Épouvanteur La première apparition de l’épouvanteur remonte au mage Dagobert Sulla. Ce dernier avait participé à une expédition au coeur de la jungle réputée la plus dangereuse de tout Terra : la jungle de Zerrikane, aussi appelée Zerrikania. Les rares témoignages des survivants ayant réussi à sortir de cette jungle confirment tous à dire que cette jungle est horrible. Zerrikania désigne un pays indépendant, peuplé de tribus qui s’étalent autour de la jungle, veillant à ne jamais s’y enfoncer. Lieu exotique, Zerrikania est pleine de mystères, et les récits qui parlent de cette jungle ont encouragé bien des aventuriers à braver Zerrikania, les légendes affirmant que des trésors s’y trouvent. On peut notamment citer ce passage, émanant d’un célèbre explorateur, Marco Knopf, qui avait relaté son voyage à Zerrikania dans son ouvrage scientifique, devenu célèbres depuis,
Insectes de Zerrikania et autres vermines : «
Zerrikania, terre des basilics venimeux, abrite aussi d’autres créatures toutes aussi hideuses. J’ai pu notamment observer des araignées tachetées si grosses qu’elles attrapent des éléphants dans leurs toiles, sans oublier les redoutables mouches Tsé-tsé. Les mouches sont particulièrement repoussantes, car elles pondent leurs œufs dans le corps des humains et leurs larves grandissent dans la tête de leur hôte. Le cerveau de la victime assure leur subsistance et les jeunes mouches, une fois arrivées à maturité, sortent par les orbites après avoir dévoré les yeux. Elles sont originaires, comme tant d’autres vermines, des terres lointaines de Zerrikania ».
Sulla était un mage qui avait capturé des spécimens à Zerrikania, notamment une mante religieuse particulière. Il avait fait des expériences sur elle pendant des années, consignant le tout dans des traités magiques, y décrivant en détail ses expériences, et avait ainsi réussi à créer l’une des abominations terranes : le terrifiant épouvanteur. L’épouvanteur faisait la taille de cinq hommes, au moins, et était un singulier mélange entre une espèce d’araignée et une mante religieuse. Quand Sulla vit l’horreur qu’il avait fait, il poussa un cri devenu célèbre dans le monde des magiciens : «
Qu’ai-je fait ?! ». Sulla tua ensuite sa créature, mais ses notes lui perdurèrent, et ses successeurs furent moins timorés que lui. L’épouvanteur faisait partie de ces monstres légendaires qu’on ne rencontrait qu’une fois dans sa vie... Et généralement en dernier. Bien des mages tentèrent de recréer l’épouvanteur, afin de s’attirer la gloire et la fortune, mais il fallait être un puissant mage pour contrôler un épouvanteur, et beaucoup finirent, à la manière des contes pour enfants, dévorés par leurs propres créations.
C’était le cas d’un mage qui devait confectionner un épouvanteur pour soigner son employeur, une vieille dame atteinte d’une grave maladie. La griffe d’un épouvanteur présentait des caractéristiques alchimiques permettant de confectionner un élixir de soins particulièrement puissant. L’alchimiste qui veillait sur la vieille dame lui avait assuré qu’une telle potion la soignerait sans peine de ses maux (en réalité, l’alchimiste ignorait totalement comment le faire, mais la vieille dame avait une telle peur de la mort qu’il comptait profiter de son désespoir pour s’enrichir). La vieille dame avait donc réuni sur pied une petite équipe, recrutant notamment un spécialiste dans la chasse des monstres, un sorceleur, pour aller se perdre dans une profonde forêt, se rendre dans la tour abandonnée du magicien, et y tuer l’épouvanteur. Selon l’alchimiste, l’épouvanteur était une créature magique, et avait donc établi sa tanière dans la tour du magicien.
Quand il avait appris quel genre de créature il fallait affronter, le sorceleur avait commencé par refuser, et la vieille dame avait du monter les tarifs. D’une prime totale de 200 pièces d’ors, on était passé à 2 000 pièces d’ors, confirmant les talents du sorceleur pour le troc. Hobso, le sorceleur, avait accepté à ce prix.
«
Vous devez savoir, avait-il averti,
qu’un épouvanteur est une créature des plus redoutables. La plupart du temps, l’épouvanteur est infécond, mais pas forcément. »
Les folies des magiciens avaient conduit l’épouvanteur à devenir une nouvelle espèce, qu’on trouvait plutôt dans les déserts.
