[PV] Trip the Darkness

Un opéra...


L'air de rien, la chanteuse en Miya rêvait de ce genre de scène. Mais sans les inconvénients autour. Elle aimait être adulée, mais pas trop non plus - trop de succès finit par irrémédiablement vous attirer des parasites et des indésirables très collants... Miya voulait le succès, et les moyens, mais sans les défauts, le côté sombre derrière le rideau.


Sur la scène, une femme hurlait ses vocalises de manière horripilante. La demi déesse aurait presque voulu lui hurler de se taire, et de commencer à chanter réellement, au lieu de "beugler comme une truie", glissa-t-elle à son voisin. Kotaro Ochinose, yakuza d'un des plus grand groupe du Japon, rit doucement à sa remarque. Le spectacle fut long, et éprouvant pour les oreilles de la demi déesse. Elle se dit que ce genre d'endroit ne devrait pas à subir ce genre d'outrage. Il se déroula un cocktail, après le spectacle. Après les mondanités qui s'imposaient, Miya auraient sans doute été raccompagnée à son chez elle actuel dans la limousine du yakuza, avant qu'ils ne se quittent, avec la promesse de bientôt se revoir. Il fallait dire que l'homme était fan de sa voix...


Pourtant, ce n'est pas ainsi que les choses se passèrent. Parce qu'au lieu de guider Miya vers la sortie, Kotaro choisit de retourner vers la salle. Il s'appuya contre le chambranle d'une porte, alors que la demi déesse le dévisageait, sans vraiment comprendre ce qu'il semblait attendre d'elle. Et quand l'homme lui montra la scène d'un simple mouvement du menton, elle comprit.


- Faites moi entendre ce que donne votre voix dans ce genre d'endroit. Oh, ne faites pas votre timide, Miya ! Ca ne vous va pas du tout !


L'homme rit doucement, creusant des rides aux coins de ses lèvres et de ses yeux. t effectivement, Miya ne se fit pas prier davantage. Bien entendu, qu'elle s'aimait et qu'elle s'estimait bien trop, que son égo était démesuré. Mais qui n'aurait pas aimé sa voix ? A peine sur scène, en plein milieu, seulement éclairée des rares ampoules encore allumées, elle commença par une chanson que le yakuza appréciait particulièrement... A la fin de laquelle il applaudit, bien entendu, avant de s'éclipser au début de la seconde chanson. Miya ne s'en aperçut même pas, plus occupée à chercher l'endroit où sa voix portait le mieux, résonnait parfaitement. Ses pieds dessinaient une danse rythmée par ses chansons. Et sa voix tonnait, sans complexe, dans l'Opéra vide...

Comme souvent, après la fin des représentations, dont il connaissait le programme par cœur, Erik errait, seul, dans les passages secrets et les sombres recoins de l'opéra, parcourant discrètement ses couloirs quand plus personne d'autre ne le faisait, évitant la vue de tous. C'était pour lui un jeu d'enfant. Il avait un véritable don pour cela depuis toujours, même si l'expérience de la vie l'avait largement aidé à développer ses talents. À sa grande surprise, il constata que l'opéra n'était pas aussi vide qu'il le pensait. C'était même certain... Il entendait une voix. Il y avait à ce moment même quelqu'un sur la scène. Une chanteuse, la voix permettait clairement de le déterminer... À cette heure ? Alors qu'aucune représentation n'était prévue ? C'était plus qu'improbable ! Il ne se souvenait pas non plus avoir entendu parler de représentation ou d'un quelconque autre événement aussi tardif... Il ne devait y avoir aucun spectacle. Il le savait fort bien.

En effet, à sa surprise, la femme était complètement seule sur la scène, et même dans la pièce. Elle ne chantait pour personne, sauf pour elle-même. Enfin, et pour lui, mais cela, elle l'ignorait... Il avait tout le loisir de l'écouter, ce qu'il fit avec grand plaisir. Il faut dire que sa voix était réellement sublime, pour ne pas dire divine. Curieux, désirant mieux contempler la cantatrice, il s'approcha. Il désirait voir si la beauté de sa voix égalait celle de son corps. Il s'était attendu à voir une belle femme, mais il ne fut pas au bout de ses surprises car elle était autre chose : tout simplement magnifique. Au moins aussi splendide que sa voix. Parfaite...

