Il était temps d’aller récupérer le parchemin, et de retourner au bunker. Cependant, les Anges choisirent désormais un raccourci, et s’envolèrent dans le ciel, portant Penelo sans difficulté. Cette dernière en profita pour voir la ville, en contrebas. Elle-même pouvait léviter, mais atteindre l’aisance et la vitesse des anges, voilà, en revanche, qui relevait de l’exploit. Elles atteignirent les nuages, voyant le soleil se coucher lentement, filant par-dessous l’horizon. Des navires étaient en train de rejoindre le port, les ultimes navires marchands. Généralement, les marchands préféraient éviter de voyager de nuit. En revanche, els galères militaires, elles, patrouillaient aussi la nuit, afin d’éviter d’éventuelles attaques de pirates. Salvation pouvait voir l’immensité de Nexus, une ville qui s’étalait à perte de vue, sur des kilomètres et des kilomètres. C’était tout un immense royaume qui s’étalait là. Jadis, Nexus avait regroupé plusieurs villes différentes, qui, à force de s’étendre, avaient fini par se rejoindre. Toutes les anciennes murailles avaient progressivement été abattues, disparaissant sous l’amoncellement des maisons, et les seules traces de cette lointaine époque étaient désormais les différents bâtiments administratifs. Nexus comprenait une préfecture qui faisait office de mairie, mais également plusieurs sous-préfectures, faisant donc office de sous-mairies. Ces sous-préfectures étaient un héritage des anciennes villes nexusiennes, certaines circonscriptions administratives datant encore de l’époque où la cité-État n’était qu’un État. Des chercheurs universitaires avaient fait des recherches là-dessus, et Penelo se souvenait d’un graphique fascinant qu’ils avaient réalisé. À partir d’images satellites de Nexus, ils avaient retracé son évolution urbaine, s’inspirant également de nombreux documents d’archives figurant dans les profondeurs de la Bibliothèque royale. Un travail d’orfèvre, qui était fascinant, permettant de voir à quel point Nexus avait su assembler centralisme urbain et fédéralisme politique, deux notions pourtant diamétralement opposées.
Le parc de Nexus ne tarda pas à montrer le bout de son nez, une belle étendue verte, et le trio choisit de se poser en plein milieu. Ce grand parc comprenait une multitude de pelouses, un sous-bois, des kiosques, une auberge, et plusieurs routes qui serpentaient le long, des routes pavées et agréables où des chariots et des chevaux pouvaient circuler. Il y avait plusieurs ruisseaux, des lacs où les enfants s’amusaient à donner les miettes de vieux pains rances aux canards. Les gardes étaient un peu plus présents dans le parc, depuis que certains malandrins avaient essayé de pécher les saumons ou de plumer les canards qui étaient à l’intérieur. Une rumeur avait même circulé sur le fait d’interdire le parc royal au public, rumeur que le Conseil de Régence avait rapidement démenti.
Le trio se posa près d’un ruisseau, et s’avança, suivant la piste des balises. Avaient-elles été plus rapides que leurs ennemis ? Penelo aimait le croire, mais elle n’oubliait pas qu’on les surveillait... En espérant que l’envol angélique des deux Anges avait permis de les semer, mais Penelo en doutait. Elle avait le droit d’être suspicieuse, quand elle avait vu de quoi leurs adversaires étaient capables. Le trio s’avançait lentement, jusqu’à se rapprocher d’un petit lac. Le signal venait clairement de là, et Zafkiel s’avança alors.
« Attention... » l’avertit Penelo, un peu vainement.
Zafkiel s’avança lentement, marchant à la surface de l’eau, silhouette élégante et magnifique. Penelo sentit alors une sorte de phénomène se mettre à vibrer. Elle serra les poings, tandis que l’eau se mettait à bouillonner. Un serpent aquatique jaillit alors dans une énorme explosion d’eau, et Penelo comprit qu’il devait s’agir du Gardien. Il tournoya dans les airs, créature imposante et terrifiante, et Penelo s’écarta prudemment. Elle ferma brièvement les yeux, et analysa cette créature à travers l’Œil de la Magie, comme elle l’appelait. Elle vit un Élémentaire d’Eau alimenté par une sorte de cœur magique vivant en son centre : certainement le rouleur.
« Il est là... »
Le rouleau. Le Léviathan aquatique ne voulait confier le rouleau qu’à une personne pure, et fit mine d’attaquer Zafkiel. Penelo se tint même prête à envoyer une onde magique la protéger, mais, au dernier moment, l’eau fondit en deux, s’écartant de part et d’autre du corps de l’Ange, se rapprochant de Penelo et de Samael, avant de remonter en boucle, pour finalement laisser le rouleau tomber. L’objet magique fila dans le creux des mains de Zafkiel, et le Léviathan pencha sa tête sur elle.
« Puisse votre bonté éclai... » commença-t-il.
Le Léviathan explosa alors subitement, et des gouttes d’eau filèrent dans tous les sens, éclaboussant Penelo. L’attaque venait de derrière, et elle eut à peine le temps de se retourner qu’elle sentit une autre onde magique jaillir. Des cristaux de glace foncèrent droit sur elles, et Penelo eut tout juste le temps de former un bouclier, du bout des doigts. Les cônes explosèrent contre la surface du bouclier, et elle poussa des hurlements de douleur, en sentant la souffrance irradier dans son corps Le bouclier se fissura, et des arcs électriques jaillirent alors depuis l’obscurité, perçant cette fois-ci son armure, l’atteignant à la poitrine. La magicienne poussa un hurlement de douleur en s’affalant sur le sol.
Des hommes d’armes apparurent alors, pointant des arbalètes, tenant des épées et des masses. Des armes désuètes contre des Anges, mais ce n’était pas eux la principale menace. Un homme que les Anges et les Héroïnes avaient déjà vu émergea de l’obscurité. Il portait un manteau encapuchonné recouvrant son visage, mais on devinait un corps massif.
« Il me semble que je ne vous avais pas vues à la gare, vous... »
C’était Zolder. C’était lui qui avait pulvérisé le Léviathan, mais Penelo doutait qu’il soit vraiment vaincu... Elle sentait encore des remous dans l’eau du lac.
« Remettez-moi le rouleau, Mesdames, ordonna-t-il. Même moi, je n’aime pas tuer des Anges, mais, si vous m’y obligez, je vous arracherais vos belles plumes sans hésitation aucune. »