«
Vous avez encore le droit de renoncer. Ce n’est pas une question de bravoure de défier un épouvanteur, c’est une question de folie avant tout. »
Cahir avait fait partie des quelques fous qui avaient accepté. Il avait besoin d’or, et, ma foi, 2 000 pièces d’ors à partager à quatre, ça lui faisait au minimum 500 pièces d’ors... Hobso était un sorceleur. Les sorceleurs étaient une espèce d’ordre de pseudo-mercenaires qui étaient sur le déclin. Il s’agissait d’excellents guerriers, entraînés dès leur plus tendre jeunesse, en suivant des exercices physiques rigoureux. Leur corps était ensuite amélioré par l’absorption de puissants mutagènes. Bien des gouvernements avaient voulu mettre la main sur les secrets des mutagènes des sorceleurs, mais n’avaient jamais réussi. Cahir le savait, car il avait déjà, dans le passé, croisé le fer avec quelques sorceleurs. Il s’en souvenait encore.
«
Honnêtement, avait-il dit sur le voyage,
si cet épouvanteur avait été dirigé par un mage, j’aurais refusé. Un épouvanteur est quasiment invincible, mais, quand un mage le dirige... »
Cahir le savait très bien. Il descendait d’une noble famille ashnardienne, après tout... Mais il n’avait jamais affronté d’épouvanteurs...
«
Existe-t-il une créature plus redoutable qu’un épouvanteur ? avait demandé l’un des aventuriers à Hobso.
-
Il existe toujours une créature plus horrible qu’une autre, avait répliqué ce dernier.
-
On m’a toujours dit qu’il n’y avait rien de plus dangereux qu’un dragon... »
Hobso ne répliqua rien, pas plus que Cahir. Parfois, mieux valait laisser les gens dans l’ignorance... Car il existait bien des créatures plus dangereuses encore que les dragons, notamment une... Une créature mythique et légendaire. Cahir espérait ne jamais avoir un jour à croiser son chemin, car cette rencontre signifierait sa mort. Il se rapprocha assez d’Hobso, dont les connaissances en matière de monstres furent plus qu’appréciables... Et, quand Hobso perdit ses jambes d’un coup sec, et se fit écarteler en deux par les infernales pattes de l’épouvanteur, Cahir ressentit un élan de tristesse.
Le combat contre l’épouvanteur méritait indéniablement de figurer parmi les affrontements les plus atroces auxquels Cahir eut l’occasion de participer. La tour se trouvait au milieu d’une épaisse forêt, et, quand ils s’en rapprochèrent, plus aucun prédateur ne vint les déranger, comme si tous les animaux évitaient soigneusement cette portion de la forêt. Un mur en pierre ancestral entourait la haute tour envahie par la végétation, et Hobso marcha en tête. L’épouvanteur était là, il pouvait sentir sa présence. La bête se cachait, les épiait, prête à bondir. Elle les attaqua au dernier étage, dans l’ancien laboratoire, bondissant sur eux.
La stratégie de combat d’un épouvanteur consistait à utiliser ses puissantes pattes pour bondir sur ses proies, les renverser avec sa tête, et planter ses deux espèces de pinces avancées dans le corps de sa proie. Face à un épouvanteur, il fallait donc être rapide, et ne surtout pas l’attaquer de front. Son corps était du reste doté d’une puissante carapace dont la faiblesse reposait sur son abdomen, où la carapace était bien moins résistante. C’était ici qu’il fallait frapper, et c’était pour ça qu’un épouvanteur accompagné d’un magicien était encore plus redoutable, car le magicien contrôlant l’épouvanteur pouvait lancer un sort de protection supplémentaire qui protégeait le ventre de la créature. Accessoirement, l’épouvanteur était aussi une bête assez intelligente, qui disposait d’un véritable instinct de prédateur. L’un des points faibles de l’épouvanteur, seul moyen de le vaincre quand un mage le guidait, était les ondes sonores. Des ondes sonores très élevées affaiblissaient énormément cette créature.
