Le duo laissa Norman dans le restaurant, retournant dans la voiture de Félicia. Cette dernière ne disait rien sur le coup, en train de réfléchir. Quelque chose de gros était en train de se passer. Si Norman venait en personne lui demander de l’aide, c’était qu’il y avait un problème. Bright Falls... Alan Wake, Cauldron Lake, les frères Anderson, les noms tournoyaient dans sa tête. Félicia était un peu larguée, car il y avait beaucoup d’informations à digérer. Le plus troublant, c’était sans doute de savoir que le SHIELD barbotait, et avait du mal à obtenir des informations.
« Comment tu fais pour supporter tout ça ? demanda alors Aoki. Ça a duré à peine quelques minutes et j'ai mal à la tête... »
La Chatte Noire lui sourit, et s’arrêta à un feu rouge. Elle n’eut pas le temps de lui répondre qu’Aoki enchaîna par une autre question. Sa belle était visiblement très nerveuse. L’impliquer était une mauvaise idée. Mais ce n’était pas vraiment à Félicia qu’il fallait le dire. Le sens des responsabilités était quelque chose avec lequel elle avait toujours eu du mal, ce qui, en grande partie, avait expliqué son divorce avec Flash. Lui comme Peter lui avaient reproché de n’être qu’une gamine écervelée prenant inutilement des risques, s’exposant au danger. Mais, en définitive, on faisait toujours appel à elle, dans les situations difficiles. Félicia regarda Aoki. L’impliquer était difficile, car elle n’avait pas de pouvoirs surdéveloppés, ni même un entraînement militaire. Cependant, le tueur en série la poursuivait... Même son appartement ne pouvait pas la protéger. La Chatte Noire réfléchissait à un meilleur moyen de protéger Aoki. La réponse vint d’elle-même, et elle se permit de lui sourire, avant de se pencher ver selle, et de l’embrasser sur les lèvres.
Un coup de klaxon l’avertit alors que le feu était passé au vert, et Félicia accéléra.
« Je ne t’ai jamais vraiment parlé de mon autre vie... Ou de mon passé, quand j’étais à New York, je crois. »
Son passé new-yorkais était un élément dont elle ne souhaitait pas parler, car c’était assez douloureux. Cependant, Félicia en était arrivée à une telle situation qu’Aoki devait savoir. La voiture roulait le long d’un grand boulevard, au cœur de la ville, dans le quartier des affaires. Une succession de gratte-ciel, de couleurs explosives, près des boîtes de nuit. Le cœur économique de la ville. Elles n’étaient que deux femmes au milieu d’une masse difforme et innombrable. Comment croire que les jours de Seikusu étaient menacés ? Elle se croirait presque dans un mauvais film de série B.
« Je suis la Chatte Noire, Aoki. Je suis une voleuse de haut niveau, la fille de Walter Hardy. Je n’ai jamais connu mon père... Lydia, ma mère, m’avait dit qu’il était mort en tant que soldat, mais la réalité était plus nuancée... Walter, mon père, était un voleur de renommée internationale, qui se faisait appeler ‘‘Le Chat’’. Un jour, il a été capturé, et il a travaillé pour l’armée, en tant qu’espion, avant d’être capturé par les ennemis. »
C’était l’époque de la guerre froide. Félicia continuait à parler. Walter, son père, était pourchassé dès sa jeunesse par des individus puissants : Crâne Rouge, un néonazi terroriste psychotique. Walter connaissait en effet une formule expérimentale que les Alliés avaient utilisé durant la Seconde Guerre Mondiale pour permettre de venir à bout de l’Axe, une formule qu’il avait trouvé en étant jeune. Walter était alors au contact d’agents nazis sur le sol américain, une cellule qui avait été envoyée par des responsables nazis craignant une entrée en guerre des Américains. Walter était alors un simple garçon des rues, travaillant comme serveur dans un restaurant, tout en volant ses clients, généralement de riches bourgeois imbus de leur personnalité. Il avait vu de nombreux Juifs et Européens, et avait tenté de voler les nazis. Ces derniers l’avaient surpris, et avaient menacé de le tuer, s’il ne les aidait pas.
Les nazis avaient eu vent d’un projet scientifique américain secret visant à inventer une arme révolutionnaire, avec le concours de scientifiques européens exilés sur le sol américain. Il s’agissait du projet Manhattan, visant à confectionner des ogives nucléaires, mais leurs recherches les avaient amené vers un autre projet scientifique, visant à créer un sérum qui permettrait d’améliorer sensiblement les capacités de ceux qui le prendraient.
