L’homme ne tarda pas à se présenter, et à expliquer les raisons de sa présence ici. Un mercenaire qui recherchait un objet démoniaque, et qui était tombé dans un traquenard. Il s’appelait Mach Bonin, ce qui ne lui disait rien, et en vint même à demander à Lorenza si elle n’avait pas du travail à lui confier. L’Héroïne cligna les yeux, se demandant si cette histoire était sincère. C’était trop simple pour être un mensonge, et elle n’avait vu sur lui aucun des signes caractéristiques propres aux raiders, comme les tatouages, ou les peintures de guerre. Les raiders étaient des espèces de clans sauvages, des tribus agressifs qui étaient au cœur de la plupart des trafics ayant lieu dans les Badlands. Ils s’occupaient ainsi de l’esclavage, du trafic d’armes, de denrées, de la contrebande, des stupéfiants... Un programme plutôt chargé. Lorenza savait que les Baldands étaient une zone très risquée à cause de ces bandes organisées, ces sauvages cruels et cinglés, défoncés par les drogues et les implants qu’ils prenaient.
Elle se retourna, se dirigeant vers la sortie de la chambre, et lui répondit :
« Je ne suis pas employeur, lâcha-t-elle, comme si c’était une évidence. Ni une mercenaire. Personne ne m’embauche pour faire ce que je fais. Et je ne vous retiens pas. »
Lorenza n’était pas spécialement agréable, mais c’était ainsi que l’Héroïne fonctionnait. Elle était l’une des plus réservées, des plus froides, qui passait énormément de temps hors du bunker, à traquer les raiders. C’était sa spécialité, son hobby. Elle les connaissait plutôt bien, et savait à quel point ils étaient dangereux. Ils envahissaient les Badlands comme un cancer purulent, se reproduisant entre eux, se terrant dans des grottes, des villes fantômes, des vallées... Ils formaient des clans misérables, faits de tôle, qu’ils pouvaient rapidement démanteler et reconstruire ailleurs. Big Jim était un puissant chef raider, et elle n’arriverait pas à le retrouver. Elle allait devoir trouver ses lieutenants, et cet homme, s’il était doué, pouvait l’aider. Lorenza réfléchissait donc. Elle avait pour habitude de travailler toute seule, n’ayant comme rares alliés que les autres Héroïnes. L’idée de travailler avec un inconnu ne la tentait pas particulièrement, mais, parfois, il fallait savoir faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Big Jim était un raider assez paranoïaque, qui ne restait jamais fréquemment en place, et qui disposait, dans la région, d’une planque fixe, dans laquelle il entreposait son butin. Cette planque était cachée, et Lorenza avait espéré trouver des informations près du charnier. Elle avait échoué, et il lui fallait donc trouver des informations supplémentaires.
« Suivez-moi », lâcha-t-elle simplement en s’engageant dans le couloir.
Lorenza s’avança, en se mettant à parler, décrivant un peu mieux ce qu’elle faisait là.
« Big Jim est un contrebandier notoire, qui dispose d’une planque dans les Badlands. Quelque part... Le seul véritable moyen de l’éliminer est de la trouver. Dans le charnier, je traquais Bonemasha, l’un de ses lieutenants, qui connaît cette planque. Malheureusement, il m’a filé entre les doigts. »
Tout en parlant, Lorenza se dirigeait vers la salle de contrôle. Ils rejoignirent ainsi l’entrée du bunker, une salle avec quatre entrées et un monte-charge au centre. La salle de contrôle comprenait plusieurs ordinateurs assez énormes, des machines bourdonnantes avec des écrans verts affichant une faible résolution. Tout ceci confirmait la vétusté des locaux. Indéniablement, on n’était pas dans l’un des bunkers sexy et new age de l’armée. Celui-ci était froid, sinistre, métallique, et gris.
« Les Baldands sont un territoire assez instable, au statut juridique flou. Il se situe à l’extrémité de Tekhos, mais l’autorité tekhane est virtuelle ici. Il n’existe qu’une route commerciale principale, et les guildes et autres sociétés privées se régalent en assurant aux entrepreneurs et aux caravaniers leur protection. C’est une zone rongée par l’appât du gain et la corruption. Les mines dans les montagnes constituent la principale source de richesses, et sont l’objet d’affrontements périodiques entre les industriels. L’autorité légitime, les Tekhanes, ne servent que comme arbitres. »
Il ne restait que quelques rares bases militaires encore actives, et les militaires qu’on y envoyait n’étaient pas forcément les plus compétentes. L’invasion formienne avait changé bien des choses, délaissant les Badlands et sa sécurité pour se concentrer sur les extraterrestres.
« Puisque vous voulez vous rendre utiles, vous pouvez me suivre. Je prévois de partir à la plus grande ville proche, Anachore, afin de retrouver Bonemasha. »
Le lieutenant était sa seule piste vers Big Jim, et elle rajouta, comme pour le convaincre :
« Big Jim, d’après ce qu’on en dit, s’intéresse beaucoup à tout ce qui est lié à la magie. Il est possible qu’il ait des informations sur votre artefact démoniaque. Mais, bien sûr, ce n’est qu’une invitation. Vous êtes libre de faire ce que vous voulez. »
Elle-même ne savait pas trop pourquoi elle l’invitait à la suivre. Son air viril ? Peut-être... Quand on était dans un bunker rempli de filles, et quand les seuls mecs qu’on voyait étaient des malades mentaux, voir des types qui avaient l’air sains d’esprits, et d’en avoir dans les muscles, ça détonait avec le décor.