Très rapidement, Cahir comprit que les négociations allaient se terminer. Il suffisait de voir la mine patibulaire de cette montagne pour se rendre compte qu’il n’était pas du genre à discuter.
« Petit ? répéta Cahir, blessé dans son orgueil. Ce n’est pas ce que disent les femmes, et ce n’est pas ce que dira Marlène quand elle me récompensera d’avoir viré ta sale gueule de... »
C’en fut sans doute trop pour la masse, qui abattit sa hache vers Cahir. D’un mouvement en arrière, ce dernier évita l’arme, qui heurta violemment l’herbe. Cahir défit alors son manteau, révélant, en-dessous, une délicate armure noirâtre. Elle n’était pas faite en écailles de dragons, ni avec des plates, mais avec un autre matériau : une armure en ébonite. L’inconvénient majeur des armures de plates était leur poids, écrasant, mais l’ébonite, ce matériau si précis, était assez léger, et particulièrement résistant. L’apatride doutait cependant que l’armure soit suffisamment épaisse et solide pour résister aux frappes de ce barbare. L’apatride frotta la lame de son épée contre le sol, sur le sentier de terre, en se reculant prudemment.
*Sans une protection supplémentaire, ce type va me massacrer* songeait-il.
Le monstre s’approchait rapidement, faisant trembler le sol à chacun de ses pas massifs. Il leva à nouveau sa hache, et Cahir en profita pour lever avec son épée un peu de terre, visant les yeux du monstre afin de l’éblouir, et de lui laisser le temps de courir vers son cheval afin de récupérer son bouclier. Il le récupéra rapidement, le mettant le long de son bras gauche, la main droite tenant son épée. Cahir se retourna vers le géant, et, pour le provoquer, frappa sur son bouclier avec sa lame.
« Allez, mon gros ! Viens prendre ta raclée ! »
La provocation marcha plutôt bien. Gordon s’élança en courant vers Cahir, levant sa hache, et l’abattit sur Cahir. Ce dernier tendit son bouclier en avant, et vit la hache s’enfoncer dedans, ressortant de l’autre côté, manquant de peu de s’enfoncer dans la tête de l’apatride. Utilisant sa force hors du commun, le géant souleva alors sa hache, et renversa Cahir, l’envoyant valdinguer sur le sol. Cahir roula sur le sol, son armure se couvrant de poussière, et atterrit sur le ventre, sentant dans son dos l’ombre du géant. La hache était à nouveau brandie, et l’apatride l’esquiva à l’aide d’une roulade, et tenta de frapper avec son pied la tête du monstre. Malgré l’armure, qui rendait ses coups plus puissants, la tête de Gordon se contenta d’hocher légèrement sous le coup qu’il se reçut au menton.
Cahir se redressa, et vit la hache venir sur sa droite. Il l’évita à nouveau, et se rua vers l’ennemi, tenant l’épée vers le bas. Il s’arrêta en s’appuyant sur le pied en avant, et s’en servit pour se retourner, en profitant pour lever l’épée, et pour lui donner du mouvement et de l’amplitude en se retournant pour l’abattre. Sa lame heurta celle de Gordon, et la danse des lames put commencer. Chaque bretteur avait, dans ce domaine, un style particulier. Celui de Cahir était très agressif, amenant le géant à devoir se défendre. L’homme avait beau être massif, la lame de Cahir avait été forgée dans l’acier valyrien, et était manié par quelqu’un qui s’entraînait depuis son plus jeune âge. L’apatride poussait des cris rauques à chaque coup, comme pour se donner de la puissance. Gordon ne semblait pas être à son avantage, et Cahir se permit même un petit sourire en continuant à l’oppresser.
« C’est moi qui me plongerai dans ses cuisses, gros tas ! » lâcha-t-il.
A l’entendre, on pouvait fortement douter de la volonté altruiste de Cahir. S’il se battait contre Gordon, ce n’était pas tant pour sauver ces ploucs, que pour pouvoir profiter de la beauté de Marlène. Gordon n’était pour lui que la clef qui lui permettrait d’accéder à la fleur de cette belle dame. Il était de plus sûr qu’elle était vierge. Mais il lui fallait encore se débarrasser de ce type. Cahir continua à harceler son épée, et un dernier coup fit s’envoler cette dernière. L’imposante lame du monstre roula sur le sol, et Cahir crut alors en avoir fini. Utilisant son poing massif, la brute tendit sa main en avant, et attrapa Cahir à la gorge, l’envoyant s’écraser sur le sol, avant de le balancer contre un mur à proximité. Cahir l’heurta douloureusement, séparé de son épée.
Son épaule gauche lui faisait mal, mais il n’eut pas vraiment le temps de s’en plaindre. Décidé à en finir avec ce gêneur, la massive brute avait à nouveau brandi sa hache, prêt à l’abattre sur Cahir, se ruant sur lui. Ce dernier s’empara de son bouclier, qui avait attiré là, et ne put que le tenir des deux mains. La hache se fracassa avec violence sur le bouclier, faisant voler des échardes de bois. L’apatride relâcha alors son bouclier, roula sur le sol en s’aidant de son épaule droite, et attrapa avec la main gauche un petit poignard accroché à sa ceinture. Il bondit vers le géant, et planta la lame dans son ventre.
« Crève ! » hurla Cahir en enfonçant la lame.
