Cathleen assistait, impuissante, à ce qui se passait. Elle était terrifiée, oui, par ce qui se passait. Elle n'arrivait pas à croire que ce qu'elle avait trouvé avait fonctionné. Il y avait là, près d'eux, une déesse. Une déesse que Alerick narguait. l'irlandaise n'aimait pas ça du tout.
Et Silke non plus, à vrai dire. Sans mauvais jeu de mot, elle gardait un sang froid à toute épreuve. Du moins le pensait-elle. Le fantôme se présenta comme tel, un esprit majeur qui la trouvait prétentieuse. C'était très mal la connaître, mais de toute façon, la Walkyrie n'allait pas s'en formaliser. Il la menaça. Et Silke, finalement, perdit patience. Son faciès inébranlable mua brusquement, alors qu'elle bascula la tête légèrement en arrière, et qu'elle éclata de rire.
C'était une réaction tout à fait inédite, même pour elle. Son Loup, lui, ne trouvait pas cela drôle du tout, et montrait les crocs à Alerick, sans gronder. Mais il n'en restait pas moins terrifiant. Sa courte hilarité passée, Silke toisa à nouveau de son regard turquoise le fantôme qui lui faisait face. Elle n'était pas amusée, contrairement à ce qu'on pouvait s'attendre ; mais sa colère était toujours palpable.
- Regardez moi ça. Une pauvre âme qui pense m'apprendre ce que je suis, qui pense me faire peur ou m'apprendre mes limites. Imbécile arrogant ! Tu crois me faire peur ? Tu remets en doute ce que je suis ?
La main partiellement gantée d'argent de la Walkyrie caressa le cou de sa monture blanche. C'était un geste pour la calmer, avant toute chose. Parce que nul doute que la guerrière, en elle, aurait déjà tranché dans l'âme de cet idiot. Silke en aurait déjà presque regretté ses champs de bataille, et ces guerriers qui refusaient de mourir...
- Je n'ai pas à me justifier auprès de toi. Tu n'es rien, et ce n'est que par mon bon vouloir que je suis ici. Tu veux des réponses ? Bien. J'ai été mortelle, tout comme toi, avant que Odin ne décide de me prendre à son service. Je connais la douleur de la mort. Et quand bien même tu ne me prends pas pour une déesse, c'est ce que je suis. J'ai le pouvoir de prendre les âmes, de les guider jusqu'au Valhalla. Avant de te prétendre "revenant majeur", peut-être aurait-il fallu être autre chose qu'un pauvre humain de ton vivant."
Silke se sépara de Olrik, son loup, pour faire un pas en la direction du fantôme. Elle effectua une torsion du poignet droit, vers Cathleen, et la rouquine eut un sursaut, un mouvement de recul, alors qu'elle pensait que la Déesse allait faire quelque chose contre elle. Au lieu de cela, une longue hallebarde apparut entre ses doigts, sans bruit, seulement accompagné d'une vague de froid. La vierge guerrière s'arrêta à trois pas de Alerick, et le toisa de toute sa hauteur.
- Tu me menaces ? Toi, qui n'est rien ? Toi, qui pleure de ne pas avoir trouvé le chemin de l'au delà et qui prétend pouvoir me harceler ? Ta prière m'a interpelée parce qu'elle était étrange. Tu veux la mort ? Tu l'as déjà. Tu veux me harceler ? Je serai curieuse de voir cela. Prouve moi ta valeur. Donne moi une seule bonne raison de m'occuper de ton âme.
A ces mots, Cathleen paniqua. Pas pour elle, mais bien pour Alerick. Elle bondit sur ses pieds, et fit quelques pas, timidement. L'irlandaise hésita quelques secondes, avant de prendre la parole :
- Divine Dame... Je vous en supplie, ayez un peu de bonté pour Messire Alerick... Il n'aspire qu'au repos éternel... Et si vous pouvez l'aider, n'est-il pas de votre... Devoir, de déesse, de le guider ?
La Walkyrie toisa la rouquine du regard, l'intimidant encore plus. Cathleen aurait voulu ajouter quelque chose, mais elle en fut incapable. Les yeux d'un turquoise de glace de la déesse la clouait sur place. Avant qu'ils ne transpercent à nouveau Alerick.
- Je te propose un marché. Tu me prouves ta valeur - en tant que guerrier, ou en tant que mage, et je te guiderai jusqu'au Walhalla. Tu échoues, et j'emporte la magicienne.
Le sang de Cathleen se glaça, et elle fixa, terrifiée, Silke. Elle allait mourir ? Etre tuée par cette femme, ou pire, même : déchiquetée par ce loup géant ? Les jambes de la demoiselle se dérobèrent sous son poids et elle tomba au sol, à genoux.