Les yeux écarquillés par la stupéfaction, la main tenant toujours mon portable au niveau de mon oreille gauche, je ne me rendis même pas compte que la tonalité, signe que la ligne entre les deux téléphones avait été coupée, jouait sa désagréable musique depuis quelques secondes. En fait, en y repensant bien, le mot ‘’stupéfaction’’ n’est pas le mieux employé pour décrire l’état dans lequel je me trouvais à ce moment; j’étais totalement sidéré. Comment avais-je pu mal juger cette femme à ce point? J’avais été lamentable et, au vu de mon expérience dans le domaine, c’était inacceptable. Une erreur de nouveau dans la matière, et non de vétéran! Je rageais en silence dans mon bureau, alors que j’avais totalement arrêté de travailler, j’étais obsédé par cet échec.
Refermant mes dossiers, je passai la journée, ou ce qu’il en restait, à passer des coups de fils, faire des recherches sur la seule chose que je connaissais d’elle; son nom. Il y avait longtemps que je n’avais pas eut à faire ça pour une ‘’victime’’, mon flair me permettant avec précision de décider quelle était la meilleure approche à utiliser. Cependant, avec elle, je ne voulais plus prendre de chances. J’écrivais tout ce qu’on pouvait m’apprendre sur elle; je savais qu’elle travaillais comme infirmière dans la région, j’avais donc décidé de faire jouer mes relations afin d’en apprendre plus sur cette femme aux apparences innocentes.
J’écoutais, j’écrivais, sans vraiment analyser l’information qu’on me donnait, je faisais simplement du ‘’ copier-coller ‘’, l’analyse serait pour plus tard, lorsque je jugerais que j’en aurais assez. Deux heures et trois pages remplies plus tard, j’attrapai un marqueur jaune avant de commencer à surligner les faits récurrents. Une fois cette étape terminée, j’essayai de distinguer le vrai du faux. Apparemment, je n’étais pas aussi loin de cette femme que j’aurais pu le croire; elle fait son innocente pour mieux manipuler les autres, mener la danse et ainsi avoir ce qu’elle désire. Elle voit, elle veut, elle prend, rien de plus simple. La pire chose que je devais me méfier, c’était son esprit analytique, qui apparemment, avait compris ce que j’avais essayé de faire la première fois, je devrais donc sortir le grand jeu du manipulateur, si je la voulais. Le problème, c’était qu’en temps normal, je n’aurais même pas pris la peine de prendre plus d’information sur elle; je l’aurais suivi, histoire de connaître ses habitudes, je lui aurais tendu un piège, une fois sa routine bien installée dans ma tête, dans un endroit où elle se sentait en confiance, j’en aurais tiré tout ce que je souhaitais, puis serais reparti, sifflotant tranquillement. En temps normal, c’était ce que je faisais, mais allez savoir pourquoi, l’idée de l’échec m’avait stimulé, comme si, depuis un moment, je ne trouves personne qui me donnes du fil à retordre, aucun ‘’challenge’’, mais j’en avais un maintenant, et je ressentais cette fébrilité qui m’habitait quand ma vie sur Terre a commencé.
Un fait qui m’avait attiré plus que les autres était son habitation; l’appartement au-dessus du bar dans lequel nous nous sommes rencontrés. S’il y avait donc un endroit où je pouvais la rencontrer, c’était bien là.
Me doutant qu’elle n’y serait pas, je décidai d’aller y faire un tour, m’imprégner de cet endroit, de le connaître avant de pouvoir discuter avec la jeune dame. Garant ma voiture dans le même espace, je remarquai que, par contre, le portier était le même que la dernière fois. Il faut croire qu’il m’avait reconnu, car il se déplaça d’un pas alors que j’arrivais à sa hauteur, signe qu’il me laissait passer.
Mais il n’était pas seul à y être; elle était là, assise au bar, presque au même endroit que la première fois. C’était râpé, je ne pouvais plus faire l’éclaireur et connaître cet endroit avant de lui parler, sinon je risquais de me perdre dès le début, je devais y aller franco… Encore un autre échec face à ma connaissance de cette femme. Comme si de rien n’était, j’arrivai à côté d’elle, ne la regardant pas, mais un petit sourire aux lèvres.
Comme première impression, j’ai déjà fait mieux, revenons donc en arrière; Est-ce qu’Hiro pourrait partager votre charmante compagnie?
Un petit sourire amusé aux lèvres, je demandai au barman qu’il me serve un Whiskey sur glace. Non, ce n’était pas drôle, et ce n’en était pas le but. En fait, s’était plutôt l’inverse, je jouais le mec qui tentais de se racheter, pathétiquement avouons le, d’une bourde qu’il avait commise. Si je voulais qu’elle me croie et qu’elle m’accorde une seconde chance, je devais me surpasser, être absolument sûr qu’elle ne se rende pas compte de qui je suis réellement. Une femme de cette intelligence, on ne peut la tromper deux fois, j’ai donc décidé de tirer, je dois m’assurer de viser juste, histoire de ne pas me faire descendre.