Je dois être salement poisseux pour attirer à moi toutes les créatures à la con que compte cette partie de l'univers. Cette petite nana ne pouvait donc pas être une simple cosplayeuse avec un costume ultra-réaliste ? L'espace d'un moment, après lui avoir adressé la parole, je me suis trouvé à me dire qu'elle allait me prendre pour un cinglé parce qu'elle n'était là que pour se faire voir dans sa tenue et se faire tatouer le cul en s'enfilant un saké bon marché. Mais non, rien de tout ça. Au contraire, elle se met à réduire pour... Disparaître. Purement et simplement. Alors, elle était vraiment une fée ? Je ne pensais pas que les bestioles des contes existaient, mais je dois reconnaître qu'elle possède le petit côté attendrissant que j'imaginais bien coller à ceux de son ethnie.
Elle devait être un peu facétieuse et s'être perdue parmis les hommes, car la voilà certainement repartie pour toujours. Bon, d'accord. Rencontre éclair avec un petit bout de femme qui n'avait rien à cirer des soucis du commun des mortels. Autant me la sortir de la tête et reprendre ma traque, ce que je fais pour m'éloigner du plus gros de la foule avant de me sentir saisi sous les aisselles alors que mes pieds quittent le sol et que j'entends le vent qui peine lorsqu'il me soulève. Une petite voix fluette, un bruit de battement rapide d'ailes... D'accord. Je parie que mon courant d'air est chaussé avec du tissu dépareillé et j'esquisse un sourire tandis que nous nous élevons. Voler m'avait foutrement manqué.
- Merci.
Pas pour son aide, mais je ne lui précise pas. Ca me fait du bien d'être là, suspendu dans les airs. Sûrement suis-je aussi invisible qu'elle, puisque personne ne nous voit raser les têtes présentes, qui se dispersent alors qu'elle semble m'amener vers une destination bien précise, tout à l'écart du plus gros de la manifestation. La voilà qui me dépose avant de redevenir visible pour m'adresser un signe de tête m'invitant à la suivre, ce que je fais docilement pour découvrir un peu plus loin ce que je crains d'être une nouvelle victime. Je file à son chevet, tout comme la petite fée qui l'inspecte rapidement en même temps que moi. La petite n'a pas été molestée et Peter ne l'a pas forcée, visiblement. Peut-être qu'il n'a pas eu le temps ? Non, non... C'est autre chose. Appellez ça l'instinct si vous voulez, mais j'ai la sensation que quelque chose cloche et c'est en détaillant plus la jeune femme que je mets la main sur un premier indice qui ne me plait pas : à la base de son cou, une piqûre se présente, boursouflée.
Et pendant que la petite fée furète, je continue l'inspection de la gamine dont les poignets sont recouvert d'une légère matière blanchâtre et filandreuse, douce au toucher mais qui semble avoir collé à sa peau.
La créature ailée revient vers moi et je garde mes reflexions alors qu'elle me désigne un petit passage entre deux stands. Pas facile d'avancer là-dedans, je vais perdre du temps. Moins peut-être qu'en contournant les stands.... Je vais devoir faire confiance à la fée. Après tout, elle m'a déjà aidé à mettre la main sur la fille. La voilà d'ailleurs qui la charge comme elle le peut avant de s'envoler en disparaissant.
- Sois prudente.
C'est tout ce que je lui lance. Je ne devrais pas la laisser seule, surtout avec l'autre malade en liberté. Lui qui se prend pour Peter Pan, que pourrait il bien faire à une jolie petite chose bien fichue et évoquant une fée ? Mieux vaut ne pas y penser et me presser, ce que je fais au mieux en m'engouffrant dans le couloir où serpentent au sol câbles et autres bribes d'installation qui m'empêchent d'aller plus vite mais ne parviennent pas à m'entraver assez pour que je n'atteigne pas le premier croisement. Sur mes gardes, je penche la tête pour vérifier les alentours... Et je me laisse surprendre par une voix venue de nulle part, qui me fait sursauter avant que je n'étouffe un juron salé.
- Alors... ? Où est ce foutu pirate ?
- Evite de recommencer ça, Moustique. Bon sang, mon pauvre coeur !
Je grogne et la regarde en faisant les gros yeux à travers mon masque, qui résume mon regard à deux menacantes fentes blanches. Inutile de m'énerver plus, cette petite est un atout dans la chasse au garnement violeur et je serais bien stupide de me la mettre à dos.
- Il n'y a aucune piste. Pas d'empreintes de pas, pas de signe de passage. Rien. Y'a quelque chose qui ne tourne pas rond, avec ce Peter Pan. Peut-être que la Fée Clochette lui a filé un peu de poudre pour qu'il décolle pour de bon ?
Je souris, assez amusé de ma petite connerie. Voilà que je m'apprête à enchaîner quand un cri d'effroi m'arrête net, me faisant tourner la tête dans sa direction. La fée et moi sommes loin des enceintes et autres systèmes de son, donc le hurlement nous est parvenus relativement clairement même si il n'attirera sûrement personne d'autre, car la musique beuglante aura tout englouti de ses notes tonitruantes. Pas de temps à perdre !
- Surtout, tu dégage si ça tourne mal, Moustique ? Tu comprends ? Je ne veux pas te voir faire de bêtises.
Allez savoir pourquoi, je lui passe rapidement un doigt sur la joue avant de filer, courant au mieux entre les tentes alors que déjà un nouveau hurlement emplit l'air, me confirmant la position de la victime qui -je le suppose- doit encore se débattre entre les griffes de son agresseur. Il faut qu'elle tienne, j'arrive ! Accroche toi, petite ! Accr-
Putain. En arrivant dans cette petite allée encaissée et loin de tout, je regrette instantanément la course-poursuite et mon acharnement à rattraper Peter. L'endroit est assez grand, couvert de toiles d'araignées où gisent parfois des cocons qui remuent horriblement, agités depuis l'intérieur par les masses grouillantes qui cherchent très certainement à en sortir. Entoilée, la gamine qui hurlait est à présent prise de spasmes face à un Peter qui se retourne pour me faire face, la bouche grande ouverte sur ces merdes que les araignées ont à la place des lèvres, les chélicères. Les siennes s'agitent lentement, suintantes de bave alors qu'à la place de sa langue repose un dard menaçant. Ses yeux sont d'un noir de jais qui met mal à l'aise et sont à présent au nombre de huit, dispersé ça et là sur son visage et les côtés de sa tête. Ses jambes ? Horriblement poilues, de ce poil dru qu'on aperçoit sur les mygales. Ses bras sont à l'identique et me foutent la gerbe.
Et surtout... surtout...
- Tiiiiiiiiiennnnns.... le chasssssssseur des ruuuuuuuues.... J'allais mangeeeeeeeeer, jusssssstemeeeeeeeent ! Et poooooondre.....Dans la fiiiiiiiiiillle....J'adooooore çaaaaaaaaa !
Surtout, j'ai une peur panique des araignées.
Je ne vais pas pouvoir bouger, trop paralysé par mon arachnophobie décuplée par cet endroit sorti d'un mauvais scénario de série Z. D'ailleurs, j'esquisse déjà un pas vers l'arrière. Pour fuir, absolument.