L’équipe de Cahir comprenait, outre lui-même et le sorceleur, un ESPer, et un chasseur de démons équipé de deux arbalètes de poing. Hobso attaqua le premier, utilisant l’un des puissants Signes des sorceleurs. Ce fut le Signe d’Aard, un Signe qui permettait de repousser les ennemis, même ceux d’une taille aussi grosse que l’épouvanteur. Le coup fit mouche, et l’épouvanteur fut repoussé, exposant partiellement son abdomen. Ce fut suffisant pour que le chasseur de démons lâche deux carreaux empoisonnés, qui se plantèrent dans le ventre de la bestiole. Elle sembla vibrer sur place, et chargea ensuite à nouveau. Hobso tenta un nouveau Signe d’Aard, mais la bête s’avéra effectivement intelligente, et bondit de côté, évitant la décharge magique, puis se rua ses proies. Le groupe se dispersa, et tout fut ensuite un peu confus pour Cahir.
Il se rappela que l’une des pattes de l’épouvanteur avait renversé le chasseur de démons, alors que la créature se concentrait sur le sorceleur, qui dansait avec elle, cherchant à esquiver les attaques féroces du monstre. Au début, Cahir s’avéra assez confiant. L’épouvanteur avait été blessé, et l’ESPer commençait à agir. Son pouvoir, fort approprié, était de déclencher des sons suraiguës à l’aide de ses cordes vocales, ce qu’il s’évertuait à faire en ciblant l’épouvanteur. Ce fut ceci qui sonna le glas de cette stratégie, car, en sentant une plus grande menace que le sorceleur, l’épouvanteur bondit vers l’ESPer, ses pattes lui permettant presque de sauter sur lui. Sa tête avait heurté son ventre, et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, l’une des pattes avant du monstre avait plongé dans le corps de l’ESPer, lui offrant une mort peu agréable. Le chasseur de démons en avait profité pour décocher deux nouveaux carreaux, faisant couiner la bête.
Cahir, de son côté, était prudemment resté en retrait. Lâchement, auraient pu prétendre certains, mais il ne tenait pas à prendre inutilement de risques. Le sorceleur avait tenté un nouveau Signe, Ignii, mais le jet de feu avait manqué de peu l’abdomen de l’épouvanter, l’une de ses pattes bloquant. La créature abominable avait ensuite chargé. Hosbo avait esquivé, et le chasseur de démons de même. Le corps massif du monstre avait heurté le mur avec fracas, fragilisant la structure, et faisant tomber des morceaux du toit. Le chasseur de démons esquiva les différents morceaux, mais l’épouvanteur ne le lâchait pas, et le frappa d’un coup de patte. Le corps du chasseur s’envola sur plusieurs mètres, et passa à travers l’une des fenêtres. Le chasseur disparut dans un hurlement. Mort ? Cahir n’aurait su le dire. La situation se compliquait singulièrement, et le monstre se dressa face aux deux guerriers. Se dépêchant, Hobso utilisa un nouveau Signe, le Signe d’Yrden, qui permettait de placer un piège magique. Il établit la trappe entre lui et l’épouvanteur, et le coup fit mouche. Enervé, l’épouvanteur ne fit pas attention, et, quand il passa au-dessus du piège magique, il y eut une explosion magique, mais insuffisante pour arrêter le monstre, qui chargea le sorceleur. Ce dernier tenta d’esquiver, mais le monstre s’attendait à ceci, et frappa avec une patte, arrachant les jambes d’Hobso, avant de le tuer, découpant son corps en deux.
Seul face à l’épouvanteur, Cahir s’était attendu à passer un mauvais quart d’heure. Sa seule arme était une épée en acier valyrien, un acier particulièrement tranchant. S’il arrivait à planter l’épée dans l’abdomen du monstre, il le tuerait à coup sûr... Du moins, il l’espérait. L’épouvanteur n’était pas que rapide, il était aussi malin, et ne répétait jamais deux fois la même erreur. C’est ainsi que, de manière prudente, la créature observait sa proie, hésitant à foncer sur le petit humain.
