Les journées où Myriade n'avait pas trop à s'en faire étaient son quotidien. Un détail étonnant pour une esclave, et surtout une terranide.
Ce mercredi matin, le soleil brillait sans mauvais présage d'orage ou de pluie, premier bon point. La place du marché était tellement bondée à cause d'une foire que son marchand avait dû se déplacer dans les rues de Nexus, comme tous les autres esclavagistes, et les affaires risquaient de moins bien marcher - ce n'était pas bénéfique pour son Maître bien sûr, mais pour la tori ça signifiait d'avoir peut-être assez de chance pour que personne ne veuille la solliciter, ce qui nous faisait un deuxième bon point. Tout ce qu'elle avait à faire pour le moment, c'était de laver des vêtements et de les étendre sur un appareil de fortune construit pour la journée. Une tâche pas très fatiguante et qui lui permettait de s'adonner à une de ses activités préférés ; le chant.
Un troisième bon point, qui risquait d'attirer quelques foudres... non pas qu'elle chantait mal - son gazouillis délicieux retentissait dans toute cette partie de la rue, faisant ressentir aux rares passants une extase légère et même sourire son marchand qui se tenait sur une chaise un peu plus loin. Mais justement, c'était ce même gazouillis qui attirait l'attention sur sa personne, qui poussait homme et femme à se retourner, et à apercevoir ce délicat petit bout de femme laver le linge dans sa bassine et sa petite lessiveuse, habillée comme une
ménagère, à se faire passer pour une vraie petite mariée. Mis à part la lourde chaîne autour de sa cheville droite et ses habits rapiécés, la terranide pouvait presque passer pour une fille libre. Une simple ménagère qui courait les rues de la ville, et qui s'était installée là pour étendre son linge, tant bien que mal.
« ...riade, tu écoutes quand on te parle ou non ?- Ah... hein ? »Le Maître poussa un soupir en se relevant avec difficulté – une certaine faiblesse des derniers jours qui l'avait gagné en même temps que ses épisodes migraineux. Il donna un coup de tête en direction du ciel, qui ordonnait à sa possession de se lever, ce que celle-ci fit sans hésiter, lâchant la cape qu'elle était en train de laver. En se relevant, la moinelle s'aperçut qu'une personne se tenait devant elle et qu'elle ne l'avait même pas vu, ou entendu, trop plongée dans son chant clair et la contemplation des bulles de savons. Elle s'inclina avec ferveur en guise de salut – et d'excuse, par la même occasion.
« Cette jeune dame te demandait ton nom et ton âge, mais il semblerait que ta lessive t'ait hypnotisé au point que tu ne veuilles même plus rendre le respect que tu dois à la clientèle, précisa sèchement l'homme.
- Je... non, ce n'est pas ça du tout ! J'étais...- Tu n'écoutais pas, oui. Et ne me parle pas sur ce ton, j'ai plus souvent raison que toi. »La terranide baissa la tête, ses joues rouges comme une pomme, tandis que son Maître continuait de la regarder avec sévérité. Il était plus tendre en privé, sans perdre son côté bourru et dominateur bien sûr, mais il fallait dés maintenant qu'il montre à quel point son pouvoir s'étendait sur sa marchandise. Une chose que la jeune tori ne comprenait pas, et elle se sentit peinée par le comportement de son Maître, mais surtout déçue d'elle-même pour ne pas lui avoir rendu ses honneurs en se comportant correctement.
« Bref, soupira le marchand en s'adressant cette fois-ci à la cliente,
si vous la voulez pour la journée et avec les... spécificités que vous m'avez demandé, je vous la cède à 50 000 pièces d'or. Je vous accorde que c'est coûteux, mais Myriade pourra s'exécuter dans bien d'autres tâches que celle de vous donner sa virginité... bien qu'elle ne vous ait pas fait grande impression pour cette fois-ci. » lâcha-il ensuite.
Les petits rouages s'activèrent en-dessous du foulard que la terranide portait sur la tête. Louée pour la journée... pour l'acte sexuel ? Alors, c'était le moment ? Elle allait devenir une femme ? Ses camarades esclaves qui avaient perdu leur pucelage lui parlaient souvent de ce moment comme de quelque chose d'unique, de privilégié... de douloureux, et dans le cas des marchandises qu'elles étaient, d'extrêmement dégradant.
Elles avaient toutes mentionnés s'être retrouvés dans les bras de porcs libidineux pour leur première fois, mais il fallait croire que, comme d'habitude, Myriade avait plutôt de la chance. Sa peut-être-future loueuse n'avait rien d'un noble dégoûtant. La tête de la moinelle arrivait en haut d'une jambe blanche et longue ; elle n'était d'ailleurs pas sûre d'avoir déjà vu une gambette de cette taille et de ce glabre. Le yukata qui l'entourait était parsemé de couleur riches et vives, sa coiffure était compliquée et semblait impossible à enlever sans l'aide de plusieurs paires de mains. La noblesse transpirait de ce visage, de ces mains fines semblables à des ailes.
Myriade fut tellement impressionnée par la prestance de cette dame qu'elle en oublia d'ouvrir la bouche pour la deuxième fois de la journée. Ses joues se couvrirent à nouveau d'une délicate nuance rosée et ses yeux s'écarquillèrent, comme pour tout saisir de cette silhouette, chaque détail. Elle avait une envie irrésistible de toucher le tissu de l'habit magnifique, mais avec ses mains pleines de savon, s'aurait été une très mauvaise idée.