Traduction: 18 secondes avant le coucher du soleil
- Pourquoi t'es revenue ici, gaijin ?
Hideki était une véritable ordure. C'était un gars pas très grand, pas très épais, cherchant à compenser son absence de muscle par divers accessoires à clous. Pourtant, il réussissait à inspirer une certaine peur chez les autres lycéens. Peut-être parce qu'il criait sur tous les toits qu'il faisait partie des Yakuza, aussi. Et sans doute aussi parce que sa bécane faisait un boucan d'enfer à chacune de ses arrivées – à défaut d'effrayer, ça impressionne – lorsqu'il ne daignait pas sécher les cours. Ce type se sentait supérieur en délaissant l'uniforme traditionnel de lycéen pour une tenue – miteuse – de motard. Puis il aimait provoquer autrui, les rabaisser et les humilier. Depuis sa première journée de cours, Adelheid en avait payé les frais, et elle savait pertinemment que ce mec n'était qu'un sombre connard.
- J'pensais que t'étais retournée chez toi, tu sais, dans ton pays où il fait froid... … … Tu vas me répondre ? … Hey, je te parle !
La scandinave était juste venue chercher des papiers à l'administration, papiers finalement inexistants – ce qui d'emblée l'emmerda beaucoup. Et bien sûr, il fallait qu'on vienne la faire chier.
- Lâche-moi, Hideki. Fit-elle en tentant de dissimuler son agacement en vain.
Frig pressa le pas, cherchant à le devancer. Hélas pour elle, Hideki ne semblait pas vouloir la laisser tranquille. Il s'arrêta brusquement et cria à son attention :
- Ouais, c'est ça, tire-toi ! Sale junkie !
Les yeux écarquillées, elle se retourna brusquement, un air grave au visage.
- … Pardon ? T'as dit quoi, là...?
- C'est plus un secret pour personne, sale droguée ! Tu sais ce qu'on dit sur toi... ? Que t'es une véritable accroc aux medocs !
- Ta gueule, tu dis des conneries !
Elle tourna les talons, rouge de honte et de colère puis elle pressa le pas. Mais en l'envoyant paître, elle se doutait bien que ça l'inciterait à revenir à la charge. Adelheid prit le chemin du parc, en espérant qu'il la lâche. Mais non. Il la rattrapa par de grandes enjambées pour revenir à sa hauteur. En la rattrapant par l'épaule, il la força à faire volte-face.
- Tu sais, les rumeurs, ça peut s'arrêter. Avec un peu d'argent. Hideki afficha un grand sourire, dévoilant à l'avance ses intentions. Ou avec un peu de bon temps...
- Je ne suis pas une pute... Cracha-t-elle en chassant la main allant se glisser dans son dos.
- Allé... je suis sûr que ça te tente. Puis c'est pas à 19h qu'il y a du monde, ici... Dit-il un peu moins fort, tout en commençant à se faire plus entreprenant.
Exaspérée comme jamais, Frig le poussa en arrière, avec le mince espoir que cela le dissuade d'aller plus loin.
- Dégage, Hideki ! J'ai bien trop d'honneur pour me rabaisser à ça !
- Mais bien sûr ! C'est pas ce qu'on m'a dit, à moi !
Le type louche sortit un simple couteau de sa poche. Une adolescente ordinaire aurait pris peur, bien évidemment. Adelheid se contenta de le regarder dans les yeux, l'air de dire « c'est tout ? ». Il commençait à l'agacer énormément... et si il n'hésitait pas à sortir les armes, elle pouvait donc en faire de même.
- Si tu fais pas ce que je te dis, j'te taille ! Grogna-t-il, cherchant à se montrer impressionnant nonobstant le fait que sa constitution physique ne fasse pas de lui le meilleur des roublards qui soient.
- Et si tu fais un pas de plus, je te ferais regretter de t'être approché de moi !
Hideki siffla. Cela lui paraissait totalement incongru que cette frêle jeune femme voulait s'opposer à lui ! Cette chose n'était même pas capable de lui faire mal, et encore moins de le toucher ! Il ricana, osant le pas qu'il n'aurait jamais dû franchir. Et il se souviendrait à jamais de ce qui allait suivre. Il avait froid, d'un coup. Il sentit un frisson lui remonter le long de la colonne vertébrale et il aurait juré que cette goutte de sueur suintant sur son front s'était glacée sur place. Le lycéen reconnaissait à peine la jeune femme devant lui, malgré ses traits familiers. Ses deux yeux argentés le fixaient, le paralysant sur place. Il lâcha son arme quand il remarqua celle qu'elle portait : une hache d'une taille non-négligeable produisant une légère lumière blanchâtre, aussi blanche que la peau de la jeune femme.