« C’était un virus expérimental, et les Alliés avaient trouvé un cobaye, un individu volontaire, qui voulait aider le peuple : Steve Rogers. Walter avait réussi, avec sa petite taille, son ingéniosité, et sa mémoire photographique, à infiltrer le laboratoire, et avait vu la formule. Sa mémoire était colossale, et il avait réussi à la retenir, à la recopier sur papier. Les nazis auraient payé cher pour cette information, mais, en retournant les voir, Walter avait surpris une conversation entre eux, qui leur a permis de réaliser que ces employeurs étaient des nazis. »
Par la suite, le sérum du Super-Soldat s’était perdu, faisant de Steve Rogers, alias Captain America, le seul utilisateur au monde à le posséder... Et de Walter le seul individu connaissant la formule, tous les chercheurs du projet ayant été tués par la suite. Crâne Rouge avait ensuite fondé l’HYDRA, une puissante organisation criminelle néonazie, fondée sur les ruines du Troisième Reich, et avait toujours voulu retrouver Walter Hardy.
« C’est là que j’interviens... Moi, Félicia, la fille d’une riche femme d’affaires, dure et orgueilleuse. Je n’avais pas mes capacités développées, alors, mais, tout en étant une adolescente qui passait ses soirées avec des amis, j’avais mené mes recherches dans les affaires de ma mère... Et j’étais devenue une voleuse... Mais, un beau jour, mon père est ressorti de l’ombre. Il est revenu nous voir, mais les retrouvailles ne se sont pas très bien passées... Lui et ma mère ont été capturés par un individu sinistre, le maître du crime organisé, celui qui contrôle toutes les mafias et tous les cartels de New York, le Caïd. »
Le Caïd avait voulu que Walter lui donne la formule, et ce dernier, par peur de voir sa femme et sa fille se faire torturer, avait accepté. Wilson était toutefois quelqu’un de méfiant, et, pour être sûr que la formule serait la bonne, il avait utilisé la formule sur Félicia.
« Je devais tester sa formule en allant tuer un homme que j’aimais : Spider-Man. Il m’avait déjà sauvé la vie, et... Il m’aimait aussi, à cette époque. Ensemble, nous avions combattu Octopus, et j’avais bien failli mourir... J’avais accepté l’offre forcée du Caïd, en me disant que, ainsi, je ne serais plus un boulet pour l’Homme-Araignée. Mais je n’avais pas l’intention de le détruire. Spider-Man n’a jamais accepté l’idée que j’ai du travailler avec le Caïd... Il m’a plaqué pour ça, en partie... Le résultat final fut que mon père a été remis entre les mains du SHIELD, que ma mère a été libérée, et que Fisk croyait que j’étais sous ses ordres. Je voulais faire tomber Fisk, réunir des preuves contre lui, car je savais que, tant qu’il serait en vie, il pourrait toujours faire pression sur ma mère. C’est une chose que Spider-Man n’a jamais compris. Pendant des années, j’ai travaillé avec sa bande de crapules, j’ai défié la loi, j’ai affronté de véritables psychopathes, je suis tombée amoureuse d’un étudiant ténébreux qui s’est transformé en un vampire sanguinaire... J’ai même affronté un chasseur de vampires pour le défendre. »
Elle s’interrompit, ayant atteint un nouveau feu rouge. Durant son long monologue, elle s’était rapprochée du festival, et on pouvait voir le Stadium. Il y avait déjà de nombreuses voitures garées, et quantité de gens sur les pelouses, ainsi que plusieurs fourgons de police, des barrières, et de nombreux agents de sécurité dehors. Félicia regarda Aoki en souriant.
« Je suis une Hardy. Nous avons toujours été sous pression. Je suis la fille d’un voleur international qui croupit en prison, et d’une mère qui est un véritable requin en affaires. Et, pour ne rien arranger, j’ai dans les veines un sérum qui accroît exponentiellement mes capacités. Alors, pour répondre à ta question, oui, je vais enquêter là-dessus, mais je ne veux pas que tu sois impliquée. On va voir les frères Anderson ensemble, et je te conduirais ensuite dans un endroit sûr. »
Elle aurait voulu un meilleur moment pour sortir toute cette histoire à Aoki, comme un dîner aux chandelles, mais c’était dit. Elle ne lui avait pas encore tout dit, mais il y avait, en même temps, beaucoup à dire. Même à Flash, elle n’avait pas parlé en détail de sa traque avec Blade et Morbius, où, pendant des mois, elle avait chassé des vampires pour retrouver la mère de Blade. C’était son passé, des éléments qui lui faisaient encore mal. Après tout, la Chatte Noire n’avait pas spécialement envie d’en parler non plus. Le passé était bien là où il était : dans des placards fermés à double tour.