Il la contempla silencieusement un moment et décida de faire quelque chose pour lui faire plaisir. Le Fantôme se décida à jouer avec les mécanismes de la scène et les lumières pour la mettre en valeur sous les feux des projecteurs, tout en continuant à l'admirer, sa beauté ainsi mise en valeur. Il tenta de faire tout le plus discrètement possible, sans être vu, avant de redescendre sur scène et, à son tour, de chanter d'une voix de ténor claire et envoûtante, derrière elle, s'approchant lentement de la jeune femme, espérant ainsi lui plaire...

La culture musicale de Miya était, incroyablement, très peu riche. Elle aimait se contenter de ses coups de coeurs entendus à la radio, des curiosités trouvées sur un CD à la pochette attrayante. Son répertoire, pourtant, était incroyablement riche, et elle s'en rendit compte tandis qu'elle donnait de la voix dans cet opéra. Elle voulait tout donner. Pour ce simple plaisir égoïste de s'aimer un peu plus, d'aimer ce qu'elle faisait. Bon sang, pour une fois qu'elle pouvait évoluer sur une grande scène. Ce n'étaient pourtant pas les propositions qui avaient manquées. Mais... Si Miya était simple, ça se saurait, non ?


Alors elle chantait, à pleins poumons, de toute sa puissance vocale. Elle ne se rendit pas compte des changements subtils dans la lumière : elle se contentait de la chaleur des projecteurs. Mais soudain, alors qu'elle entamait une balade qu'elle affectionnait particulièrement, une voix la rejoignit. Celle de Miya s'éteignit, progressivement. Soudain, la lumière semblait l'agresser, et l'empêcha de voir qui osait l'interrompre. Et l'homme apparut, masqué. A mesure qu'il approchait, Miya recula. Intimidée, d'une certaine façon, oui. Mais lui ne s'arrêta pas de chanter... Comment devait-elle le prendre ? Comme un défi, ou une invitation à un duo ? Les yeux légèrement plissés, elle tenta de voir le visage derrière le masque - en vain. Elle devait se contenter de cette voix qui la faisait vibrer.


En fait, jamais Miya n'avait pris le temps d'écouter quelqu'un d'autre qu'elle. Ou plutôt, elle n'avait jamais réellement apprécié d'autres voix. Il y avait quelque chose d'incroyable dans le timbre de ce fantôme sorti de nul part. Puis finalement, la timidité - d'une certaine façon - finit par laisser place à une incroyable envie de chanter, en choeur, avec quelqu'un. Quelque chose qu'elle n'avait encore jamais fait. Modérément, sa voix prit petit à petit de la puissance.


La demi déesse ne le quittait pas des yeux, intriguée. Par la présence de cet homme, par son masque. Il continuait d'avancer, d'un pas modéré, et Miya finit par faire un pas de côté, puis un autre. C'est une étrange danse qui commença : elle s'approchait, fuyait, lui tournait autour. Elle cherchait visiblement, déjà, à percer le mystère qui entourait Erik.


Mais, parce que Miya est égale à elle même, elle se refusait d'être celle qui abandonnerait le chant la première. La curiosité était un vilain défaut qu'elle laissait volontiers aux autres.

Erik était ravi de voir que la belle était prête à l'accompagner en duo et était aussi particulièrement curieuse à son égard. Elle le fuyait, lui tournait autour, sans se laisser faire, sans s'offrir, sans doute afin de chercher à percer ses mystères. C'était déjà à ses yeux une première victoire. Le mystère qui entourait le personnage d'Erik attirait souvent les femmes qu'il croisait et il aimait tout particulièrement le cultiver afin d'en jouer. D'une certaine façon, elle était déjà conquise. C'était en tout cas ainsi que le Fantôme voyait les choses. Ce n'était pas nécessairement la vérité.

