Pratiques juridiques, Jurisprudence de la Cour impériale, Grands arrêts de la Cour impériale, La fiscalité indirecte et ses applications dans le monde des affaires... Mélinda soupira, en contemplant, devant elle, les interminables et incompréhensibles livres juridiques. Des pavés énormes, faisant des centaines de pages, où le plan du livre s’étalait sur une vingtaine de pages. Elle désespérait, et comprit qu’elle allait finalement devoir faire appel à un avocat pour le problème qu’elle rencontrait actuellement avec l’administration ashnardienne. Les précepteurs d’impôts lui réclamaient en effet des taxes à l’importation pour chaque esclave qu’elle récupérait, les taxes s’élevant à 5% du prix d’achat de l’esclave. Cependant, Mélinda estimait ne pas être imposable pour cette taxe indirecte, mais la loi sur la question avait peut-être changé... Et, comme elle n’avait pas spécialement le temps de se renseigner là-dessus, il lui faudrait sûrement revoir son budget, afin de songer à se doter d’un conseil juridique à temps permanent.
A défaut, elle se trouvait dans l’une des salles de lecture de la Bibliothèque impériale, la tête sur le point d’exploser. Elle était venue de bon matin, afin qu’il n’y ait pas grand-monde. Bien que réservée uniquement aux citoyens impériaux, la Bibliothèque comprenait beaucoup de monde. Dans cet Empire centralisé, la bibliothèque était le centre du savoir de l’Empire. La structure se situait à l’intérieur des murs du Palais, dans une grande dépendance, et elle était... Immense.
On entrait dans la bibliothèque par un grand vestibule, la zone d’accueil, qui donnait ensuite à la salle principale. La salle principale était un grand hall avec une verrière, et des étagères colossales, s’étalant sur des dizaines de mètres en hauteur. Les démons ailés n’avaient aucune difficulté à trouver des livres, et, pour les autres, il fallait demander l’aide des opérateurs. Il existait au moins cinq ou six étages le long de cette pièce principale, ces étages étant en fait de grandes mezzanines permettant de rejoindre les étagères, ou des couloirs longeant les rebords de la pièce. A cette pièce principale, il fallait ajouter de nombreuses salles de lecture, qui étaient transparentes. Mélinda était justement dans l’une de ces salles, qui étaient dans les recoins. Et enfin, outre les salles de lectures, il y avait aussi les réserves, les archives, où on entreposait des centaines de livres, soit parce qu’ils devaient être nettoyés, soit parce qu’on attendait le visa de la commission artistique pour pouvoir les diffuser. Il y avait également une partie consacrée aux réserves impériales, qui était interdite d’accès pour tout le monde, à l’exception des membres du Conseil impérial, et du personnel habilité. Les rumeurs allaient bon train sur le contenu de cette pièce, mais chacun s’accordait à dire qu’on devait y trouver des livres magiques d’une puissance terrifiante... Ou tout simplement des documents confidentiels.
K-Azu ne se trouvait pas dans cette pièce, car, même avec un camouflage optique, on ne pouvait pas y rentrer. Elle était dans l’une des allées de la grande pièce, attirant à elle les livres pour pouvoir les consulter. Pour une créature qui voulait devenir un puits de savoir, il y avait ici de quoi faire. Généralement, à chaque fois que les Impériaux tombaient sur des livres, ils avaient pour coutume de les envoyer à la Bibliothèque. La conservation du savoir était l’un des arguments officiels justifiant l’expansion impériale, et les livres étaient donc envoyés à la Bibliothèque, traduits, recopiés, puis éventuellement renvoyés à leur destination d’origine. Il en résultait donc que la Bibliothèque était une administration monstrueuse, avec bon nombre de services, puisque ses locaux abritaient aussi la commission artistique ashnardienne, qui avait pour tâche de contrôler l’art ashnardien, et d’autoriser la diffusion de tout ce qui, de près ou de loin, touchait à l’art.
Fermant son livre, Mélinda poussa un long soupir, et sortit de la salle de lecture, descendant les marches. Elle avait besoin de se dégourdir un peu les jambes.