Le sang de Gordon lui éclaboussa la figure, et Cahir se reçut ensuite une gifle magistrale, qui l’envoya s’écraser sur la terre. Le géant retira la lame de son corps en riant, et la balança au loin, avant de briser le bouclier d’un coup de pied. Le beau bouclier de Cahir, découpé en deux, s’écrasa mollement sur le sol, tandis que Cahir, sonné, reprenait ses esprits.
*Il est fait en quoi, ce mec ? Bordel...*
L’une de ses oreilles sifflait douloureusement, et il s’était ouvert la lèvre. Sentant la fin du combat proche, le géant s’approchait lentement, conscient que toute la populace observait, derrière leurs rideaux, la scène. Quoi de mieux qu’une exécution publique pour encourager les plus retors à rentrer dans le rang ? L’apatride, de son côté, rampait sur le sol, visiblement sonné. Sa main heurta un caillou, pas trop gros, et son esprit se mit à vagabonder en arrière, remontant fort loin dans le passé, à cette époque où sa mère lui contait des histoires.
*Il y en avait notamment une... Un mythe biblique... David défiant Goliath, et le terrassant avec une fronde... Un caillou lancé dans le front... Je ne pense pas qu’heurter le front de ce colosse avec un caillou le tuera sur le coup, mais, si je visais un peu plus bas...*
L’apatride entreprit de se relever, tenant dans sa main droite, refermée, un léger caillou. Le géant le contempla avec un large sourire, relevant et abattant sa hache, ses yeux démentiels fixant cette demi-portion qui l’avait nargué. Cahir ferma lentement les yeux. Il n’était pas un franc-tireur, mais il fut un temps où il s‘amusait à lancer de nombreux cailloux, dans le grand lac du manoir familial, pour faire des ricochets. Il fixa les yeux affreux du géant, et se mit à courir, avant de s’arrêter. Comme pour son épée, il resta dos au géant, et se mit à tourner sur lui-même, donnant à son bras droit l’amplitude nécessaire pour lancer le caillou à pleine vitesse. Cahir fixa ensuite les yeux du géant, cessa de respirer, pria pour que sa main ne tremble pas, et l’envoya en l’air. Sa main gauche vint bloquer son poignet droit, et il écarta les doigts, lançant le caillou en levant un genou. Ce dernier siffla en fendant l’air. Miracle divin ou non, il heurta de plein fouet l’œil gauche du monstre, qui en poussa un couinement de douleur.
Son sourcil se ferma, laissant toutefois s’échapper deux petits filaments écarlates. Sans attendre plus longtemps, Cahir courut vers le monstre. L’une des mains du colosse était plaquée sur sa tête, mais l’autre tenait toujours fermement la hache. D’un coup mal assuré, il tenta de frapper Cahir, qui fit une roulade en avant, atterrissant près des jambes du monstre. Accroupi, il enroula ses bras autour de l’une de ses jambes, essayant de le faire chavirer. Gordon tangua, et abattit son poing gauche, délaissant ainsi sa paupière, sur le dos de Cahir. Malgré la douleur, qui lui fit serrer les dents, il força un peu, avant de faire pencher le géant. Son poids massif allait lui porter défaut. La gravité l’attira à lui, et la brute s’écrasa sur le sol.
L’adrénaline battant dans ses veines, Cahir s’approcha de la main qui tenait la hache, et frappa violemment la base de cette dernière, avec son talon. Les doigts s’ouvrirent, et il s’empara de la hache. Il dut la tenir à deux mains, tant elle était lourde, et la souleva maladroitement.
« On va voir qui est le plus petit, maintenant ! »
Cahir abattit la hache en visant la gorge du monstre, qui tenta inutilement de se protéger avec sa main. Quelques doigts furent arrachés, et la hache se planta nette dans le cou du colosse, le décapitant. Cahir fixa l’immense œil du monstre, la vie s’en échappant. Soupirant longuement, Cahir s’écroula alors contre le flanc de ce colosse, soupirant longuement. Les villageois étaient muets de stupeur. Gordon était étalé au milieu de leur village, baignant dans son propre sang.
C’est à ce moment que Cahir réalisa que la moitié de son visage au moins était recouverte par le sang de Gordon, allant jusqu’à légèrement maculer ses cheveux. Il entreprit de s’essuyer un peu, avant de se relever, et saisit la tête du colosse, la levant en l’air.
« Ah ! hurla-t-il. Voyez ! Le monstre qui vous terrorisait ! Mort ! »
Il balança alors la tête de Gordon sur le sol. Cette dernière roula jusqu’aux pieds d’un villageois stupéfait.
« Vous... Vous... tentait-il de dire.
- Ouais, je l’ai fait ! Et, comme vous n’avez sûrement pas d’or à me donner pour la tête de ce bestiau, je crois que je me contenterais de votre belle beauté !
- Mais... lâcha le villageois. Elle... Vous... Elle est encore vierge, Messire... réussit à dire ce dernier, ne sachant visiblement pas quoi dire.
- C’est encore mieux ainsi ! » s’exclama Cahir.
Un combat, il n’y avait rien de mieux pour se sentir vivant. Le sang, la sueur, l’adrénaline... Un sacré cocktail. Cahir se sentait plein de vie et de force.
*Je vais la faire grimper aux rideaux, cette petite beauté, moi... Prenez-en de la graine, culs-terreux !*