Il ne comptait pas s'arrêter en aussi bon chemin et continua à chanter en lui montrant tout le potentiel de sa voix, qui pouvait monter dans les aigus tout comme descendre dans les graves avec une aisance particulièrement naturelle. La maîtrise de son organe était littéralement incroyable et frôlait avec le surnaturel. Il ne désirait pas non plus s'arrêter et cherchait peut-être à faire céder la belle. Cela s'annonçait difficile, mais il ne cherchait pas la facilité : au contraire, c'était là un défi digne de lui et cela lui plaisait tout particulièrement...

Tout en chantant, il écoutait avec attention la voix de la jeune femme afin d'en percevoir toutes les exquises variations, voire même d'y repérer quelques défauts. Elle semblait tout à fait digne d'être son ange de la musique, mais il devait malgré tout s'en assurer. D'un pas déterminé, comme pour chercher à apprivoiser cette beauté farouche, il tenta une nouvelle fois de se rapprocher d'elle afin de l'attraper tendrement par la taille tout en la regardant intensément et en continuant à chanter. Il désirait ardemment la séduire, la gagner...

Le temps que ces tentatives allaient prendre lui importait peu : il avait toute la nuit pour la conquérir. La plus belle des victoires n'était jamais la plus facile, mais au contraire celle que l'on arrachait après des efforts intenses. Il n'y avait aucune gloire à tirer d'une victoire aisément acquise. Ce n'était pas là un exploit. Il avait placé beaucoup d'espoir dans cette beauté qu'il venait de rencontrer et espérait ne pas être déçu.

La scène qu'ils jouaient était tout à fait inédite pour Miya. Jamais elle n'avait encore trouvé quelqu'un qui puisse rivaliser ainsi avec elle. Bien entendu, il y avait des voix qu'elle aimait entendre, mais elle faisait toujours mieux, avec une facilité évidente - Miya n'allait pas avouer que c'était, même pour elle, le fruit d'un très long entraînement ? Toujours est-il que ce soir, sans le savoir, elle venait enfin de trouver quelqu'un "à la hauteur de son talent".

Cet homme dégageait une aura mystérieuse, envoutante. Il l'attirait autant qu'elle voulait le repousser. Elle n'aimait pas qu'on s'approche trop d'elle, surtout quand elle ne connaissait pas la personne. Alors, un homme masqué... Etait-il l'un des chanteurs de l'Opéra qu'elle avait vu ce soir ? Non, sa silhouette ne lui rappelait personne. Sa voix non plus, et c'était surtout là dessus qu'elle se concentrait.

Il approcha. Miya plissa les yeux, mais il fallait croire que son regard noir n'était pas si convainquant que cela, puisqu'elle sentit un bras s'enrouler autour de sa taille. Le regard, derrière le masque, la fixait intensément. Ce moment était magique, vraiment. Mais Miya n'aimait pas qu'on la touche, pas sans son consentement. D'un tournoiement habile, elle se dégagea de la prise du fantôme, et reprit un peu de distance, au bord de la scène.

Trop près. La chanson fut interrompue d'un "Aaah !" tout sauf mélodique, alors qu'elle tombait, surprise, dans l'orchestre. A trop se laisser prendre au jeu, à trop penser, voilà qu'elle en avait oublié le monde autour d'elle, et la taille limitée de la scène, pourtant grande, de l'Opéra. Son cri avait résonné, désagréablement, dans toute l'immense salle, lui renvoyant l'écho de sa maladresse. Miya bénit cependant la moquette épaisse, qui avait amorti sa chute.

Pourtant, une chose déplaisait encore plus à la demi déesse que de s'être ridiculisée ainsi : c'était d'avoir perdu ce "concours", d'avoir été celle qui avait arrêté de chanter la première. Lamentable défaite. Elle se rattraperait au prochain round.

Un rire s'éleva de derrière le masque. L'étrange homme masqué savourait à ce moment précis sa victoire sur la belle et l'observait depuis la scène. À vouloir le fuir, elle était tombée et il avait tout le loisir de la regarder de haut. C'était une douce ironie qu'il savourait. Il provoquait souvent la chute de ceux qui le fuyaient ou lui déplaisaient, mais de manière bien moins littérale que cela. En plus, en l'occurrence, c'était davantage l'inattention de la jeune femme la responsable... Il n'avait rien fait pour la précipiter en bas. Au mieux l'avait-il déconcentrée en chantant avec elle...

