« Je ne te l'ai jamais dit, mais je pense que c'est une bonne occasion pour en parler... »
Moui... Alice regarda brièvement autour d’elle. Elle était nue, à l’exception de ses gants et de ses bottes noires, et avait commencé une partie de sexe sauvage avec des jumelles perverses. Et Sakura s’apprêtait à lui faire de grosses révélations. Si la Princesse en était émue, elle ne savait pas quoi dire. Pour elle, ce n’était pas vraiment de cette manière qu’elle avait envisagé Sakura se confier à elle, mais, à bien y réfléchir, elle avait du mal à concevoir le moment « idéal ». Sakura était choquée, et Alice était suffisamment intelligente pour savoir qu’il n’y avait pas que ces deux jumelles cochonnes qui avaient marqué sa belle.
Ce fut donc un long discours, et Alice ne dit rien, se contentant de soutenir sa femme du regard. Elle parla sur un ton cassé, difficile, prête à flancher à chaque fin de phrase. La Princesse pouvait sentir la voix de Sakura trembloter. Bien sûr, Alice s’était doutée que la vie de Sakura, en tant qu’esclave avait été difficile. Elle s’était renseignée sur le sujet, mais Sakura avait toujours refusé d’en parler. A chaque fois qu’Alice avait essayé de la mettre en confiance, sa femme se refermait comme une coque de noix. La Princesse savait pourtant qu’un tel traumatisme ne pouvait pas se conserver, qu’elle devait en parler, mais sa chérie pouvait être sacrément têtue quand elle le voulait... Certains mots étaient tabous face à elle : évoquer l’esclavage, ou lui parler de la Terre, en étaient quelques exemples. Alice rougit légèrement, au fur et à mesure que Sakura évoquait les atrocités, déballant tout son sac. Elle ne disait rien, se contentant de l’observer, de rester ferme et stoïque, sachant que, dans une certaine mesure, Sakura devait s’appuyer sur son regard. Alice avait tellement attendu ce moment... Et il avait fallu qu’elle le déballe devant les Karistal !
« L’esclavage à b-brisée ma vie et ma f-famille... je ne voulait pas en plus qu'elle me brise moi, pour servir de... j-jouet à une autre personne... C'est pour cette raison que je ne veux plus jamais avoir affaire à ce genre de chose, sur moi ou une autre ! »
Elle avait glissé la fin de ce discours avec une conviction forte. Alice en baissa légèrement les yeux, et prit alors sa femme entre ses bras faisant la seule chose qui lui traversait l’esprit : un câlin fort, serrant son corps contre le sien. Qu’elle sache qu’elle n’était plus dans les geôles des Atayoshi, mais ici, dans les montagnes de Sylvandell, où personne ne pourrait plus jamais la traiter comme une esclave. Alice ferma les yeux, et sentit malgré elle des larmes venir. Dans sa tête, elle voyait ces images affreuses, ces scènes de souffrance physiques et mentales, où on la droguait pour la forcer à aimer ça... Du coup, Alice, sans s’en rendre compte, serrait un peu plus fort sa femme. Elle en avait le cœur déchiré.
Avec un tel passif, jamais Sakura ne pourrait tolérer l’esclavagisme. C’était impossible. Sakura n’avait pas fini, et poursuivit, alors que les mains d’Alice caressaient lentement ses cheveux :
« En entrant dans la chambre et en écoutant Yuka parler, j'ai pu constatée que cette dernière réagissait et s'exprimait... comme une esclave brisée par un esclavagiste... Ce que j'aurais pu devenir, si Ayano était morte avec mes parents... »
Soupirant lentement, Alice remit alors sa tête devant celui de Sakura, et posa son front contre le sien. Ses mains allèrent agripper celles de Sakura, les serrant fermement, et elle se mit à parler :
« Toute cette souffrance, Sakura... »
La Princesse eut un autre soupir, avant de baisser la tête, et de reprendre :
« Tu ne peux pas conserver toute seule cette douleur, Sakura... Je t’aime. Et l’amour, ça n’implique pas que de partager nos moments de bonheur. Le fardeau de ton passé... Ma pauvre... »
Émue, Alice avait du mal à parler, et elle retourna serrer contre elle le corps de sa belle, avant de poursuivre :
« Yuka... Elle... Je sais que tu as été traumatisée, et que tu ne peux pas le comprendre, mais certaines personnes apprécient naturellement l’idée d’être soumises... Une espèce de plaisir pervers... Yuka n’a pas été droguée, et, crois-moi, son esprit n’a pas été brisé comme le tien... C’est juste que... Elle n’a pas autant souffert que toi, et, là où tu as connu l’horreur de la soumission, elle voit ça comme un jeu... »
Alice n’était pas très sûre du bien-fondé ses paroles, de la justesse de ses propos, mais elle était extrêmement émue, d’où une certaine difficulté à parler de manière cohérente.
