Aujourd’hui était un jour « spécial » au lycée de Seikusu. Une grande conférence était organisée par une femme qui était décrite comme une pointure dans le monde pharmaceutique, ou quelque chose comme ça. Une pointure au nom imprononçable qui accordait au lycée «
l’immense honneur » d’une conférence à laquelle la moitié des classes avaient été conviées. Mélinda n’avait aucun intérêt pour ce genre de choses, et, pour le coup, la plupart des étudiants aussi. Elle avait à vrai dire décidé de venir quand elle avait entendu deux des lycéennes qui officiaient à son manoir en parler :
Shii et Clara. Deux femmes complètement opposées mais qui étaient généralement inséparables. La première était une tête, qui se trouvait à chaque fois dans les premiers rangs, la seconde une rebelle, qui se trouvait à chaque fois dans la cour, en train de fumer... Du moins, avant de rencontrer Mélinda, car elle avait du abandonner le tabac. Non seulement l’odeur était infecte, mais la qualité du sang était moins bonne. Elle flânait donc dehors, et les activités cérébrales de Clara semblaient se résumer, soit à savoir comment réussir à passer l’épreuve du bar exotique dans «
Monkey Island 4 », soit à trouver une nouvelle façon d’embêter Shii.
Mélinda, elle, avait décidé d’accompagner Shii à cette conférence, lorsque la lycéenne lui avait timidement demandé de l’accompagner. La vampire n’avait sur le coup pas compris, avant que Shii lui avoue que, quand elle venait seule à un tel rassemblement, des garçons n’arrêtaient pas de l’embêter. Mélinda était donc venue avec Shii, et les garçons les avaient quand même embêté. Cinq lycéens qui fumaient, bousculaient Shii, et lui volaient ses notes... Enfin, qui le
faisaient, car vu l’état dans lequel Mélinda les avait mis, ils ne risquaient pas d’embêter Shii avant longtemps.
*
Il est stupéfiant de voir à quel point les Terriens redoublent d’intensité pour trouver des manières de se faire chier... A croire que leur existence toute entière consiste à sans cesse renouveler un ennui perpétuel... Les cours, c’est gavant. Regarder la télé, c’est abrutissant. Et ces conférences... Putain, mais quel est l’intérêt d’écouter une femme nous dire des conneries pendant des heures ?!*
Mélinda était tentée de partir, et seule la présence de Shii l’en empêchait. Pour le coup, cette dernière avait amené un ordinateur portable, et Mélinda eut, pendant un bref et éphémère moment, l’espoir qu’elle l’avait fait pour mater des films pornos’. Au lieu de ça, elle pianotait frénétiquement, notant scrupuleusement tout ce que la conférencière disait, ou presque. Se penchant vers elle en fronçant les sourcils, Mélinda glissa quelques mots dans son oreille :
«
Ôte-moi d’un doute... Tu trouves vraiment ça... Intéressant ? -
Intéressant ? Mais c’est passionnant, Maîtresse ! Rendez-vous compte ! Modifier un patrimoine génétique ![./b] -
Mouais... »
Fermant les yeux, Mélinda enfonça sa tête contre le dossier du fauteuil, et Shii, curieuse, la regarda.
«
Que... Que faites-vous ? -
J’essaie de dormir ! -
Je croyais que les vampires ne dormaient pas, ou peu... lâcha Shii en rehaussant ses lunettes sur son nez.
-
File-moi tes écouteurs, alors... »
Shii rougit légèrement, et obtempéra. La musique... Un autre sujet de dispute entre Shii et Clara... Encore un. Clara préférait des musiques rythmées et brutales, et s’amusait fréquemment à subtiliser le baladeur de Shii pour modifier ses
playlists, transformant sa belle musique en une musique de
metal qui rugissait. Mélinda s’empara de son iPod, et tomba sur un morceau d’un groupe de rock finlandais que Shii appréciait beaucoup.
Show me this life. Fermant les yeux, Mélinda se perdit donc dans la musique.
La conférence avait lieu en début de soirée, après les cours. Les étudiants revenaient donc, soit de chez eux, soit du dortoir, et portaient, en conséquence, des vêtements normaux, et non les uniformes. Mélinda portait donc une longue robe, et se laissa absorber dans la musique. C’était sans doute l’une des rares choses où les Terriens excellaient par rapport aux Terrans : ils avaient des goûts musicaux bien plus développés. La conférence finit heureusement par se terminer, et Mélinda se redressa.
«
On rentre ? -
Hum... Est-ce que je peux rester un peu ? J’aimerais m’entretenir avec mes senseïs... »
Mélinda leva les yeux au ciel.
«
Si tu veux... Tu n’auras qu’à prendre le bus pour rentrer... Ou appeler au manoir pour qu’un chauffeur vienne, si tu as encore peur qu’on t’agresse... »
Shii rougit à nouveau comme une tomate, et Mélinda se retira. Elle se rendit vers un parking assez isolé, où elle avait garé sa voiture, la musique continuant à rugir dans ses oreilles. Derrière elle, plusieurs individus, lentement, la suivaient. L’un était un père de famille qui s’entretenait avec sa fille.
«
Je suis heureux d’avoir assisté à cette conférence... Pas toi ? -
C’était génial... » répliqua la lycéenne blonde, guère convaincue.