Tout en souriant derrière le masque, il descendit de la scène et lui tendit une main gantée pour l'aider à se relever, tout en lui adressant la parole normalement, sans chanter. Sa voix restait agréable et envoûtante, même si cela n'atteignait pas la beauté enchanteresse de son chant. Comme il était d'usage quand on rencontrait quelqu'un, il se présenta. Il était temps de passer à la suite après cette magnifique introduction en chanson...

"Mademoiselle, vous devriez faire plus attention à vous. Vous pourriez vous faire mal... Je suis ravi de voir une femme qui considère avec autant de sérieux l'art du chant. Une femme dont la beauté du corps égale celle de sa voix. Je me prénomme Erik et je vis en ces lieux. Cet opéra est mon domaine et mon sanctuaire. Vous avez sans doute déjà entendu parler de moi, mais point sous ce nom. Je vivais à Paris par le passé. J'ai entendu bien des chanteuses lyriques et des cantatrices par le passé, mais aucune n'alliait comme vous la sensualité et le talent. Vous êtes digne d'un génie comme moi, ma douce... En fait, je pense que vous êtes bien plus, mon ange..."

Il y avait une certaine tendresse dans sa voix et, derrière celle-ci, on pouvait presque ressentir quelque chose d'inquiétant...

La chute n'avait pas été douloureuse. Humiliante, au mieux... Le chanteur descendit, avec plus de grâce qu'elle, de la scène, et lui tendit une main gantée pour l'aider à se relever... Une main tendue que Miya ne refusa pas, et qu'elle prit de la manière presque élégante qui s'imposait pour l'occasion. Et leurs mains restèrent ainsi, l'une dans l'autre, tout le temps que l'homme parla.


Il s'appelait Erik, et se prenait pour le Fantôme de l'Opéra. Et... Miya eut un frisson discret, qui remonta le long de son dos, alors qu'elle retira sa main de l'écrin de velours qu'était celle d'Erik. Cet homme avait une voix certes magnifique, aussi envoûtante que lorsqu'il chantait. Cependant, la demi déesse n'aimait pas du tout ce qu'il disait, et encore moins les termes qu'il utilisait. Elle n'était pas "son" quoi que ce soit, et ses sourcils se froncèrent légèrement, son menton se releva aussi. Elle eut un sourire en coin, légèrement moqueur :


- Vous prétendez être le fantôme de l'opéra ?


Elle garda pour elle une remarque du genre "Retourne à l'asile, pauvre fou !".


- Vous savez que c'est ridicule... Cette légende a vécu il y a très longtemps, et vous ne me semblez pas si vieux que ça, malgré votre masque... Vous êtes, vraiment, un chanteur exceptionnel, et j'ai pris beaucoup de plaisir à chanter avec vous. Cependant...


Les mains de Miya lissèrent sa robe légèrement froissée, et son regard se détourna donc d'Erik. Puis elle tourna les talons, après une courbette polie vers l'homme.


- Au revoir, Monsieur. Je dois à présent quitter ces lieux. Je pense que vous devriez en faire de même, ou bien, aller vous réfugier dans votre "cave" secrète...


La demi déesse remonta l'allée principale, s'arrêta au siège où elle avait laissé son manteau. Restait à voir si le Fantôme allait la laisser partir.

Cette beauté cherchait à le fuir... Et elle ne le croyait pas. Oh, cela ne lui déplaisait pas. Elle était nullement impressionnée par ce qu'il était et présentait donc un défi intéressant. Néanmoins, il ne tenait pas à la voir partir maintenant. Non, elle n'allait pas déjà le quitter... Il devait absolument la retenir. Libre à elle de chercher à l'éviter si elle le voulait, mais elle n'allait certainement pas lui échapper. Il ne pouvait décemment pas laisser filer une beauté pareille... À ses yeux, laisser passer une telle chance était un sacrilège. De telles occasions se présentaient bien trop rarement à lui...

