affaire, et mit en garde à vue. Il avait le mobile, l’absence d’alibi… Bref, le coupable parfait.

« Je vois. Je ne vous cache pas qu’il va être dur de faire la lumière sur cette affaire. Mais si vous êtes vraiment innocent, que vous ne cherchez pas à éviter la prison, alors je suis sûre de vous sortir de là. Bien que ça pourrait prendre du temps. »
« Bien sûr que je suis innocent ! Je ne pourrais jamais tuer quelqu’un… Je sais que j’ai des antécédents de violence conjugale… Mais c’était quand je buvais ! Sobre, je suis incapable de faire le moindre mal à quiconque… Même si ma carrure impressionne, je ne suis pas un monstre. Vous devez me croire mademoiselle Callahan… »
« Je vous crois. Je vais faire en sorte de vous tirer de ce mauvais pas. Mais je regrette, je ne puis vous faire sortir pour le moment. »
« Merci mademoiselle, de croire en moi. »

Je lui adressais un sourire réconfortant, puis je sortis de la salle d’interrogatoire avec les sourcils froncés. Je cherchais déjà comment prouver l’innocence de ce pauvre homme.

Les tueurs de flic étaient quelque chose que n'importe qui dans le service ne pouvait supporter :!  Cers mecs ne tuaient que les flics ou presque et ce n'étaient pas des accidents ou des coups de sang, non, il s'agissait de personnes qui les visait en particulier et préparaient bien le coup ! Aussi, quand on tombait sur un tueur de flic, et bien disons que lynchage était un risque à tout moment... oui, à ce point.... bien évidemment les gens en charge de l'affaire en faisait le moins possible pour les éviter...

Gabriel n'était pas de ce genre, il était du genre à se décider à tabasser lui même l'homme et il avait décidé de le faire dès qu'il l'avait vu, oui, il le tabasserait, ferait passer ça pour de la légitime défense, serait soutenu par la majorité du service et hop, ni vu ni connu ! Hop !  Mais d'ici là, laisser le mec parler à l'avocat. Pas grand chose en somme, d'ailleurs en ce moment elle était en privé avec lui... mais qu'elle se rassure, Gabriel ferait tout pour l'envoyer au trou, il était son coupable idéal, il ne le lâcherait pas !

Il attendit l'avocate dehors, et ne put s'empêcher de réprimer un sopurire, elle avait intérêt à trouver une bonne raison de le laisser sortir... oh mais il était bête, il n'y en avait pas ! Bon et bien tant pis pour lui il irait passer la nuit en cellule et y attendrait le procès ou une mise nous caution.

« Bonjour maitre, alors, votre client désire-t-il écrire et signer des aveux complets , qu'il dise la vérité serait tellement plus simple pour tout le monde... surtout que passer la nuit en cellule au commissariat...  ce n'est pas très sur... il arrive souvent des problèmes aux tueurs de flic de nos jours... une forme de rancune tenace, on pourrait dire ! »

Il sourit et ses yeux ne trompaient pas, le maitre avait été dit ur un ton relativement ironique et le reste était une menace à peine voilée vis à vis du suspect numéro un. Il ne le lâcherait pas et ce ty^pe irait en taule, lynchage ou pas !

« Je suis l'inspecteur Gabriel Valmy, le chargé de l'enquête je vais faire ce que je peux pour garantir l'intégrité physique de votre client ici, mais je ne puis garantir de faire l'impossible, c'est le problème avec les gens qui tuent les policiers... »

Surtout qu'il avait bien l'intention de frapper le premier...

« Mon client n'avouera pas ce meurtre, inspecteur. Il n'est pas le coupable. »

Ma voix a résonné dans l'air. Froide, dure. Je ne tolère pas qu'on juge un homme sur les apparences sans chercher à savoir s'il est vraiment coupable et innocent. Mais j'aurais dû me douter que, pour le meurtre d'un flic, la rancoeur les pousseraient à ne pas chercher plus loin que l'évidence.

« Je me vois aussi dans l'obligation de réclamer à ce que mon client soit transféré en lieu sûr en attendant le procès. Et par lieu sûr, je veux dire que votre prison n'est pas adéquate. Vos hommes, et peut-être même vous, considérez qu'il est coupable des faits. Et l'on sait tous comment sont perçus les tueurs de flics. »

Je réfléchissais à un endroit sûr, puis je me dis qu'un hôtel choisi et protégé par des fédéraux serait parfait. Eux, bien qu'aussi révulsés par la mort d'un flic, savaient se contenir. Et puisqu'ils cerneraient l'immeuble, mon client ne pourrait pas fuir (bien que je lui faisais confiance sur ce dernier point).