Deux gardes avançaient à travers les rayons quand ils virent cette scène curieuse. Un livre qui flottait dans les airs, et dont les pages se tournaient bien rapidement.
« Qu’est-ce que... ?!
- Un intrus ! »
L’un des gardes agit rapidement, et appuya sur son armure. Un cristal apparut alors, diffusant de l’obsidienne tout autour d’eux... Mais, pour autant, l’intrus n’apparut pas. Il en fallait pas être grand clerc pour en comprendre la raison, et les gardes impériaux du palais n’étaient pas de simples soldats stupides provinciaux, mais des agents entraînés, bien équipés, et bien formés. L’invisibilité, si elle ne venait pas d’un sort, devait forcément venir de la technologie. L’un des agents sortit donc de son armure un petit objet futuriste, une grenade IEM, et l’enclencha rapidement, la lançant vers la cible. L’explosion électromagnétique frappa avant que l’intrus ne puisse s’échapper, et l’individu tomba au sol. Sortant leurs lances, les deux gardes s’avancèrent, et haussèrent les sourcils de surprise en voyant que l’intrus était une intruse. Une femme invisible dans une combinaison moulante... Le doute n’était pas permis.
« Celkhane ? demanda à voix basse l’un des gardes.
- Il est interdit de pénétrer dans la Bibliothèque sans autorisation, Mademoiselle. A fortiori quand on utilise un camouflage optique et thermique. »
Ce fut à ce moment que Mélinda intervint. En étant descendue, elle avait vu les deux gardes, et s’était rapprochée, curieuse. Les deux hommes entouraient la femme, et la soulevèrent. La grenade IEM avait visiblement bien sonné cette dernière, et ils envisageaient de la menotter, quand Mélinda agit. La femme était plutôt jolie, et ce fut donc par instinct que Mélinda agit.
« Que se passe-t-il, Messieurs ? »
Les gardes impériaux tournèrent la tête.
« Circulez, Madame, il n’y a rien à voir...
- Vous êtes en train d’indisposer l’une de mes invitées...
- Hein ? »
Déglutissant lentement, Mélinda sortit le premier mensonge qui lui vint à l’esprit.
« Cette femme est l’une de mes invitées... Et elle désirait voir la bibliothèque... Elle adore la culture, vous comprenez, mais elle n’aime pas qu’on la dérange, alors elle se camoufle... »
Les deux gardes se regardèrent entre eux.
« Vous avez votre autorisation ? Cette femme aussi doit en avoir une. »
Mélinda montra la mienne, et haussa les épaules, continuant à mentir, à inventer, et à bluffer... Ce qu’elle savait faire de mieux.
« Je suis l’amie de Kaileesha, et elle m’a certifié que je pouvais faire une visite de cet endroit à des amies de confiance. Mais peut-être désirez-vous vous entretenir avec elle ? »
Les gardes grincèrent des dents. Ils étaient de simples humains, et Kaileesha une démone, leur supérieure, tant d’un point de vue hiérarchique que racial. Partant de là, se la mettre à dos n’était pas très envisageable. Mélinda, de son côté, ignorait pourquoi elle agissait ainsi... Parce que la fille était jolie, oui, mais sûrement aussi parce qu’elle voulait se changer les idées. Les gardes étaient dans l’embarras, car, si cette histoire était vraie, ils pouvaient recevoir un blâme pour avoir attaqué une invitée.
« Ça va pour cette fois... Mais dites à votre amie d’éviter de se faire passer pour une femme invisible. »
Les gardes s’écartèrent rapidement, et Mélinda se rapprocha de la femme, et posa ses mains sur ses joues, dans un geste affectueux, avant de la caresser. Son sang était... Il était bizarre, et elle venait juste de le réaliser... De le réaliser consciemment.
*C’est peut-être ça aussi qui m’a attire… Je n’ai jamais ressenti un sang pareil…*
Mélinda planta son regard dans celui de la belle femme sexy, et lâcha :
« Et si vous me disiez qui vous êtes ? »