Discrètement, alors qu'elle s'était détournée de lui pour s'éloigner, il se précipita derrière elle et essaya de l'attraper d'une main par la taille. Erik était d'une discrétion surnaturelle et la belle était retournée. Ce n'allait pas être difficile pour lui... En tout cas, c'était là ce qu'il pensait. Pour lui, elle était certes une femme incroyablement talentueuse, mais a priori normale (dans le sens "humaine et mortelle") et elle ne pouvait voir ce que l'on faisait derrière elle quand elle avait le dos tourné. Rares étaient les êtres surnaturels qu'il avait rencontrés durant sa longue vie...

Tout en la tenant fermement, bien que sans violence, il murmura doucement à son oreille :

"Je suis le fantôme de l'opéra, ma muse. Je suis le seul et unique qui ait pu prétendre à ce titre. Je suis toujours en vie car je suis immortel. Je suis celui qui est à l'origine de la légende, mais ce qu'elle ne dit pas... Ce que le roman ne dit pas... C'est que je suis incapable de mourir. Je me serais bien laissé mourir comme on pense que c'est le cas, mais la vérité, c'est que la mort n'a pas voulu de moi. Je ne suis ni un mort-vivant, ni un vampire, je suis... Autre chose.

Si vous ne me croyez pas, laissez-moi vous prouver mes dires, mais de grâce, ne quittez pas ainsi les lieux en me traitant de menteur ! C'est si injurieux et blessant... Je prends personnellement cela comme une terrible insulte. Nous avons mutuellement tant de choses à partager... Vous avez tant à m'offrir. Pas uniquement votre beauté ou votre chant, non... Tout votre être est merveilleux et digne d'être honoré. Quant à moi, je peux aider votre voix à atteindre des notes incroyables. Votre voix s'élèvera comme elle ne s'est jamais élevée. Notre petit duo n'était qu'un échauffement... Suivez-moi, et je ferai de vous la plus grande chanteuse de ce monde. Acceptez, je vous en prie, et vous ne le regretterez pas."

La surprise n'arracha pas à Miya le moindre cri, pourtant, elle brillait dans son regard, mêlée à un peu de colère sans doute. Le prétendu Fantôme la tenait par la taille, contre lui, et elle se retrouva incapable de bouger, tétanisée. Les paroles de cet Erik avaient autant de charme que sa voix, mais tout aussi terrifiante que le masque lui lui conférait cette expression toujours neutre, où seuls les yeux exprimaient quelque chose. Elle fut prise d'un frisson, et posa une main sur l'épaule de l'homme pour s'écarter de lui, se défaire de son emprise.


- Arrêtez. Je ne suis pas votre, de quelque manière que ce soit. Cessez donc ces petits noms. Miya, juste... Juste Miya. Quant à vous, si vous dites vrai... Soit. Pourquoi pas... Permettez moi cependant de douter de l'immortalité de quelqu'un qui ne serait ni dieu, ni vampire... Cependant, je ne resterai pas ici. De plus... On m'a déjà fait le coup de faire monter ma voix dans des notes encore inconnues. Pitié ! Revoyez votre façon de draguer !


Cette fois, elle se détacha complètement d'Erik, pour mettre son long manteau, telle une cape. La curiosité, pourtant, la tiraillait. Cet homme pourrait être, vraiment, un excellent professeur, c'était vrai... Même si la notion de cours était quelque chose qui ne l'avait jamais réellement effleuré. Miya était tellement sure d'elle, de son talent inné pour le chant. Elle reste le regarder un instant, les mains enfoncées dans un manteau qui n'est pas fermé. Ses doigts effleurent le paquet de cigarettes, et qu'elle aimerait fumer en cet instant !


- Vous êtes flippant.


C'est sorti tout seul, dur un ton étrangement calme pourtant. Il y a quelque chose d'étrange chez cet homme, qui la met réellement mal à l'aise. Elle passa une main dans ses cheveux, détourna les yeux.


- Je dois sortir. J'ai besoin d'une cigarette, là. Je fume toujours après avoir chanté. Quant à votre proposition... J'y réfléchirai.


Ca semblait tellement signifier "Cours toujours pour que je revienne" que c'en était presque affligeant. Miya souligna ses paroles en sortant un paquet de cigarettes, et bien sûr, il n'était pas question qu'elle fume en cet endroit.