« Ce n'est pas contre vous, ni contre l'efficacité de vos services. Mais vous êtes trop émotionnellement impliqué pour garantir l'intégrité physique de mon client. Et s'il est vraiment coupable vous ne voudriez pas qu'il soit remis en liberté à cause des privautés prises par vos hommes dans un accès de vengeance, n'est-ce pas ? »

Surtout que n'importe quel procureur m'accorderait cette simple demande, à la condition que le suspect soit bien surveillé. Et j'avais un ami chez les fédéraux, qui serait trop heureux de me rendre ce service.

« Vous m'excusez, j'ai un coup de fil à passer. »

Le saluant d'un hochement de tête, je me dirigeais vers le téléphone public du commissariat. Je composais le numéro du procureur Marcia Nova, le premier qui me viennent en tête, et lui exposais ma demande. Elle réfléchit un long moment, mais accepta finalement. Le mandat de transfert serait faxé sous peu au commissariat. Je raccrochais, et appelais ensuite cet ami fédéral.

« Allô Rodney ? Oui, c'est moi, Nancy. Non, t'en fais pas. Oui, je vais bien et toi ? Parfait. Dis-moi.. Tu pourrais réunir assez d'homme pour surveiller un petit motel et empêcher un homme de s'en évader si l'envie lui en prend ? Oui ? Parfait. Je te rappelle dès que j'ai l'adresse. Merci. A tout à l'heure. »

Et ça, c'était fait. Je me retournais vers l'inspecteur Valmy, et esquissais un sourire.

« En attendant le mandat de transfert, et le nom du lieu où mon client sera gardé par les fédéraux, je vais rester ici. Surveiller qu'aucun de vos hommes ne se laisse emporter par le chagrin et la peine... Vous auriez un distributeur de boisson ? Un verre d'eau ? Quelque chose ? »

Pas coupable... au moins, elle avait eu un mérite, ne pas dire qu'il était innocent. Il y avait quelque chose de clair pour Gabriel :  personne n'était innocent ! Tout le monde avait fait un jour quelque chose qu'il pouvait se reprocher. Gabriel le premier !  N'allez pas croire que c'était différent pour lui !  Loin de là ! Il était loin de la perfection et savait reconnaître ses erreurs. Iil n'était pas supérieur aux autres... bon, à une bonne partie, si, tant en termes d'autorité que de capacité d'action...

Apparemment elle n'avait pas apprécié qu'il le présume coupable... il y avait tout, le mobile, l'alibi... après, il y avait une chose de simple :  croire des faits ou croire une parole... pour lui, c'était tout vu !  Pour elle aussi, mais elle partait sur le moins fiable. Il lui aurait proposé un pari qu'il aurait été sur de gagner ! Il sourit et regarda la jeune femme dans le blanc des yeux … demande de transfert... soit... comme tous les documents qui gêneraient Gabriel, il ne les recevrait jamais...

Et quoiqu'elle dise, si c'était contre lui, etg elle savait bien qu'en agissant de la sorte en demandant le déplacement de la personne à chaque fois, elle gagnerait un temps considérable, ou plutôt elle ferait perdre à Gabriel pas mal de temps... elle le savait et il était sur que cela n'avait fait que motiver davantage... fumier.

Au final elle retournait contre lui la situation... soit, elle allait s'en mordre les doigts, elle n'était pas la seule à savoir qui appeler ! Il la regarda téléphoner et  sourit, oui, il souriait en coin quand elle lui mettait des bâtons dans les roues, étrangement, elle n'arrivait pas à entamer sa bonne humeur. Le procureur avait des appuis, et si ces appuis lui rappelaient des dossiers gênants pour lui, que se ^passerait-il ? Il chanterait comme un rossignol milanais sur commande !

Corruption, vous y allez fort... non, ce n'était pas de la corruption !  Bon si, un peu, mais il ne s'agissait que de justice !  Elle voulait retarder l'enquête, il allait contrecarrer ses plans ! Il sourit et lui lança, amusé !

« Comme vous le sentez, vous voulez une cellule pour vous servir de couchette ?. Parce que vous n'aurez rien de mieux ici... »

Nouveau sourire, il la défiait un peu. Non, en fait il lui lançait implicitement le défi en travers de la gueule.

« Ah et tenez, c'est le numéro du procureur en charge de l'affaire, histoire d'éviter les histoires d'incompétence, ce serait bête de faire tarder le dossier... »

Il eut un air goguenard sur le visage avant de lui envoyer la dernière partie.

« On est au japon ici, pas au USA, y a pas de fédéraux, dommage, non ? Alors si vous voulez faire héberger par des étranger sur le sol japonais un salaud de tueur, non mais vous déconnez, je serai moi même devant la cellule s'il le faut pendant chacune de mes heures de service, et vous les autres si vous en avez envie, mais non, pas d'étrangers pour une affaire concernant le japon. Alors les fédéraux... »

Je restais impassible devant les tentatives du flic pour me dérouter. Bla bla bla, éviter les histoires d'incompétences, bla bla bla, pas aux USA... Je lâche un discret soupir, avant de croiser les bras.