« Yu... Yuko n’est pas Hiro, et les Karistal ne sont pas les Ayatoshi... Je... Je sais que tu ne pourras jamais le croire, mais... Tous les esclavagistes ne sont pas aussi cruels que celui qui t’a fait ça... J’en suis le parfait exemple, non ? Quand on s’est connues, tu étais mon esclave. Mais je t’ai aidé à renaître. Les... Les Karistal sont comme moi, dans un sens... Elles n’obtiennent pas le droit de contrôler la vie d’individus pour les briser, mais pour les aider à renaître. Je... Il... »
S’embrouillant, Alice fut alors interrompue dans ses explications par l’intervention des jumelles en question. Piteusement, ces dernières se mirent à parler ensembles, avec ce mimétisme bluffant, cette espèce de complémentarité qu’on ne pouvait trouver que chez les jumelles. Qu’est-ce qui avait fait que, des deux, Yuko soit la dominante, et Yuka la dominée ? Qu’est-ce qui avait bien pu amener un jour Yuko à donner une gifle à Yuka, et à amener cette dernière à aimer ça ? La génétique ? Était-ce inscrit dans leurs gènes ? Est-ce que, au moment de leur conception, un fœtus avait pris le devant sur l’autre ? Alice avait entendu parler de ces sinistres histoires où, dans des grossesses compliquées, pour survivre, un fœtus dévorait un autre fœtus. Comme si la domination était quelque chose d’innée, de génétique, nécessaire à la survie. Est-ce que les Karistal avaient éduqué leurs jumelles pour que l’une domine, et que l’autre soit dominée ? Ces questions soulevaient des enjeux philosophiques qui dépassaient de loin le problème actuel, des questions auxquelles Alice n’aurait jamais la réponse, des questions auxquelles les Dieux eux-mêmes n’avaient aucune réponse à apporter.
Yuka et Yuko tentèrent d’expliquer à Sakura que Yuka aimait ça, et qu’elle ne s’était nullement forcée. Elles lui expliquèrent que ce n’était pas ainsi qu’elles voulaient rencontrer la femme de la Princesse, et qu’elles étaient désolées. Elles terminèrent en parlant de la possibilité d’être transformées en nekos, en baissant alors simultanément la tête. Un tel synchronisme était bien trop rapide et naturel pour être artificiel. Alice ne pouvait que les jalouser ; elles étaient sur une longueur d’onde et une confiance qu’Alice n’aurait sans doute jamais avec Sakura. Que cette dernière ne lui ait jamais parlé de ce qu’elle avait vécu en était, après tout, la preuve. En baissant ainsi la tête, elles avaient l’air d’être l’innocence même. Alice crut alors bon d’ajouter, en murmurant dans le creux de l’oreille de Sakura, sur un ton plus léger :
« Je crois que je n’ai pas eu le temps de te le dire, mais... Les Karistal adorent tout ce qui se rapporte aux félins. Alors, quand elles ont appris que tu pouvais terramorpher les gens de ton choix, elles ont vu là l’occasion de réaliser l’un de leurs rêves... Se transformer en nekos... »
Terminant cela, Alice conclut, en serrant l’une des mains de Sakura dans ses deux mains :
« Sache que je t’aime, Sakura. Nous nous sommes mariées très rapidement, mais je ne l’aurais pas fait si je n’en avais pas été sûre. J’ai accepté de partager ma vie avec toi, de me lier à toi, dans tout ce que cela implique. »
C’était maintenant à Sakura d’agir... Les trois blondes étaient, pour ainsi dire, suspendues à ses lèvres.