La magie c'est classe!

C'était jour de marché, ce jour-là, à Nexus. Commerçant et citoyens s'affairaient comme ils le pouvaient, on vendait de tout, aliments, bibelots, armes, reliques, animaux, esclaves... Mais l'atmosphère était moins enjouée qu'avant. Les rires et les discutions anodines avaient disparu, laissant une ambiance pesante d'angoisse: c'était la révolution, et les civils craignaient les deux camps. Que ce soit un attentat des rebelles ou l'assaut des gardes, le citoyen lambda faisait ses emplettes et se magnait d'aller se terrer à l'abri chez lui. Les gens avaient peur. Ou était Kyô? Au bout d'une allée, en fait il passait le temps. Il s'amusait à faire mouvoir ses chaînes dans le vide pour faire des formes artistiques, tantôt une étoile, tantôt un motif qui n'avait pour sens que le fait d'être joli, il demandait parfois le nom des spectateurs pour les écrire, ou exécutait quelques acrobaties en les faisant danser autour de lui. Il avait décidé d'endosser ce rôle pour la simple raison que ça pouvait impressionner ces demoiselles. Pas de bol, ça amusait surtout les enfants et les vieux. Mais ce qui le dérangeait le plus, c'était ce couple de nobles, qui le regardaient avec un rictus moqueur, parce qu'ils étaient tout bien habillé et tout friqués. Il arrêta ses cabrioles et se raidit, faisant face à la foule:

"Et maintenant messieurs dames, un petit tour de prestidigitation!"

Il invita l'homme du couple à le rejoindre face à tous. L'homme qui avait sa fierté, refusa de perdre la face et joua le jeu, en se disant que si le tour tournait au ridicule, il pourrait toujours faire écarteler ce manant. Kyô lui demanda de joindre ses mains et ses pieds, et enchaîna le tout. Il se tourna vers la foule en faisant de grands gestes carrément bidon:

"Je vais faire disparaître ce seigneur. Et attention, sans boîte magique, sans draperie, ni fumigène, ou encore de trappe cachée!"

Tous, y compris le cobaye, restèrent dubitatifs. Comment ferait-il alors? Cette question trottait dans la tête de tous. Kyô se mit à deux mètres de son "assistant", fléchissant les jambes en faisant bouger ses bras de façon circulaire, histoire de faire monter le suspens. Chose qui marchait bien, vu que la plupart des spectateurs dansaient d'un pied à l'autre en se demandant ce qu'il allait faire. Et:

"Chazam!"

De ses deux mains ouvertes volèrent des sphères de mana noir, qui allèrent exploser sur le noble dans d'intenses détonations. Et effectivement, il avait disparu. Le fils d'Artémis leva les bras en l'air et se mit sur la pointe des pieds, comme le final d'un gymnaste:

"Ta daaaa!"

La foule détala à toutes jambes en hurlant que c'était un taré et qu'il fallait appeler la garde illico, et Kyô réalisa enfin que sa blague n'avait fait rire que lui. Il avait peut-être assassiné un sale con, mais il l'avait fait en place publique, et ça, c'était dérangeant. Les gardes commencèrent à investir le marché, et Kyô se mit à grommeler quelque chose de peu agréable sur les Mortels qui n'avaient pas le sens de l'humour. Il décolla et fila se cacher sur un toit pour bouder.

Magie... Un mot qui sonne agréablement à mes oreilles. Oui, magie... maléfices... Sorcellerie... Malédictions... Miaouw, c'est fou comme la sonorité est douce, délicate... Pleine de pouvoir... Ouh oui... Sorcière... Hahaha... C'est bien moi, en effet.

J'ouvre les yeux, alors que je somnolais, et esquisse un sourire... Winifred Sanders est libre. A nouveau. Winnie va chasser. Oh oui... Je me lève d'un bond et quitte cette taverne dans laquelle je me suis amusée la veille, pour errer dans cette ville étrange. Lorsque je franchis le pas de la porte, le propriétaire et les clients reprennent tous leurs esprits, se demandant ce qu'ils font dans des tenues de sado-maso ou de pute, de chienne ou de dominants, et surtout, pourquoi ils sont tous imbriqués intimement les uns dans les autres, parfois à l'aide de pieux naturels tels que les verges des hommes, parfois grâce à des phallus factices, en plastique, mais si gros... Et quelques instants après, la surprise étant passée, j'entends avec délice des cris d'horreur ou de douleur, de honte, etc... J'éclate d'un grand rire ravi, avant de marcher d'un pas guilleret dans les rues de... Nexus je crois. Apparemment, il y a un spectacle de magie sur la place publique... Oh. Etrange.. Je vais y jeter un coup d'oeil alors;.. Je suis d'ailleurs tout près.