« Vous, vous êtes flic. Occupez-vous de faire votre enquête correctement. Moi, je suis avocate. Les intérêts de mon client passent avant tout. J'ai eu l'accord de la procureur, qui pense comme moi, et un agent fédéral va venir ici pour escorter mon client en lieu sûr. Vous pouvez toujours essayer de vous y opposer, mais cet agent fédéral a toute la confiance du gouvernement japonais. »

Ce que je ne mentionnais pas, c'est que Rodney n'était pas tout à fait un agent spécial comme les autres. Moi-même, je n'étais pas censée être au courant. Il travaillait pour une organisation (à l'instar de la CIA) qui couvrait le monde entier. C'est en partie pour cela qu'il avait toute la confiance du gouvernement. Et en partie parce que nombre de très bons agents gouvernementaux japonais bossaient avec lui.

D'ailleurs, l'inspecteur verrait bien, quand il arriverait. Ce ne serait pas une majorité d'agents américains qui seraient avec lui, mais une majorité d'agents japonais.

« Quant à faire tarder le dossier... Ce n'est absolument pas mon intention. Mon but premier est de protéger mon client de la rancune que tous les flics entretiennent envers ceux qui sont soupçonnés d'être des tueurs de flics. Le protéger, ni plus ni moins. »

Je secouais doucement la main, puis revint au sujet que j'avais abordé.

« Alors, vous avez un distributeur de boisson ? Un verre d'eau ? Que je patiente avec mon client en attendant son transfert. »

Et hop, un petit sourire. L'air de rien.

Non mais c'est vrai, qui est-ce qui est l'avocate ici ? C'est à moi que revient d'assurer la défense de mon client. Et ça entends également par là d'assurer sa protections face aux mauvais traitements dont il pourrait être victime.

Genre elle allait lui apprendre son métier ? Putain, c’était encore une avocate à jeter par les fenêtres ! Pourquoi y avait personne qui suivait les procédures dans cette putain de ville ! Bon, lui non plus ne faisait pas grand cas de la procédure, mais tout de même ! Il trouvait ça insultant !  Oser imaginer qu’il ne ferait pas bien son taff…. Connasse !


Il soupira, casse couille la miss… il avait bien envie de l’enfermer dans les chiottes ou dans les douches et ainsi avoir la paix… il la fixa droit dans les yeux, une lueur mauvaise dans le regard. Il avait une envie folle de lui coller son poing dans le pif… elle l’aurait mérité plus d’une fois.

Proc de merde… il n’était pas même sensé avoir déjà été mis  sur l’affaire puisqu’il fallait d’abord avoir des preuves tangibles pour cela et ils n’avaient rien de plus qu’un mobile et pas d’alibi… alors non, la putain de pro avait pas le droit de faire ça ! Surtout qu’il était sûr que c’était pas dans les codes de procédure pénale, et elle le savait, elle faisait en sorte de pousser à la faute… obstruction à la justice… c’est con hein ! Bah ouais, mais c’est la vie !

« Ah oui, à boire !  Prenez la dernière porte à droite en sortant du commissariat, il suffit de vous pencher dans la cuvette et le boire, avec un peu de chance vous aure même de quoi manger avec si les personne avant vous se sont bien démerdées -  c’était le cas de le dire… - je ne vois rien de mieux à vous proposer… chérie… »

Le jeune homme ne faisait que commencer ! ça allait être amusant la suite !  Attendez, elle arrive, z’allez pas être déçue, pétasse !

« Concernant votre ami fédéral, s’il pose le pied sur ce putain de sol de commissariat ce sera pour vous rappeler que le bâton dans le cul que vous avez devrait être changé plus régulièrement que ça !  D’autant que si je me souviens du code de procédure pénale, l’action de la proc pour faire intervenir une autorité étrangère serait un vice de procédure, la proc sera donc dessaisi de l’enquête et vous et votre gigolo fédéral je vous fait coffrer pour entrave à une enquête policière et pour la remise en cause de notre morale, outrage à agent ! »

Il passa à côté d’elle et lui tapota les fesses.

« Alors je veux pas voir votre guignol en costard, chérie, sauf si c’est pour que vous vous envoyiez en l’air avec lui dans les chiottes torchés par le contribuable… je mène cette enquête, je me charge personnellement de sa protection, contente, pas contente, c’est pareil, si vous voulez me tenir compagnie devant la cellule, j’accepterai avec tout le déplaisir du monde ! »