Le père et la fille se rapprochaient de Mélinda, qui, comme elle écoutait de la musique, et semblait absorbée, marchait lentement. Elle ne pouvait pas les entendre, ni les voir, et le « père de famille » tenait dans sa poche une seringue hypodermique. Un kidnapping classique... Ils avaient des renforts, si jamais les choses devaient mal tourner, mais, pour l’instant, les choses n’avaient
jamais dérapé. Rapide et précis. Un coup dans le cou, rapide et précis, et il suffisait ensuite de traîner la cible dans la voiture. Le « père de famille » se rapprocha suffisamment de Mélinda pour sortir sa seringue, la dissimulant dans la manche de sa chemise. L’aiguille glissait entre deux doigts, et il allait l’abattre dans le cou de la vampire...
... Quand cette dernière se retourna. Elle attrapa l’homme par le cou, et l’envoya se fracasser contre la porte d’un casier. Le coup fut si violent que la porte fut enfoncée. L’homme s’écroula, inanimé, sur le sol. La blonde réagit presque instantanément, tentant un coup de pied renversé. La main de Mélinda jaillit, attrapant le pied de la femme, et elle le retourna sec, provoquant un sinistre craquement quand l’os le brisa, envoyant la jeune femme sur le sol, où elle se reçut sur le cou le pied de Mélinda.
«
Quand on chasse un vampire, bandes d’amateurs, on se doit de prendre en considération le fait qu’il est impossible de surprendre un vampire. »
Impossible, car un vampire avait ce sixième sens qui faisait de l’être de nuit un redoutable chasseur. Il
sentait les groupes sanguins, la vitesse à laquelle le sang se propageait. Mélinda avait ainsi rapidement compris que ces deux comiques n’étaient pas un simple père de famille et une simple lycéenne. C’était à croire qu’ils n’avaient jamais chassé de vampires, mais ils en avaient clairement pour elle. Mélinda évacua ses principaux ennemis, généralement des esclavagistes qui avaient suffisamment d’expérience avec les vampires pour savoir les subtilités de cette espèce.
*
Sûrement des indépendants... Une secte anti-vampirique, peut-être... Ou les Celkhanes... Non, ce n’est pas le style des Celkhanes... Et sûrement pas sur Terre...*
Enfonçant son pied sur la gorge de la femme, Mélinda poursuivit :
«
J’ignore qui tu es, salope, mais cette chasse sera la dernière que vous... »
L’amatrice disparut alors sous le plancher, et Mélinda pesta. Une mutante... Une mutante qui semblait traverser la matière. Elle se retourna vers l’autre... Pour constater qu’il n’était pas aussi assommé qu’elle l’avait cru. Tendant une main vers elle, il envoya une décharge d’énergie. Mélinda poussa un hurlement de surprise, passa à travers une fenêtre, et s’écrasa en contrebas. Elle heurta violemment le sol, et se rétablit rapidement. Le coup aurait pu l’assommer, mais l’intensité était faible. Il aurait assommé un simple humain, mais elle n’était pas un simple humain...
*
Ils veulent me capturer...*
L’homme jaillit à la fenêtre. Elle donnait sur une cour interne, déserte. Il y avait des graviers, et deux parterres de fleurs avec une fontaine. Il sortit un pistolet larguant des fléchettes tranquillisantes, et tira sur Mélinda. Cette dernière se mit à courir rapidement, évitant les fléchettes, et ouvrit à la volée une porte fermée, défonçant la serrure.
«
Capture compromise, glissa l’homme dans le micro.
La cible est en train de s’enfuir... Envoyez des renforts... »
Disant cela, l’homme sauta sur le sol. Une chute d’une dizaine de mètres, mais, alors qu’il approchait du sol, des ondes d’énergie jaillirent également de ses mains pour ralentir sa chute, lui permettant de convenablement se poser. Mélinda, de son côté, avait traversé un couloir l’amenant dans le complexe sportif du lycée. Elle atteignit ainsi la piscine du lycée, dont elle n’avait jamais compris l’utilité, dans la mesure où on préférait se rendre à la piscine municipale, qui disposait de bassins plus larges. Les portes du fond s’ouvrirent, révélant deux hommes en costumes semblant tout droit sortis d’un mauvais film. Ils pointèrent sur la vampire d’autres pistolets tranquillisants. Cette dernière sentit soudain quelque chose dans son dos. L’homme qui l’avait balancé par la fenêtre l’avait rejoint, se déplaçant en s’étant transformé en une espèce d’onde énergétique qui avait filé à travers les couloirs.
«
Mais... » tenta de dire Mélinda.
Une onde la frappa à nouveau au ventre, et l’envoya s’écraser au milieu de la piscine. L’un des deux hommes tendit alors ses doigts vers la piscine, et des éclairs en jaillirent. Des arcs électriques se plongèrent dans la piscine, et Mélinda poussa d’inaudibles hurlements en sentant son corps être transpercé par des ondes intenses de douleur. Les trois affreux continuèrent, jusqu’à ce que Mélinda tombe dans le coma.
«
Cible capturée », lâcha alors l’un des hommes dans son micro.
Lentement, le corps de Mélinda resta à la surface de l’eau. Elle était sonnée, dans le coma, mais, s’assurant de toutes les précautions, l’un des hommes enfonça dans son cou une seringue, répandant en elle un sédatif suffisamment fort pour endormir un éléphant.