- C'est... c'est quoi ce bordel... ?!
- Ce bordel, c'est ce que tu viens de gagner en me provocant ! Rugit Freyja avec toute l'autorité qui lui était donnée.
Elle s'avança très lentement, toujours avec sa hache dans sa main droite. Oppressé par la peur et la crainte que lui inspirait cette femme, Hideki se laissa tomber à terre. Le japonais tremblait de peur et de froid, trop impressionné par la prestance naturelle de Freyja, solennelle et imposante ( malgré son mètre soixante ). C'est avec ses yeux rivé sur l'arme qu'il commença à implorer :
- Adelheid ! Je suis désolé ! C'est pas ce-
- Þögn ! Les excuses ne valent rien quand elles viennent de la bouche d'un porc dans ton genre !
Bien que le nippon continuait de bafouiller des excuses plus ou moins compréhensibles, Freyja se positionna au-dessus de lui et brandit son arme avec ses deux mains. La panique se fit de plus en plus sentir, jusqu'à ce qu'il pousse un dernier hurlement. Elle venait d'abattre son arme en plein dans son épaule gauche, explosant l'articulation et maculant son t-shirt de sang. Ses yeux bridés, écarquillés, fixèrent d'abord la blessure puis la scandinave. Celle-ci fronça les sourcils et porta sa main gauche au cou du l'homme pour le soulever à sa hauteur avec très peu d'efforts. Il gémit de plus belle, amenant sa main valide sur le poignet de la jeune femme pour tenter de faire desserrer son étreinte. Freyja resserra ses doigts autour de son cou fin, sans pour autant l'étrangler ; c'était certes douloureux mais de l'air pouvait encore rejoindre ses poumons. Néanmoins, son épiderme se fit des plus glacial, gelant peu à peu la peau de celui l'ayant importuné.
- Ça serait bête de mourir d’hypothermie un soir d'été, tu ne trouves pas ? Skítugan smá asni eins og þú ekki skilið betur !
L'intéressé ne répondit rien. Les larmes au coin de ses yeux ne pouvaient couler le long de son visage aux traits durs puisqu'elles gelaient par tant de froid. Hideki ne bougeait plus, mais il n'était pas encore mort.
Un bruit non loin d'eux résonna. Freyja lâcha sa victime qui vint s'étaler par terre tel un pantin. Elle tourna la tête à droite, à gauche, cherchant à trouver d'où venait ce son. Quelqu'un, sans doute... ils n'étaient pas seul, après tout... Si quelqu'un la voyait ainsi, elle était certaine qu'il lui arriverait de gros soucis. Prise de panique, elle jugea qu'elle en avait fait assez pour ce soir, surtout si elle pouvait se faire remarquer.
- Deyj... Cracha-t-elle, sa hache se dématérialisant et ses yeux reprenant leur noir habituel.
Ainsi Freyja redevint Frig, exténuée comme si elle venait de courir 500m à pleine vitesse. Elle regarda la scène autours d'elle : tout était devenu d'un blanc neigeux dans un périmètre de quelques mètres autours d'eux. Tout était gelé comme le pire des hivers... et pourtant, de l'autre côté du chemin sur lequel ils se trouvaient, tout était normal, comme à un mois de juillet tout à fait ordinaire. Frig culpabilisait. Elle savait que ce qui venait de se passer était dores et déjà de sa faute. La norvégienne ne s'était pas habillée de manière à ne pas attirer ce genre de racollage... elle portait une chemise blanche à manches courtes, un brin trop grande pour elle, ainsi qu'une mini-jupe noire peut-être un peu trop courte pour être qualifiée de « décente ». Ses longues jambes étaient couvertes de bas noirs déchirés allant sombrer dans une paire de doc martens à 20 trous. Et c'était tout.
La scandinave ne savait pas quoi faire. Elle était là, devant le corps mourant du japonais, immobile. * Et bordel... ça a recommencé... * fut sa première pensée. Frig ne savait pas se contrôler et quand elle avec une terrible envie de faire payer quelqu'un ou de se défendre, elle ne se retenait pas, même si sa "réaction" pouvait sembler éxagérée. De ses yeux d'obsidienne elle fixait toujours le corps, puis elle finit par tourner les talons, s'enfonçant un peu plus dans le parc. Elle espérait à tout prix que personne ne se trouve sur sa route...