Lorsque j'y arrive, c'est juste à temps pour voir un homme en faire disparaître un autre de manière spectaculaire. La foule hurle de terreur et part en courant, chacun allant chercher les autorités compétentes ou bien allant se mettre égoïstement à l'abris. Pour ma part, j'éclate de rire. Et j'applaudis. Je suis maintenant seule sur le lieu du "drame", le "magicien" ayant lui aussi disparut. Bah mince alors. Ha nan, je ne suis pas seule. Voilà les gardes. Ils m'encerclent, me croyant responsable. Lorsqu'il me pose la question, j'explose de rire.

- Je suis flattée que vous pensiez cela... Mais navrée de vous décevoir. Ce n'est pas mon genre de camoufler un crime comme cela... Non, moi, regardez... Funus Eris !

Trois des gardes s'effondrèrent, raide morts. M'inclinant, saluant les gardes, je levais la main et prononçais quelques mots. Ils se changèrent tous en escargots. Un éclat de rire plus tard, j'allais m'asseoir sur l'estrade, écrasant au passage quelques escargots.

- Hé ! Ho ! Le type à la chevelure noire ! Tu r'viens par là ? J'aimerais... Un autre tour...

Ma voix, sur les derniers mots, avait des accents charmeurs. Je souriais...

La vue était pas mal de là-haut, le ciel bleu, les oiseaux, les ptérodactyles qui mangeaient les oiseaux... Et cette grande colonne de fumée noire qui s'élevait depuis une des rues de Nexus, où visiblement la révolution prouvait qu'elle n'était pas qu'en décor de fond. Ces gens qui se battaient et s'entretuaient, ça aurait fait plaisir à Arès et Nii-chan. D'ailleurs, Kyô n'entendait plus les gardes qui le poursuivaient, il lui semblait avoir entendu une voix féminine, mais...

"Hé ! Ho ! Le type à la chevelure noire ! Tu r'viens par là ? J'aimerais... Un autre tour..."

Il se déplaça vers le bord de la maison où il était perché, pour voir de qui il s'agissait, et constata que les gardes, à part trois cadavres, avaient laissé place à des escargots en piteux état. La place avait été désertée des marchands, des passants et même des esclaves sur les estrades. La femme qui l'avait interpellé était plutôt canon, une bien belle brune avec un regard pénétrant et des yeux de feu. Sa tenue et ses cheveux sombres lui donnaient un aspect ténébreux tout à fait exquis. C'est donc lorsque son masque dévoila son air enjoué qu'il sauta au bas du bâtiment et fit une révérence des plus distinguées à la jeune femme.

"Très joli travail, j'en aurais pas fait autant!"

Détruire les gardes était un jeu d'enfants à vrai dire, il l'aurait fait avec un seul doigt. Le soucis, c'était les passants qui courraient et les risques de dommages collatéraux, malheureusement fort habituels.Le Dieu fut surpris de voir la quantité et la puissance du mana de la femme. Elle semblait le puiser dans son entourage, aussi fit-il en sorte de contenir sa propre énergie. Il ne s'agirait pas que cette demoiselle puise dans sa divine énergie quand même, ce serait comme si un Vampire avait osé boire son sang si sacré. Enfin, ce dont Kyô était sûr, c'est qu'elle était douée. Et sexy.

"En réalité, les tours de passe-passe, c'est pas vraiment mon rayon. Or je suis navré, mais mes tours se font assez nocifs pour mon entourage, en général."

Il valait mieux éclaircir ce point, mais il marqua un temps pour se donner un air mystérieux. La nouvelle qu'un Dieu avait exécuté un noble sur la place publique causerait des problèmes entre les Mortels et l'Olympe, ce qui en soit serait assez hilarant. Le problème, c'est que si tous les vieux lui tombaient sur le coin de la figure d'un coup, il allait morfler. Et donc, par expérience, il savait qu'il ne pouvait pas distancer les foudres de Zeus, même en volant. Il s'inclina de façon moins solennelle que la première fois, et improvisa:

"Je m'appelle Silver, Silver Glory, je suis mage noir débutant, bretteur, et accessoirement, un criminel."

Il soutint son regard de ses yeux rubis, et dégagea une mèche de ses cheveux vers l'arrière de son épaule de sa main qui flamboyait de mana. Il lui fit son grand sourire du "type qui est content de voir une jolie Mortelle", sourire qu'il n'avait malheureusement pas eu l'occasion de sortir depuis une bonne dizaine de jours. Ce qui explique peut-être pourquoi il s'était retrouvé à jouer les saltimbanques dans la rue, c'était pas habituel, tout ça.

En levant les yeux, j'aperçois un homme qui saute à terre. Un sourire orne mes lèvres tandis que je l'écoute. Je le dévisage en même temps, je l'évalue. Jolie chevelure brune, joli visage lorsqu'il le dévoile. Hum. Agréable corps on dirait. Et magicien en plus. Assez puissant je dirais. Presque autant que moi. C'est étonnant d'ailleurs. Jamais je n'avais senti une puissance égale à la mienne. Je crois que si je mène mon projet à bien, ça va beaucoup me plaire. Je m'incline à mon tour, prenant un air faussement modeste. Air que je vire vite fait d'ailleurs, pas la peine de s'encombrer de faux-semblants. Nous sommes assez grands pour affirmer ce que nous sommes, non ? Alors allons-y. Roule ma poule !

