- C'est ça ! Appelle des copines !
Ils rigoleront moins quand elle sera là. Elle arrive tout de suite, mais ça veut tout dire et rien dire. J'hésite à donner tout ce que j'ai alors que j'ai encore de l'avance. Si je me retrouve bloquée ou si l'un d'entre eux me rattrape je serais seule pour me défendre. J'espère que Priscilla n'aura pas de mal à me trouver. En attendant j'arrive dans l'ombre de l'énorme bâtiment. Pas le temps de réfléchir, je dévie vers la droite pour me jeter contre la première porte venue. Elle s'ouvre. Le temps de retrouver mon équilibre je file dans une immense salle. Pas d'éclairage, la seule lumière vient des très hautes fenêtres, brisées pour la plupart. Il y a des escaliers et des passerelle métalliques qui courent dans tous les sens, du sol au plafond. Ça doit bien représenter six étages, et de vieilles machines sont encore piégées dans fatras.
Je ne peux plus me contenter de fuir en ligne droite. Vu comme mes pas résonnent ils auront du mal à me repérer au son. S'ils me perdent de vue dans cet labyrinthe j'aurais peut-être une chance. Je pourrais au moins gagner du temps, et si Priscilla arrive je pense qu'elle ne fera pas de détails. Mais alors que je me lance vers un escalier je trébuche sur quelque chose de gros, et mou. Heureusement que mon corps et mon esprit sont en mode survie, j'ai le réflexe de lancer mon bras droit du côté opposé, déviant ma chute pour la finir en roulant sur le côté. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Un sac de gravats, ou de poussière.
J'allume à nouveau mon portable pour éclairer l'objet mystérieux et...
- Merde...
Un corps, et encore tiède. Je reste figée une seconde, un frisson de panique remonte le longe de mon dos comme la foudre. Casse-toi, Hitomi ! Je m'écarte à reculons du cadavre, mais je distingue déjà d'autres silhouettes gisant au sol. La panique me prend. Soudain j'entends les bruits d'un combat, un cri ou deux et des pas qui s'enfuient. Je ne sais pas qui ou qu'est-ce qui a tué ces gens, mais c'est encore là. je n'ai plus à m'en faire pour ceux qui me poursuivait, mais qu'est-ce qui va me tomber dessus maintenant ? Je suis paralysée, je respire à fond pourtant je manque d'air. Des pas, encore, mais qui approchent. Il ou elle revient dans la fosse commune pour s'occuper de moi. Et vu la vitesse où mes agresseurs ont détalé, je doute que la fuite soit une option.
Une silhouette vient se découper dans l'encadrement de la porte. Elle est grande, gracieuse. C'est une femme, au corps athlétique et longs cheveux, sombres. Je n'ose pas bouger alors qu'elle approche, ses pas résonnant dans l'immense pièce. Mais bizarrement je sens la terreur qui reflue, comme si mon instinct s'apaisait. Seule ma raison se tient encore en alerte, et elle ne tarde pas à douter. Je connais cette démarche, ces formes. Mais je n'arrive pas vraiment à me rappeler sur le coup.
- Ça va ?
Mon esprit est soudain traversé d'échos qui se répercutent. Je connais cette voix, elle m'a déjà dit les mêmes mots. Je l'entends et je me souviens. Les images et les sons tombent comme la grêle. Le club où je suis réfugiée après m'être perdue.
" Euh bonjour, puis-je vous aider ? "
Cette femme, à la fois distante et étrangement rassurante, d'une beauté à tomber à la renverse.
" Moi c'est Priscilla "
Le métro, et ces hommes qu'elle a envoyé au tapis sans même transpirer.
" Quelle soirée ! Ça va sinon ? "
Le retour chez moi, sa danse, puis... Puis nous avons plus parlé pendant un moment, mais la panique ensuite, en réalisant qu'elle n'était pas humaine. Et la tendresse avec laquelle elle m'a traitée ensuite.
" N'aie pas peur de moi. "
Cette elle, et je n'ai pas peur d'elle. Je me relève d'un bond pour me ruer dans sa direction. Les cadavres ne comptent déjà plus. En arrivant à sa portée je passe mes bras sous les siens, pour me serrer contre elle avec un soupir de soulagement. C'est fini, je suis en sécurité maintenant. Il ne peut plus rien m'arriver.
- Merci, Priscilla.
Elle ne s'attendait peut-être pas à ça après la façon dont avait tourné notre première soirée. Mais si j'ai voulu la revoir ce n'était pas que par curiosité, c'était aussi pour me rattraper. Et finalement c'est encore elle qui a du rattraper mon imprudence. Je reste blottie contre elle. Quelques larmes perlent aux coin de mes yeux mais elles n'ont rien de triste. Je suis contente de l'avoir retrouvée, et qu'elle m'ait retrouvée à temps. Tout était réel, si incroyable que ça ait paru sur le coup.
- Désolée... Je voulais retourner au Dalhia Noir mais... Je voulais te voir... Pour être sûre que je n'avais pas rêvé.