- Je n'avais jamais pensé à prendre des cours. Cependant, je suis sure que vous seriez un excellent professeur... Cela ne signifie pas que j'accepte votre proposition pour autant, que les choses soient claires à ce propos : car malgré votre talent, je ne pense pas que vous pourrez réellement faire quoi que ce soit pour moi.

Erik sourit. Il n'était pas dupe. Il avait compris que la belle cherchait tout simplement à filer. Elle désirait se libérer de son emprise. Or, il refusait de la laisser partir sans lutter. Il détestait l'idée de l'abandonner alors qu'il y avait encore tant à faire avec elle. Oh non... Elle n'allait certainement pas le quitter comme ça alors que cela venait juste de commencer ! Elle était bien trop précieuse pour la laisser ainsi glisser entre ses doigts et lui échapper...

"Vous ne savez aucunement ce que vous ratez en vous refusant à moi, beauté. Je peux faire plus pour vous qu'aucun homme ne l'a jamais fait. Je peux vous offrir la plus belle musique qu'un compositeur n'ait jamais imaginée. Il faut la magnifique voix d'une diva pour accompagner celle-ci... Votre voix. Sans elle, ma symphonie n'a aucun sens ni aucune valeur. C'est une musique sans âme, vide de toute essence, de toute substance... Un squelette, une coquille desséchée... Quelque chose de profondément creux... Sans voix pour la faire vivre, elle va dépérir pour finalement mourir, sans avoir été entendue par qui que ce soit... Ce sera le pire gâchis que notre doux art n'ait jamais connu, bien plus qu'une symphonie inachevée et néanmoins parvenue à la postérité... Cette musique sera déjà morte avant même d'être née...

Par contre, avec notre amour, ce sera une musique divine. Votre voix et mon esprit ensemble, nos deux talents unis et combinés pour former le plus grand chef d’œuvre ! Un tout qui aura plus de valeur que vous ne pouvez l'imaginer... Je vous en prie, beauté... Restez ! Ensemble, nous pourrons accomplir quelque chose de grandiose ! Une œuvre issue de l'esprit brillant d'un génie tel que moi est bien au-delà de ce que peut généralement espérer une artiste."

Une fois cela dit, il tenta d'attraper sa main pour la retenir. Il ne comptait clairement pas la lâcher...

Les mots d'Erik étaient aussi plaisants que terrifiants. Si Miya se laissait charmer par la promesse d'une musique, de sa voix pour porter un chef d'oeuvre, se faire appeler par un illustre inconnu "mon amour" ne lui plaisait pas. Surtout pour quelqu'un qui tente d'oublier un amant perdu à jamais, qui tente de se refaire une vie. Il lui a pris la main, et la serre, comme si jamais plus il ne devait la lâcher. Elle a un nouveau mouvement de recul.


Miya maudirait presque Kotaro Ochinoe de l'avoir laisser seule ici. Il n'aurait pas pu rester avec elle, pour lui éviter des problèmes avec d'illustres inconnus squatteurs d'Opéra ? D'un autre côté, le fantôme de l'Opéra n'était pas censé se trouver ici, non plus, et Miya était supposée être seule, s'amuser à pousser la chansonnette sur scène, et rentrer chez elle. Sauf que cet homme là, au masque inexpressif, qui la dévisageait, qui la mettait mal à l'aise, ne semblait pas sur le point de la laisser tranquille... Ni s'en aller. son coeur battait à toute rompe face à cette situation des plus dérangeantes. D'un côté elle avait peur, de l'autre, elle voulait chanter, et prouver au monde qu'elle n'était rien de moins que la meilleure.


 - Que les choses soient... Claires, Monsieur. Je veux rester pour chanter. Mais je ne suis pas, et ne serai jamais pour vous, autre chose qu'une chanteuse. Je ne suis pas votre amour, ou votre beauté. Rien du tout. Si je reste, c'est juste pour ce noble art qu'est la musique. Abstenez vous, à l'avenir, de ce genre de commentaire que je trouve trop familier...


"Et démodé", voulut-elle ajouter, mais elle se retint à temps. Croisant les bras pour éviter qu'il ne lui saisisse à nouveau une main, elle lui lança :


 - Faites moi donc écouter cette musique, avant tout...