- Et bien, ravie de vous rencontrer Silver Glory, aux tours nocifs. Je suis Winifred Sanders. Mais appelez-moi Winnie si ça vous chante.

Je redresse les épaules, la tête, et plonge mon regard dans le sien en lui faisant signe de s'asseoir près de moi. Puis, un grand sourire ourlant mes lèvres, je murmure quelques mots et voilà que les escargots redeviennent des gardes, avant de soudainement s'enflammer et de tomber en cendre. Je souffle doucement, et une rafale emporte les cendres chaude bien loin de nous.

- Est-ce nocifs de ce genre-là ? Ou nocifs pour tout le monde ?

Un petit rire secoue mes épaules alors que je replie une jambe contre mon buste afin de poser le pied sur l'estrade, laissant l'autre pendre dans le vide.

- Êtes-vous originaire de cette étrange -mais fascinante- contrée ?

Décidément, cette femme était très intéressante. Ses capacités magiques ne s'arrêtaient pas au simple fait d'en disposer en grande quantité, et elle venait de le prouver. A vrai dire, elle lui rappelait Hadès, quelques mots et elle métamorphosait et tuait en l'espace d'un instant. A la différence que le Dieu des Morts n'avait rien à prononcer, et pouvait tuer quelqu'un situé à l'autre bout de la planète. Mais l'idée était là, à vrai dire le potentiel magique de cette femme donnait à Kyô l'impression d'être vraiment Silver Glory, mage noir débutant. Un grognement lui échappa, il sentit un paquet d'aura: un joli petit régiment de soldats arrivaient encore. Il contourna Winnie en déclarant:

"Je suis né et ait grandi dans les montagnes, auprès de ma connasse de mère et de mes imbéciles de frères et sœurs. Alors je passais le temps avec mon oncle et mon grand-oncle..."

Bon, pour le coup, il était sincère, tant que l'enchanteresse ne lui demanderait pas impunément comment se nommaient toute cette jolie famille, pas besoin de mentir. Il émit une profonde expiration pour se vider les poumons, et le mana qui s'agitait sur son bras se mirent à croître. Ils arrivaient. Les gardes, furent en vue dans la rue d'en face, en rang serrés comme des soldats disciplinés qu'ils étaient. Ou comme des cons.
Le Dieu se mit de profil et fléchit légèrement les jambes, sans les lâcher des yeux un seul instant. La Burning Rain se concentrait entre ses mains, puissante, dangereuse. Pour son amour-propre, il était hors de question de perdre la face devant le pouvoir de cette femme: sa nature en tant que Dieu serait aussi inavouable que honteuse, bref, il aurait l'air idiot.

"Mes pouvoirs sont nocifs... Comme ça..."

Il relâcha le flot de mana noir contenu entre ses deux mains. Un grondement se fit entendre, la Dark River se déversa devant lui en détruisant tout sur son passage. Il s'épousseta les mains et se redressa, attendant que la fumée se dissipe pour constater les dégâts: La rue était devenue une large avenue accidentée sur plusieurs centaines de mètres, bordée par des bâtisses endommagées ou à demi détruites. Là, plus de garde, plus rien de vivant. Il ne restait même pas une trace de leurs armures ou de leurs armes. Il mit ses deux mains derrière sa tête et se retourna, tout souriant:

"Voyez? Mon éventail de sorts n'est pas très varié, mais j'ai de bons résultats!"

Il jeta un dernier regard par-dessus son épaule, pour voir une dernière fois les dommages qu'il avait fait. Des innocents étaient sûrement morts sans même comprendre comment, et Kyô marmonna d'un ton las quelque chose comme "J'vais encore me faire engueuler...". Puis il sourit, tout fier d'avoir foutu son bordel, et espérant avoir été assez impressionnant. Une Dark River à 1/4 de la puissance max, on voit quand même pas ça tout les jours. Toujours avec cette expression rieuse en travers du visage, il prit les deux mains de la sorcière entre les siennes:

"Mademoiselle Sanders! Vous saurez m'apprendre des tours rigolos, comme le coup de la combustion spontanée?"

Il avait le regard implorant du petit garçon qui demande une sucette. Venant de la part d'un bretteur qui vient de raser une partie de la ville, c'était assez risible certes, mais pas involontaire. Son visage faussement innocent vira à la moue boudeuse en une fraction de seconde:

"Mon grand-oncle sait le faire aussi, mais il veut pas me l'apprendre. Il n'arrête pas de me dire "on verra ça quand tu seras capable d'encastrer tonton dans le mur", il est méchant!"

Ça lui faisait bizarre d'utiliser ces termes, il s'était habitué à nommer Hadès "Nii-chan", et ce dernier s'amusait à chaque fois qu'il joignait les mots "Arès" "encastrer" et "mur" quand il parlait à Kyô, car il était habituel pour le fils d'Artémis d'en traverser plusieurs lors de ses confrontations avec le Dieu de la Guerre.