*
C’est un prédateur intelligent... Il ne se rue pas sur sa proie, mais préfère réfléchir, et chacun de ses déplacements est fait de telle sorte qu’il ne s’appuie véritablement sur aucune de ses pattes.*
Le combat, à n’en pas douter, serait difficile, et l’épouvanteur finit par attaquer. Cahir choisit d’attendre le dernier moment, et bondit en arrière, évitant de peu la tête de l’épouvanteur, de si peu qu’il tomba, mais sans être étourdi. Il put ainsi, alors que les pattes avant se levaient en l’air pour le perforer, rouler sur le sol, et ainsi atterrir sous le corps du monstre. Ce faisant, le guerrier tenta de lever son épée pour l’abattre au milieu de l’abdomen du monstre. Il allait porter le coup fatal quand une patte le renversa sur le sol. L’épouvanteur s’échappa en sautant également en retrait, et chargea Cahir. Sa tête le heurta au ventre, le faisant décoller du sol. Cahir heurta le mur, juste au-dessus d’une grande fenêtre, et s’écrasa mollement sur le sol, voyant trente-six chandelles danser devant ses yeux. Le sang s’échappait de ses lèvres, et il prit conscience que le sol, sur cette partie de la pièce, était extrêmement fragile.
*
C’est pas le moment de te reposer !*
L’épouvanteur le chargeait à nouveau, et Cahir ne put que se redresser in extremis, et sauter en avant. L’épouvanteur s’écrasa à moitié contre la fenêtre, et fut trahi par son propre poids. La poutre qui soutenait cette partie se rompit, et le sol se déroba sous les pattes paniquées de l’épouvanteur. Il y eut de violents craquements, et l’épouvanteur tomba... Entraînant Cahir dans sa chute. Il en lâcha son épée, et se sentit glisser, alors que l’épouvanteur chutait comme une pierre sur une bonne trentaine de mètres. L’apatride réussit à s’agripper à un feuillage, mais ce dernier se rompit, et il continua à descendre, frôlant la paroi, voyant l’épouvanteur heurter violemment ce qui restait du mur d’enceinte, le pulvérisant sous son poids, avant de s’écrouler, inerte, remuant faiblement ses pattes. Cahir, de son côté, s’agrippa à nouveau à des lierres et à des lianes, afin de ralentir sa chute, son corps heurtant en claquant des lianes, des branches, et d’autres plantes et arbres qui avaient envahi la tour. Par chance, il s’écrasa en plein sur la tente que son groupe avait placé au pied de la tour, et la toile amortit... Légèrement sa chute.
Son armure en ébonite le sauva également, mais la chute avait été fatale. Cahir s’écrasa lourdement sur le sol, et entendit un très net craquement quand son épaule gauche heurta le sol. Il rebondit ensuite sur le dallage en pierre, glissa le long d’un escalier, et tomba à la renverse, avant de glisser sur le petit pont en bois menant à la tour, et de tomber dans le marécage. La tour avait été bâtie au milieu de marais, et on y accédait par un petit pont en bois qui craquait.
«
Aaaaah... Pu... Putain de bordel de merde... »
Il entendit l’épouvanteur gémir de douleur, perçut des vibrations. Cahir se mettait à ramper, ne sentant plus ses jambes. Son armure était en miettes, tombant en morceaux, et il se mit à avancer, à l’aide d’une seule main et de son bassin, poussant et avançant comme l’aurait fait un serpent, essayant de sortir du marais. Sa vision s’obscurcissait, tandis que l’épouvanteur, faiblement, tentait de se relever. Ses os étaient brisés, et la créature s’écroula sur el sol, avant de pousser de longs mugissements de douleur. Cahir, de son côté, sentait son cœur battre lourdement dans sa poitrine, et continua à ramper, jusqu’à pouvoir s’extraire du marais.
*
Un petit effort, encore un petit effort... Ne lâche pas maintenant !*
Le plus inquiétant, c’était qu’il n’avait pas mal. Il se sentait complètement engourdi, et ne sentait plus une bonne partie de son corps. Sa vision devenaient floue, et il entreprit de se tourner. Il se coucha sur le ventre, et utilisa sa main droite pour saisir les élixirs qu’il tenait à sa ceinture. Il constata que la première était brisée. Il en était de même pour la seconde, ainsi que pour la troisième, mais, par un incroyable miracle, la quatrième fiole semblait indemne... A l’exception de quelques infimes fissures. Respirant lourdement, Cahir s’en empara, la décrochant de sa ceinture, et la souleva. En voyant la couleur bleuâtre de la mixture, il eut un sursaut d’espoir. C’était une Hirondelle, un élixir qui améliorait la cicatrisation du corps. Il l’ouvrit, ses mains tremblant violemment, et se força à en boire le contenu. La lumière l’aveuglait, il pleurait à moitié, et parvint à glisser la fiole entre ses lèvres. Il se força à tout boire, recracha quelques gorgées, mais vida l’élixir, avant de sombrer pour de bon...