Le baiser eut le don d'irriter Isamu au possible. il devait bien en reconnaitre l'agréable, mais c'était une sensation bien perdue pour lui. dans une situation qui demandait une solution immédiate, tout ce qu'elle avait en tête c'était de le chauffer encore une fois. pour ne pas envenimer la situation, il ne dit rien.
« Votre inquiétude est touchante, Chevalier, mais je vous ai dit que vous n’aviez pas à vous en faire. J’ignore quel est votre plan, mais j’en ai déjà un, et je compte l’annoncer à mon peuple. Les armées conjointes seront sûrement là dans la soirée, mais, à cet instant, tout serait réglé. »
Il aurait dû s'attendre à une réponse pareille, mais jusqu'alors, il ne l'avait jamais vu changer son attitude vis-à-vis de cette affaire, et ne l'imaginait pas planificatrice.
Elle avait donc un plan. il se demandait ce qu'elle allait faire précisément, mais il était inquiet de songer à ce que pouvait donner le plan d'une personnalité aussi dominatrice.
Après avoir embrassée sa protégée (tiens, c'est Lana!) et lui avoir dit deux mots, Poison Ivy se retourna vers l’assistance.
« J’espère que cette scène vous a plu ! Il est maintenant temps pour moi de vous dire qu’une nouvelle ère va commencer pour ce village. Là, dehors, des armées entières fondent vers nous, et nous massacreront dès ce soir… Sauf si nous ne sommes plus là. Cette forêt est immense. Voilà donc ce que vous allez faire, mes enfants ! D’ici quelques minutes, les effets de mes aphrodisiaques s’évanouiront, et vous pourrez alors sérieusement réfléchir à votre avenir. D’ici deux ou trois heures, ceux qui voudront partir n’auront qu’à se mettre près du moulin à eau. Les autres resteront ici, et accueilleront comme il se doit leurs libérateurs. Greenheaven disparaîtra rapidement, redevenant ce village triste et fade qu’il était avant mon arrivée.
- Où… Où irons-nous, Mère ?
- Nous remonterons le cours de la rivière, et vous vivrez en harmonie avec la Nature, dans l’insouciance de cette vie. Je vous élèverais, je vous apprendrais à vivre dans la nature, à vous protéger, et vous serez heureux. La forêt est suffisamment immense pour couper les ponts entre Greenthornway et Greenheaven. Quant aux soldats… Ce qui les intéresse est le village et les gisements de pierre.
- Il y a forcément une autre solution !
- Malheureusement, non. C’est à vous qu’il incombe de prendre cette décision. »
Là, Isamu fut bien obligé d'admettre que la dame verte l'avait carrément estomaqué. Non seulement ce plan correspondait au vouloir de l'Ordre (du moins de la partie de l'Ordre auquel il obéissait) et contredisait les affirmations initiales de Poison Ivy, mais encore il dut bien reconnaitre qu'il s'agissait d'un parfait compromis qui arrangerait tous les partis, même le problème de l'aubergiste. les seuls lésés dans cette affaire seraient les armées qui espéraient piller dans la joie et la bonne humeur.
d'ailleurs à ce propos, il se devait de faire une petite précision à toute la populace:
-Pour tout ceux qui craindraient que les deux armées les tuent sans autre forme de procès, je précise que j'ai en ma possession un moyen d'assurer qu'ils évitent tout assaut inconsidéré. J'ai sur moi un signal de l'Ordre immaculé que toute armée se doit de respecter. Quel que soit votre choix, il n'y aura donc pas de danger de mort. il ne prêcha pas les valeurs de l’Église, il ne pensait pas que ça avait une valeur quelconque dans la situation. il ne chercha même pas à convaincre qui que se soit du mieux fondé de Greenthornway, il avait depuis la nuit précédente une vision beaucoup moins claire et tranchée du Bien et du Mal.
puis il se tourna vers Poison Ivy :
- pour être sûr qu'ils ne partent pas à votre recherche, je pense qu'il faudrait que j'affirme vous avoir vaincu. vous pourriez me donner un trophée quelconque, pour être plus crédible?
Rapidement, les deux camps se formèrent. aucune dispute ne fut entendue, aucune rancœur parmi les gens de groupes différents, ils semblaient comprendre que c’était un choix à faire individuellement, en son âme et conscience. il y avait plus de villageois restant au village qu'Isamu ne le pensa au premier abord. il y avait notamment quelques familles qui s’inquiétait de l'influence de ce traitement sur leurs enfants, un ou deux couples d'amoureux qui n'envisageaient pas leur vie avec ce genre d'état d’infidélité officielle, des personnes attachées à leur maison ou leur village, et des personnes plus vieilles qui avaient passé l'âge pour ces cornichonneries, ma bon'dame. la majorité revenait certes à Ivy, mais étant donné qu'il supposait une unanimité, il ne se plaignait pas.
Lorsque elle était sur le point de partir, il l'interpella:
-attendez! fit-il. nous séparons-nous en bon termes? je m'en voudrait de n'avoir été qu'une gêne pour vous, après tout ce qui s'est passé... enfin...
on sentait que sa passion retombait après avoir su qu'une solution avait été trouvée, il était déjà moins à l’aise qu’auparavant.
après un geste d'impuissance verbale,il tendit la main.
-...je crois que ce que je veux dire, c'est que j'ai été honoré de faire votre connaissance, Madame Ivy.
Il fut facile de convaincre les deux armées qu'il n'y avait plus à craindre ''La Succube Verte'' que le prêtre avait décrit. il y eut une certaine suspicion au premier abord, mais force était d'admettre que tout le village était normal à nouveau et qu'imaginer une créature aussi influente et de caractère aussi imposant quitter sa place forte sans le moindre combat était aberrant.
Il fut admiré pour sa bravoure, malgré toute ses protestations sur le fait qu'il avait eu plus de chance que de courage (ajoutant aussi une allusion à la direction divine qui avait guidé sa lame, bien sûr.) et le nombre réduit de survivants.
Isamu prit le temps de glisser à l'oreille du prêtre du village d'éviter le sujet de la Succube Verte devant sa paroisse, comme quoi les gens étaient encore assez irritables à ce propos. il voulait éviter que le prêtre soit lynché , il serait dommage qu'il soit le premier mort qu'Isamu aurait à se reprocher autour de ce village, tout de même.
puis il reprit sa route, songeant qu'il devrait laisser cette histoire décanter dans sa tête avant d'en faire un rapport. Pour éviter tout problème, il savait déjà qu'il ne mentionnerait pas sa défaillance, donnerait la même idée de la fin de la ''créature''.
il sortit de la forêt, sifflotant une ballade religieuse, les yeux dans le vague et les pensées divisées entre deux personnes.