Si je devais donner une définition au mot "zombie", j'aurais méchamment eu tendance à montrer l'étudiante que je fixais depuis un certain moment. J'avais vu un film, la veille, le genre bien flippant qui vous fait sursauter tout du long. Saloperie de film. J'étais venu au lycée de Seikusu dans un but bien précis : me fondre dans la masse, apprendre le plus infime rouage de la vie humaine. J'avais déjà cerné les plaisirs de la chair, mais ce n'était pas à coups de rein qu'on se faisait une place dans le monde... Quoique, certaines de mes expériences me donnaient tort sur ce point.
Bref, j'étais devant les grilles du lycée, à la recherche de quelqu'un qui aurait pu me briefer un peu avec le système scolaire d'ici. Je m'étais attendu à croiser des étudiants banals, le genre qui discutent des soirées en groupes bien définis : les sportifs, les geeks, les pouffes populaires, les victimes... Vision trop stéréotypée ? Ouais, sans doute. Toujours est-il qu'à la place de ça, j'ai eu droit à une espèce de... punk aux cheveux roses, la tête encore à moitié dans son lit et qui, bizarrement, ne portait pas la tenue réglementaire.
Mon regard se posa sur ma tenue. Bordel, et dire que j'avais fait un effort... J'avais acheté une belle petite chemise blanche, proprette, qui moulait à peine ce qu'il fallait de mon torse, un pantalon de costume noir - uniforme - et une paire de chaussures bien ringardes qui couinent et vous tiraillent les pieds. J'avais même essayé de coiffer la tignasse rebelle qui recouvrait le haut de mon crâne, en vain. Mes cheveux avaient continué de n'en faire qu'à leur... tête.
Cheveux-roses m'avait interpellé parce qu'elle sortait de l'ordinaire. Tout le monde ou presque portait le même uniforme ringard, sauf elle. En la voyant dans la cour du lycée, je m'étais dit que j'aurais eu une chance. Et puis, à voir sa trombine de déterrée, qui me rappelait un peu trop le film de la veille, j'avais décidé de laisser tomber. Et là, deux surveillantes, plusieurs élèves et même une personne que je suspectais d'être une prof' la saluèrent.
*M'ouais, atypique, comme gonzesse, mais bon, elle a l'air de connaître du monde.*
Je m'approchai d'elle, essayant d'adopter un air élégant, pas trop louche. Ça faisait mal, de tirer une trogne de gentil. Je me présentai devant elle et m'abaissai pour me mettre à son niveau. Pas besoin d'attendre qu'elle se lève, j'étais pressé.
- 'Scuse-moi...
Je m'interrompis, comme percuté par mon imbécilité interstellaire. Je me frappai le front et laissai glisser ma main le long de mon visage, dépité.
- Hum, je veux dire... Excusez-moi, mademoiselle, auriez-vous l'obligeance de m'accorder une visite guidée de ce merveilleux établissement ? Il se trouve que j'ai grandement besoin d'un travail, et j'ai cru comprendre que le lycée manquait de concierge, discourus-je en essayant de ne pas trop jouer des mécaniques, comme j'avais l'habitude de le faire.
Un élève lambda me bouscula dans le dos, manquant de me faire tomber par terre. Fulminant, je me redressai et lui jetai un regard noir. Tout en levant mon poing en guise de menace, je m'écriai :
- Putain de blaireau ! La prochaine fois que tu me touches, j'te fais bouffer le bitume par le pif ! Puis, en me retournant vers Cheveux-roses, j'ajoutai, sur un ton innocent : Alors, aurais-je le privilège inestimable de compter sur votre compagnie lors de cette visite ?